Statue de San Juan de Ávila
à la paroisse de Nuestra
Señora de la Asunción de Almodóvar del Campo
(Ciudad Real)
MESSE
AVEC LES SÉMINARISTES
HOMÉLIE
DU PAPE BENOÎT XVI
Cathédrale Sainte Marie la Royale de la Almudena de Madrid
Samedi 20 août 2011
Monsieur
le Cardinal Archevêque de Madrid,
Vénérés frères dans l’Épiscopat,
Chers prêtres et religieux,
Chers recteurs et formateurs,
Chers séminaristes,
Chers amis,
C’est
avec une joie profonde que je célèbre la sainte Messe en votre présence, vous
qui aspirez à être prêtres du Christ pour le service de l’Église et des hommes,
et je reçois avec reconnaissance les aimables paroles par lesquelles vous
m’avez accueilli. Cette sainte cathédrale Sainte Marie la Royale de la Almudena
est aujourd’hui comme un immense cénacle où le Seigneur célèbre sa Pâque avec
un ardent désir, en compagnie de ceux qui désirent présider un jour en son nom
les mystères du salut. À dire vrai, je constate une nouvelle fois que le Christ
appelle à Lui de jeunes disciples pour qu’ils soient ses apôtres, en
poursuivant ainsi la mission de l’Église et le don de l’Évangile au monde.
Comme séminaristes, vous êtes en chemin vers un but saint : prolonger la
mission que le Christ a reçue du Père. Appelés par Lui, vous avez suivi sa voix
et, attirés par son regard d’amour, vous avancez vers le ministère sacré. Levez
les yeux vers Lui : par son Incarnation, il donne la révélation ultime de Dieu
au monde et, par sa Résurrection, il accomplit fidèlement sa promesse. Rendez
grâce pour ce signe de prédilection qui marque chacun d’entre vous.
La
première lecture que nous avons écoutée nous montre le Christ comme le prêtre
nouveau et définitif, qui fit de sa vie une offrande totale. L’antienne du
psaume peut s’appliquer à Lui à la perfection, car, entrant dans le monde, il
s’adresse à son Père et lui dit : « Je suis venu ici pour faire ta volonté »
(cf. Ps 39 [40], 8-9). Il cherchait à Lui plaire en toutes choses, dans
ses paroles et ses actions, quand il marchait sur les chemins et accueillait
les pécheurs. Sa vie fut un service et sa mort une intercession définitive, qui
le plaça au nom de tous devant le Père comme Premier-né d’un grand nombre de
frères. L’auteur de la Lettre aux Hébreux affirme que, par son abandon à
Dieu, il nous rendit parfait pour toujours, nous qui étions appelés à avoir
part à sa filiation (cf. He 10, 14).
L’Eucharistie,
dont l’évangile qui vient d’être proclamé nous rapporte l’institution (cf. Lc
22, 14-20), est l’expression véritable de ce don inconditionnel de Jésus pour
tous, même pour ceux qui le trahissaient. Don de son corps et de son sang pour
la vie des hommes et le pardon de leurs péchés. Le sang, signe de la vie, nous
fut donné par Dieu comme une alliance, afin que nous puissions communiquer la
force de sa vie, là où règne la mort à cause de notre péché, et ainsi le
détruire. Le corps lacéré et le sang versé du Christ, c’est-à-dire sa liberté
offerte, sont devenus, par les signes eucharistiques, la nouvelle source de la
liberté rachetée des hommes. En Lui, nous avons la promesse d’une rédemption
définitive et la ferme espérance des biens à venir. Par le Christ, nous savons
que nous ne sommes pas en train de marcher vers l’abîme, vers le silence du
néant ou de la mort, mais que nous allons jusqu’à une terre promise, jusqu’à
Celui qui est notre but en même temps que notre principe.
Chers
amis, vous vous préparez à être apôtres avec le Christ et comme le Christ, à
être compagnons de route et serviteurs des hommes.
Comment
vivre ces années de préparation ? Avant tout, elles doivent être des années de
silence intérieur, de prière permanente, d’étude constante et d’insertion
progressive dans les actions et les structures pastorales de l’Église, une
Église qui est communauté et institution, famille et mission, création du
Christ par son Esprit saint, en même temps que résultat de notre action, à nous
qui la formons avec notre sainteté et nos péchés. C’est ce que Dieu a aimé, Lui
qui n’a pas hésité à faire des pauvres et des pécheurs ses amis et ses
instruments pour la rédemption du genre humain. La sainteté de l’Église est
avant tout la sainteté objective de la personne même du Christ, de son Évangile
et de ses sacrements, la sainteté de la force d’en-haut qui l’anime et la
stimule. Nous devons être saints pour éviter la contradiction entre le signe
que nous sommes et la réalité que nous voulons signifier.
Méditez
bien ce mystère de l’Église, en vivant les années de votre formation avec une
profonde joie, en vous montrant dociles, lucides et radicalement fidèles à
l’Évangile, tout en ayant une relation d’amour avec le temps et les personnes
au milieu desquelles vous vivez. Personne ne choisit le contexte ou les
destinataires de sa mission. Chaque époque a ses problèmes, mais Dieu donne en
tout temps la grâce voulue pour les assumer et les dépasser avec amour et
réalisme. C’est pourquoi, en quelque situation qu’il soit, aussi difficile
soit-elle, le prêtre doit donner du fruit par toute sorte d’œuvres bonnes,
gardant à jamais vivantes en son cœur les paroles du jour de son Ordination,
par lesquelles il était exhorté à configurer sa vie au mystère de la croix du
Seigneur.
Se
laisser configurer au Christ signifie, chers séminaristes, être identifié chaque
fois davantage à Celui qui s’est fait pour nous serviteur, prêtre et victime.
Se laisser configurer à Lui, c’est, en réalité, la mission du prêtre tout au
long de sa vie. Nous savons déjà qu’elle nous dépasse et que nous ne
parviendrons jamais à l’accomplir entièrement, mais, comme le dit saint Paul,
nous courons vers le but que nous espérons atteindre (cf. Ph 3, 12-14).
Mais le
Christ, Souverain Prêtre, est aussi le Bon Pasteur qui veille sur ses brebis au
point de donner sa vie pour elles (cf. Jn 10, 11). Pour imiter le
Seigneur sur ce point aussi, votre cœur doit devenir mature au Séminaire, en
étant totalement à la disposition du Maître. Cette disponibilité, qui est un
don de l’Esprit Saint, inspire la décision de vivre le célibat pour le Royaume
des cieux, le détachement des biens de la terre, la sobriété de la vie,
l’obéissance sincère et sans dissimulation.
Demandez-lui
donc de vous accorder de L’imiter dans sa charité pour tous jusqu’au bout, sans
repousser ceux qui sont loin et pécheurs, de sorte que, avec votre aide, ils se
convertissent et reviennent au bon chemin. Demandez-lui de vous apprendre à
être très proches des malades et des pauvres, avec simplicité et générosité.
Relevez ce défi sans complexe ni médiocrité, mais bien comme une belle forme de
réalisation de la vie humaine dans la gratuité et le service, en étant témoins
de Dieu fait homme, messagers de la très haute dignité de la personne humaine
et, par conséquent, ses défenseurs inconditionnels. Appuyés sur son amour, ne
vous laissez pas intimider par un environnement qui prétend exclure Dieu et
dans lequel le pouvoir, l’avoir ou le plaire à peu de frais sont les critères
principaux qui dirigent l’existence. Il peut se faire que vous soyez méprisés,
comme il arrive d’ordinaire à ceux qui recherchent des buts plus élevés ou
démasquent les idoles devant lesquelles nombreux sont aujourd’hui ceux qui se
prosternent. C’est alors qu’une vie profondément enracinée dans le Christ se
montrera réellement comme une nouveauté et attirera avec force ceux qui
cherchent vraiment Dieu, la vérité et la justice.
Encouragés
par vos formateurs, ouvrez votre âme à la lumière du Seigneur pour voir si ce
chemin, qui demande du courage et de l’authenticité, est le vôtre, et n’avancez
jusqu’au sacerdoce que si vous êtes fermement persuadés que Dieu vous appelle à
être ses ministres et pleinement décidés à exercer ce ministère dans
l’obéissance aux dispositions de l’Église.
Avec
cette confiance, apprenez de Lui qu’il s’est défini lui-même comme doux et
humble de cœur, en vous dépouillant pour cela de tout désir humain, de manière
à ne pas vous rechercher vous-mêmes, en édifiant vos frères par votre
comportement, comme le fit le saint patron du clergé séculier espagnol, saint
Jean d’Avila. Animés par son exemple, regardez surtout la Vierge Marie, Mère
des prêtres. Elle saura former votre âme sur le modèle du Christ, son divin
Fils, et elle vous enseignera toujours à garder les biens qu’Il a acquis sur le
Calvaire pour le salut du monde. Amen.
PAROLES
DU SAINT-PÈRE
Déclaration de Saint Jean d’Avila, prêtre,
Docteur de l’Église universelle
Chers
frères,
Avec
grande joie, en cette sainte église cathédrale de Sainte Marie la Royale de la
Almuneda, je voudrais annoncer maintenant au Peuple de Dieu que, accueillant
les demandes du Président de la Conférence épiscopale espagnole, Son Éminence
le Cardinal Antonio Maria Rouco Varela, Archevêque de Madrid, des autres Frères
dans l’Épiscopat d’Espagne, comme aussi d’un grand nombre d’Archevêques et
d’Évêques des autres parties du monde, et de nombreux fidèles, je déclarerai
prochainement saint Jean d’Avila, prêtre, Docteur de l’Église universelle.
En
rendant publique ici cette nouvelle, je souhaite que la parole et l’exemple de
cet éminent pasteur illuminent les prêtres et ceux qui se préparent avec joie
et espérance à recevoir un jour l’Ordination sacrée.
Je vous invite
tous à tourner votre regard vers lui, et je recommande à son intercession les
Évêques d’Espagne et du monde entier, comme aussi les prêtres et les
séminaristes, pour que, en persévérant dans la même foi dont il fut un maître,
ils modèlent leur cœur selon les sentiments de Jésus Christ, le Bon Pasteur, à
qui soit rendus gloire et honneur dans les siècles des siècles. Amen.
© Copyright 2011 - Libreria Editrice Vaticana
Pourquoi l’Église proclame-t-elle des saints Docteurs de
l’Église ?
Benoît XVI a proclamé dimanche
7 octobre sainte Hildegarde de Bingen (1098-1179) et Saint Jean
d’Avila (1499/1500-1569) Docteurs de l’Église. Ces derniers sont désormais au
nombre de 35. Le P. François-Marie Léthel, carme Déchaux et consulteur
pour les Causes des saints, explique le sens de cette décision.
Les Docteurs de l’Église ne sont pas des supersaints. D’ailleurs,
Saint François d’Assise en est sans doute un – il continue d’influencer
l’Église et le peuple de Dieu et il est aimé bien au-delà de l’Église – mais il
n’est pas Docteur de l’Église.
Les Docteurs de l’Église sont des saints qui ont laissé des écrits
nombreux, dans lesquels ils ont développé une doctrine éminente qui apporte
quelque chose de nouveau sur la foi, qui touche de nombreux chrétiens. Leur
nombre est donc limité.
Tous les chrétiens appelés à la sainteté
En appelant tous les chrétiens à la sainteté quel que soit leur état de
vie, Vatican II a marqué un tournant. De nouvelles figures ont pu être
proposées. Après le Concile, Paul VI a ainsi proclamé pour la première
fois deux femmes docteurs de l’Église : jusque-là, seuls ceux qui avaient
un savoir théologique étaient considérés comme des connaisseurs de Dieu.
Après le Concile, l’Église a reconnu que là où il y a sainteté, il y a
connaissance de Dieu. Sainte Catherine de Sienne était certes illettrée, mais
elle avait quelque chose à dire de Dieu, et elle le disait admirablement.
Thérèse d’Avila n’était pas une intellectuelle, mais elle
écrivait beaucoup à partir de son expérience. En les proclamant Docteurs de
l’Église, Paul VI a intégré la science amoureuse dans la théologie,
menacée d’être réduite à une science intellectuelle. Jean-Paul II puis
Benoît XVI se sont inscrits dans ce mouvement.
La tête et le cœur
L’enseignement des Docteurs de l’Église peut prendre des modalités
différentes, Jean-Paul II l’explique très bien dans sa lettre apostolique
Novo Millennio ineunte (6 janvier 2001) : « Conjointement à la
recherche théologique, écrit-il, une aide sérieuse peut nous venir du grand patrimoine
qu’est la ‘théologie vécue’des saints ».
Parmi eux, certains comme saint Anselme ou saint Thomas d’Aquin sont ainsi
plus intellectuels, d’autres plus spirituels, comme Thérèse de Lisieux qui,
disait Jean-Paul II, était « experte en science d’Amour ».
En 2011, j’ai été invité à prêcher la retraite de Carême à
Benoît XVI. J’ai repris l’image de la ronde des saints dans le Jugement
dernier de Fra Angelico et montré la petite Thérèse donnant la main à saint
Anselme et à saint Thomas d’Aquin. « La science de la foi et la science de
l’amour se complètent, la grande raison et le grand amour vont ensemble, le
grand amour va plus loin que la raison seule », m’avait dit
Benoît XVI à l’issue de la retraite.
La proclamation de deux nouveaux docteurs de l’Église est l’occasion de
découvrir deux belles figures : saint Jean d’Avila, un des grands saints
espagnols, témoigne d’une belle spiritualité sacerdotale, sainte Hildegarde,
moniale bénédictine, fut une grande mystique allemande de Moyen Âge. Ces
commentateurs de l’Évangile avaient une connaissance profonde de la personne de
Jésus et
du cœur de l’homme. »
Propos
recueillis par MARTINE de SAUTO
SOURCE : http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Pourquoi-l-Eglise-proclame-t-elle-des-saints-Docteurs-de-l-Eglise-_NG_-2012-10-07-861871
BIENHEUREUX
JEAN D'AVILA
SERMONS SUR LE SAINT-ESPRIT.
27. Dans l'attente de l'Hôte divin.
dimanche de l'octave de l'ascension.
dans
un couvent de religieuses.
(Ed.
1596, II, ff. I-24).
Exorde : Cette semaine est une Semaine sainte.
Pour
ce sermon que je dois faire, il n'y aura pour moi d'autre thème que de nous
préparer à devenir la demeure du Saint-Esprit, de lui demander avec beaucoup
d'énergie de bien vouloir descendre en nous et de le lui demander avec
obstination. Et nous ferons beaucoup si nous nous préparons, comme la raison
nous le demande, à recevoir un tel Hôte.
Vous
devez savoir, mes frères, que, si, pour l'histoire, la venue de Dieu sur la
terre est terminée, la vertu de ses souffrances ne l'est pas.
Croyez-vous
que ce serait bon pour nous si la vertu des souffrances de Jésus-Christ s'était
éteinte avec ses souffrances mêmes ? Qu'en serait-il de nous si, après plus de
mille ans, elle ne durait point? Elle durera toujours jusqu'à la fin du monde.
Au sujet de la fête du Saint-Esprit, tu dois reconnaître, que malgré tant
d'années passées, le Saint-Esprit produira aujourd'hui le même effet dans ton
âme qu'au temps des apôtres; vois si tu le désires. Oh! qui n'aurait vu Notre
Seigneur Jésus-Christ sans lui demander de grâces quand il souffrait en ce
monde pour nous!
Si,
quand il était en ce monde, tu étais tombé à ses pieds et si tu tiens pour
certain qu'il ne t'aurait pas refusé en raison de sa pitié, de son infinie
charité, les grâces demandées - toi mon frère, tu crois bien cela ? - crois
aussi qu'aujourd'hui encore il est disposé à t'accorder, d'aussi bon gré, les
grâces, étant au ciel, que lors de sa présence parmi nous.
Si tu
te prépares en ce moment pour que le Saint-Esprit descende en toi, fais le
nécessaire et de sa part je te dis qu'il viendra dans ton âme apporter sa grâce
comme le jour où il apparut aux apôtres durant sa vie dans le monde. Oh ! quel
temps, celui qui s'écoule de ce jour jusqu'à cette si sainte Pâque ! C'est une
Semaine sainte (En espagnol, comme en français d'ailleurs, mais plus nettement
encore, le mot Pâque au singulier
surtout, signifie toute grande solennité de la vie du Christ. Ici c'est de la
Pâque du Saint-Esprit (Pâque des rosés disons-nous) qu'il s'agit.) : l'Avent de l'Esprit-Saint.
Cette
période sainte rappelle le moment où les apôtres, après l'Ascension de
Notre-Seigneur au ciel, attendaient la promesse qu'il leur avait faite en leur
disant : Moi je m'en vais, mais je vous enverrai le Saint-Esprit qui
vous consolera; je vous enverrai
le Consolateur pour qu'il vous console de la douleur que vous avez de mon
départ.
Comme
ils avaient entendu cette parole, ils attendaient ce qui allait se passer, les
yeux levés vers le ciel.
Ils
disaient : " Notre Maître nous a dit qu'il nous enverrait un Consolateur
qui nous ferait oublier notre amour pour lui. "
Les
apôtres aimaient extrêmement notre Seigneur et Rédempteur : II était le
Consolateur de leurs tristesses, le Père dans le besoin, le Maître dans leur
ignorance; ils le considéraient comme un miroir dans lequel ils se regardaient
: ils étaient tous subjugués par leur Maître et faits à son image. "
Doit-il en venir un autre qui sera si grand, si puissant, si sage, si bon qu'il
nous fera oublier notre Maître ? Qui sera-t-il ?"
Ils
élevaient leurs pensées vers le ciel, poussaient des cris et disaient : "
Seigneur, nous vous désirons et nous ne vous connaissons pas; nous voudrions
que vous veniez et nous ne savons pas qui vous êtes. Par votre miséricorde,
veuillez venir consoler nos coeurs; venez Seigneur, car, en attendant votre venue nous sommes dans
l'affliction. "
Tels
étaient les saints apôtres du Seigneur en cette époque sainte; et, mes frères,
la raison nous commande d'être comme eux parce que nous ne formons qu'un avec
eux, nous formons une seule Eglise et une union en Jésus-Christ. Tous ceux qui
servent Jésus-Christ, tous ceux qui sont à son service, ne font qu'un, l'Eglise
de Dieu et la congrégation des chrétiens. Dieu parle à son Eglise et dit : Tu es mon amie, tu es ma colombe. (Cant. 6, 8. La traduction de Crampon dit : " Une
seule est ma colombe, mon immaculée ")
II est
donc raisonnable qu'en cette période sainte, nous préparions, nous désirions,
avec les saints apôtres, la venue du Saint-Esprit. Que nos coeurs s'élèvent
vers le ciel; demandons avec nos larmes :Consolateur de mon âme, viens,
console la! et durant toute
cette période ne faisons rien d'autre que de désirer la venue du Saint-Esprit
dans nos âmes.
Dispositions pour recevoir le Saint-Esprit.
Pour
que le Saint-Esprit descende dans nos âmes, la première condition est
d'avoir un très grand regret de son absence et d'avoir foi en sa puissance. Il
suffit à consoler une âme affligée, à enrichir celle qui est pauvre, à
réchauffer celle qui est tiède, à fortifier celle qui est faible, à enflammer
d'une dévotion très ardente celle qui n'est pas dévote. Quel est le moyen pour
faire venir le Saint-Esprit ? Avoir un extrême regret de son absence. Et c'est
ainsi qu'en parlant du Saint-Esprit on dit : le pouvoir de Dieu est très grand et il n'est honoré que
par les humbles.
La seconde condition pour
que le Saint-Esprit veuille bien venir dans nos coeurs, pour qu'il ne nous
rejette pas et ne nous tienne pas en peu d'estime, est de brûler d'un grand
désir de le recevoir, de l'avoir pour invité et d'en avoir un très grand souci,
un très ferme et anxieux désir : " Oh ! si le Saint-Esprit venait ! Oh si
ce Consolateur venait visiter et consoler mon âme !"
Sachez,
mes frères, que les nécessités de la chair sont un très grand obstacle à ce
souci. Sur ce point les religieux ont sur nous un avantage; qu'ils soient dans
le choeur, au réfectoire, dans la solitude, ils sont partout au service de
Dieu, travaillant pour leur âme, louant Jésus-Christ à tout moment, lui rendant
grâce. S'ils mangent ce n'est que pour louer Dieu, s'ils boivent, il en est de
même, et il en est ainsi dans toutes leurs opérations humaines. (On saisit ici
tout ce qui sépare la pensée d'Avila du " Monachatus non est pietas "
d'Erasme)
Les
gens mariés ont certainement une trop grande confiance en eux. La femme qui se
marie pense dès le lever du jour qu'il suffit de prendre sa mante, venir au
sermon et choisir une bonne place dans l'église; son mari arrive pour manger et
il ne trouve point le repas prêt; il s'emporte et offense Dieu. Il aurait mieux
valu, ma soeur, qu'avant de venir vous laissiez la maison en ordre et une fois
tout en place veniez au sermon; même si tu dois arriver en retard, il n'est pas
nécessaire de tant te presser, car un mot entendu par hasard te profitera plus
que tout le sermon, et malgré tout tu peux accomplir ton devoir; si tu ne peux pas
venir, mieux vaut faire ce que Dieu t'ordonne, puisque tu t'es mariée. (Le
réalisme, plein de santé, d'Avila ne nous échappera pas)
Je ne
le disais pas pour cela, mais parce que ceux qui se marient ont beaucoup
d'audace, en se contraignant à de grandes obligations : pourvoir aux besoins de
la maison, à l'existence des enfants, s'efforcer de les rendre vertueux; la
femme doit les élever et leur donner de bonnes habitudes. Cela est bien peu; et
le souci de l'âme, le souci d'accomplir le service de Dieu ? On peut tout
faire; mais les obligations terrestres sont prenantes et il est difficile de
s'en détacher. Voilà pourquoi on considère comme malaisé que l'homme marié,
assailli de tant de soucis, puisse prendre soin de son âme comme il le doit.
Prends garde, mon frère, à ta façon de vivre; toi, mari, à ne pas en
venir à aimer ta femme à un tel point que, pour lui offrir des cadeaux, tu en
arrives à offenser Dieu comme Adam : " J'aime beaucoup ma femme, je dois
lui donner un bijou, je sais que je ne dois pas le faire, mais je le lui
donnerai quand même ."
Et
toi, femme, n'en viens pas à aimer ton mari à un tel point que tu oublies Dieu
pour lui et à cause de l'amour que tu lui portes, négliges de faire ce qui
convient à ton âme et ce que Dieu ordonne.
Oh !
combien celui qui se marie devrait, avant le mariage, s'être appliqué à suivre
la religion; combien l'homme devrait être saint, et la femme sainte ! Avant de
s'unir ils devraient avoir passé de nombreuses années au service de Dieu;
savoir être chastes, humbles, patients, miséricordieux, savoir garder les
commandements de Notre-Seigneur et ne se marier qu'après, afin que, si, plus
tard, ils ont beaucoup de soucis, s'ils ont de multiples obstacles, d'un coup
d'-il, d'un retour dans leur conscience sur leurs habitudes premières, tout
soit apaisé et calmé.
Comme
le domestique si bien stylé, si soumis (a phrase du centurion : " Va et il
va ", " Viens et il vient " (Mat. 8. 5-13; Luc 8 1-10) est
certainement ici dans la pensée d'Avila), qui au seul regard de son maître, et
sans plus, reprend l'attitude imposée pour le servir. Mais l'homme marié ne
comprend pas le mariage et la femme mariée encore moins; ils s'unissent et tous
deux le traînent dans la boue. Vous devez beaucoup vous instruire.
-
Comment pourrai-je, Père, mener à bien les deux, mon foyer et Dieu ?
-
C'est très difficile. Saint Paul dit : Celui qui a une
femme, celui qui est marié, est très angoissé et affairé pour savoir comment lui faire plaisir et la
contenter, il est très soucieux pour cela des choses de ce monde et se trouve
partagé entre les deux. Mais la femme qui ne veut pas se marier et la jeune
fille pensent aux choses spirituelles, pour être saintes de corps et d'esprit.
Il ne viendra pas si tu ne le désires pas.
Mesdames,
employons cette fête à chercher comment plaire à Notre-Seigneur. De même que
les jeunes mariées ont grand soin de leur coiffure et de leur toilette,
emportent avec elles une glace au cas où elles auraient quelque chose de mal
arrangé, de même les mères, les religieuses et les novices doivent avoir grand
soin de ne rien présenter de déshonnête, elles doivent se regarder en
Jésus-Christ, se voyant comme dans un miroir, n'avoir aucune tache sur le
visage, n'avoir aucun péché dans l'âme, aucune impureté, afin que leur Epoux ne
les rejette pas.
Mes
frères, soyez pleins d'attention et soucieux du service de Jésus-Christ, et
soyez dans l'attente du Saint-Esprit, ne vous occupant pas des choses abjectes
et viles d'ici-bas. Le Saint-Esprit est très susceptible pour nous consoler, un
rien l'en empêche, et il ne compatit pas aux choses de ce monde. " La
consolation divine est susceptible et très subtile, dit saint Bernard, ceux qui
admettent des consolations humaines ne la reçoivent pas. " Toute âme se
détachera des consolations humaines si elle veut que le Saint-Esprit la console
et posséder toujours en elle la consolation du Saint-Esprit; en effet, comme
nous le disions, le Saint-Esprit veut qu'on le désire très fortement. Ecoutez
donc : si un homme refuse d'aller chez un autre, sans y être désiré, que fera
alors le Saint-Esprit qui, lui, veut être ardemment désiré par l'homme qui le
souhaite et veut aussi se laisser désirer ?
Oh !
combien fut désiré notre Rédempteur avant sa venue au monde ! Adam le désira,
Noé le désira, Abraham, Isaac, Jacob le désirèrent; les prophètes et les
patriarches, tous souhaitèrent sa venue : Versez du haut des deux, une abondante ondée et que les
nuages se résolvent en pluie; que la terre s'ouvre et enfante le Sauveur !
Le
prophète Aggée disait : D'ici peu, dit le
Dieu des armées, je bouleverserai le ciel, la mer, et la terre, je
bouleverserai tout, alors viendra le Désiré de tout le monde, et l'ange du
Testament que vous voulez.
Jésus-Christ
fut extrêmement désiré. Plût au ciel, Seigneur, que fendant les
nues vous descendiez sur la terre! Jésus-Christ fut
très désiré, extrêmement désiré, et le Saint-Esprit veut l'être de la même
façon. Il convient parfaitement qu'il soit bien désiré avant son arrivée; une
nourriture bonne par elle-même, est mal venue chez celui qui n'a pas faim. On
tue une poule ou une perdrix, qui semblent appétissantes. Le malade à qui on
les donne dit : " Otez-les moi, car j'ai perdu le goût et l'appétit, cela
ne me plaît point." Très mauvais signe; vous n'avez pas envie de manger ? C'est
un signe de mort.
L'Esprit-Saint
ne viendra pas à toi, si tu n'as pas faim de lui, si tu ne le désires pas. Les
désirs de Dieu, que tu as, sont des indices que Dieu va élire domicile en toi
et si tu le désires, c'est le signe qu'il viendra bientôt en toi. Ne te lasse
pas de souhaiter sa venue, car, bien qu'il semble que tu l'espères sans qu'il
vienne, que tu l'appelles sans qu'il te réponde, persévère toujours dans le
désir et il ne te fera pas défaut.
Mon
frère, aie confiance en lui, même s'il ne vient pas lorsque tu l'appelles; il
viendra lorsqu'il verra que c'est le moment pour toi.
Mon
frère, n'oublie jamais que si, étant affligé, tu appelles le Saint-Esprit et il
ne vient pas, c'est que ton désir de recevoir un tel Hôte n'est pas encore
suffisant. S'il ne vient pas, ce n'est pas parce qu'il ne veut pas venir, ce
n'est pas oubli, mais pour que tu persévères dans ce désir et qu'en persévérant
tu te rendes digne de lui, pour faire grandir et augmenter ta confiance, car de
sa part, je te certifie que personne n'a jamais recours à lui sans être
consolé.
Comme
le roi prophète, David, l'exprime bien par ces mots : Dieu n'a pas méprisé le désir du pauvre, le Seigneur l'a
entendu.
Qui
est pauvre ? Est pauvre celui qui doute de lui-même et ne se confie qu'à Dieu;
est pauvre celui qui se défie de sa personne, de ses forces, de sa richesse, de
son savoir, de son pouvoir; est pauvre celui qui connaît sa bassesse,
l'immensité de sa petitesse, qui a conscience d'être un ver, une pourriture et
en vertu de tout cela ne se place que sous la protection de Dieu et s'en remet
à la grandeur de sa miséricorde qui ne la laissera pas dans la désolation. Dieu entend les désirs de tels hommes.
Prépare-lui une maison propre.
Prends
garde, il ne suffit pas au Saint-Esprit de te voir occupé à le désirer; mon
frère, lorsque tu l'attends, tu ne fais pas tout ce qu'il faut en le désirant
seulement, des oeuvres sont nécessaires. En veux-tu la preuve ? Considère ce
qui a été dit aux apôtres quand, le jour de l'Ascension du Seigneur, ils regardaient
tout interdits vers le ciel. Leur attention était fixée sur lui, ils désiraient
et attendaient le Saint-Esprit dont leur Maître leur avait parlé en termes
élogieux; ils ne songeaient pas à eux en regardant Jésus-Christ Notre-Seigneur
monter au ciel. Béni soit celui qui, si attentif à notre bien, en eut tant de
souci que, non seulement il ne se contenta pas de prendre soin de nous, mais
encore, une fois au ciel, se préoccupa tant des siens qu'il envoya deux anges
vêtus de robes blanches pour leur dire : Hommes de Galilée, que regardez-vous au ciel? Ce même
Jésus-Christ que vous venez de voir monter au ciel reviendra tel que vous
l'avez vu, avec une aussi
grande majesté.
Ils
leur dirent d'aller au Cénacle, car c'est là que le Saint-Esprit devait descendre
sur eux. Il ne faut pas passer votre temps à regarder le ciel; toute la journée
ne doit pas consister à prier et contempler; va au Cénacle, mon frère, ne
t'occupe pas et ne t'arrête pas à la pensée de la présence corporelle du
Christ.
Je
vous ai déjà dit maintes fois que, si le Saint-Esprit n'était pas descendu sur
les apôtres, quand Jésus-Christ était ici-bas, c'était parce qu'ils se
trouvaient subjugués par la présence de leur Maître et cela seul les
contentait; malgré la sainteté et le bienfait de la présence de Notre-Seigneur,
elle était un obstacle à la perfection des apôtres et voici pourquoi
Jésus-Christ voulut partir : " Chers disciples, vous avez pour moi une
grande affection, vous m'aimez beaucoup. Je sais que vous êtes heureux près de
moi, mais je vous aime davantage et pour vous le prouver, je veux m'en aller
afin qu'avec la venue du Saint-Esprit, vous soyez plus parfaits et éleviez plus
haut vos pensées. "
Ne
vous étonnez-vous pas que la présence de Jésus-Christ soit un obstacle à la
venue du Saint-Esprit ?
Le
Saint-Esprit est très jaloux; ne pensez pas qu'il est tel que vous le voulez.
" Je suis Yahweh, ton Dieu " (Ex. 20. a), a dit Dieu à Mo?se, pour te
faire comprendre, mon frère, que le Saint-Esprit ne viendra pas tant que tu ne
perdras pas l'amour exagéré des créatures, toi qui as donné ton estime au
confesseur, même bon, et qui as les yeux fixés sur le prédicateur qui te donne
de bons conseils et te prodigue des consolations. Le Saint-Esprit veut être
seul en toi.
- Oh, Père, vous, qui êtes un saint, qui me guidez sur le
chemin de Dieu et m'encouragez dans les souffrances ! (Exemple du dialogue
supposé entre Avila et ses auditeurs) - Plus saint encore était Jésus-Christ et
pourtant il fut un obstacle pour le Saint-Esprit. Les esclaves de Dieu, le
confesseur et le prédicateur ne doivent pas te faire obstacle pour le
Saint-Esprit, mais être un escalier pour monter vers Dieu.
L'amour
exagéré - même s'il n'est pas coupable - est un obstacle, il ne te ferait pas
de mal si tu savais t'en servir; ce que tu aimes chez le confesseur et le
prédicateur, que ce soit pour Dieu et en Dieu.
- A
quoi verrai-je, Père, qu'il s'agit bien d'amour de Dieu ? - Si Dieu t'enlève ou
permet que s'éloigne de toi quelqu'un que tu aimes beaucoup, si alors l'amour
n'est pas assez puissant pour te faire oublier tes devoirs envers Dieu, je veux
dire, pour que tu ne souffres pas tellement de son départ que ton coeur perde
sa quiétude et devienne tumultueux au point de t'arracher à tes pieux
exercices, si cela ne se produit pas, tu as l'amour de Dieu. Une peine légère
est naturelle, mais une grande peine est mauvaise. Si ces petits riens sont un
obstacle pour le Saint-Esprit, que seront les pensées impures, les injures et
autres fautes de même sorte ? Où en sommes-nous arrivés ? Que faut-il pour que
le Saint-Esprit vienne dans nos âmes ? Non seulement le désirer mais encore
nettoyer la maison. Si vous le faites quand vous recevez un hôte, à plus forte
raison votre âme ne doit-elle pas être pure, sans mauvaises pensées, sans mauvaises
paroles, ni mauvaises actions, ornée de vertus parce que l'Hôte que vous
attendez est la pureté même ?
Prépare le repas pour l'Hôte.
Considérez
qu'il est une chose plus nécessaire encore que d'appeler le Saint-Esprit, plus
nécessaire que d'arranger la demeure, c'est de préparer le repas. Vous devez
mettre la main à la bourse, vous devez beaucoup dépenser et n'en point
souffrir. Vous devez être généreux et très libéral. Lorsque vous avez un hôte,
vous ne vous permettez pas de ne prendre que le nécessaire, mais vous achetez
largement. Il le faut, mon frère; vous attendez cet Hôte très saint; puisqu'il
est libéral à l'extrême envers vous, soyez-le envers lui; mettez la main à la
bourse et ne donnez pas des sommes infimes; donnez une généreuse aumône, donnez
à manger à l'affamé, habillez l'orphelin et la veuve, tenez lieu de père à tous
les pauvres. Considère que tu es le père des pauvres et la consolation des
affligés. Le saint Job remplissait bien cet office quand il disait : Ma bouchée était petite, Seigneur, mais nous l'avons mangée
à deux. Et il disait ailleurs : Je suis le pied pour le boiteux et la main pour le manchot. Donne à manger au Saint-Esprit et offre-lui ton coeur; car
il mange de la chair; mais de la chair mortifiée, sache-le.
Que
serait-ce si tu offrais à ton invité une volaille vivante ? " Quoi ? - te
dirait-il, - enlève cela, cette volaille n'est pas bonne à manger ". Elève
maintes fois ce coeur au ciel et supplie le Saint-Esprit de l'embraser du feu
de l'amour. Ta chair doit être morte et attendrie, châtiée et mortifiée,
domptée par les jeûnes et la discipline; tu dois être mort au monde, tiens ton
coeur en éveil, tes pensées et tes désirs élevés vers Dieu.
Dans
ces pensées et dans ces exercices vole comme un aigle, ne prends aucun repos
avant d'avoir agrippé le Saint-Esprit; ne te base pas sur les choses mortes et
viles et n'y arrête pas tes pensées.
Vois
ce qu'a fait la colombe qu'ils envoyèrent de l'arche de Noé; ils la lancèrent
dehors, elle s'envola (quand elle sortit, le déluge avait cessé), sur la terre
gisaient de nombreux cadavres, elle ne voulut se poser sur aucun d'eux ni même
se reposer entre eux, mais se dirigea vers un olivier, cueillit de son bec un
rameau et le ramena à l'arche. C'est ce que doit faire l'âme du chrétien, ne se
poser sur aucun cadavre; tu ne dois pas tourner tes pensées vers des choses
mortes, périssables, fétides, mais tu dois les diriger vers le ciel. Que ton
coeur soit là où se trouve Jésus-Christ, ton trésor, en particulier durant
cette fête.
Sachons maîtriser nos sens.
Sois
très recueilli cette semaine pour recevoir le Saint-Esprit. Sois très appliqué.
Prends exemple sur ces serviteurs qui attendent leur maître revenant des noces.
Ne sois pas comme ces vierges folles et sottes, ne sois pas endormi, ni enivré
par les choses de ce monde, mais imite les vierges sages en ayant le souci de
te parer et d'avoir de l'huile de miséricorde pour toi d'abord, en prenant
grand soin de ton âme et de transformer ton coeur.
Cherche,
ces jours-ci, un lieu de retraite et restes-y. Pense à la Très Sainte Vierge et
aux saints apôtres réunis dans le Cénacle. Que feraient-ils, eux ? Quelles
larmes verseraient-ils au souvenir des souffrances de Jésus-Christ, au souvenir
de son absence ! Quels soupirs lanceraient-ils vers le ciel en brûlant de désir
pour leur Consolateur et Rédempteur ! Corrige tous tes désirs, aie les yeux
baissés d'une personne mortifiée, ne regarde rien que tu puisses regretter
ensuite, car s'il regarde mal, l'-il pleure. David vit un mauvais spectacle, il
eût été préférable pour lui d'être aveugle que de voir ce qu'il a vu, car son
-il, s'il s'est réjoui à le regarder, pleura beaucoup ensuite, et pleura tant
que, dit-on, David avait dans son visage des sillons creusés par les larmes.
Le Saint-Esprit nous consolera et nous donnera de la force.
Il est
nécessaire de célébrer cette fête avec grand soin, comme je vous l'ai dit,
puisque ce que nous attendons est si grand.
Te
rends-tu compte, mon frère, de l'importance de ces jours et quelle perte tu
fais si le Saint-Esprit ne vient pas demeurer dans ta maison ? Ni l'Incarnation
de Jésus-Christ, qui est la principale fête de l'année, ni sa sainte Naissance,
ni sa Passion, ni sa Rédemption, ni son Ascension ne te profiteront en rien, si
tu ne tires avantage de cette fête; si tu perds cela tu perds tout ce que
Jésus-Christ a gagné pour toi. S'il est vrai que, par la mort de Jésus-Christ
le ciel se soit ouvert et l'enfer fermé, à quoi cela te servira-t-il si tu ne
reçois pas le Saint-Esprit ? Dis-moi quel profit tu peux tirer de tout le reste
sans la grâce de Dieu; si tu reçois le Saint-Esprit dans ton coeur, tout te
sera profitable et te consolera. Le Saint-Esprit seul suffira à te consoler et
à donner de la force à ta faiblesse, de la joie à ta tristesse, et comme il
sait le faire !
J'ai
appris que le Saint-Esprit voulut se communiquer à une personne et que celle-ci
est sortie comme folle dans les rues en poussant des cris. Voulez-vous voir un
cas analogue ? Observez-le chez les apôtres qui, avant la venue du Saint-Esprit
étaient si apeurés, si craintifs, qu'ils n'osaient pas sortir et restaient
enfermés dans le Cénacle. Dès que le Saint-Esprit fut descendu en eux, ils
ouvrent les portes en grand, sortent par les places, et commencent à prêcher
Jésus-Christ.
Saint Athanase
- grand saint qui écrivit contre l'hérésie des ariens - disait en songeant aux
scrupules qu'avaient certains, " Suis-je vraiment baptisé, ou ne suis-je
pas vraiment baptisé ?" : " Sais-tu à quoi tu le verras ? Si tu sens
remuer le Saint-Esprit comme la femme enceinte sent remuer l'enfant. " -
Mais, Père, moi je suis un homme. - Moi je ne suis pas mariée. Je ne sais pas
ce que c'est qu'un enfant qui remue, comment le sentirai-je ? - Je te donne ce
signe, mon frère : C'est lorsque tu sentiras brûler dans ton coeur un feu de
charité, un amour très ferme en Dieu que tu sentiras le Saint-Esprit, car le
Saint-Esprit est un feu et tu le sens tressaillir dans tout ton être. - Comment
cela se peut-il, Père ? D'après saint Jean, Jésus-Christ lui-même parlant à la
Samaritaine a dit : Celui qui boira
de mon eau. Quelle propriété
a cette eau, Seigneur ? On en fera - dit notre Rédempteur - une source d'eau vive qui jaillira jusqu'à la vie
éternelle. - Tu vois ici le
signe qu'a donné le Christ pour savoir à quel moment le Saint-Esprit est venu
en toi, car l'Esprit-Saint a ce caractère de ne pouvoir rester inaperçu et de
témoigner lui-même de la présence en toi de Jésus-Christ. Jésus-Christ dit dans
l'évangile ce que l'on dit à la messe : Lorsque le Paraclet viendra, quand le Saint-Esprit viendra, l'Esprit de vérité qui procède de mon Père, celui-là vous
rendra témoignage de moi, celui-là vous parlera de moi.
Ce qui
signifie qu'il vous consolera, vous éclairera, vous réjouira, et vous guidera
dans votre chemin.
Le Saint-Esprit
est Consolateur, mes frères. Comme il doit savoir consoler, puisque par sa
grandeur même il s'appelle Consolateur !
Que
cherchons-nous en cette vie ? Où allons-nous ? Nous ne travaillons que pour
chercher quelque consolation, quelque contentement. Pourquoi donc ne
travaillons-nous pas pour posséder un Consolateur qui apaise nos tourments et
qui enrichisse notre pauvreté ? Oh si je pouvais vous communiquer la dévotion
au Saint-Esprit ! Que par sa miséricorde infinie il veuille bien vous la communiquer.
Quand
tu seras affligé, sois assuré que le Saint-Esprit, si tu le possèdes dans ton
âme, te consolera de cette affliction.
L'apôtre
saint Paul dit : On pense parfois : " Qui pourra suffire à consoler ma
tristesse, mon découragement, qui me viendra en aide ? "
Le
corps soutient un combat, l'âme est remplie de grandes craintes, mais celui qui
habituellement console les humbles, nous a consolés.
Le
rôle du Saint-Esprit est de consoler ceux qui sont affligés. Ce Consolateur est
proclamé comme tel dans toute l'Eglise de Jésus-Christ, Notre-Seigneur; il est
proclamé et publiquement connu comme Consolateur de nos peines. Le malade
cherche le médecin pour ses maladies, le plaideur cherche un bon avocat qui
l'aide, il va trouver le juge et lui dit : " Rendez-moi justice " (Ce
Consolateur ou cet avocat (car le mot grec Paraclet signifie l'un et
l'autre) était devenu nécessaire après le départ du Christ " (Saint
AUGUSTIN. Tract. 94 in Joann).
Puisque
nous sommes tous tristes, il nous faut recourir à celui qui console notre
tristesse. Nous sommes tous tristes : les méchants, pour les péchés commis; les
justes ont aussi le regret de leurs péchés et ils éprouvent une très grande
tristesse en redoutant d'offenser Dieu, de perdre Dieu. Tous nous sommes
tristes, nous avons besoin d'une consolation. Le Saint-Esprit a pour rôle de
nous consoler tous; demandons-lui qu'il veuille bien venir dans nos coeurs et
nous consoler.
Le Saint-Esprit nous est donné par les mérites du Christ.
Une
âme traquée, craintive, chargée de tant de péchés, pourra dire : " Père,
ce Saint-Esprit qui, dites-vous, est Dieu, est un Dieu tout-puissant, un Dieu
terrible, et moi je suis un ver, une fourmi; comment ce Saint-Esprit
voudra-t-il venir dans ma maison si mal préparée à le recevoir ? Je crains qu'il
ne veuille pas venir. "
S'il
s'agit de toi, tu as certainement raison de croire que le Saint-Esprit ne
voudra pas venir; mais sais-tu ce que tu dois faire ? Mettre entre toi et lui,
Jésus-Christ et ses mérites et le Saint-Esprit en voyant ce que Jésus-Christ a
souffert pour toi viendra tout de suite par amour pour lui.
Quand
il s'en est trouvé un qui s'est désolé pour que tu te consoles, un qui s'est
attristé pour que tu te réjouisses, un qui a supporté la fatigue pour que tu te
reposes, un qui est mort pour que tu vives, tu dois être sans crainte si tu
sais pleurer tes péchés et faire une digne pénitence.
Béni
soit Jésus-Christ et que les anges le bénissent ! Amen !
J'ai
cherché un consolateur, dit notre
Rédempteur, et je ne l'ai pas trouvé. On m'a donné du fiel en
nourriture et quand j'avais soif on m'a donné à boire du vinaigre.
Notre
Rédempteur n'a trouvé aucun consolateur. Notre Rédempteur fut profondément
rempli de tristesse, profondément désolé; il ne trouva aucune consolation, il
était si intensément affligé en son âme et en son corps qu'il a dit lui-même :
" Mon âme est triste jusqu'à la mort " (Mt. 26, 38). Ce qui signifie
que notre Rédempteur avait une tristesse mortelle. Il ne s'agit pas de l'âme
supérieure car elle jouissait de Dieu, je ne parle que de la partie sensitive
dans laquelle régnait la plus extrême affliction. Que de fatigues, de faim, de
soif, de sueur dans ces chemins ! Et quand vint le moment de la souffrance, il
avait tant de douleur en y pensant qu'il disait : Père, s'il est possible, faites que je ne boive pas ce
calice, cette coupe d'amertume. Le Christ, notre
Rédempteur voyant que Dieu le laissait souffrir et voyant les tourments qu'il
supportait en son corps, dit aussi : " Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi
m'avez-vous abandonné?" (Mt. 27, 46) Mes frères, les souffrances que
Notre-Seigneur endura furent si nombreuses et si extrêmes; ils furent si
nombreux les supplices qu'il supporta, les coups de fouet, la couronne
d'épines, les soufflets qu'on donna sur son divin visage qu'il en vint à dire : Vous tous qui passez dans le chemin, vous tous qui vivez dans le monde, voyez s'il existe une douleur semblable à la mienne (Thren. 1, 12). Soyez béni, mon Rédempteur, à jamais !
Quelle
est la cause de tant de douleurs, Seigneur? Les douleurs, les tourments, ne
sont-ils pas la punition des péchés et le châtiment des méchants ? Le châtiment
convient à ceux qui font le mal; mais vous, Seigneur, quel mal avez-vous fait
pour devoir supporter tant de tourments ? Pourquoi tant de douleurs ?
-
Quelle dette ont-ils ? dit notre Rédempteur Jésus-Christ - Seigneur, ils ont
beaucoup péché. - Eh bien, je veux, dit Jésus-Christ, que le châtiment retombe
sur moi, pour qu'ils obtiennent le repos du ciel; que la tristesse retombe sur
moi, pour qu'ils aient la joie. Je veux qu'on me donne du fiel pour qu'on leur
donne du miel; qu'on m'inflige des supplices pour qu'on leur donne le repos;
qu'on me donne la mort, pour qu'on leur donne la vie.
Aie
donc confiance, mon frère, dans les mérites de Jésus-Christ. Ne crois pas que
muette est la voix que tu as au ciel pour te défendre; les mérites de
Jésus-Christ plaident pour toi là-haut. Ce n'est pas non plus une voix qui est
muette, si tu supplies pour que le Saint-Esprit vienne. Sois sans défiance, car
si tu offres les mérites de Jésus-Christ, pour eux on te donnera le
Saint-Esprit. Ce que tu donnes vaut autant que ce qu'on te donne. Si on te
donne Dieu, tu donnes à Dieu et bien que Jésus-Christ notre Rédempteur n'ait
pas souffert en ce qu'il a de divin, en fin de compte, on dit que celui qui
était Dieu a souffert. Pour le fiel qu'il a bu sur la croix, on te donnera le
miel du Saint-Esprit.
Tes
pensées, tes paroles, tes actions appelleront le Saint-Esprit, de sorte qu'il
surviendra en toi, sans que tu saches comment ni de quelle manière, sans que tu
le sentes ni que tu saches par où il est entré et tu le trouveras en toi, logé
dans ton coeur; tu découvriras au fond de ton âme une grande joie, une
réjouissance si admirable, si totale qu'elle te fera sortir de toi-même. Le saint
roi David disait : Tu procureras,
Seigneur, joie et allégresse à mon oreille et mes os mortifiés se réjouiront. Le coeur qui était triste, l'âme qui était très angoissée,
seront remplis de joie et se réjouiront; tu entendras le Saint-Esprit te parler
à l'oreille, et t'indiquer tout ce que tu dois faire.
Celui
qui a la charge de consoler est aussi celui qui a la charge d'exhorter; celui
qui te console est aussi celui qui te blâme : " Homme lâche, sans grand
courage, veux-tu ne pas craindre comme un enfant, aie le courage d'un homme !
" Le Saint-Esprit lui-même qui vient te consoler, te réprimandera, pour
supprimer les obstacles à ta consolation. Paracletus veut dire Consolateur. Et puisque tu
vois, mon frère, que par suite des mérites de Jésus-Christ, se donne le
Saint-Esprit, ne cesse pas de le demander, ne cesse pas de le désirer avec une
grande ferveur, en regrettant son absence, de sorte qu'il viendra dans ton âme
et sera une si grande consolation pour toi que personne ne pourra te l'enlever.
Arrange ta demeure, prépare le repas pour cet Hôte,
puisqu'il le mérite tant et que tu as envers lui tant d'obligations; faisons
beaucoup d'aumônes aux pauvres; pardonnons à notre prochain; abstenons-nous de
tout péché et de toute faute pendant cette sainte Semaine; soyons maîtres de
nos sens, et ayons tous vraiment confiance, que par sa miséricorde il viendra
en feu d'amour, fortifier nos coeurs et nous apporter ses dons.
Relicario Itinerante
que contiene el corazón de San Juan de Ávila,
que viaja por las Diócesis
españolas.
28. Celui qui n'a pas l'Esprit du Christ n'appartient pas au Christ.
Dimanche
de l'octave de l'ascension, 29 mai
1552.
(Valencia, Bibl. Col. Patriarca, Ms
1049, ff.
88. r-98v; ed. 1596, II, pp. 25-53).
Lorsque viendra l'Intercesseur, que je vous enverrai d'auprès du
Père, l'Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage de moi.
(Jo.
15, 26).
Exorde
:
Tous
ont en vue leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ (Cf. Phil, 2, 21), dit l'apôtre saint Paul, se plaignant
des coutumes des hommes. Il dit en parlant de Jésus-Christ : " Car le Christ n'a pas eu de complaisance pour lui-même;
mais selon qu'il est écrit : " Les outrages de ceux qui t'outragent sont tombés sur moi. " (Rom. 15, 3) Tous recherchent ce qui leur convient, et non ce qui
convient à Jésus-Christ; mais le Christ, oublieux de ce qui lui convient - pour se souvenir de ce qui nous convient - n'a pas eu de complaisance pour lui-même." Il n'accepta pas de vivre pour la satisfaction des choses
matérielles, mais tout au contraire se fatigua maintes fois dans les chemins,
répandit d'abondantes larmes, souffrit maintes insultes et, enfin, subit la
mort, pour faire comprendre aux hommes qu'au lieu de vivre en paix, il oubliait
son repos pour le leur donner. Seigneur, si vous aviez été comme nous, quels
auraient été nos maux !
Combien
de fois avez-vous poursuivi Notre-Seigneur en lui demandant quelque faveur, en
l'importunant par des prières, des larmes, des aumônes, des pénitences et
lorsqu'il vous l'a accordée, comme un mauvais payeur, vous oubliez Dieu ? Dans
l'adversité vous vous tournez vers le Seigneur, dans la prospérité vous
l'oubliez. C'est mal agir. S'il était comme nous, qu'adviendrait-il de nous ? A
présent il est au ciel, à présent rien ne lui manque pour son repos; s'il nous
oubliait dans la prospérité, qu'adviendrait-il de nous ? Bénie soit sa miséricorde.
Jésus-Christ alla au ciel, dit saint Paul, pour paraître devant son Père, lui
offrir sa souffrance et à force de prières obtenir pour nous le Saint-Esprit.
Par
Jésus-Christ nous serons délivrés car par lui nous recevrons le Saint-Esprit.
Madame, serons-nous délivrés par vous ? Rachel eut deux enfants; la Très Sainte
Vierge a deux enfants, l'un qui est sorti de son sein et l'autre qu'elle a
adopté. Le Fils de son sein est à présent au ciel, règne, est en sûreté. Elle
n'a rien à demander pour lui. Il lui reste à obtenir pour nous, qui sommes des
enfants adoptifs, la grâce de bien parler, de bien agir, et de bien finir. Et
pour qu'elle le fasse, disons-lui : Ave, Maria.
Lorsque
viendra l'Intercesseur, etc. Nous sommes
encore dans la semaine de la fête du Saint-Esprit. Qu'il descende dans vos
coeurs, pour que vous passiez de bonnes fêtes.
Jésus-Christ
au chapitre 15 de saint Jean dit : Quand viendra le
Consolateur, que je vous enverrai de la part du Père et qui est Esprit de vérité,
il rendra témoignage de moi et vous aussi me rendrez témoignage parce que vous avez été des témoins oculaires, et que depuis le début de mes prédications, vous êtes avec moi. Préparez-vous car de mauvais jours viendront; ils vous mettront à la porte des églises et vous persécuteront; votre seul repos possible sera de
penser que vous vous reposerez le jour où ils cesseront de vous persécuter;
même ce jour-là vous fera défaut, parce qu'ils ne cesseront jamais,croyant
qu'en vous persécutant et vous tuant, ils servent Dieu. Consolez-vous parce que ce sont des gens ignorants qui ne connaissent pas le Père et ne me connaissent pas, et qui vous poursuivent par amour pour moi sans en avoir le
mérite. Je vous le dis avant que cela arrive, pour que vous vous souveniez,
lorsque cela se produira, que
je vous ai dit le meilleur et
le pire qui devait vous advenir. Vous constaterez la vérité de mes paroles dans l'un et
l'autre cas. Ainsi dit l'Evangile qui est très court.
Je
vous ai déjà dit plusieurs fois que si nous laissions faire ce que le coeur du
Seigneur veut pour nous, ce ne serait que pardon car le propre du Seigneur est de pardonner, s'il châtie, il châtie par force, et contrairement à son
caractère : En effet ce n'est pas de bon coeur qu'il humilie et abaisse
les enfants des hommes. (Thren. 3, 33)
Lorsque Dieu humilie quelqu'un, il ne le fait pas de gaîté de coeur, mais par
force; comme un père qui voit son fils se montrer méchant, le châtie par amour
et le fils agit de telle sorte qu'il le met dans l'obligation de le châtier.
" Dieu est doux de nature, dit saint Jérôme, mais, nous, nous agissons de
telle manière qu'il nous châtie. " II s'ensuit qu'en punissant, il cherche
aussitôt la consolation : Parce que s'il
abaisse plus encore, il a pitié en raison de l'immensité de ses miséricordes. (Thren. 3, 32)
Combien
furent désolés les apôtres lorsqu'il leur dit qu'il voulait partir ! Parce que je vous ai dit cela, la tristesse a rempli votre
coeur. (Cf. Jo. 16, 6)
Ils
aimaient tant Jésus-Christ, qu'ils ne pouvaient pas supporter sans impatience
de l'entendre dire : " Je m'en vais ". Vous qui aimez tant consoler,
quelle consolation réserverez-vous aux apôtres plongés dans l'affliction, par
amour pour vous ?
Il
leur en donne deux : Si vous m'aimiez,
vous vous réjouiriez. (Jo. 14, 28) Ne subordonnez pas mon
bonheur à votre contentement. Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de me voir
régner. Et parce que cette consolation est le propre des hommes parfaits, qui
vivent dans la souffrance et ont pour consolation l'accomplissement en eux de
la volonté de Dieu, il leur en donne une autre qui est tout à leur avantage :Vous
êtes tristes parce que je m'en vais; mais moi je vous dis qu'il convient pour
vous que je m'en aille. Concevez quelle
foi il faut avoir pour croire à une telle parole.
Moi,
je vous le dis, en vérité, mon départ vous convient. Vous pensez qu'en partant je vous abandonne et que les
Juifs et tous les hommes vous poursuivront. Pensez-vous rester comme des
enfants, que le loup mangera dès que leur mère s'éloignera d'eux ?
- Si
vous disiez, Seigneur, que cela vous convenait, ce serait bien; mais comment
est-ce possible que cela nous convienne à nous ? - // est avantageux pour vous que je parte, car, si je ne pars
pas, l'Intercesseur ne viendra pas vers vous; mais, si je m'en vais, je
l'enverrai vers vous; (Jo. 16, 7) c'est pour cela qu'il vous
convient que je m'en aille. - Seigneur, consolateur pour consolateur,
n'êtes-vous pas, vous, un bon consolateur ? Que voulait donc le Seigneur en
faisant la louange de ce Consolateur ? Diminuer par la venue du Saint-Esprit le
chagrin ressenti par son départ.
" Je vous enverrai quelqu'un qui se nomme Consolateur. Il vous
apprendra non seulement les choses présentes, mais encore les choses à venir;
il vous dira qui je suis, car vous ne me connaissez pas bien encore; il sera
Esprit, il vous instruira, sans que des oreilles soient nécessaires pour
l'entendre ni des yeux pour le voir; il ne vous abandonnera jamais, au
contraire il sera avec vous quand vous mangerez et dormirez, quand vous serez à
l'église et dans votre maison, il sera tellement votre compagnon que jamais il
ne s'écartera de vous. A présent, considérez mon départ comme un bienfait, afin
que ce Maître vienne à vous. Tout ce dont je vous ai parlé, il vous le
rappellera. Il sera votre Maître, votre Précepteur, votre Consolateur, pour que
vous vous consoliez avec lui; tenez mon départ pour un bien." - Grande est
la majesté du Saint-Esprit, qui a eu pour prédicateur Jésus-Christ lui-même. Qui
a annoncé Jésus-Christ? C'est le Saint-Esprit lui-même par la bouche des
prophètes, mais c'est Jésus-Christ lui-même, Dieu et homme, par sa propre
bouche, qui a annoncé le Saint-Esprit et a dit tant de bien de lui pour que les
apôtres attendent sans impatience son départ.
-
Seigneur, consolateur pour consolateur, pourquoi ne restez-vous pas, vous ?
Nous sommes heureux avec vous; il n'y a pas de chagrin qui avec vous ne
s'évanouisse! - Restez avec nous, Seigneur! Vous avez tort. - Cette Incarnation
de Jésus-Christ qu'ils voyaient n'était pas aussi bonne que le Saint-Esprit,
parce que l'Incarnation était une chose créée, et le Saint-Esprit était Dieu.
La divinité de Jésus-Christ ne s'en allait pas, elle n'est pas descendue du
ciel; la divinité non plus n'est pas montée à présent au ciel; ce qui
disparaissait c'était l'âme et le corps, et ils n'avaient pas la même valeur
que le Saint-Esprit. Vous avez donc tort de dire qu'il ne parte pas, pour que
lui vienne. Quand ce Maître viendra, il vous dira, qui je suis; et lorsque vous m'aurez connu et parce que vous aurez
appris à me connaître vous considérerez mon départ comme un bienfait.
Celui qui n'a pas l'Esprit du Christ n'appartient pas au Christ.
Nous
voici arrivés là où je le désirais (Expression de pure humilité). Que chacun
ait sa préférence; la mienne est bien misérable certainement, mais une des
périodes où mon âme est consolée et où elle espère recevoir de Dieu les plus
grandes faveurs, c'est, cette semaine avant cette Pâque, véritablement appelée Semaine sainte.
Par
respect pour Dieu, faites-moi cette faveur, rendez à Dieu ce service; et à
votre âme faites ce bien si grand, de servir vraiment Dieu cette semaine si à
un autre moment vous avez été ce que vous ne deviez pas; et moi au nom du
Seigneur, que je représente, quoique indigne, je vous donne ma parole qu'il
vous récompensera de ce service que vous lui rendez.
Celui
qui participe à cette semaine, participe à toutes les autres fêtes de l'année,
celui qui ne participe pas à cette semaine, ne participe pas à sa naissance, ni
à son jeûne, ni à sa prière, ni à ses coups de fouet, ni à sa mort, ni à sa
résurrection, ni à son ascension; il ne participe pas à tout ce qu'il a fait ou
fera, s'il ne participe pas à cette semaine.
Vous
semble-t-il que c'est attacher trop d'importance à cette fête ? C'est pour que
les hommes participent à cette fête, qu'il a fait tout ce qu'il a fait : Afin de nous rendre participants à sa divinité. (Cf. Praet. de Ascens.
Domini) Voici ce qui est chanté à l'église
ces jours-ci. - Qu'est-ce que participer à sa divinité ? C'est bien célébrer
cette Pâque, recevoir le Saint-Esprit, qui est Dieu lui-même; c'est pour cela
que Jésus-Christ travaille tant, afin que nous jouissions de cette fête. - Et
quelle est cette fête? La fête du Saint-Esprit. - Et ne pourrai-je bien vivre
sans le Saint-Esprit ? - Non, assurément, et malheur à celui qui n'aura pas le
Saint-Esprit ! - Ne sera-t-il pas suffisant de vivre dans ma chair ou tout au
moins dans mon esprit ? - Non. Écoutez saint Paul : Pour vous, vous ne vivez point dans la chair, mais dans
l'Esprit. Si quelqu'un n'a pas l'Esprit du Christ, il ne lui appartient pas. (Cf. Rom. 8, 9) Que personne ne se décourage.
" Vous ne vives: pas dans la chair, dit saint Paul, vous ne vivez pas par votre jugement, vous
ne vous dirigez pas par votre volonté et votre instinct ".
Ah !
quel est le grand prédicateur, qui pourra vous dire avec vérité : Vous ne vivez pas dans la chair, mais dans l'Esprit,si
tamen ou si quidem Nous laissons en latin ce " si cependant ", ce
" si du moins " dont Avila
farcit son discours; mélange de latin et d'espagnol, preuve d'érudition, selon
un procédé que l'art oratoire postérieur ne tardera pas à rejeter.
Rappelons-nous l'Intimé, des Plaideurs : " Celui contre lequel je parle,
autem, plumé "), comme dit une autre version, l'Esprit de Dieu habite en vous... parce que certainement l'Esprit de Dieu demeure en vous !
Et pour que vous compreniez votre bonheur qui est d'avoir pour hôte le
Saint-Esprit, sachez que, si quelqu'un ne
possède pas l'Esprit du Christ, il n'appartient pas au Christ. Il était nécessaire de le dire et de le répéter mille
autres fois: s'il n'appartient pas au Christ, à qui peut-il appartenir ? Toute
ma richesse, ô mon Roi, consiste à vous appartenir; à cette condition : Pourvu
qu'il appartienne à Dieu, Dieu donne les richesses au chrétien.
Tout
est à vous; et Paul, et Apollos, et Cephas, et le monde, et la vie, et la mort,
et les choses présentes, et les choses à venir, tout est à vous; mais vous,
vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu. (1 Cor. 3, 23. ) Ne vous considérez
pas comme pauvre, car toutes les choses
sont à vous. Paul est à vous, car
il travaille et souffre pour vous; Cephas qui veut dire Pierre, est à vous parce que lui aussi peine
beaucoup, s'épuise au travail, devenu votre esclave; Apollos aussi, le
prédicateur est à vous, puisqu'il vous prêche; la vie vous appartient,
puisque vous la vivez pour Dieu; la mort vous appartient, puisque par la mort vous allez à Dieu; le présent, l'avenir, vous appartiennent puisque vous usez du présent comme Dieu
le veut, l'avenir vous est réservé. Toutes les choses
vous appartiennent et vous, vous appartenez au Christ. (Autre procédé : Avila cite en latin toute une phrase de
saint Paul qu'il débite ensuite et commente par le détail) Dans ces conditions
tout est à vous, pourvu que vous apparteniez au Christ. Si tu n'appartiens pas
au Christ, à qui appartiendras-tu ? " La colère de Dieu reste sur celui qui ne croit pas au Fils
de Dieu " (Jo. 3, 36) et n'est pas son
ami.
C'est
par Adam qu'elle débuta, et par Adam nous naissons tous enfants de la colère;
c'est par Jésus-Christ que commença la grâce, et tous ceux qui n'appartiendront
pas au Christ, la colère de Dieu restera sur eux. En Adam est le péché, en Jésus-Christ la justice; en Adam
la disgrâce, en Jésus-Christ la grâce; en Adam l'enfer, en Jésus-Christ le
ciel. Si tu n'appartiens pas au Christ, si tu n'es pas en accord avec le
Christ, la colère de Dieu est sur toi. Ainsi la justice de Dieu
considère avec colère les pécheurs. Dès qu'un homme commet un péché mortel, il meurt aussitôt
pour Dieu, et Dieu pose sur lui des yeux irrités. Qui tendra la main à Dieu ?
Qui te défendra de Lui ? - De son dos il te
couvrira (ps. XCL (Vulg. XC), 4) - Qui te délivrera de la colère de
Dieu ? - Dieu de douceur. - Qui te défendra du Dieu sévère ? - Dieu agneau.
Dieu envoya son Fils pour que le fouet et le châtiment retombent sur lui,
innocent, et que le coupable demeure libre; pour que de son dos il te fasse ombre (Avila cite selon la Vulgate) et que la justice de Dieu ne
t'embrase pas.
Mets-toi derrière lui, car sur lui a frappé l'ardeur du soleil, sur lui
la colère de Dieu s'est déchargée, derrière lui il y a l'ombre; là tu trouveras
la fraîcheur. Or qu'adviendrait-il de moi si je ne résidais pas en lui ? Si le sarment ne demeure pas sur la vigne, il n'échappera
pas au feu; et toi si tu ne
résides pas en Jésus-Christ, tu n'échapperas pas à l'enfer. Seul monte au ciel Jésus-Christ qui en est descendu. Personne n'entrera au paradis s'il n'a la grâce, s'il n'est
aimé du Père, et il n'est de grâce ni d'amour pour personne, si ce n'est en
Jésus-Christ. Celui qui ne se met pas sous la protection de Jésus-Christ, sera
damné pour toujours. Celui qui n'a pas
l'Esprit du Christ ne lui appartient pas; malheur à lui ! - Privez-moi, Seigneur, de tout ce qu'il y
a dans le ciel et sur la terre mais ne me privez pas de vous appartenir. Si je
vous appartiens, votre bonté me dirigera, votre humilité me dirigera, votre
mansuétude me dirigera. - Si je ne vous appartiens pas, je serai dirigé par la
colère, je serai dirigé par la chair, je serai dirigé par la passion.
Considérez quels maîtres ils sont pour vous gouverner, puisqu'ils sont
eux-mêmes des passions ! Considérez comment ils pourraient diriger sans passion.
Il
n'est pas de paroles plus dures que celle-ci : Celui qui n'a pas l'Esprit du Christ, celui-là ne lui
appartient pas. Voyez que je
dois m'adresser aujourd'hui à vos coeurs, et c'est vous-mêmes que je dois
prendre pour témoins.
A
Sion, les pécheurs ont été frappés d'épouvanté, le tremblement s'est emparé des
hypocrites. (Is. 33, 14) -
Pourquoi ? - Parce que celui qui n'a pas l'Esprit du Christ, celui-là ne
lui appartient pas. - Oh quelle dure
parole ! Prenez garde de ne pas vous décourager si vite.
Il ne suffit pas de vivre par la chair ou par son propre esprit.
Il ne
suffit pas, mon ami, de vivre par la chair, il ne suffit pas non plus de vivre
par ton esprit. Ne pense pas qu'il suffise de mettre la main à la bourse et de
faire l'aumône, si tu ne le fais pas en esprit. Dieu est esprit et aime ses
semblables, il veut que tu l'adores et le serves en esprit. Si en toi il n'y a
pas d'esprit de charité, faire l'aumône ici-bas, autour de toi, ne sert à rien.
A quoi te sert d'égrener et d'égrener le chapelet si en toi ne prie pas
l'esprit ? Ce peuple m'honore des lèvres, tandis qu'il tient son coeur
éloigné de moi. (Cf. Is. 29, 13)
A quoi sert le surplis blanc, qui signifie la chasteté, si, ni l'esprit, ni le
corps, ne sont chastes ? A quoi sert d'avoir les genoux fléchis et l'âme
endurcie et résolue à ne pas s'abaisser à obéir à Dieu ni à ses saints
commandements ? Il est nécessaire de le servir extérieurement et
intérieurement. Se contentera-t-il que nous le servions avec le corps et avec
l'esprit ? Non. Que personne ne se décourage, je vous viendrai en aide quand
vous vous découragerez.
Celui qui n'a pas l'Esprit du Christ, n'appartient pas au
Christ. Ton propre esprit ne te suffit pas. - Je ne comprends pas
cela. - Tant mieux. Il ne suffit pas qu'un homme vive suivant sa raison et
qu'il ait ses passions réfrénées et réglées par son esprit; non, cela ne suffit
pas. Saint Jean dit : // donna le pouvoir
de devenir enfants de Dieu à ceux qui croient en son nom: qui sont nés, non du
sang, ni du désir de la chair, ni du désir de l'homme, mais de Dieu. (Jo. 1, 12-13) Oh ! comme vous avez bien dit cela, Aigle de
Dieu ! Ceux qui sont enfants de Dieu, naissent, non des hommes, non du sang, ni du désir de la chair ni de la volonté de
l'homme mais de Dieu même. Il ne suffit pas
pour être enfants de Dieu et monter au ciel, que tu sois né du sang, il ne sert
à rien que tu sois fils de comte, ni de duc, ni que tu sois de sang royal.
C'est peu, cela. Le plus grand séraphin qui est au ciel, s'il n'avait pas
l'esprit du Christ, ne serait pas bienheureux. On ne donne pas le ciel en
considérant le rang social, non du sang, ni
du désir de la chair; ils ne naissent
pas avec une volonté en accord avec leur chair, ils ne naissent pas avec la
volonté portée vers la chair. Et s'il naît avec la volonté portée vers la
raison, celui-là dans les saintes Ecritures est appelé un homme; car celui qui
vit en se soumettant à la chair, ne mérite pas le nom d'homme. Rien de cela ne
suffit pour posséder le ciel, il ne suffit pas de n'être qu'un homme : Ce qui est né de la chair est chair.( Cf. Jo. 3, 6)
Il faut posséder l'Esprit-Saint.
Personne
n'est monté au ciel si ce n'est celui qui est descendu du ciel, le Fils de
l'homme. (Jo. 3, 13) II ne suffit pas que tu sois homme, il faut que tu sois
dans le Christ, pour qu'en lui tu montes au ciel. Si tu es seulement homme tu
hériteras de ton père, mais tu n'hériteras pas de Dieu. Ceux qui doivent monter
au ciel ne naissent pas de la terre : Mais ils sont nés
de Dieu; ils doivent naître de Dieu. - Expliquez-le moi. - Nul, s'il ne renaît de l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer
dans le royaume de Dieu. (Jo. 3, 5) II
est le vrai fils de Dieu celui qui est né de l'eau et du Saint-Esprit; celui qui ne naîtra pas de l'eau et du Saint-Esprit,
n'entrera pas au ciel. Voici ce que
saint Paul a dit : Celui qui n'a pas
l'esprit de Dieu, celui-là n'appartient pas à Dieu; ne le possédant pas il ne sera pas fils de Dieu, et ne se
sauvera pas.
-
C'est une dure vérité. - Mais attendez un peu, car je n'ai pas encore terminé.
Combien êtes-vous ici à qui cette doctrine semblera aussi nouvelle que si vous
n'étiez pas chrétiens, et ayant la preuve de la parole de Jésus-Christ vous
retournerez chez vous doutant de la véracité de ce qu'on a dit ! Dieu dit à
Isa?e : Proclame à grands cris, Isole, que toute chair est foin et
que tout ce qu'on honore le plus dans la chair est comme fleur de foin. Le foin
s'est séché et la fleur est tombée, parce que l'esprit de Dieu a soufflé sur
lui. (Cf. Is. 40, 6-7) II lui demande de le proclamer à grands
cris; car il peut se trouver là quelque garçon ou fille qui s'imagineront être
d'importants personnages, être un homme noble ou une gente dame, qui
s'imagineront être honorés et respectés, ou être à la fleur de l'âge; disleur
qu'ils se trompent, que tout est comme la fleurette de foin, qu'un léger
souffle d'air fait choir, dès qu'il survient. Un faible souffle du Seigneur
arrive et renverse tout. Qui comprendra cela : Toute chair est foin? Que veut dire chair ? Et le Verbe s'est fait chair. Saint Augustin, dans le livre 12 De civitate Dei dit que " par chair on entend l'homme tout entier,
prenant la partie pour le tout ". Il ne veut pas dire cette partie
charnelle, mais l'homme tout entier. Proclame-le à
grands cris, il s'en trouvera
peut-être quelques-uns qui, même s'ils ne placent pas leur gloire en vêtements,
en ornements, en jouissances de la chair, seront peut-être plus dans l'erreur
que ceux qui vont clairement à leur perte. Prêche que tout homme dans sa partie
sensitive et dans sa partie intellective n'est que foin et que toute sa gloire est comme la fleur du foin. - En quoi consiste l'honneur et la gloire de la chair ? -
Voyez le philosophe dont les oeuvres, quand on les lit, semblent célestes; vous
y trouverez tant de clarté d'esprit, d'horreur du vice, et d'amour de la vertu.
C'est
l'honneur et la gloire; voici le meilleur de l'homme; meilleur que les
richesses; meilleur que l'honneur. Eh bien dis-leur que cette gloire est comme
la fleur du foin. Combien seront-ils parmi vous - voici venu le moment du
découragement - qui s'imagineront se trouver devant Dieu dans une bonne
situation et quand vous serez appelés au jugement vous ne pourrez vous tenir
debout parce que le souffle du Seigneur viendra ! Ce jugement si mesquin, cette recherche de Jérusalem à la chandelle, cet examen non seulement des péchés mais aussi des bonnes
oeuvres; l'aumône que tu as faite, le Pater Noster, Y
Ave Maria que tu as
récités, la messe que vous avez dite ou entendue, l'intention que vous avez eue
de faire de bonnes oeuvres, tout cela vous semblait constituer un refuge à
l'heure de la mort. Dis leur que toute chair est
foin. Un jour viendra où l'Esprit du Seigneur soufflera sur tout
cela et ils ne pourront pas rester debout, parce qu'ils seront sans force.
Pourquoi ne pourront-ils pas rester debout ? Qui te défendra du jugement de
Dieu ? Penses-tu, toi, que tu pourras te défendre ? Dieu seul peut te défendre
de Dieu. Le souffle de Dieu abat la fleur, ce qui veut dire que si tu as fait
l'aumône, si tu as pardonné l'injure, si tu as dit ou entendu la messe, il n'y
a aucun profit pour toi si cela provient de toi seul. - Je ne comprends pas. -
Eh bien ! que les prêtres écoutent et soient dans la crainte. Les fils d'Aaron
disent : " Encensons Dieu, qui est irrité, pour qu'il apaise son courroux
". Vous faites bien. Ils prennent les encensoirs et ils mettent du feu
d'ici-bas et non du feu du ciel; ils commencent à encenser et non seulement
Dieu ne l'accepta pas mais il les fit mourir lui-même à cet endroit-là. A cause
du feu qu'ils avaient allumé on les retira morts avec leurs nappes d'autels et
leurs surplis. Dieu leur avait ordonné de ne pas faire le sacrifice avec le feu
ordinaire mais avec celui qu'il envoyait. Ils désobéissent et reçoivent le
châtiment de leur délit. Malheur au prêtre qui dit la messe ou va aux
enterrements avec du feu de la terre, avec du feu de cupidité ou de vanité et
non avec du feu d'amour divin ! Malheur à lui car on lui dira : De quel coeur
est-il sorti ce bien que tu as fait ici-bas ? Vient-il de ton coeur ou de mon
coeur ? Dieu refusera tout ce qui ne proviendra pas du feu de l'amour divin. Je
ne viens pas de discuter ici, si les oeuvres indifférentes ou bonnes moralement
qui n'ont pas leur origine dans la charité seront méritoires; il suffit de savoir
que Dieu repoussera tout ce qui sera fait sans l'Esprit du Seigneur. Qu'il
s'agisse de miracles, qu'il s'agisse de répandre le sang, si le Saint-Esprit
n'est pas présent, tout est perdu. Oh ! Vierge Marie, combien découvriront ce
jour-là leur erreur !
Celui
qui n'a pas l'Esprit du Christ, n'appartient pas au Christ. Que ressentez-vous lorsque vous entendez cela ? Ecoutez.
Cette sentence est la sentence de Dieu. C'est par rapport à elle que vos coeurs
seront jugés. Ce jugement est une représentation de ce qui se passera au
Jugement dernier. Dieu dit : Celui qui n'a pas
l'Esprit du Christ, n'appartient pas au Christ.
Comment tu dois écouter la parole de Dieu.
Attendez,
n'avez-vous pas dit que c'était de saint Paul ? - Ce qu'a prêché Dieu incarné
n'est-il pas plus vrai que les écrits de saint Paul? - N'existe-t-il pas de
différence entre Dieu et saint Paul? Si saint Paul parlait comme saint Paul, ce
serait bien. Mais de saint Paul est la langue et la gorge, de saint Paul est la
voix, la parole est celle du Christ. Augustin dit : Celui qui va semer porte un
sac. Ce sac peut être maculé de boue mais le blé qui s'y trouve est très beau.
Le blé du sac n'est-il pas bon parce qu'il est dans le sac? Saint Paul, Isa?e,
Jérémie, savez-vous ce qu'ils sont? Des sacs de semence de la parole de Dieu.
Ne méprisez pas la semence si le sac est vil. Le Concile de Trente, qui, me
dit-on, est dissous à cause de nos grands péchés, approuva comme conformes aux
canons de l'Eglise tous les livres de la Bible à l'exception du troisième et du
quatrième de Esdras, Ce que saint Paul dit dans ses épîtres est aussi vrai que
ce que le Christ dit dans son évangile, car c'est un même Esprit qui dit tout.
Quels
sentiments fera naître en vous le jour du Jugement ? Les uns se réjouiront et
les autres gémiront. Que ressentez-vous en entendant cette parole : Celui qui n'a pas l'Esprit du Christ, n'appartient pas au
Christ? En entendant cette parole, certains béniront Dieu, parce
qu'ils ont confiance de posséder l'Esprit du Christ grâce à sa miséricorde;
d'autres souffriront dans leur coeur, en particulier ceux qui entendant nommer
l'Esprit croient qu'ils entendent nommer le diable, comme les gentils qui ne
pouvaient pas entendre dire qu'il y avait un Dieu. Les Juifs admettent bien
l'existence d'un Dieu, mais lorsqu'ils entendent dire que ce Dieu a un Fils,
qui est égal au Père, aussitôt le démon s'empare d'eux et ils disent : Cet homme, qui s'est fait Fils de Dieu, a blasphémé. Les chrétiens, proclament qu'il existe un Dieu et qu'il a
un Fils égal à son Père. Mais, dès que nous parlons de l'Esprit, certains
ressentent dans le coeur une douleur. Ne devons-nous pas parler comme parlent
Dieu et l'Ecriture? Des gens sont si ennemis de l'Esprit qu'ils ne veulent même
pas l'entendre nommer. D'où cela provient-il ? De la corruption du coeur. Que
faites-vous lorsque vous entendez une parole qui vous fait de la peine et que
l'on vous dit : " Dieu l'a dite " ? Que dit Achab ? " Ce Michée
ne me prophétise jamais rien qui me plaise ". Moi je suis crieur public,
quelle est ma faute ? C'est Dieu qui vous envoie le dire.
La
parole qui, prononcée en chaire, ne bouleverse pas l'âme du méchant n'est pas
considérée comme parole de Dieu, ni reçue comme parole de Dieu. Seigneur, vous êtes mon Dieu, je chanterai i>os
louanges. Louer la parole
de Dieu c'est louer Dieu lui-même. Je louerai votre
nom, parce que vous avez fait des choses merveilleuses et transformé en oeuvres
les pensées anciennes et ce que de toute éternité vous avez pensé. - Et maintenant, dites-vous, que veut dire : Car vous avez fait de la ville un monceau de pierres, et de
la cité fortifiée une ruine; la citadelle des barbares n'est plus une ville,
elle ne sera jamais rebâtie: c'est pourquoi un peuple puissant vous glorifiera;
la cité des nations terribles vous révérera. (Is. 25, 1-3) Comment ne vous louerai-je pas, mon Dieu,
pour avoir bouleversé la ville, pour avoir bouleversé cette ville où les coeurs
vivaient en paix dans le vice; ne vous louerai-je pas pour avoir transformé le
coeur qui était débordant de péchés et vivait paisiblement ? Il n'y a pas de
rhubarbe et de phytolaque qui remuent autant l'estomac que la parole de Dieu.
Que personne n'espère la consolation divine s'il n'est d'abord attristé. Pour
être consolé, tu dois éprouver de la douleur et des craintes, tu dois être
bouleversé, faute de quoi la parole que tu as entendue n'est pas une parole
divine.
-
Malheureux que je suis, car on me dit que ni le fornicateur, ni l'avare, ni le médisant n'entreront
au ciel !
- Allez, ajoute un autre, ce ne sera pas aussi terrible qu'on
le dit car Dieu est miséricordieux. - Vous cherchez des prétextes sinon pour
annihiler la parole de Dieu, à tout le moins pour la tronquer et l'affaiblir,
comme ces ouvriers de la vigne qui, mêlés aux serviteurs du Seigneur, tuèrent
les uns et blessèrent les autres. Il annihile la parole du Seigneur celui qui
dit : " N'en parlez pas. Cela ne me concerne pas "; il l'affaiblit
celui qui dit : " Quand je serai vieux, je serai bon ". Vous cherchez
des prétextes pour ne pas sortir affligés du sermon, car ils sortent du sermon
inconsolables et au bout de peu de temps, ils se consolent de nouveau et
oublient ce qu'ils ont entendu. Voici le pourquoi
de la condamnation : " La lumière est venue dans le monde, et les hommes ont mieux
aimé les ténèbres que la lumière ". (Jo. 3, 19)
Pourquoi
agissent-ils ainsi ? La lumière est
venue dans le monde. Que Dieu soit
béni pour cela ! Qui est la lumière ? Jésus-Christ; la parole de Dieu est la
lumière avec laquelle vous devez regarder si votre âme est bonne ou mauvaise; et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière. Que Dieu vous préserve de l'homme que vous réveillez quand
il dort, car dormir lui est nocif, vous lui mettez un flambeau devant les yeux
et il l'éteint pour dormir plus à son aise. - Pourquoi détestes-tu la parole de
Dieu ? - Parce qu'elle trouble le sommeil où tu tiens à te plonger. On te dit : Si tu ne pardonnes pas à ton prochain ses péchés, Dieu ne
te pardonnera pas les tiens.
Que
ressentira dans son coeur celui qui a des ennemis ? Il nous dit : Si vous ne devenez pas comme des enfants, vous n'entrerez
pas dans le royaume de Dieu. Que ressentira
l'homme sceptique ? Que ressentira celui qui possède le bien d'autrui quand il
entendra dire : " Si quelqu'un possède le bien d'autrui, il est la proie
du diable " ? Que doit-il faire ? Eteindre la lumière pour dormir à son
aise ? Souviens-toi que le sommeil te tue; considère que tu vas à toute allure
en enfer. T'éloigner du péché ne te fait-il pas souffrir et pour ne pas dire
" La parole de Dieu n'est pas vraie ", ne préfères-tu pas l'étouffer
et l'oublier ? Les hommes préfèrent les ténèbres (qui sont les péchés) à la lumière.
- Comment devez-vous faire ? - Lorsque la parole de Dieu vous
afflige, ne l'oubliez pas. Car vous avez l'emplâtre posé sur la plaie, ne
l'ôtez pas et il vous guérira. Dieu vous dit une parole qui vous blesse,
mettez-la sur la plaie.
- Oh !
comme elle m'afflige ! - Qu'elle vous afflige, qu'elle vous fasse pleurer,
qu'elle agisse. - Oh ! quel chagrin elle me donne ! - Avec cela, mon frère,
vous guérirez et vous verrez quelle grande consolation elle vous apportera
ensuite. Dès que cette parole : Celui qui n'a pas
l'Esprit du Christ n'appartient pas au Christ, vous fait souffrir, pensez-y bien, méditez. Que ressentez-vous
? Que vous êtes découragé !
Celui
qui ne vit pas par l'esprit d'un autre (L'esprit de cet autre que
nous, qui est le Saint-Esprit, l'esprit du Christ l'Hôte divin,
thème de tout le sermon), celui-là
n'appartient pas au Christ.
Tu ne
dois pas vivre, mon frère, par ton esprit ni par ta volonté, ni par ton
jugement; tu dois vivre par l'Esprit du Christ. Tu dois posséder l'Esprit du
Christ. - Que veut dire Esprit du Christ ? - Coeur du Christ. Celui qui n'a pas
le coeur du Christ n'appartient pas au Christ. - A l'épouse, Jésus-Christ dit, Mets-moi comme un sceau sur ton coeur, comme un sceau sur
ton bras: car l'amour est fort comme la mort. (Cf. Gant. 8, 6) Église, chrétiens, vous devez être marqués
de mon fer, scellés de mon sceau ! Je dois être moi-même le sceau; amollissez
vos coeurs comme de la cire, et mettez mon cachet en eux, mettez-moi comme
signe sur votre bras.
- Que signifie cela ? - Que les prédestinés doivent, comme
dit saint Paul être semblables à Jésus-Christ.
En
quoi doivent-ils être semblables ? - Marchez dans la
charité, à l'exemple du Christ, qui nous a aimés. (Eph. 5, 2) - Donnez-moi, Seigneur, votre coeur, et tout de
suite j'aimerai ce que vous aimez, je détesterai ce que vous détestez.
Comment saurai-je si j'ai l'Esprit du Christ ?
Celui
qui ne possède pas le coeur du Christ, n'appartient pas au Christ. - C'est une rude vérité. - Ce n'est pas fatalement si rude.
Oh ! mes frères, combien de sermons avez-vous entendus et vous n'en finissez
pas de comprendre ce qui est votre devoir ! - Nous sommes inconsolables, Père.
- C'est ce que je veux, mes frères, et c'est ce que Dieu veut. - Quel est le
remède ? Comment serai-je consolé ? Qu'en sais-je, moi, si je suis en grâce ?
Qu'en sais-je, moi, si j'ai l'Esprit du Christ ? - Nous voilà bien, vraiment !
Qu'en savez-vous ? Je parle à des moines, des prêtres, et des personnes qui
vivent dans la retraite et dégagées des besognes matérielles. Si vous me dites
que vous le savez par une science certaine, si vous me parlez d'articles de
foi, vous dites bien que vous ignorez si vous êtes en grâce. Mais nous parlons
d'une connaissance par conjectures et par signes; du repos et de la
tranquillité d'un coeur débordant d'affection.
Malheur
à celui - je ne veux pas l'appeler damné mais châtié - qui n'a pas en lui cette
consolation, cette confiance, cette parole " Je dois me sauver " !
Il n'y
a pas lieu de s'étonner que les marchands, ceux qui négocient, les personnes
mariées et ceux qui sont occupés aux affaires temporelles n'aient pas cette
consolation du Saint-Esprit; mais celui qui est en relation avec Dieu, celui
qui parle à Dieu et à qui Dieu parle - car lorsque nous lisons c'est Dieu qui
nous parle, et quand nous prions c'est nous qui lui parlons - celui qui est
dans l'intimité de Dieu et vit dans l'affliction, celui-là est dans une très
grande désolation et grand est son malheur !
Que
nous montions à l'autel et que nous nous mettions un morceau de sucre dans la
bouche et n'en sentions pas la douceur, que nous mettions un grand feu en notre
sein et n'en sentions pas la chaleur ! C'est là une grande peine, une grande
désolation ! Celui qui se verra ainsi pourra se considérer comme malheureux. Si
vous demandiez à une épouse : " Dites, madame, quel est le caractère de
votre époux, est-il doux ou est-il brutal ? " et qu'elle vous répondît
" En vérité je ne le sais pas ", vous diriez : Alors qui le saura? Si
vous demandez à un prêtre qui traite avec Dieu : Qu'est-ce que Dieu ? et qu'il
dise qu'il ne le sait pas, à qui le demanderez-vous ? Cet Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit, que
nous sommes enfants de Dieu (Cf. Rom. 8,
16). L'Esprit-Saint lui-même, avec sa consolation, avec sa flamme, nous apporte l'assurance que nous sommes fils de Dieu. Vous voyez ici comment on connaît par conjectures que
quelqu'un est ami de Dieu. Êtes-vous désolé ? Gardez-moi cette désolation pour
le moment venu : Quand viendra le
Consolateur, dit le Christ, il rendra témoignage de moi. Tu es désolé ? Les apôtres l'étaient aussi : eux parce que
Jésus-Christ les quittait et toi aussi parce que Jésus-Christ t'a quitté à
cause du péché que tu as commis. - Pourquoi es-tu triste ? - Parce que j'ai
offensé Dieu; parce que j'ai été ingrat envers lui et que je l'ai souffleté. -
Tu es triste ? A la bonne heure; attends quelque peu, d'ici huit jours un
Consolateur viendra et te consolera. Avant même de vous le dire, je voudrais
déjà vous avoir demandé mon cadeau de bonne nouvelle. (" Pedir AJbricias
" : demander des étrennes. La coutume espagnole était de demander une récompense
- des étrennes - quand on annonçait à quelqu'un de bonnes nouvelles)
Vous
allez trouver le confesseur ou le prédicateur :
-
Père, consolez-moi.-Voulez-vous que je vous laisse un Consolateur qui vous
console dans votre lit et que vous n'ayez pas besoin d'aller chercher quelqu'un
pour vous consoler ? Eh bien! c'est le Saint-Esprit, qui aime beaucoup la veuve
et l'orphelin et ceux qui sont dans la tristesse. Voulez-vous le recevoir?
ætes-vous triste parce que Jésus-Christ vous a quitté ? De la part de Jésus-Christ
je vous promets qu'il viendra en vous; je m'en irai dormir cette nuit bien
tranquille si vous me traitez de menteur.
-
Père, comment consolera-t-il telle grande peine?
- Vous
verrez en cela qu'il est Dieu. Si le Saint-Esprit n'avait pas été plus grand que
Jésus-Christ fait homme, il n'aurait pas pu les consoler de la tristesse de son
départ, il n'aurait pas pu remplir le vide qu'il laissa par son absence.
Considérez l'affliction qu'avaient les apôtres en l'absence du Christ fait
homme, la consolation qu'ils ont reçu du Saint-Esprit est plus grande.
Il n'y
a pas de tristesse, si grande qu'elle soit, que le Saint-Esprit ne console.
Préparation pour recevoir le Paraclet.
Mon
frère, ce Consolateur viendra. Pour le recevoir il faut que vous fassiez
quelques apprêts. Celui qui n'a pas l'Esprit de Dieu, que fera-t-il pour le
posséder ? Voici ce dont nous devons nous occuper cette semaine; laissez les
affaires temporelles pour recevoir dans vos coeurs l'Esprit du Christ. On dit c
l'Esprit de Jésus-Christ " parce qu'il procède de lui en tant que Dieu et
parce qu'il demeure en lui en tant qu'homme.
-
Père, voudra-t-il me le donner ? - Ce n'est pas bien que ce soit moi qui vous
le dise; que celui qui doit vous le donner vous le dise. Jésus-Christ se
trouvait à Jérusalem un jour de la fête des Tabernacles - qui tombait en
septembre - et il prêchait dans le temple. Il était en train de prêcher, une
très grande ferveur s'empare de lui et il commence à s'enflammer, tonner et
élever la voix avec cette ferveur qu'il avait pour sauver les âmes.
Ah !
si j'avais pu t'entendre crier, mon Roi, car tu t'appelles bien voix et clameur
du Père, car sa voix ne put jamais être plus forte que lorsqu'il t'engendra !
Ah ! si j'avais pu l'entendre crier et voir, ce visage enflammé ! Parlez,
Seigneur, il y a longtemps que vous n'avez prêché et pourtant nous vous
entendons bien à présent car vous le dites pour ceux d'alors et ceux qui leur
succéderont.
Si
quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive. (Jo. 7, 38)
II se
trouvait dans le temple, et c'était un jour de fête; le dernier jour, le plus
solennel de tous, il disait, non comme à son habitude, mais à grands cris : Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive. Des
rivières d'eau vive couleront de l'estomac de celui qui croit en moi. Qu'il pénètre vos coeurs de ce qu'il voulut bien prêcher
ici-bas ouvertement.
Mes
frères, pourquoi vous laissez-vous mourir de faim et de soif ? Pourquoi dépenser de l'argent pour ce qui n'est pas du
pain, votre travail pour ce qui ne rassasie pas? (Cf. Is. 55, 2) Pourquoi avez-vous des coeurs insatiables
comme l'enfer ? Quelles sont vos angoisses ? Venez à lui et il vous guérira; si
vous avez soif, il vous désaltérera : Une perdrix couve
des oeufs qu'elle n'a pas pondus. (Jer. 17, 11)
Une perdrix pond des oeufs; une autre perdrix passe près du nid et se place sur
les oeufs qui ne lui appartiennent pas. Celle qui les a pondus revient et
l'autre ne la laisse pas approcher, enfin elle tire de l'oeuf les petits
perdreaux et Dieu a créé chez eux un tel instinct qu'à la venue de la véritable
mère, ils abandonnent la fausse et s'en vont avec la vraie mère. Oh ! méchant
animal, voleur du bien d'autrui, oh ! démon, pourquoi couves-tu les oeufs que
Dieu a mis ? Oh ! luxure, oh ! mauvais vouloir ! Pourquoi usurper une âme que
Jésus-Christ a créée et rachetée ? Vous ayant dérobés à la véritable mère, il
vous donne un peu de chaleur et vous couve. Vous êtes enfants de Dieu, le ciel
est pour vous. Allons, donc, chrétiens, rachetés par Jésus-Christ, écoutez la voix
de votre mère véritable; écoutez la voix de Jésus-Christ, qui sur la croix,
avec de grandes douleurs, vous donne la vie; reconnais la voix de ta mère qui
t'appelle : Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et boive. Venez à moi, je vous rendrai heureux et je vous
rassasierai. Si l'homme est raisonnable il dira : " Voici mon Rédempteur,
voici celui qui a donné son sang pour moi, je veux partir avec lui ". Il
te donnera à boire son esprit; tu en seras si heureux et si rassasié que de ton estomac sortiront des sources d'eau vive. Non seulement il y aura de l'eau et de la joie pour toi
mais aussi pour les autres. Il désire nous communiquer son Esprit; il fait le
plus possible pour te donner ce dont tu as besoin; n'en doutes pas, il donnera
sans retenue. - Eh bien, que vais-je faire cette semaine pour être prêt à le
recevoir ? - Fais ce que les apôtres ont fait. Que désirez-vous ? Le
Saint-Esprit ? Sachez qu'il n'est pas ami de la chair. Les saints docteurs
disent qu'une des principales raisons du départ de Jésus-Christ fut le grand
amour qu'on portait à l'Homme-Dieu. - Qu'il parte, dit le Saint-Esprit, et je
viendrai aussitôt. - Vous êtes jaloux, Saint-Esprit. Et de qui ? Est-ce de la
chair très pure qui fut conçue par vous-même ?
Que
les amants sortent de leur erreur, et que ceux qui sont portés vers la chair
sortent de leur erreur, car le Saint-Esprit ne descendra en aucun d'eux. La
colombe qui est sortie de l'arche de Noé saisit un petit rameau vert d'olivier,
et ne voulut pas poser ses pattes sur un cadavre; et pure elle retourna à
l'arche. Au corbeau de manger la chair morte, à la colombe de la détester. La
colombe est le symbole de l'Esprit, et le Saint-Esprit ne touche pas à la chair
morte : Purifiez vos coeurs des désirs charnels. Que jeûnent cette semaine ceux
qui en ont la force, car s'il veut de la chair, ce doit être de la chair
mortifiée et amaigrie par les jeûnes. En récompense et en grâce je vous demande
de balayer votre maison par une confession très dévote car votre Hôte doit
venir et il ne serait pas bien qu'il trouve la maison sale.
- Que
faut-il encore ? - La nourriture; considérez que vous avez des gens avec vous
et que vous devez donner à manger à vos serviteurs; considérez les pauvres de
votre quartier et donnez-leur cette fête de la nourriture. (" Pascua de
comer ". Ici Pascua prend le sens très général de fête que le chrétien donnera
à ceux qui souffrent de cette faim matérielle, dont nous voyons tant de gens
torturés dans la littérature contemporaine d'Avila) Puisque Dieu se donne à
vous, donnez-lui au moins un peu d'aumône. Considérez que la charité est le
premier fruit du Saint-Esprit; donnez à manger à celui qui a faim; donnez la
robe à celle qui est nue; donnez la chemise à celui qui en a besoin; tirez des
geôles les prisonniers.
- Je n'ai
pas de quoi faire l'aumône. - Pardonnez les injures, priez Dieu pour ceux qui
vous persécutent, pleurez avec ceux qui pleurent, tombez avec celui qui est
tombé, faites vôtres les maux des autres, c'est là la vraie miséricorde.
- Peut-on faire plus ? On ne peut rien faire de plus si ce
n'est de lui demander instamment de venir dès que la maison sera balayée et
parée. Ne faites pas comme ces mal-élevés qui disent : " Seigneur, venez
chez moi " sans que la maison soit prête et la table mise. Préparez d'abord
la maison et ensuite pour qu'il vienne, faites cette prière : " Seigneur,
par le sang que vous avez versé, envoyez-nous le Saint-Esprit que vous nous
avez promis. " Récitez sept fois le
Pater Noster, et
l'Ave Maria en l'honneur des
sept dons du Saint-Esprit. Je vous dis peu de choses; efforcez-vous de faire
plus. Tout au moins d'ici à cette Pâque récitez cela chaque jour; priez avec
les lèvres et avec l'esprit; importunez-le pour qu'il vienne, et il vous
donnera sa grâce en ce monde, et ensuite sa gloire,
à laquelle il veuille bien nous conduire. Amen.
El relicario fue
instalado en 2012 en el Oratorio construido con ocasión del nombramiento de san
Juan de Ávila
como Doctor de la Iglesia. Está situado anexo a la Cueva de las
penitencias.
29. Le Saint-Esprit fait des merveilles dans l'Église.
dimanche
de pentecôte
pour
la prise de voile d'une religieuse. (Ed. 1596, II, pp. 132-159).
Nous irons à lui et nous établirons notre demeure près de lui. Jo.
14, 23.
Parler
et entendre parler de Dieu est une grande affaire qui doit demander beaucoup de
soin, aussi bien pour celui qui écoute pour les écouter, que pour celui qui
parle pour en parler; celui qui sait parler des choses du ciel doit venir du
ciel pour en parler tant elles sont des choses élevées et profondes, si loin de
tout entendement humain. N'allez pas penser que ce fut en vain que Jésus-Christ
ordonna aux saints apôtres de ne pas prêcher son évangile par le monde avant
d'avoir reçu le Saint-Esprit.
Isa?e
était rempli d'orgueil, ignorant sa propre bassesse; il disait qu'il était le
prophète de Dieu. Dieu vint et lui dit : " Attendez donc, je vous ferai
prendre conscience de vous-même, et vous serez éclairé. " Dieu lui montra,
en se faisant connaître un peu, ce qu'il était et le mal qu'Isa?e ressentit en
lui-même fut si grand en voyant sa petitesse et sa misère, qu'il n'osait pas
parler et ne trouvait pas la force de prophétiser. Il dit : Malheur à moi, car je suis un homme aux lèvres souillées ! (It.6,5) Malheureux que je
suis ! dit Isaïe. - Qu'y a-t-il, prophète, qu'avez-vous ? -
Comment puis-je parler, mes lèvres sont
impures,elles ne sont pas dignes de parler
des choses de Dieu ! - Lorsque Dieu le vit dans cet état, il envoya un séraphin
qui plongea dans le feu de l'autel des mouchettes qui se trouvaient là. Le
séraphin prit un charbon ardent de ce feu, en toucha les lèvres d'Isa?e et
aussitôt elles devinrent très pures.
J'ignore,
mes frères, quel est l'état de vos oreilles; si elles sont pures ou non, je
l'ignore. Si mes lèvres sont souillées, je ne l'ignore point et elles ne sont
pas dignes de parler du ciel si le Seigneur n'envoie pas du feu céleste pour me
les purifier; supplions-le qu'il le fasse.
C'est en lui que nous ferons notre demeure, dit Jésus-Christ.
Nous
irons à lui, et, en lui, nous ferons notre demeure: nous habiterons en lui. Ces paroles sont sorties de la
bouche de Jésus-Christ, il les a dites aux saints apôtres et non seulement pour
eux mais pour ceux qui sont et seront.
Notre
Rédempteur dit : Si quelqu'un
m'aime bien qu'il observe mes commandements. Si quelqu'un m'aime bien ! Malheureux celui qui ne vous aime pas bien, Seigneur ! Si quelqu'un m'aime il gardera mes paroles. Si vous avez un ami qui fait grand cas de votre amitié,
vous lui dites : " Monsieur, m'aimez-vous ? Je vous prie de garder cette
parole, de faire cela pour moi ". Si l'autre pense qu'en ne le faisant pas
il risque de perdre votre amitié, il le fait pour ne pas la perdre. Ainsi notre
Rédempteur ordonna à ses saints apôtres d'observer beaucoup de choses sous
peine de perdre son amitié; et ceci est si vrai que celui qui n'observe pas ce
que le Christ ordonne, est perdu sans rémission. Parce que les disciples ne
considéraient peut-être pas autant les paroles du Christ, du moment qu'elles
étaient de lui, que si elles venaient de Dieu, il leur dit : " Pour que
vous ne pensiez pas que ces paroles sont de moi, et que ce que je dis vient de
moi, les paroles que je vous ai dites, et que vous avez
entendues ne sont pas les miennes mais sont celles de mon Père, qui m'a envoyé (Cf. Jo. 7, 16); ayez pour elles un grand respect et une
grande vénération, et observez-les, puisque vous savez de qui elles sont.
Si
quelqu'un m'aime bien qu'il garde mes paroles. Aimer Jésus-Christ, quel amour largement récompensé ! Béni
soit le Seigneur ! Faut-il aimer pour rien ? Que devez-vous nous donner pour
que nous vous aimions ? Le Christ notre Rédempteur dit que nous viendrons à lui, et nous demeurerons en lui, que nous le prendrons pour demeure. Quels sont ceux qui
viendront ? Le Père, le Fils et le Saint Esprit; car partout où vont les deux
premiers, va le Saint-Esprit : ensemble vont les personnes de la Très Sainte
Trinité; cela vous paraît-il peu de chose ! Nous ne nous en irons pas ensuite -
dit notre Rédempteur - nous demeurerons
en lui, nous établirons notre demeure. Soyez béni pour toujours, et que la bouche qui prononça de
telles paroles et apporta une si grande consolation soit bénie ! Ne vous l'ai-je pas dit que nous attendions trois hôtes ? Nous viendrons à lui et nous demeurerons en lui. Quel est notre effroi, mes frères, en voyant avec quel soin
et avec quel immense amour, la Très Sainte Trinité accompagne l'homme.
Ah! si
quelqu'un lui demandait : "Qu'avez-vous vu, Seigneur, en cet homme pour
l'aimer tant, car vous semblez mourir d'amour pour lui" ? Si nous voyions
un vermisseau, un petit homme d'entre nous aussi diligent et épris de la Très
Sainte Trinité qu'elle l'est de l'homme en l'accompagnant, nous en serions
assurément remplis d'effroi. - Qu'avez-vous trouvé dans l'homme qui vous ait
plu tant ? Quel intérêt avez-vous à aimer l'homme ? Est-ce parce qu'il est sage
? Parce qu'il est bon ? parce qu'il est riche ? - Tout cela lui fait défaut. -
Pourquoi alors mourez-vous d'amour pour les hommes ? Pourquoi, Seigneur,
voulez-vous demeurer en eux ? - Je vais vous le dire : Parce que Dieu demeurait
dans l'homme, et Dieu cessant d'y demeurer, l'homme fut perdu; voilà pourquoi,
afin de racheter l'homme il veut revivre en lui là où Dieu vivait d'abord.
Dommages que le péché d'Adam causa dans l'homme.
Dieu
créa le premier homme, il prit un peu de terre, fit ainsi une forme, et ensuite
de son souffle lui donna une âme, il souffla dans
ses narines un souffle de vie (Cf. Gen. 2, 7)
: Dieu souffla dans ce corps un souffle de vie; pour les Hébreux l'âme se
trouve dans ses narines, car c'est par le nez que Dieu donna une âme à Adam.
Saint-Paul le dit ainsi : Le premier homme,
Adam, a été fait âme vivante.( Cf. 1 Cor.
15, 45)
Au
commencement du monde, Dieu créa les cieux et la terre, les étoiles, la mer, le
sable, les poissons, l'herbe et tous les animaux. Il créa le monde tout entier;
il fit, en un jour, une chose, en un autre jour, une autre chose, et ainsi Dieu
inventa au fur et à mesure. Quand tout fut fait, Dieu dit : Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance (Gen. 1, 26). Créons l'homme. Comme dit un bon père de famille qui a préparé une maison
très bien ornée avec beaucoup d'objets précieux et tout ce qui est nécessaire :
" A présent il ne manque plus que la venue de mon fils pour qu'il jouisse
de sa maison ". De même Dieu avait créé tout l'univers, pour demeure, au
service de l'homme; Dieu dit : " Il est absurde de faire ces choses et
qu'il n'y ait personne pour en jouir. Créons l'homme à
notre image et ressemblance."
Dieu
créa l'homme, et si vous y réfléchissez, vous saurez pourquoi : Pour qu'il aime
Dieu, et en l'aimant, qu'il le possède, et, en le possédant, qu'il en jouisse,
et, en jouissant de lui, qu'il soit bienheureux. Les hommes furent créés pour
arriver à la béatitude et l'atteindre en acceptant d'employer les moyens que
Dieu leur avait donnés. Ils ne voulurent pas attendre; ils voulurent sauter
par-dessus les clôtures et les haies, par les fenêtres; ils ne voulurent pas
entrer par les portes, ils se perdirent, péchèrent et furent malheureux. Dieu
demeurait en eux quand ils étaient en état de grâce; ils péchèrent, Dieu ne
voulut pas demeurer en eux. Privé de Dieu, vous voyez ici ce que l'homme est
devenu. Créons l'homme à notre image et ressemblance. L'âme est semblable à Dieu en deux points. Le premier,
l'immortalité, parce qu'elle n'est pas mortelle; de même que Dieu n'a pas de
fin, elle non plus n'en aura pas; de même que Dieu est immortel, l'âme est
immortelle. Le deuxième point de ressemblance réside dans l'immatérialité et le
fait d'être spirituel car de même que Dieu est esprit, l'âme l'est également;
grâce à cela elle a pu connaître Dieu; mais pas à la façon des autres êtres sans
raison, qui ne connaissent pas Dieu, et n'en ont pas même conscience.
L'homme
doit connaître Dieu. Saint Jean le dit : Or voici la vie éternelle: qu'ils vous reconnaissent, vous
le seul vrai Dieu (Cf. Jo. 17,
13). Ainsi étaient nos premiers parents.
Comme
ils connaissaient Dieu, étant en état de grâce, la vivacité de leur entendement
leur permettait de comprendre Dieu, leur volonté était assujettie à n'aimer que
Dieu seul. Ils réalisaient bien cette parole divine : Que votre volonté soit faite. Leur chair était si soumise, qu'elle ne voulait que ce
qu'ils voulaient; la chair était comme une très humble esclave, obéissante au
goût de son maître; elle n'était pas rebelle, elle ne lançait pas de ruades.
Dès
que l'homme eut péché, dès qu'il eut enfreint le commandement de Dieu, il
perdit aussitôt l'état de grâce qu'il possédait et ce qui resplendissait en lui
fut entièrement détruit; l'entendement devint aveugle, il perdit la
connaissance qu'il avait de Dieu, sa volonté devint hésitante, cette volonté
que Dieu avait donnée à l'homme pour n'aimer que lui et lui consacrer tout ce
qu'il aime; à présent l'homme ne sait pas aimer Dieu uniquement pour Dieu, mais
il l'aime pour ses intérêts. S'il aime son prochain ce n'est pas pour Dieu,
mais pour son plaisir. Si auparavant la chair était mortifiée et soumise, à
présent elle est rebelle et lance des ruades.
Lorsque
Dieu abandonna les hommes, ces malheureux furent dans un tel état qu'il est
pitoyable d'y penser; la clarté s'en allant, ils furent dans les ténèbres.
Demandez de grâce aux lettrés, à ceux qui se considèrent comme des savants
s'ils comprennent sans Dieu, s'ils savent quelque chose sans Dieu. Ils peuvent
bien savoir d'autres choses mais, sans Dieu, ils ne peuvent connaître la
véritable science. D'autre part :
Si
le savoir de quelqu'un est tel qu'il est
considéré parmi les hommes comme très savant, et qu'il n'ait
pas en lui la sagesse de Dieu mais qu'elle en
soit éloignée, il sera compté pour rien (Cf. Sap. 9, 6). Les aveugles guéris par le Christ en sont
un exemple. C'est ainsi que tout ce que l'homme avait de bon fut détruit;
l'entendement devint aveugle, la volonté hésitante, la chair rebelle et combien
rebelle !
Il
n'existe pas de cheval qui se laisse aller autant à la paresse que cette chair.
N'est-ce pas vrai ? Que chacun interroge sa conscience et il verra qu'il en est
ainsi. Pas besoin de le prouver par de longues pages. Le rôle de la chair n'est
que de ruer contre la raison. Ne vous est-il pas arrivé parfois de vouloir
faire quelque bonne oeuvre et d'en être empêché par votre chair ? Combien et
combien de fois cela arrive-t-il ! Si vous voulez jeûner, la chair veut manger;
si la raison veut se soumettre à Dieu, la chair l'en empêche. Si l'homme veut
prier ou pratiquer d'autres exercices, s'il veut discipliner la chair, celle-ci
l'en empêche et contrecarre son action. Si l'esprit est prêt à servir Dieu, la
chair rebelle crie : " Ne le fais pas ". Notre Rédempteur l'a dit
ainsi de sa bouche : L'esprit est
ardent mais la chair est faible (Mt. 26, 41). L'esprit est préparé, est soumis à la souffrance, mais la chair est malade et rebelle, et comme elle refuse le combat !
Avec
le péché tout fut perdu.
Vous
voyez maintenant qui nous sommes; regardons-nous dans ce miroir, nous verrons
ce que nous sommes, mais non pas ce que nous pourrions être. Oh ! mes frères,
que serions-nous si la main de Dieu nous abandonnait un tant soit peu ! Nous
serions pires que des démons; nous ferions des choses plus abominables encore.
Si Dieu vous permettait de comprendre ce que nous pourrions être, que
verriez-vous, quelles effroyables laideurs, quels spectacles d'abomination
pires que tout ! J'ai connu une personne qui pria souvent Dieu de lui montrer
ce qu'elle pouvait être. Dieu lui ouvrit un peu les yeux et cela devait lui
coûter cher. Elle se vit si effroyablement laide, si malodorante, si sale, si
abominable, qu'à grands cris elle disait : " Seigneur, par votre
miséricorde, ôtez ce miroir de ma vue, je ne veux pas voir plus longtemps mon
image ."
Mes
frères, nous sommes une misérable pincée de terre, un peu de malpropreté; nous
sommes un esprit du mal qui a les apparences du Saint-Esprit et n'est que
mauvais et hypocrite, rempli de duplicité et de méchanceté pour tromper.
Lorsque
Judas vint le jeudi de la Cène avec cette troupe de gens pour vendre et faire
arrêter Jésus-Christ, il portait des lumières; mais parce qu'il venait, animé
d'une mauvaise intention, pour arrêter Jésus-Christ, elles ne l'éclairèrent
pas, et il demeura dans l'obscurité.
Oh !
combien parmi ceux qui vivent dans les monastères, contents et très bons
religieux, servant Dieu, ont pensé qu'ils seraient plus recueillis et plus
solitaires s'ils allaient au désert; ils se donneraient plus à Dieu et leur
conscience en tirerait plus de profit qu'au monastère où ils ne font que
manger, se rendre au choeur, et perdent leur temps sans profit. Cette pensée
leur fait une telle guerre, pensée qui paraît sainte tandis qu'elle est
mauvaise, qu'elle les fait partir de leur monastère et gagner la solitude pour
mieux servir Dieu.
Un homme
marié entre dans un monastère et, en voyant les religieux, tout lui semble si
bien que sa vie, sa femme, ses enfants et toutes les choses d'ici-bas lui
déplaisent. Il déteste et nomme enfer les choses d'ici-bas et le travail - et
encore celui-ci est-il fait peut-être pour subvenir aux besoins de sa maison.
Il dit qu'il n'existe pas d'autre vie pour servir Dieu que celle des religieux
et qu'il voudrait divorcer et entrer au monastère. Il le désire et tente d'y
parvenir. Cela est faux, car il ne le fait que par paresse afin de ne pas
travailler. Puisque Dieu vous a placé dans cet état, c'est dans celui-ci que
vous vous sauverez; ayez soin de faire tout ce que vous devez car c'est dans
cet état qu'il vous donnera sa grâce qui vous conduira au ciel; le démon ne
vous donne pas de satisfaction de cette vie sainte et ne vous donne du
mécontentement de votre propre vie que pour vous faire perdre la paix et le
contentement que vous deviez avoir dans votre état, en vous faisant espérer et
désirer ce qui ne peut être, et ce qu'il est impossible d'atteindre.
N'ayez
confiance en rien, considérez combien vous pouvez facilement vous tromper même
si vous recevez des révélations et des inspirations; ne vous précipitez pas,
car tout esprit doit avoir fait ses preuves; ceux-ci sont des voleurs et de la
fausse lumière, ce qui est pire que des ténèbres. Il y a un certain nombre de
voleurs qui sont vêtus et parés d'habits de soie, de sorte que personne, à les
voir, ne pense qu'une telle méchanceté puisse habiter chez des hommes qui
semblent si honorables (L'escroquerie " à l'homme du monde " était bien connue dans la société contemporaine d'Avila. La
littérature picaresque ne tarit pas sur ce chapitre), jusqu'à ce qu'ils les
prennent en flagrant délit; alors ils s'épouvantent que ce soient des voleurs
et disent : " Qui l'eût cru ? " Ils te laissaient sans âme et tu ne
le sentais pas; ils t'emportaient tous tes biens et tu ne t'en apercevais pas. Avant moi tous étaient des voleurs. Jérémie : Si les voleurs
viennent de nuit... (Avila fait
allusion, en un texte hâtif, à Jérémie. : Jer. I, 9-10 et Jo. 10, 8). Lorsque
les voleurs de biens matériels viennent te voler, ils t'emportent une partie de
ta fortune, et t'en laissent un peu, ou bien ce qu'ils ne peuvent pas emporter,
ou bien ce qu'ils ont oublié; mais les voleurs de biens spirituels, qu'ils
viennent de jour ou de nuit ou furtivement, te volent tout ce que tu as, ils te
volent ta fortune et tout ton bien. Ton corps est resté en bonne santé, mais
ton coeur et ton âme sont très corrompus. Ils ont fouillé toute la maison, tous
les recoins, et le coeur; il ne te reste aucun bien, ils t'enlèvent tout et ils
te laissent accablé de tous les maux. Tes ennemis ont semé la ruine en toi, les
soldats t'ont blessé, ils t'ont fait ce que le loup fait à la brebis; tu restes
pauvre. Si quelque chose demeure en toi, c'est la foi, encore est- elle
décapitée, parce que tu ne la possèdes pas avec la charité mais morte.
Jésus-Christ portera remède à tant de maux en nous donnant son Esprit.
- Qui
portera remède à ceci ? Qui portera remède à tant de maux ? - II n'y a pas de
vie sans Jésus-Christ. Sans lui tout fait mourir, tout trompe. Qui pourra
donner de la vie à ces âmes qui sont mortes ?
- A
quoi verrai-je, Père, que je suis mort ? - Par la vie que mène ton âme; quand
elle est vivante, elle aime et connaît Dieu, elle emploie toutes ses forces à
son service. Il y a trois sortes de morts : la mort par l'oubli, la mort par
l'erreur, la mort par les passions. L'âme qui n'aime pas Dieu, mortes sont sa
volonté, son intelligence et sa mémoire; elle est morte, et ne fait rien de
bon.
Jésus-Christ
dit : Je suis venu pour qu'ils aient la vie et qu'ils l'aient en
abondance. Jésus-Christ est
venu pour que nous vivions. Qu'il soit béni pour toujours, car c'est avec sa
mort qu'il a acheté notre vie ! Le Très-Haut, le Tout-Puissant est venu, il
s'est abaissé et s'est uni à l'enfant. Quelle douleur de voir Jésus-Christ sur
une croix, tenu pour un scélérat, déshonoré et tourmenté, insulté! Tel il est
sur la croix, telle est ton âme. Il est là comme un scélérat, ton âme est
mauvaise et malade; il est enlaidi par les tourments, ton âme est ainsi, laide
et tachée par les fautes; il est entouré de bourreaux et de larrons, ton âme
est ainsi, entourée de péchés et de démons.
Soyez
béni et glorifié, Seigneur, qui avez voulu, tellement à vos dépens, me porter
secours de telle sorte que, en simulant ma mort, vous m'avez donné la vie. Que
mes mains aient péché et que les mains de Jésus-Christ aient payé leur méfait !
Que mes pieds aillent de péché en péché et que les vôtres soient cloués sur la
croix ! Que mon coeur pèche et vous offense et que le vôtre soit ouvert et
déchiré pour moi ! Finalement tous les péchés que mes mains, mes pieds, et mon
coeur ont commis envers Dieu, les mains, les pieds et le coeur cloués et
déchirés les payèrent pour moi sur la croix; avec son corps béni il a payé tous
les péchés et les offenses que j'ai faites, moi qui suis méchant.
Dieu
créa le premier homme et il lui souffla sur le visage, il lui donna le souffle
et l'esprit de vie et il vécut. Le premier homme,
Adam, a été fait âme vivante; le dernier Adam a été fait esprit vivifiant, (Cf. 1 Cor. 15, 45)
Jésus-Christ fut le second Adam créé; et non seulement on lui donna et
il eut de l'esprit pour lui comme le premier Adam mais encore il en eut pour
beaucoup d'autres. Le Christ a de l'esprit qui
vivifie, de l'esprit qui donne la vie, qui ressuscite ceux qui
désirent vivre. Allons au Christ, car il possède le souffle de vie. Même si tu
es méchant, même si tu es perdu, même si tu es troublé, si tu vas à lui, si tu
le cherches, il te rendra bon, il te gagnera, te redressera, et te guérira : Ceux qui sont venus avant moi, sont des voleurs. C'est pour
cela que je suis venu, pour que ceux qui
viennent à moi, ceux qui me cherchent, ceux qui m'appellent, possèdent la vie, reçoivent la vie et ressuscitent.
-
Père, comment Jésus-Christ donne-t-il la vie ? - Lui-même a dit : En vérité, en vérité, je vous le dis : Je suis la porte;
celui qui n'entre pas par moi est un voleur. Je suis la porte. - Si Jésus-Christ est la porte on ne peut parvenir ensuite au
Père que par Jésus-Christ. Je suis la porte:
si quelqu'un entre par moi il sera sauvé, il ira et viendra, et il trouvera des
pâturages (Cf. Jo. 10,
9.).
- Si
Jésus-Christ est une porte, où cette porte nous conduira-t-elle ? - Où ? chez
le Saint-Esprit. Je suis la porte
: celui qui entre par moi trouvera le Saint-Esprit. La loi de l'Esprit de vie m'a affranchi en Jésus-Christ. (Rom. 8) La loi met l'esprit de vie en Jésus-Christ. Dès
que Dieu le mit en lui, Adam fut vivant, il eut l'esprit; de même Jésus-Christ
a mis en toi son Esprit qui vivifie; il t'apportera la vie. Il convient ainsi
que le grand Elisée se penche sur le petit enfant mort, qu'il se courbe et
s'abaisse sur lui, qu'il veuille bien lui donner de son haleine le souffle de
vie.
-
Celui qui n'a pas le souffle du
Christ, même s'il est riche, même s'il est puissant, même s'il
possède tous les autres biens en abondance, est pauvre, faible, misérable, il
ne possède pas le Christ. La vigne et les sarments se nourrissent d'une même
sève, la tête et le corps sont soutenus par une même force; l'Esprit du Christ
et celui de ceux qui sont incorporés en lui ne font qu'un. Il est la vigne et ses membres sont les sarments. Je suis la
porte: Que celui qui veut l'Esprit-Saint entre par moi.
- Comment entrerons-nous ? Où est cette porte ? - Ne connaissez-vous pas
encore la porte ? Quelle belle porte et comme elle est bien ornée ! Comme ses
pierres sont bien travaillées et bien taillées en imitant les pierres rustiques
! La pierre d'en-haut est plus ouvragée et d'un travail plus rustique encore
que toutes les autres. Jésus-Christ et ses serviteurs furent ainsi façonnés par
les peines et les persécutions de ce monde et méritèrent ainsi une place avec
le Christ.
- S'il
est la porte, comment entrerons-nous par lui ? Que celui qui veut le
Saint-Esprit, aime Jésus-Christ, lui obéisse, le désire pour toujours. Le Père lui-même vous aime, parce que vous m'avez aimé (Cf. Jo. 16, 27). Crois-tu que l'amour du Père pour vous
soit sans importance ? Il n'y a pas de chaînes plus fortes pour retenir le
Saint-Esprit que d'aimer Jésus-Christ. Parce que vous
m'aimez - dit Jésus-Christ
- parce que vous m'avez bien aimé le Père vous
aime. Bon échange, assurément, celui de Dieu, qui est de donner
le Saint-Esprit à celui qui aime et affectionne bien Jésus-Christ ! Et parce
que les apôtres ont tant aimé Jésus-Christ, aujourd'hui on leur envoie, on leur
donne le Saint-Esprit. Ce souffle fut supérieur à celui que reçut le premier
homme quand on le créa.
Les
apôtres étaient semblables à des hommes lâches et faibles. Dieu souffla du ciel
ce jour-là et comme il créa Adam du limon de la terre, de même il régénéra ces
apôtres insignifiants, éplorés, troublés, craintifs. Pense à Jésus-Christ,
obéis-lui, aime-le du plus profond de ton coeur, car le Saint-Esprit entre par
là. En effet Jésus-Christ a dit ceci : Je suis le
chemin, la vérité et la vie. (Jo. 14, 6)
Par le
Christ nous passons au Saint-Esprit. La sainteté qui ne passe pas par
Jésus-Christ n'est pas sûre, et je ne la tiens pas pour sûre. Celui qui se
moque des pénitences, celui qui estime peu ces signes et ces oeuvres
extérieures de dévotion n'a pas le Saint-Esprit. D'où proviennent ces esprits
faux? D'où proviennent ces esprits d'erreurs ? Du fait de croire qu'il y a un
autre moyen de sainteté que celui de Jésus-Christ. Prenez bien garde de ne pas
vous tromper : pour qu'une chose soit sainte, bonne et solide, c'est cette voie
qu'elle doit suivre et si elle ne suit pas cette voie, tout n'est rien. Il est
le chemin.
Que fait le Saint-Esprit dans les âmes ?
Après
sa venue, que fit le Saint-Esprit pour l'Église ? Qu'a-t-il fait dans le coeur
des croyants chez qui il est venu ? Il leur a donné la vie, il leur a donné des
dons infinis, il leur a donné du courage, il les a beaucoup améliorés. Les
bienheureux apôtres avaient en eux la grâce, mais ils étaient encore pleins de
faiblesse, ils n'osaient pas confesser publiquement la vérité de Jésus-Christ,
ils avaient de la crainte; mais une fois venu ce souffle saint du Saint-Esprit,
remplis de grâce et devenus forts, sans aucune crainte, ils se mettent à
prêcher aux hommes les mystères de notre rédemption, opérés par la mort et la
résurrection sacrée de Jésus-Christ vrai Dieu et vrai homme. Il imprima dans
leur coeur de toujours se souvenir de Dieu et d'avoir un grand respect de Dieu,
la source d'où proviennent tous les biens et miséricordes.
Vous
qui êtes mariés, dites-moi, seriez-vous jaloux de quelqu'un qui aurait tant de
force qu'il prendrait un quintal de plomb et le lancerait jusqu'au ciel, une
barre de fer et relèverait plus haut que les cieux ? Vous allez, inconsolables
et tristes alors que vous pouvez tirer de vos souffrances des mérites pour le
ciel. Soyez patients pour supporter les souffrances de votre ménage,
transformez tout en bien, offrez tout au ciel; ayez de la force pour lancer ces
quintaux de plomb au-delà des cieux.
N'importe
quelle petite souffrance que vous ayez et supportiez chez vous, n'importe
quelle importunité, n'importe quelle peine, le mauvais caractère de votre
femme, ou de votre mari, ou de votre maître, ou de ceux qui sont en votre
compagnie, le travail que vous endurez pour vous nourrir vous et vos enfants,
dites : " Par amour pour vous, Seigneur, je me réjouis de le supporter
". Levez les yeux et élevez votre coeur à Dieu, recommandez-vous à lui,
offrez-lui vos souffrances, car moi, je vous le dis, en vérité, pour tout vous
recevrez récompense. Le sommeil que vous prenez, la nourriture que vous mangez,
et ce que vous buvez, tout cela, élevez-le vers le ciel, envoyez-le au ciel, en
le faisant et en le supportant pour Dieu; en le lui recommandant et en le lui
offrant, vous le lancez au ciel. Faites ainsi, et de cette manière, ce qui est
pesant, deviendra léger; vous ferez monter au ciel le plomb et la terre. Et de
cette façon il est possible que vous gagniez plus en une seule année qu'un
autre en dix. Cela est dû à l'amour avec lequel vous les faites et au fait de
savoir l'acheminer vers le but comme on doit le faire parce qu'on vous a mis,
dans toutes vos oeuvres, le souvenir de Dieu et le respect de sa sainte
présence.
-
" Le Saint-Esprit est un animateur - dit le Christ - que le Père vous
enverra; et il s'appelle Paraclet, Consolateur et Exhortateur ." Consolateur, parce que
même s'il gronde parfois, il ne s'en va pas sans consoler l'âme qu'il
réprimande. Parfois ce Consolateur blâme et gronde les âmes en disant par
exemple : " A quoi prêtes-tu attention ? Que fais-tu ? Pourquoi négliges-tu
tes devoirs ? Fais attention, cela va mal. Considère qu'il faut faire ceci
avant de faire cela, quitter telle compagnie, rechercher cette autre, entrer en
relation avec telles personnes. Prends garde, la vie passe; fais le bien que tu
peux, les aumônes que tu peux; mets en oeuvre ce que l'on t'a enseigné. Que la
vie ne s'écoule pas seulement en bons désirs et bonnes pensées, et sans aucune
oeuvre. Considère que la vie passe; et tu ignores si Dieu notre Seigneur ne
t'appellera pas au milieu de ta jeunesse. Veille à ne pas être surpris. "
Et d'autres choses du même ordre. Si de cette semonce et de cette exhortation
votre âme est sortie bouleversée, inconsolable et remplie de crainte, ce
n'était pas le Saint-Esprit. Il ne gronde que pour consoler, il ne gronde que
pour amender et pour qu'on parte joyeux avec ses avertissements. Si après la
semonce, après ce trouble, les larmes et la honte que vous avez d'avoir
travaillé contre le Seigneur, vous demeurez joyeux, rempli de confiance dans le
Seigneur, qui ne vous abandonnera pas, qui vous aidera à être meilleur et vous
amendera, cela provient du Saint-Esprit. Le Consolateur est entré dans votre
coeur : il vous a grondé, II vient vous consoler : il a coutume de faire ainsi,
apporter la tranquillité après l'orage, et l'amour après la crainte.
L'Animateur, l'Exhortateur, le Consolateur, le Maître, lui t'enseignera à
commander et guider ton navire et tout ce qu'il y aura à faire. Il fera que,
contre vents et marées, grâce à son seul conseil et à son adresse tu arrives à
bon port.
D'où
vient que, dans l'Eglise primitive, les croyants ne pouvaient supporter la
fortune, ni les possessions, ni l'argent, ni rien de ce qu'ils avaient gagné ?
Ils vendaient tout ce qu'ils possédaient, ils prenaient l'argent et se jetaient
avec lui aux pieds des apôtres : " Prenez ce fumier ". Le grand amour
qu'ils avaient dans leurs coeurs et leurs entrailles pour Jésus-Christ et sa
sainte pauvreté leur faisait mépriser tous les biens visibles.
- Qui
leur communiqua cet amour ? - Qui ? Le Saint-Esprit, qui en abondance, était
venu dans leurs coeurs. - Qui changea le caractère de tel homme ? Qui lui donna
tant de patience ? Il était d'ordinaire très emporté, personne ne pouvait s'en
garantir; à présent c'est un saint Jérôme, il a le coeur d'un ange, devant tout
il reste muet, tolère tout. - C'est le Saint-Esprit qui fait tout cela, et plus
encore, car il encourage l'âme où il demeure, la console, et lui donne des
biens et des miséricordes innombrables. Tout provient d'en-haut; il en descend;
il n'existe pas ici-bas, sur la terre, de pouvoir capable de faire de telles
choses; il n'y a personne qui transforme les coeurs. Si forte que soit ta chair
pour le mal, plus fort est le Saint-Esprit pour le bien; si sain que tu sois,
il te fait languir; si frais que tu sois, il fanera ta beauté, si sauvage que
tu sois, il te domptera; si grand que tu sois, il te renverse, et il tue en toi
et supprime tout ce qu'il y a d'extérieur et de contraire à Dieu; il élève,
augmente et ressuscite tout ce qui plaît à Dieu. Quelle diligence il t'inspire
pour chercher la façon de plaire à Dieu, quel amour pour le prochain car ses
souffrances et ses nécessités lui font mal comme les siennes propres et
davantage encore ! Il te donne des pieds légers comme ceux du cerf pour courir
sur le chemin du Seigneur.
Le Saint-Esprit est celui qui pousse à embrasser l'état religieux.
Qui
pourra dire les mystères, les merveilles, les changements que ce Saint-Esprit,
ce Consolateur et Exhortateur a faits dans l'Eglise primitive! Nous pourrions
avoir de nombreux témoignages de ce temps-là mais puisque nous en avons
d'autres près de nous, prenons ce que nous avons entre les mains, Grâce à qui
beaucoup méprisent-ils le monde, apprécient-ils peu les vêtements, les parures,
les plaisirs, les fêtes, la pompe et les réjouissances profanes, ne veulent-ils
pas voir ni entendre les choses du monde, les jeux de lutte, les joutes, les
tournois, ne veulent-ils pas être vus, ne veulent-ils pas voir, car même par
force ils n'iront pas, dans la mesure du possible, pour ne pas aller dans les
rues et rencontrer quelque chose qui trouble leurs âmes même pour un moment ?
Ces serviteurs de Jésus-Christ abandonnent les plaisirs et vont chercher les
souffrances; ils vont se faire esclaves alors qu'ils étaient libres. Faut-il
des livres entiers pour l'expliquer ?
Le
Saint-Esprit le montre, c'est son enseignement; ils veulent fuir les choses
d'ici-bas pour aller avec Jésus-Christ, ils aiment mieux pleurer et gémir là
que rire dans le monde. La chair et le sang ne peuvent y parvenir, ils n'en ont
pas la force; par exemple demandez-le à une dame : elle ne le fera pas, car le
sang ne peut le faire; et parce que c'est un don et une grâce du Saint-Esprit
et le Saint-Esprit les envoie au Christ. Qui fait ces merveilles ? Si vous
voyez quelqu'un qui fait ainsi, ne considérez pas tant ses actes que son coeur;
car il est certain qu'il abandonnerait plus s'il possédait plus. Il ne regrette
pas ce qu'il laisse mais regrette seulement de n'avoir pas beaucoup à laisser
par amour pour Jésus-Christ; s'il possédait mille mondes, il les laisserait
pour venir aux pieds du Christ. Il aime mieux lui plaire et le servir que
d'être seigneur de la terre entière.
Or
pourquoi fait-il cela ? Pourquoi choisit-il cet état ? Pourquoi veut-il s'enfermer
? Seul celui qui le comprend peut le dire.
Le
souci du serviteur de Dieu qui veut lui plaire est si grand, le souci de celui
qui veut se garder en toute pureté est si grand qu'il ne tient pas pour certain
ce qui l'est, même ce qui est bon, il le tient pour suspect.
Etre
marié et avoir un foyer n'est pas mauvais, mais parce qu'on ignore si ce qui
est bon à présent ne sera pas une cause de chute plus tard, il considère pour
plus sûr cet autre état. Qui sait si elle ne se noiera pas dans les tourbillons
du mari, du foyer, et de la famille ? C'est comparable à cette proposition
faite à quelqu'un : entrez dans cette rivière, sur le bord elle n'est pas
profonde, vous ne pouvez pas vous noyer. - Je ne veux pas - dit-il - car si je
mets les pieds dans l'eau j'ignore si, après les avoir plongés, je n'aurai pas
envie d'y entrer davantage, et ensuite davantage encore, et je tomberai dans la
partie la plus profonde d'où je ne pourrai sortir et me noierai. Je préfère ne
pas commencer à y entrer, peut-être ensuite ne sera-t-il pas en mon pouvoir de
sortir quand je le voudrai.
-
Pourquoi a-t-il voulu cet état ? - On lui a montré le sang de Jésus-Christ, on
lui a montré les
souffrances de Jésus-Christ, on lui a fait comprendre tout ce que Jésus-Christ
a fait pour lui, combien il l'aime, combien il doit être aimé et servi et voilà
pourquoi il a voulu embrasser cet état. Qui a fait cela ? Qui l'a ordonné ? -
Dieu; non pas le sang ni la chair.
Il n'y
a pas de force dans le sang, ni dans la chair pour faire ce bien. Qui l'a
ordonné ? - Je l'ignore, mais Dieu le sait.
Dieu,
dans l'ancienne Loi, ordonnait qu'on lui offrît des prémices; Après elle, des vierges, ses compagnes, te sont amenées (Cf. ps. 45, 15). La pureté de Notre-Dame la Vierge plut
tellement à Dieu que, dans ce vers, Jésus-Christ promettait qu'elles seraient
semblables à Notre-Dame.
Il
arrivait de nombreuses jeunes filles, qui s'offraient à ce Roi céleste,
Jésus-Christ, et abandonnaient de très bon gré tout ce qui fleurit dans le
monde, le choisissaient et étaient plus contentes de le posséder que d'être
épouses de rois et de princes de la terre : " Les prémices, dit saint
Cyprien, ce sont les vierges, la pureté la plus pure qui soit au ciel parce
qu'elle possède la pureté du corps et de l'âme. Elle représente ici-bas ce que
nous devons être et ce que nous serons au ciel. Nous devons y entrer
incorruptibles, purs d'âme et de corps. Ainsi sont les vierges qui vivent
ici-bas sur la terre, de chair, elles
ne vivent pas selon la chair." Elles sont pour Dieu les meilleures demeures parmi les
hommes. Il se repose dans les coeurs purs, préservés de la corruption et du
péché. Saint Jérôme dit : " Celui qui, tout en étant un être de chair,
garde dans sa chair la virginité et la pureté est plus qu'un ange, parce que l'un,
qui est l'ange, travaille et agit par don naturel, l'autre, par la grâce. Ce
sont des vierges et elles ont cette vertu. On les appelle anges puisqu'elles
gardent dans la chair faible et corruptible, par le don de la grâce, la nature
des anges ".
Cette
dignité et cet état ne doivent pas être choisis parce qu'on ne peut pas faire
plus. Il doit être choisi pour l'amour de Dieu, avec le seul désir de lui
plaire et de le servir. Celle qui le choisit, pour cette raison-là, celle qui
au milieu de la vanité foule au pied le monde et méprise ses faveurs, celle-là
est la meilleure.
Ceux
qui ont tourné le dos au monde alors qu'ils pouvaient en jouir dans la
jeunesse, au moment où ils avaient la beauté et en avaient les moyens sont les
serviteurs de Dieu. Ce sont les prémices et les épis mûrs. - Qui vous a mis
dans un tel état ? - "Le soleil
m'a décolorée; l'amour du
soleil me tient dans cet état; je suis un épi brûlé, à l'intérieur je suis
belle, à l'extérieur brûlée et noircie par l'amour de Jésus-Christ ". Que
les belles ne se glorifient pas de leur beauté, si cette beauté n'est
qu'extérieure, parce que à l'extérieur elles paraissent belles et à l'intérieur
elles sont l'enfer. Épouses du Christ, ne vous scandalisez pas car si vous avez
perdu, pour l'amour du Christ, votre beauté, on vous rendra de la splendeur.
Tout
ce que vous avez laissé pour le Christ, tout vous sera rendu en plus grande
abondance. Réjouissez-vous et dites lorsque vous serez angoissées au souvenir
de ce que vous avez quitté : " Seigneur si j'ai quitté quelque chose pour
vous, tout cela est peu de chose car vous méritez beaucoup plus et que je
devrais faire encore plus ."
Saint
Paul dit aux Hébreux (Hebr. 9, 13-14)
: Si le sang des boucs et des taureaux et les cendres de la
génisse que l'on répand pour la sanctification de la chair, sanctifient les
impurs, combien le sang du Christ qui s'offrit pur à Dieu par le Saint-Esprit
n'a-t-il pas sanctifié plus encore nos consciences des oeuvres mortes pour
servir Dieu?
Que
possède ce sang béni ? Ce sang qui nettoie nos taches lave-t-il nos délits ? Ah
! si je demandais à Jésus-Christ : Qui vous conduit, Seigneur, à souffrir tant
? Qui pousse ce coeur pour qu'il souffre tant ? Le sang du Christ, qui fut répandu par le Saint-Esprit; ce fut l'Esprit qui l'a fait et l'a poussé à le répandre de
si bon gré. C'est lui qui lui disait : " Si vous ne mourez pas, personne
n'entrera au ciel; mourez; sinon personne ne sera sauvé ".
Péroraison : Heureuse jeune fille qui laisse la terre pour le ciel.
Ne
vous effrayez pas que le Saint-Esprit vous ait amené aujourd'hui à vous mettre
en croix car il a fait une oeuvre plus grande, celle d'obtenir que le Christ
renonce à ses plaisirs, qu'il soit obéissant, pauvre, rejeté. Celui qui a
poussé Jésus-Christ à se mettre en croix, a poussé votre coeur à suivre le
Christ, après avoir quitté et oublié tous les plaisirs. Ne vous repentez pas,
ne vous découragez pas de ce qui vous arrive, car je vous fais savoir que, plus
votre oeuvre est grande, d'autant plus grandes seront les tentations du démon.
Le monastère vous semblera un enfer, le choeur une arène, la cellule une
prison, les messes des tourments, il vous semblera que vous mangez peu et qu'on
vous traite mal. Vous vous direz : " Ceci, je l'avais lorsque j'étais dans
le monde. J'ai quitté beaucoup de choses. J'aurais bien pu me sauver en
possédant tout cela et en en jouissant. " D'infinies tentations
s'empareront de vous pour vous abattre. Soyez averties. Que Dieu vous fasse
comprendre combien ce que vous laissez est peu de chose, combien ce que l'on
vous donnera est immense. Que le monde ne vous trompe pas, jeune fille, car
derrière ces plaisirs, combien y a-t-il d'angoisses et de chagrins, de douleurs
et de soucis ! Celui qui considère bien la chose, dira qu'il est bienheureux
celui qui en est exempt. Que Dieu vous le fasse comprendre, afin que vous
voyiez clairement que ce n'est pas une perte mais un gain; ce n'est pas là une
erreur de votre part, c'est un succès.
David,
pour échapper à ces dangers, ne demandait-il pas : Détournez mes regards, Seigneur, pour qu'ils ne
voient pas la vanité (ps. 118, 37).
Il a voulu dire, que les yeux qui devaient voir Dieu, ne devaient pas servir à
voir des vanités. Ce que nous aimons beaucoup, gardons-le bien. Que vos yeux
s'abstiennent de voir des vanités puisqu'ils espèrent voir Dieu; car vous ne
pourrez pas voir Dieu avec les yeux qui voient des vanités. Mettez vos pieds
dans le piège de la clôture, et votre cou sous le joug de l'obéissance;
faites-vous captifs pour le Christ, enchaînez-vous pour son amour, et tenez
fermement car vous trouverez plus de liberté que dans tout le monde.
A quoi
vous sert la liberté si votre âme est soumise à la privation ? Supportez de bon
gré et fidèlement les souffrances qui peuvent venir pour lui plaire, car il
vous en récompensera et vous fera comprendre les mille biens que vous
obtiendrez en agissant de la sorte. Malheur à celui qui n'a pas un tel coeur.
N'ayons pas de regret en quittant argent, père, frères, maisons, et plaisirs
pour Dieu; agir ainsi est un honneur suprême.
Je
voudrais plus, si on me donnait à choisir, et les souffrances et les affronts
que saint Paul a endurés en ce monde pour Jésus-Christ ont davantage de valeur
que ses consolations et ses révélations.
Bienheureuse
jeune fille, vous qui quittez la terre pour que l'on vous donne le ciel, vous
perdez pour gagner davantage ! Que dirons-nous ? Vous entrez pour le servir et
c'est lui qui vous servira. Mettez vos pieds dans le piège et mettez votre cou
dans le collier d'or; même si vos pieds sont dans la douleur et la souffrance,
levez vos yeux vers l'honneur qui vous est préparé; regardez votre couronne,
regardez votre récompense.
Dans la Vie des Pères on raconte qu'un moine vit une procession de saints et
quelques-uns portaient de très beaux colliers d'or à leur cou; on lui dit
qu'ils jouissaient de cet honneur de porter ces colliers parce qu'en ce monde
ils avaient humilié leur nuque sous le joug de l'obéissance.
Obéissez,
jeune fille, humiliez-vous, servez, balayez, faites tout ce que vous pourrez.
Plus vous aurez de travail ici-bas, plus votre collier au ciel sera riche et
digne de gloire. Perdez ici et vous gagnerez là-bas.
Si en ce monde vous souffrez de la solitude, vous serez
ensuite la compagne de ceux qui jouissent de Dieu; si ici-bas vous fermez les
yeux, au ciel ils verront Dieu; si vous travaillez en ce monde, dans l'autre,
vous vous reposerez dans la gloire à jamais.
30. Est-il venu à toi ce Consolateur ?
dimanche
de pentecôte (Ed. 1596, II, pp.
99-131).
Le Saint-Esprit Consolateur (Jo. 14, 26).
Celui
qui appartient à la terre a un langage terrestre; celui qui vient du ciel, est
au-dessus de tous, a dit saint
Jean-Baptiste à ses disciples. Ils furent un peu jaloux, parce que la foule
suivait davantage Jésus-Christ que saint Jean et, pour les apaiser, l'apôtre
leur dit ces mots : " Personne ne peut prendre plus que la part qui lui
vient du ciel, que celle qui lui est envoyée par le ciel. Celui qui est de la terre, (Cf. Jo. 3, 31. Avila suppose que ses auditeurs connaissent
le texte cité) etc... //appartient à la terre celui qui a un langage
terrestre.
Que
fera la terre, si on lui demande de monter au ciel ? Que fera-t-elle ? Comment
pourra-t-elle monter ? Que fera l'homme à qui on demande de parler du ciel ?
C'est une entreprise impossible, qu'il ne peut pas faire de lui-même,
entreprise aussi irréalisable que pour la terre de monter au ciel. Celui qui est de la terre, son langage est terrestre.
Si
nous devions parler de choses matérielles, si nous devions parler de choses d'ici-bas,
nous en parlerions avec précision, mais parler du Saint-Esprit, parler de chose
si élevée, parler du ciel, que ferons-nous, nous qui sommes plus bas que la
terre elle-même ? Que ferons-nous pour bien parler ? La grâce du Saint-Esprit
est tout à fait nécessaire. Pour parler elle ne fut pas donnée en vain aux
apôtres : Nous les entendons dire dans nos langues les merveilles de
Dieu. (Cf. Act. 2, 11)
Les
bienheureux apôtres furent remplis et totalement remplis par le feu du
Saint-Esprit; ils furent remplis de cette grâce céleste, pour faire comprendre
que personne ne doit prêcher ni parler du Saint-Esprit s'il n'est rempli et
totalement rempli de ce don céleste et de ce feu sacré. Les saints apôtres
avaient le coeur enflammé et plein de la grâce que Notre-Seigneur leur envoya
pour conter les merveilles et les grandeurs qu'ils ont contées et dites de
Dieu, et qu'ils ont publiées par toute la terre. Il vint sous la forme de
langues de feu, pour nous faire entendre que la langue de ceux qui parlent de Dieu
et de ses merveilles, doit être enflammée du feu, enflammée d'amour. La langue
qui doit parler du ciel et de ses merveilles, ne doit pas être faite d'eau, ne
doit pas être faite de vent, ne doit pas être faite de terre.
Nous venons entendre les paroles de Dieu, nous venons entendre ses
sermons et nous venons comme on va au théâtre, sans plus d'amour ni de respect.
Je vous dis, en vérité, que nous tous qui entendons des sermons courons un
grand risque; nous courons un grand danger si nous n'écoutons pas comme nous
devons écouter. Nous devrions venir l'entendre avec le coeur enflammé, avec les
entrailles embrasées. Nous nous sommes réunis pour écouter et parler du
Saint-Esprit; pour une si grande affaire, nous avons besoin de la grâce, nous
avons besoin du Saint-Esprit lui-même, nous avons besoin qu'il pénètre dans nos
coeurs, qu'il les adoucisse et qu'il les embrase du feu saint de ses dons
divins. Saint Paul dit que le
Saint-Esprit prie pour nous avec des gémissements ineffables. La prière qui n'est pas inspirée par le Saint-Esprit a peu
de valeur; celle qui ne se fait pas selon lui, celle qu'il n'inspire pas et
n'ordonne pas, porte très peu de fruit, profite peu. Le Christ a dit à ses
apôtres : Vous êtes tristes parce que je veux m'en aller: le
Consolateur viendra, car le Père l'enverra en mon nom, et il vous consolera; il
vous enseignera toutes les choses; il vous remettra en mémoire tout ce que je
vous ai dit; il ouvrira vos oreilles pour que vous entendiez et votre
entendement pour que vous compreniez; il vous enseignera à prier et il vous
enseignera tout ce que vous aurez à faire pour réussir en tout.
Nous
avons un besoin extrême de ce Consolateur, de ce Docteur, de ce Conseiller et
de ce Maître.
- Quel
remède ? - Nous tourner vers la Très Sainte Vierge. Elle est près du coeur,
très près du coeur du Saint-Esprit et le coeur du Saint-Esprit est près du
sien. Ses entrailles ont abrité l'incompréhensible. Il abaissa sa grandeur, sa
puissance et s'est fait temporel étant éternel, le riche s'est fait pauvre et
le Très-Haut s'est abaissé et tout cela par l'oeuvre du Saint-Esprit, par son
habileté, son ordre et son savoir. L'ange saint Gabriel dit à la Vierge: Le Saint-Esprit, Madame, descendra en vous et la vertu du
Très-Haut vous couvrira de son ombre. (Lc. 1, 35) Le Saint-Esprit connaît très bien le coeur de
la Vierge; il connaît très bien son coeur si totalement pur, il connaît très
bien ce palais où il élabora tant de mystères et de si grands mystères. La
Vierge ne fit rien, ne pensa rien, ne dit rien qui pût déplaire en un seul
point au Saint-Esprit. Elle lui plut en tout, en tout elle fit sa sainte
volonté. Par les supplications de cette glorieuse Vierge, par les gémissements,
les désirs et les prières, il apporta le Verbe Eternel et le mit dans ses entrailles.
Supplions-la,
puisqu'elle est si près du Saint-Esprit, de nous communiquer sa grâce pour
parler d'un Hôte si grand.
Si nous aimons le Christ, la Trinité demeurera en nous.
Avez-vous
reçu le Saint-Esprit quand vous avez embrassé la foi? (Act. 19, 2) a dit un jour saint Paul à quelques-uns.
Avez-vous reçu le Saint-Esprit ?
L'avez-vous dans vos entrailles ? Bienheureuse l'âme qui a reçu un tel
don; bienheureux celui qui a reçu un tel Hôte en devenant croyant car c'est par
la foi qu'il se donne ! Ils répondirent : Nous n'avons même pas entendu dire qu'il y ait un
Saint-Esprit - et à plus forte
raison nous ne savons pas si nous l'avons reçu. On ne le leur avait pas donné;
et peut-être même y en a-t-il ici qui l'ignorent. Oh ! si vous disiez vrai !
L'avez-vous reçu ? L'aimez-vous ? L'avez-vous servi ? Le désirez-vous ?
Souhaitez-vous ardemment qu'il pénètre dans vos coeurs ? Vous n'avez même pas
entendu dire qu'il y ait un Saint-Esprit. Le désirer ne sert à rien, lui
demander de venir, vouloir le recevoir ne suffisent pas; tout cela ne sert à
rien si les oeuvres dignes de mériter sa venue font défaut. Mais par leurs actes ils le nient. (Tit. 1. 16) Les oeuvres doivent s'accorder avec les
paroles et les désirs pour que cet Hôte si grand veuille venir et habiter dans
votre âme.
Le
Saint-Esprit a tant de prédicateurs, tant de prophètes qui ont parlé de lui
avant la création du monde. L'Ecriture dit que "l'Esprit du Seigneur se
mouvait au-dessus des eaux " (Gen. 1, 2). Tous les prophètes ont vu et ont
conté de grands secrets et de grands mystères du Saint-Esprit. Entre tous et
plus que tous, Jésus-Christ Notre-Seigneur a donné de telles preuves de son
existence, et a rapporté sur lui de telles choses qu'ils étaient tous stupéfiés
d'entendre les merveilles qu'il en a dites. Jésus-Christ a dit à ses apôtres : N'ayez pas de peine, ne souffrez pas parce que je m'en
vais. Mais au contraire, Seigneur, c'est pour cela qu'ils ont de
la peine. Quelles sont ces nouvelles preuves d'amour, Seigneur ? Quelles
nouvelles façons de se comporter avec ceux qui vous aiment ? Vous partez et
vous dites que vous nous aimez plus que la prunelle de vos yeux; vous voulez
vous en aller et pour nous consoler de votre départ vous dites : N'ayez pas de peine parce que je m'en vais? Au contraire c'est pour cela qu'ils ont de la peine et la
pensée, Seigneur, que vous devez vous en aller est la raison de tout leur
chagrin et de toute leur affliction.
- Personne ne peut le comprendre ni parvenir à le comprendre sinon celui
qui possède le Saint-Esprit. " Avec moi vous avez été consolés; avec ma
présence vous avez été réjouis; vous avez été instruits de ma doctrine; vous
avez été forts grâce à ma présence. Moi je m'en vais
et je prierai mon Père de vous envoyer un autre Consolateur en mon nom. Jusqu'à présent c'est moi qui vous ai consolés; je m'en
irai et en m'en allant, je vous enverrai un autre Consolateur, une autre
personne ." - Oh ! Dieu puissant ! Qui est ce Consolateur que vous devez
envoyer ? - Un Esprit de vérité qui demeurera en vous, qui vous enseignera des
vérités, non pas des opinions, non pas des erreurs.
Seigneur,
que les cieux et la terre vous bénissent ! Dieu le Père ne se contenta pas de
nous donner son Fils très aimé et unique, Notre-Seigneur Jésus-Christ pour
qu'il meure pour nous mais il se donna lui-même.
Jésus-Christ
dit : Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père
l'aimera, et nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure. (Jo. 14, 23)
Qu'il
étudie, pense et repense ses paroles, qu'il les accomplisse et les garde; il
vous les donne pour preuve et gage de son amour. Dites-moi, mon frère, que
ressentez-vous lorsque vous entendez la parole du Christ ? Vous réjouissez-vous
quand on vous parle de lui ? Votre coeur est-il rempli de joie quand vous l'entendez
nommer, lorsqu'on prêche de lui, lorsqu'on le loue, le bénit, le glorifie en
chaire ? Vous vous réjouissez davantage des découvertes, des nouveautés; vous
vous y intéressez plus volontiers.
Celui
qui garde ma parole, celui-là m'aime. - Que signifie cela ? Comment dois-je garder ses paroles ?
Comment dois-je l'aimer ? - Vous devez l'aimer et vous montrerez que vous
l'aimez véritablement, si pour cela vous oubliez et abandonnez tout ce qui vous
empêche de l'aimer et de le servir véritablement : si votre -il droit - si ce que vous aimez comme vos yeux - vous scandalise, si votre main droite - si quelque chose encore de grande utilité - vous écartent
de ce but sacré, coupez-les.
- C'est là un devoir bien pénible, Père ! - Vous devez avoir
un couteau si affilé que même si on vous oppose père et mère, frères, parents
et amis et tout ce qu'on peut imaginer, si cela vous éloigne de l'amour de
Jésus-Christ, coupez-le, ne le laissez pas, foulez-le aux pieds, passez dessus;
si cela semble être un acte de cruauté, c'est pourtant une grande preuve de
piété. Si pour des raisons d'argent, ou de fortune, si à cause d'un parent ou
d'un ami, si pour des raisons de déshonneur ou d'honneur, à cause de la faveur
ou de l'appui, à cause de la mort ou de la vie tu viens à pécher, détourne-toi
d'eux.
- Bien pénible devoir ! Dois-je ne pas désirer la femme d'autrui ? Non
seulement ne pas prendre la fortune d'autrui mais encore avoir à donner la
mienne ? Non seulement ne faire de mal à personne mais encore faire tout le
bien possible ? C'est une dure et pénible obligation; un peu de sucre,
Seigneur, s'il vous plaît ! Car je peine et transpire pour faire cela et avec
toutes mes forces n'y parviens qu'un peu; apportez-nous quelque consolation,
donnez-nous quelque récompense.
- Cela
me plaît. Mon père l'aimera; mon Père le chérira bien - dit Jésus-Christ - et la
récompense qu'il lui donnera pour obéir à mes paroles et observer mes
commandements (et cela repaiera ses souffrances) c'est que le Père éternel
abaissera ses regards sur lui, et nous viendrons
à lui et nous ferons chez lui notre demeure. Nous ne viendrons pas en passant car nous nous arrêterons
pour fixer notre résidence et séjourner.
- Qui
pourra entendre cette parole sans bénir et louer le Père, le Fils et le
Saint-Esprit, car le Père et le Fils viendront et ils établiront leur demeure
en lui.
Désirez-vous
plus ? Etes-vous contents ? A présent continuerez-vous à poursuivre les
chimères, à chercher de l'argent, les honneurs, à désirer vous élever plus
haut, vous faire valoir et rechercher des charges ?
Voulez-vous
davantage ? Saint Bernard dit : " Oh ! coeurs endurcis que ne blesse pas
un tel couteau, que n'enflamme pas un tel feu, que n'émeut pas, n'adoucit pas,
et n'attendrit pas une telle bonté ! " Quand le Fils et le Père viennent,
le Saint-Esprit vient aussi. Ne te considère pas comme orphelin dorénavant
parce que le monde te refuse les honneurs, parce que le monde ne t'accorde pas
de faveurs, parce que tu n'as ni prospérités, ni richesses ici-bas.
- Vous
reste-t-il quelque chose, Seigneur, vous reste-t-il quelque chose à donner ? Je prierai le Père et il vous enverra un autre Consolateur.
Le Consolateur sera tel, qu'ils ne regretteront pas le Christ.
Voilà
ce qui me stupéfie le plus. Les disciples attendaient ce Consolateur. Ils le
désiraient beaucoup tout en ignorant qui était ce Consolateur ou quelle était
sa puissance. Les apôtres l'aimaient avant sa venue et désiraient beaucoup
qu'il vînt à eux. Je prier ai le
Père et il vous enverra un autre Consolateur.
- Que dites-vous, Seigneur ? Quelles paroles sublimes sortent
de votre bouche ? Combien doit être grand le Consolateur pour que sa venue
console de votre douloureuse absence; pour qu'il console, pour qu'il enseigne
et pour qu'il fasse tout ce que vous faisiez.
Pourrez-vous
vous imaginer et pourrez-vous dire l'immense consolation que le Christ
apportait à ses apôtres, combien sa vue et sa présence leur donnaient de joie ?
Rien que de le voir, toutes leurs souffrances s'évanouissaient. Nulle mère
n'aime autant ses enfants et les comble d'aussi nombreux présents que
Jésus-Christ n'aimait et comblait ses apôtres de présents; il n'existe pas
d'oiseau qui prenne autant de soin de ses petits, les défende et les abrite
sous ses ailes que ne le faisait Jésus-Christ avec les siens. Il les aimait du
plus profond de son coeur, il leur parlait, il les instruisait, il leur
prodiguait mille consolations, il les préservait des défaillances, il les
encourageait, il leur faisait beaucoup de bien. Eux l'aimaient tellement qu'ils
abandonnèrent leur richesse et leur fortune, les filets avec lesquels ils
gagnaient leur vie, des maris quittèrent leurs femmes, des enfants leurs
parents, et quelques femmes leurs maris. Il était si affectueux pour eux, sa
conversation si affable et si pleine d'amour, qu'ils auraient donné mille
mondes s'ils les avaient possédés, afin de jouir de sa présence une seule
heure. Comme ils étaient pleins d'assurance, comme ils étaient joyeux, comme
ils étaient heureux avec le Christ ! On peut les considérer comme riches et
heureux, et ils l'étaient, ceux qui voyaient Jésus-Christ de leurs yeux et
entendaient de leurs oreilles ses très saintes paroles.
Jésus-Christ,
le jeudi de la Cène, leur dit : Vous êtes tristes
parce que je vous ai dit que je veux partir. Ces bienheureux étaient si heureux avec Jésus-Christ qu'il
leur semblait impossible qu'après son départ, quelque chose put venir consoler
leur coeur, et ils pensaient que personne au monde ne pourrait remplir le vide
causé par son absence. Ils étaient stupéfiés, ravis par ce corps très saint et
par sa présence; ils ne croyaient pas qu'ils pouvaient être consolés une fois
que le Christ les aurait quittés. Qui consolera ces affligés ? Qui portera
remède à une si grande perte ? Qui guérira cette plaie que l'absence du Christ
a causée dans le coeur de ses apôtres ? C'est une grande plaie d'amour, elle a
besoin de grand remède et de grand soin.
- Si
je m'en vais un autre Consolateur viendra qui vous consolera. Quel Consolateur
peut venir, qui les empêche de regretter Jésus-Christ ? Il leur dit qu'il veut
s'en aller et pour adoucir leur peine et leur tristesse il leur promet de leur
envoyer un autre Consolateur. Et il sera tel, que vous ne souffrirez pas de mon
départ; un autre Consolateur aussi bon que moi, un autre qui vous consolera et
vous fera plus de présents que moi.
Seul
Dieu pouvait guérir cette plaie; et voici un argument très important pour
croire que le Saint-Esprit est Dieu, parce que, s'il était moins que Dieu, il
n'aurait pas pu consoler, il n'aurait pas pu guérir la plaie que le Christ
avait faite par son absence. Jésus-Christ est Dieu; si le Consolateur qu'il
devait envoyer avait été moins que Jésus-Christ, il n'aurait pas pu guérir la
plaie faite par le départ du Christ. Donc, il est clair que, devant être
Consolateur comme le Christ l'a dit, puisqu'il devait consoler les apôtres de
la peine qu'ils avaient du départ du Christ, il devait être aussi Dieu que
Jésus-Christ et aussi puissant pour consoler que l'était le Christ. Seul le
Saint-Esprit qui est Dieu comme Jésus-Christ sera capable de le faire
réellement. C'est pourquoi, vous devez être tout à fait consolés, parce que, si
vous l'appelez, il vous secourera dans toutes vos difficultés. Peut-être
dites-vous : " On m'a calomnié, j'ignore ce qu'on a dit de moi, j'ai perdu
ma fortune, mon mari est parti, je souffre beaucoup et suis très malade, mon
père est mort, mon ami m'a manqué de parole, je suis affligé, j'ai de grandes
tentations, j'éprouve une grande sécheresse dans mon coeur, je ne sais pas ce
que j'ai, je suis toujours aux prises avec la souffrance et en danger de mort
". Ayez de la patience, ne vivez pas dans l'affliction; ne vous laissez
pas abattre, appelez ce Consolateur qui vous consolera et vous instruira; car
puisqu'il a suffi à combler, à guérir et à consoler la désolation que le Christ
a causée à ses apôtres, il vous consolera aussi; car ce fut une perte plus
grande et une affliction plus grande que toutes celles que vous pouvez avoir,
si grandes et si pénibles soient-elles. Compare ton affliction et ta plaie avec
celles des apôtres, et tu verras comment celui qui a guéri et consolé celles
là, alors qu'elles étaient si grandes consolera et guérira les tiennes aussi
bien et encore mieux.
Ce que fait le souffle du Saint-Esprit.
Ce
Consolateur est-il venu à vous ? Cet Hôte est-il venu à vous ? Ce grand jour
pour votre maison est-il arrivé ? - Père, je ne sais pas ce qui m'arrive; ce
qui me réjouissait beaucoup auparavant, m'importune à présent; les joies
qu'offre le monde m'attristent, les plaisirs me font de la peine; les jeux, les
passe-temps, les joies et toutes les jouissances du monde me sont fastidieux;
tout me procure de l'ennui.
- Si
ce jour est arrivé pour vous, si ce sentiment s'est emparé de votre coeur, si
vous l'avez reçu, sachez-en remercier le Seigneur, et sachez-lui en rendre
grâce. Celui qui reçoit cet Hôte, celui qui reçoit ce Consolateur, n'a que
mépris et peu d'attention pour tout ce qui fleurit dans le monde, et tout ce
que les mondains tiennent pour quelque chose, tout cela lui donne du dégoût,
tout le rebute, tout l'ennuie et lui fait de la peine.
Sais-tu
l'appeler ce Consolateur, tâche de lui plaire et de le contenter; parce que
celui qui possède un tel Hôte ne doit pas s'en distraire, car un si grand Hôte
demande un grand soin. Dis-lui : " Seigneur, c'est avec vous seul que je
suis content, vous seul suffisez à me rassasier; sans vous je n'aime personne,
et avec vous je possède tout; soyez, vous seul, avec moi et peu importe que
tous les autres m'abandonnent; vous, consolez-moi, peu m'importe que tout le
monde me remplisse de désolation; soyez, vous seul avec moi et peu m'importe
que tout le reste soit contre moi."
- Où
est la sagesse ? Où la trouverons-nous ? Elle est dans le coeur de Dieu. Eh
bien dites-moi : après son départ restons-nous orphelins, restons-nous seuls,
restons-nous sans conseil, sans appui ? Comment restons-nous ?
Nous
a-t-il laissé ici-bas un autre à sa place ? Qu'il vous le prêche celui qui le
sait et qu'il vous le fasse comprendre par sa miséricorde.
Oh !
grâces immenses de Dieu ! Oh ! grandes merveilles de Dieu !
Qui
pourrait vous faire comprendre ce que vous perdez et aussi qui pourrait vous
faire comprendre comme vous pourriez vite le regagner ! C'est un grand mal et
un grand dommage, de ne pas connaître une telle perte. C'est un dommage plus
grand encore de ne pas lui porter remède lorsqu'on le peut. Dieu t'aime bien;
il veut te faire des faveurs, il veut t'envoyer son Saint-Esprit; il veut te
remplir de ses dons et de ses grâces, et je ne sais pas pourquoi tu perds un
tel Hôte. Pourquoi consens-tu à une telle chose ? Pourquoi le laisses-tu passer
? Pourquoi ne te plains-tu pas ? Pourquoi ne pousses-tu pas de cris ?
Mais
comment appellerons-nous cette union que le Saint-Esprit veut faire et fait
avec ton âme ? Incarnation ? Non; toutefois l'âme est jointe à Dieu avec une
telle force et forme une union si puissante et si pacifique que cela ressemble
beaucoup à une incarnation bien que par ailleurs les différences soient
grandes. L'incarnation fut une union si haute du Verbe divin à sa
nature humaine très sainte, qu'elle l'éleva à une unité de personne, ce qui
n'est ici-bas qu'une unité de grâce; et comme on dit d'une part incarnation du
Verbe, on dit ici-bas spiritualisation (Le mot espirituaci—n n'existe pas comme tel en espagnol. C'est un de ces
néologismes frappants qui sont bien dans le genre de Jean d'Avila. N'ayant pas
d'autre mot que spiritualisation pour le traduire en français, il convient de donner à
celui-ci le sens fort qu'entendait lui donner Avila, c'est-à-dire : union
intime du Saint-Esprit et de l'homme, conçue par analogie - sans plus - avec
l'union de la divinité et de l'humanité dans l'Incarnation.) du Saint-Esprit.
De même que Jésus-Christ prêchait, le Saint-Esprit prêche à présent; de même
qu'il enseignait, le Saint-Esprit enseigne, de même que le Christ consolait, le
Saint-Esprit console et réjouit. Que demandes-tu ? Que cherches-tu ? Que
veux-tu de plus ? Avoir en toi un conseiller, un précepteur, un administrateur,
quelqu'un qui te guide, qui te conseille, qui t'encourage, qui t'achemine, qui
t'accompagne en tout et pour tout ! Finalement, si tu ne perds pas la grâce, il
sera tellement à ton côté, que tu ne pourras rien faire, ni dire, ni penser qui
ne passe par sa main et son saint conseil. Il sera pour toi un ami fidèle et
véritable; il ne t'abandonnera jamais si tu ne l'abandonnes pas.
De
même que le Christ pendant cette vie mortelle opérait de grandes guérisons et
répandait sa miséricorde dans le corps de ceux qui avaient besoin de lui et
l'appelaient, de même ce Maître et Consolateur opère ces oeuvres spirituelles
dans les âmes où il demeure et se trouve en union de grâce. Il guérit les
boiteux, il fait que les sourds entendent, il donne la vue aux aveugles, il
ramène les égarés, il enseigne aux ignorants, il console les affligés, il
encourage les faibles. De même que le Christ faisait ces oeuvres si saintes
parmi les hommes, et de même qu'il n'aurait pas pu faire ces oeuvres s'il
n'avait pas été Dieu, il les fit avec cette nature humaine qu'il avait assumée,
et nous les appelons oeuvres qui furent faites par un Dieu homme, de même ces
autres oeuvres que fait ici-bas le Saint-Esprit dans le coeur où il demeure,
nous les appelons oeuvres du Saint-Esprit avec l'homme, considéré comme élément
secondaire.
Ne
peut-on considérer comme malheureux et infortuné celui qui ne possède pas cette
union, celui qui ne possède pas un tel hôte dans sa maison, celui qui n'a pas
un tel conseiller, celui qui n'a pas un tel guide, un tel soutien, un tel précepteur,
consolateur et gardien ? Et parce que vous ne le possédez pas, vous êtes tels
que vous êtes, remplis de misère. Dites-moi, l'avez-vous reçu ? L'avez-vous
appelé ? L'avez-vous importuné pour qu'il vienne ? Combien de larmes vous en
coûte-t-il ? Combien de soupirs ? Combien de jeûnes ? Quels actes de dévotion
avez-vous faits ? Que Dieu soit avec nous ! Je ne sais pas comment vous avez la
patience ni comment vous pouvez être privés d'un si grand bien. Voyez tous les
biens, toutes les grâces et les miséricordes que le Christ est venu faire aux
hommes, ce Consolateur les répand toutes dans nos âmes; il te prêche, te
guérit, te rend la santé, t'enseigne et te fait mille millions de biens.
Il console, il encourage, il réjouit.
Ne
vous est-il pas arrivé de sentir votre âme desséchée, sans fraîcheur,
mécontente, remplie de découragement, affligée, dégoûtée, ne goûtant vraiment
rien de ce qui est bon ? Alors qu'elle se trouve dans cet état de
mécontentement, et parfois d'abandon, survient une brise sainte, un souffle
saint, un rafraîchissement qui t'apporte la vie, t'encourage, t'anime, te fait
revenir à toi, te donne de nouveaux désirs, un amour vif, des satisfactions
très grandes et très saintes et te fait prononcer des paroles et oeuvrer à tel
point que tu t'en étonnes toi-même. C'est le Saint-Esprit; c'est le
Consolateur; aussitôt que son souffle est arrivé, dès sa venue, vous vous
trouverez attiré comme par une pierre d'aimant, avec un courage nouveau, des
oeuvres, des paroles et des désirs nouveaux; car auparavant vous ne trouviez de
valeur à rien, tout vous importunait; à présent vous trouverez de la saveur en
tout et beaucoup de satisfaction, tout vous réjouit, tout vous instruit. Une
petite herbe, que vous regardez avec attention vous fait louer mille fois Dieu,
Notre-Seigneur, et vous fait connaître l'Auteur et le Créateur merveilleux de
toutes choses, met en votre coeur des sentiments de dévotion et de
reconnaissance au Seigneur tout-puissant, et d'autres encore; s'il vous était
permis de parler, vous proclameriez les merveilles et la grandeur de ce que le
Seigneur fait connaître de tout ce qui est créé.
Oh !
joyeux Consolateur ! Oh ! souffle bienheureux qui conduit les vaisseaux au ciel
! Cette mer où nous naviguons est très dangereuse; mais avec ce vent et avec un
tel pilote nous voguerons en toute sécurité. Combien de navires se perdent !
Combien soufflent de vents contraires et combien y a-t-il de grands dangers !
Mais dès que souffle ce Consolateur compatissant, il les fait rentrer dans un
havre sûr. Qui pourra compter les biens qu'il nous faits et les maux dont il
nous préserve ? C'est du ciel que vient le vent, du Père et du Fils, et c'est
vers eux qu'il retourne; c'est de là que ceux-ci l'exhalent, et c'est de là
qu'il l'envoie à ses amis. (" L'Esprit de vérité... ne tirera pas de son
propre fonds ce qu'il vous dira, mais il vous répétera ce qu'il a
entendu". (Jo. 15, 13).) II les guide vers le terme; il les y conduit;
c'est là qu'il veut les mener.
-
Avant la venue de ce Consolateur, avant que souffle ce vent du Saint-Esprit,
nous sommes assis, nous sommes lourds, notre âme doit peser beaucoup, tout lui
paraît difficile, tout lui semble impossible, il ne lui semble pas qu'il existe
un chemin pour le ciel, elle trouve partout de la gêne, et elle marche alourdie
par une arrobe de plomb, que dis-je arrobe ! cent quintaux de plomb. Comment
les ossements des morts auront-ils la vie ? Comment, desséchés, se
couvriront-ils de chair et ressusciteront-ils ? Il est évident que par
eux-mêmes et seulement par eux-mêmes, ils ne pourront rien; mais Dieu qui peut
tout, peut les couvrir de chair, et leur donner l'esprit de vie, et les
ressusciter et leur donner mouvement et existence.
Dieu
appela le prophète Ezéchiel et lui dit : Fils de l'homme, pour toi, ces os que tu vois ici
pourront-ils avoir la vie et être couverts de chair et de nerfs? Ezéchiel répondit : Seigneur, ce que vous me
demandez, vous le savez. Dieu dit : Dis-leur ceci: " Os desséchés, je jetterai sur vous de l'esprit de vie, et
je vous couvrirai de nerfs et je ferai pousser de la chair sur vous, et je vous
donnerai de la vie, et vous saurez que je suis le Seigneur ."
Un os
sec, dur, sans humeurs liquides, ni vertu, voilà tout homme qui se trouve privé
du Saint-Esprit; un os mort. Mais quand le prophète eut appelé le vent pour
qu'il soufflât sur les morts, les os eurent la vie; tout change, ce qui est
lourd devient léger et ce qui est mort revit. Tu étais malade, lourd, privé du
feu de charité, mort, et tu n'avais pas la plus petite miséricorde pour
personne ni n'avais de tendresse; tu étais découragé par la faiblesse, sans
espoir de pouvoir réaliser une oeuvre qui soit bonne et aussi pesant qu'un
mort. Dans cet état Dieu te dit : " Homme, ne perds pas courage, penses-tu
que tu ne pourras pas ressusciter ? Reprends courage, car moi je suis plus
puissant pour te sauver, pour te ressusciter, te donner vie et te réjouir que
tous les maux pour t'abattre, te perdre, te tuer et t'attrister. Ma bonté est
plus grande pour te rendre bon, que ta méchanceté pour te damner et te rendre
méchant."
Seigneur
Dieu tout-puissant que les cieux et la terre vous bénissent ! Combien
verrons-nous de témoins le jour du jugement dernier, dont les navires couraient
déjà à leur perte, allaient se briser en morceaux, allaient sombrer et qui en
recevant ton souffle furent sauvés et rentrèrent tranquillement au port et en
toute sécurité ! Combien son Esprit ressuscita-t-il de gens qui avaient perdu
toute espérance de vie et leur donna une nouvelle vie et des désirs nouveaux,
les réjouit et les confirma dans une espérance nouvelle ! Qui fait tout cela ?
Le Saint-Esprit qui a soufflé et a conduit sans résistance vers Dieu.
Que
fait-il de plus ? Qui le dira ? Qui pourra le dire ? On jette les apôtres en
prison, on les fouette et on leur ordonne de ne plus prêcher, eux sortent en riant, joyeux, éprouvant le
sentiment d'être des bienheureux, parce qu'ils ont
été dignes d'endurer des souffrances
et des affronts pour le Christ notre Rédempteur. Sinon, considère que par peur d'une simple femme saint
Pierre nie et renie trois fois Jésus-Christ, et dit : Je ne connais pas cet homme, et après la venue en son coeur de ce Consolateur, de ce
souffle, ni les menaces, ni la prison, ni les chaînes, ni les coups de fouet,
ni la mort même ne sont suffisants pour l'empêcher de prêcher et de confesser
le saint nom de Jésus-Christ; saint Paul mis dans les fers et jeté en prison
disait : " Ne croyez pas que je sois affligé parce que je suis dans cette
prison; sachez qu'ici, dans cette prison où je suis, j'ai de la consolation
pour moi et pour vous, et que d'ici je console tout le monde ."
Jésus-Christ
dit dans son saint évangile : Que celui qui a
soif, vienne. Que voulez-vous
dire, Seigneur ? Quelle eau avez-vous pour apaiser la soif de ceux qui
viendront à vous ? Il n'y a pas d'eau, ni de sources plus fraîches pour apaiser
ainsi la soif et rafraîchir ceux qui sont altérés que le Saint-Esprit du
Christ. Avec lui, les convoitises et la soif de ce monde s'apaisent et le feu
ardent qu'allument en nous les désirs d'aimer et de convoiter les choses de la
terre s'éteint. C'est pourquoi le Christ Notre-Seigneur dit : Que celui qui a soif vienne à moi. En venant à lui, en buvant de l'eau de son Saint-Esprit, en
recevant ce Consolateur, ce souffle du Saint-Esprit, il sera rassasié, consolé,
instruit, plein d'abondance et guidé sans erreur et hors de doute.
Saint
Bernard dit qu'il t'enseignera toutes choses; quelquefois de lui à toi,
quelquefois par la bouche d'un autre homme, il te prévient, t'enseigne, te
console, t'aide et t'encourage, car il le veut ainsi; si beaucoup de disciples
désiraient être marqués de cette doctrine, désiraient entendre et suivre les
cours dans cette école, ils jouiraient de cet Esprit doux, source de sagesse.
Dans les autres écoles, même si un homme est mauvais, il peut en sortir savant
en sa matière et maître en quelques disciplines; mais ici ses disciples
jouiront du Saint-Esprit et ils en sortiront ablactatos a lacte, avulsos ab uberibus (Nous laissons ici les mots latins intercalés par Avila
dans son texte. Le lecteur comprendra mieux, une fois de plus, sa méthode et
ses procédés.), sevrés et éloignés du sein de leurs mères. C'est à ceux-ci que le Saint-Esprit enseigne qu'il se
communique, qu'il se donne. Mes frères, osez vous sevrer pour Dieu, osez vous
éloigner du sein de vos mères pour que vous soyiez des disciples et soyiez
instruits à l'école du Saint-Esprit.
Sevrez-vous
de votre volonté, de votre opinion; sortez et éloignez-vous de vous-mêmes,
sortez de votre naturel et de vos jugements. Mon Seigneur et mon Dieu, si vous
n'êtes pas mon ami, si vous ne m'aidez pas, si votre puissante main ne me
favorise pas, comment pourrai-je y pourvoir moi-même ? Comment pourrai-je me
séparer, me sevrer et m'écarter des choses d'ici-bas ? Si vous m'aidez, je
pourrai tout, je ferai tout; rien ne m'arrêtera; j'oublierai tout, je
mépriserai tout et je chasserai tout de moi. Je préfère, Seigneur, être triste
à cause de vous que joyeux dans le monde; j'aime mieux pleurer que rire puisque
Jésus-Christ, notre Rédempteur a promis une si grande récompense, en disant de
sa bouche inestimable : Bienheureux ceux
qui pleurent, parce qu'ils seront consolés (Mt. 5. 5).
Lorsqu'on
les sevré, quelques enfants parfois en meurent. Les uns mettent leur consolation
dans leurs enfants, dans leurs trésors et leurs richesses, d'autres dans
l'honneur, d'autres dans les charges et l'autorité, d'autres dans les faveurs,
d'autres dans leur femme ou leur mari; et ainsi chacun se repaît et se réjouit
selon son caractère de ce qui lui donne le plus de contentement. Quitte tout,
mon frère; sevré ce coeur qui est le tien, écarte-le du sein où il a placé son
amour. Parmi ceux qui sont sevrés quelques-uns reviennent parfois en arrière.
Ose, mon frère, et si une chose te plaît, sacrifie-la
pour Notre-Seigneur Dieu et dis : " Pour votre amour, je veux perdre cette
joie, cette consolation, ceci qui me plaisait et cela qui me donne du
contentement. Seigneur et mon Dieu, tout ce que vous voudrez que j'oublie, que
j'écarte, que je refuse, que je fasse, je ferai tout et je m'éloignerai de
tout; aidez-moi, mon Seigneur et ma consolation; donnez-moi du courage,
donnez-moi votre grâce ." Faites briller la
lumière en nos esprits, versez l'amour en nos coeurs; soutenant la faiblesse de
notre corps par votre constante vigueur. (Hymne " Veni Creator ". Même procédé qu'au
sermon 28)
Eclairez, Seigneur des rayons de votre lumière et de votre clarté éternelle, les ténèbres de mon entendement, pour que je puisse avec clarté et certitude ne choisir que
vous pour mon bien éternel et que j'oublie et estime peu toutes ces autres
choses, car elles sont des ombres fausses et des apparences trompeuses. Et en
vous connaissant mieux, faites, Seigneur et mon Dieu, que mon coeur (et toute ma
volonté)s'enflamme de votre amour et de désir pour vous, pour que je n'aime que vous, je ne
veuille que vous, je ne me mette que sous votre protection, je ne tourne mes
regards que vers vous et que vous ne permettiez pas que je m'éloigne jamais de
votre amour. Et parce que la faiblesse de nos corps empêche de le faire aussi
librement que le demande la raison, fortifiez, Seigneur, avec votre force
la faiblesse de mon corps, la bassesse de
ma sensualité et de mes aptitudes, afin que tout ce qu'il y a en moi vous
contente et vous plaise, vous comprenne, vous aime et vous serve.
- Père, puisque j'ai entendu tant de biens de ce
Consolateur, de cet Hôte, que nous devons recevoir dans nos âmes, sachons
pourquoi il vient, ce qu'il fait dans nos âmes.
-
C'est un long compte que vous me demandez; qui vous pourra compter les grâces
qu'il répand là où il vient ? Combien de dons il laisse ! Que de miséricordes
il apporte à l'âme qui se donne tout entière à lui ! Le Christ, notre
Rédempteur, faisait des miracles, il guérissait des malades, ressuscitait des
morts, prêchait. Qui pourra raconter tous les biens que Jésus-Christ
Notre-Seigneur fit aux hommes ? Or le Saint-Esprit fait dans les âmes tout ce
que Notre-Seigneur Jésus-Christ faisait : il guérit des malades, ressuscite des
morts, donne une langue aux muets pour proclamer la grandeur de Dieu
Nôtre-Seigneur. Qui veut emporter cet Hôte ? Qui veut ce Conseiller, ce
Consolateur ?
Qui le veut? Qui le veut?
- Eh
bien, voudra-t-il venir ? - Écoutez : O vous tous qui
avez soif, venez aux eaux. Vous-mêmes qui n'avez-pas d'argent, approchez-vous
vite et mangez. Venez, achetez, sans argent, et sans rien donner en échange, du
vin et du lait. (Cf. Is. 55, 1)
D'abord
il dit eau, et ensuite vin et lait. Eau parce qu'elle apaise la soif et rafraîchit l'ardeur du
corps et repose les membres fatigués et nettoie tout ce qui est sale. Vin parce qu'il te
fait perdre ta raison et prendre celle du Christ; il t'enlève ton opinion et ta
volonté et te donne l'opinion, la volonté et les intentions de Jésus-Christ
notre Seigneur et Rédempteur. Qui veut le recevoir car il se donne gratuitement
?Vin, parce qu'il donne de la force et du courage pour souffrir
et endurer des souffrances pour le Christ, il réjouit le coeur et donne de la
satisfaction dans l'adversité. Lait aussi, parce que le Saint-Esprit traite l'âme de celui qui
le possède comme s'il s'agissait d'un enfant qui est au sein de sa mère et il
le dirige, le gouverne et lui fait des présents comme pour un enfant; c'est
ainsi notre précepteur, notre défenseur, le pédagogue de notre enfance.
Qui le
veut ? Qui le veut, mes frères ? Qui le désire et se trouve en même temps
plongé dans le péché ? Qui le demande avec le coeur occupé à d'autres choses ?
Le glorieux apôtre saint Paul dit aux Ephésiens :
C'est en lui que vous avez cru et que vous avez été marqués du sceau du
Saint-Esprit, qui avait été promis, et qui est une arrhe de notre héritage. (Cf. Eph. 1, 13). A quoi me sert d'être baptisé et de
croire en Jésus-Christ si je n'ai pas le Saint-Esprit ? Si je n'ai pas ce gage de l'héritage céleste promis, à quoi me servent ces autres biens même si j'en ai beaucoup
? Sans cela être baptisé et m'appeler chrétien n'est rien. De même que la
circoncision était un signe pour le Juif, de
même le baptême est un signe extérieur pour le Chrétien; rien ne sert pour te sauver, si
tu n'as pas le Saint-Esprit. Le signe par lequel quelqu'un doit se sauver et atteindre les
promesses du Christ notre Rédempteur, n'est pas de m'appeler chrétien, ce n'est
pas seulement d'être baptisé. Parce que bien qu'il y ait ceci, s'il manque la
présence du Saint-Esprit, ceci ne suffira pas; les baptisés sont des enfants,
mais ce ne sont pas des enfants légitimes, ce sont des bâtards; ce sont des
enfants, mais ils n'héritent pas de leur Père parce que les bâtards ne sont pas
des enfants qui héritent; leur Père peut leur donner des dons, mais il ne leur
donnera pas le patrimoine. Celui qui est baptisé et n'obéit pas à Dieu,
Notre-Seigneur, n'est pas un fils légitime; celui qui est baptisé et ne possède
pas le Saint-Esprit n'est pas légitime; il est bâtard, car il n'a pas le signe qui rend les
enfants légitimes et héritiers des biens de leur Père, qui est le Saint-Esprit. C'est en lui que vous avez cru et que vous avez été
marqués. Lorsqu'on t'a marqué avec le signe extérieur de
chrétien et quand on t'a donné le Saint-Esprit, on t'a fait brebis du Christ et
on t'a marqué comme étant sa brebis et de son troupeau. Si nous n'avons pas le
Saint-Esprit, nous ne possédons pas l'harmonie éternelle, que Dieu promet par
Isaïe : J'ai conclu avec vous un pacte éternel, vous accordant les
grâces assurées à David.( Cf. Is. 55, 3)
Qui le
veut ? Qui le veut ? Oh ! envoyez-nous des crieurs qui publient la bonne
nouvelle ! Qui veut cet Hôte ? Qui veut ce Consolateur ? Il ne sera pas donné à
tous de recevoir ce Consolateur, il ne sera pas donné à tous de recevoir un
Hôte, à plus forte raison si on vous dit que c'est une personne très sensée et
sage. Un jeune homme dit : " Je dois rester devant lui comme saint Jérôme;
je ne dois pas bouger, je ne dois pas parler ni me promener, aller aux jeux, ni
aux fêtes, ni où je veux; je dois toujours me tenir dans les justes limites;
voilà un grand ennui, qui le pourrait supporter ? " Ah ! Seigneur, que
signifie cela ? Ils vous prient et ne vous veulent pas ! Vous vous donnez
gratuitement à eux et ils ne vous apprécient pas. Eh bien! Seigneur, vous savez
ce qu'il nous faut et ce que nous perdons si nous ne vous recevons pas,
dites-le nous et faites-le nous comprendre.
Si tu attends ou si tu possèdes déjà cet Hôte...
La
femme enceinte ne saute pas, ne fait pas non plus de travaux excessifs pour ne
pas risquer de perdre ce qu'elle porte en son sein; la jeune femme follette qui
n'est pas enceinte, saute et danse, joue sans crainte parce que rien n'est en
péril en elle. Voulez-vous voir de quel péril il s'agit et quel est ce bien qui
ne vous manque pas ? Regardez : Si vous voyez des personnes inconséquentes ou
si vous l'êtes vous-même car vous allez où vous voulez, vous parlez, riez, jouez
sans crainte, c'est le signe certain que vous n'avez rien à perdre; ou nous
pourrons vous prédire que vous le perdrez vite, puisque l'amour vous fait
défaut. C'est un signe certain que nous avons quelque chose à perdre si nous
avons le souci de le garder et la crainte de le perdre; ainsi lorsqu'on vous
dit : Regardez cela. Vous répondez : Je n'ose pas. - Allons par là. - Je n'ose
pas. - Réjouissons-nous un peu. - Je ne peux pas. - Allons nous distraire. - Je
n'oserai pas. - Que se passe-t-il ? Qui vous a ravi votre volonté ? Qui vous a
pris votre liberté ? La sainte crainte et le respect de l'Hôte que j'ai en moi,
tiennent enchaînés mes pieds, mes mains, mes désirs et mon coeur. Il me tient
tout entier attaché si bien que je ne peux faire ni ne veux faire plus que ce
qu'il désire et que ce qui est sa volonté.
Celui
qui attend ou qui possède cet hôte, accepte ces liens, soit pour le recevoir
mieux ou avec de meilleurs préparatifs, soit, s'il est venu, pour le garder
afin qu'il ne s'en aille pas. - Pourquoi ne partez-vous pas par là ? Pourquoi
ne faites-vous pas comme les autres ? Pourquoi êtes-vous si ennuyeux ? Sortez
de vous-même, existez pour quelque chose ! Si vous voyez quelqu'un agir de la
sorte, et qui a souci de lui-même, et ne sait pas répondre par lui-même, ne
sait pas se défendre, celui-là le possède dans son coeur; chez lui habite cet
Hôte; ce sont des signes de la présence du Saint-Esprit : N'attristez pas le Saint-Esprit ( Eph. 4, 30. ). Surveille ta
manière de vivre, afin de ne pas
attrister le Saint-Esprit qui demeure en
nous. Sois soucieux comme celui qui a pour hôte un grand seigneur, et n'ose pas
aller aux fêtes ni aux jeux. Il se souvient immédiatement de son hôte et dit :
" Qui le servira ?
Qui
lui préparera le repas? Qui veillera sur lui? Je veux rentrer chez moi, de peur
qu'il ait besoin de moi, que je lui manque, que je lui fasse défaut ". Si
tu n'as pas ce souci, cette crainte et ce respect du Saint-Esprit qui est ton
hôte, avec quelle liberté tu agis ! Tu cours, joues, te moques, manges, et bois
sans crainte de le perdre et sans aucun souci de l'attendre et de le recevoir.
Oh ! quelle douleur ! Si tu attends, si tu veux, si tu désires qu'il vienne,
quel souci en prends-tu ?
Il n'y
a personne, si pauvre soit-il, qui, prévenu que le roi doit venir chez lui, ne
cherche sous forme de prêt ou de toute autre façon quelque chose à suspendre et
des parures pour orner sa maison. " Oh ! on me dit que le roi doit venir
chez moi ! Que ferai-je ? Prêtez-moi quelque chose à suspendre en ornement; prêtez-moi
quelques draperies avec lesquelles j'embellisse et orne ma maison. Bien que je
sois pauvre, ce n'est pas une raison pour que le roi venant dans ma maison, la
trouve sans parure, sale et mal arrangée. "
Lorsqu'on
t'incitera à quelque péché, à quelque tentation mauvaise, réponds aussitôt:
"J'attends la pureté, pourquoi me souillerai-je ? J'attends mon Seigneur,
comment quitterai-je ma maison ?" Mon esprit ne
demeurera pas toujours dans l'homme, car l'homme n'est que chair (Cf. Gen. 6, 3). Saint Paul dit aussi : Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du
Saint-Esprit (1 Cor. 6, 19)?
N'ignorez-vous pas que vos yeux, vos mains et votre bouche, sont le temple du Saint-Esprit; ne souillez pas la maison du grand seigneur. Tu recherches
les joies de la chair, aussitôt le Saint-Esprit s'en va. Le Saint-Esprit ne
peut se supporter d'aucune manière dans un esprit souillé; ils ne peuvent vivre
ensemble. Il n'est point de moyen terme, il faut choisir l'un ou l'autre. Si tu
choisis le Saint-Esprit, tu dois rejeter tout péché et souillure; et si tu veux
conserver quelque péché, le Saint-Esprit s'en ira.
Considère donc, à présent, ce qui vaut plus, avoir dans ton coeur le
Saint-Esprit Consolateur avec la pureté ou perdre un si grand bien pour un
plaisir charnel que les bêtes des champs connaissent. Ce n'est pas beaucoup, ce
n'est pas beaucoup certainement, de risquer et de perdre ce qui est faux pour
choisir ce qui est vrai; de perdre l'incertain pour le certain. Pour une
affaire si claire, pour une affaire qui te convient tant, il n'est pas
nécessaire de prendre conseil.
Qui le
veut ? Considérez qu'il se donne gratuitement, qu'il ne vous demandera pas
beaucoup de choses. Pour révérer le Saint-Esprit, qui est venu aujourd'hui
remplir le coeur des apôtres, dorénavant ayez de la vénération et du respect
pour cet Hôte, servez-le avec beaucoup de soin; même si vous avez de la peine,
travaillez à le contenter; même si vous, vous dormez sur le sol, donnez-lui
votre lit; et même si vous en souffrez, contentez-le. Je vous demande par
révérence et amour pour lui, d'avoir pour lui du respect. Ne vous donnez pas à
l'esprit du mal; n'échangez ce Consolateur avec personne. Ne pensez pas pouvoir
vivre sans le Saint-Esprit ou sans l'esprit du mal, car c'est l'un ou l'autre.
Nous
faisons le signe de la croix lorsque nous entendons parler du démon ou lorsque
nous l'entendons nommer et ne nous signerons-nous pas si nous l'avons dans le
coeur, comme nous l'avons quand, par quelque péché mortel, nous sommes ennemis
de Dieu et fâchés avec lui ?
Appelle-le au nom de Jésus-Christ.
Si
nous avions un peu d'attention et considérions les apôtres qui l'attendaient
avec foi ! Les bienheureux attendaient le Consolateur. Sois ainsi dans les
oeuvres de miséricorde en faisant du bien à tous ceux que tu pourras.
Les
apôtres étaient enfermés en compagnie de la Très Sainte Vierge Marie;
appelle-le; force-le comme la veuve dont je vous ai parlé, qui insista et
contraignit Elisée.
Je
pensais que s'il est venu chez ceux qui ont crucifié le Christ, il viendra, à
présent, aussi, chez ceux qui l'appelleront avec dévotion.
Sa
douceur et son amour étonnent véritablement, lui qui est entré en eux par la
prédication et la prière des apôtres. Saint Pierre prêche ceci : " Mes
frères, vous avez péché, connaissez vos péchés et repentez-vous en, car le
Seigneur vous pardonnera aussitôt, et vous enverra un don. Préparez vos coeurs
pour le recevoir ." Dieu ouvre leur coeur, leurs entrailles et ils
connaissent leur mal; et alors retentit cette voix-là, qui est connaître son
péché et le pleurer, et qui résonne plus que l'orgue et répand une odeur plus
forte que la civette; ils appellent du fond du coeur Notre-Seigneur
Jésus-Christ; et, dès qu'ils le font, le Saint-Esprit descend en eux.
Voulez-vous que le Saint-Esprit vienne à vous ? Appelez-le au nom de
Jésus-Christ. Le Saint-Esprit aime tant Jésus-Christ, que, si vous l'appelez en
son nom pour qu'il vienne à vous, il viendra aussitôt.
- Il
est pur; comment viendra-t-il à moi qui ne le suis pas ?
-
Voici la raison. Pourquoi le Saint-Esprit a-t-il tant aimé Jésus-Christ? Parce
que Jésus-Christ s'est mis sur la croix de très bon gré en obéissant au Père
éternel et au Saint-Esprit; c'est pourquoi il viendra à vous en son nom, et
n'aura pas de dégoût de votre misère; il ne manquera pas de venir; il ne se
bouchera pas le nez à cause de toi. - Qui à la vase a uni l'or, la pureté à
l'impureté, la richesse à l'extrême pauvreté, la grandeur à la bassesse, un si
grand bien à tant de faiblesse et de petitesse ?
- Il est donc vrai que l'homme n'est pas un lieu fait pour
le Saint-Esprit, ni la croix n'était un lieu fait pour mettre notre Rédempteur
Jésus-Christ; mais c'est à cause de cette union de Dieu avec la croix qu'il y a
cette autre union du Saint-Esprit avec l'homme. Le Saint-Esprit inspira
Jésus-Christ et l'avertit d'avoir à se mettre dans ce lieu si bas et si infect
de la croix, voilà pourquoi le Saint-Esprit vient dans cet autre lieu si
indigne et si bas : l'homme. Demandez-le lui instamment, importunez-le,
appelez-le au nom de Jésus-Christ Notre-Seigneur, il viendra certainement et se
donnera à vous avec tous ses dons, il éclairera votre entendement; il
enflammera votre volonté par son amour et il vous donnera ses grâces et sa
gloire.
31. Dieu sauve le monde par le Saint-Esprit.
Lundi
De Pentecôte
(O–a, Ms; est; 8, plut; 4, n. 55 bis, ff. 58
r-61 r.)
Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde
pour condamner le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.
(Jo. 3, 17)
Exorde :
C'est
un grand stimulant pour celui qui veut entreprendre quelque ouvrage d'en
comprendre le but et d'avoir confiance d'y parvenir. Quand nous désespérons
d'atteindre quelque chose, nous n'en cherchons pas les moyens et nous ne les
mettons pas en oeuvre, etc.
Je me
demande perfois pourquoi si peu d'hommes cherchent le Saint-Esprit et comment
ils peuvent vivre si peu soucieux de savoir si moi je le possède. Ils mangent,
ils rient, ils font des affaires, et les charmes d'une jolie femme les mènent à
la perdition alors que la beauté du Saint-Esprit a si peu d'amis qui perdent le
sommeil pour elle...
Combien
d'heures de sommeil vous a enlevées cette angoisse du Saint-Esprit ? Il est
étonnant de voir le petit nombre de ceux qui aiment et désirent ce Seigneur.
Lui qui paie de retour mieux que le monde. Il y a des hommes qui pour un real
perdent l'honneur, le sommeil, et qui feront un faux serment, etc.; et des
richesses du Saint-Esprit rien ne vous importe. Pour quelle raison ne les
poursuivons-nous pas ?
Dieu a
dit par la bouche de Moïse : " Ne dis pas : Cette loi est loin de nous,
qui l'accomplira ? Qui montera au ciel pour aller la chercher ou qui descendra
en enfer pour l'en retirer ? " Tu vois comment il te l'a envoyé dire
verbalement : elle est tout près de toi, en ta présence. Saint Paul l'explique. Ne dis pas : Qui montera au ciel pour chercher Jésus-Christ ? Qui descendra en enfer? " Ce qui signifie
faire remonter le Christ d'entre les morts ". " Près de toi est
la parole, dans ta bouche et dans ton coeur. C'est la parole de la foi que nous
prêchons " (1). Il ajoute encore : Ne sois pas soucieux en
disant : Qui montera au ciel pour nous en apporter le salut, c'est-à-dire, Jésus-Christ ? Qui descendra en enfer pour l'en retirer ? Qui pourra être près de lui pour jouir
de lui et recevoir son salut ? Ne dis pas cela - ajoute saint Paul - parce que dans ta bouche, dans ton coeur, tout près, contre toi c'est là qu'il se trouve. Si tu as la foi,
tu seras sauvé. (Cf. Rom. 10, 6-10)
Revenons
à notre sujet. Y aura-t-il quelqu'un ici désireux de voir le Saint-Esprit ?
Quelqu'un n'a-t-il pas dit : " Ne jouierais-je pas, moi, de lui, car les
apôtres étaient si désireux de voir le Saint-Esprit à cause de ce qu'il leur
avait dit de lui, qu'ils en mouraient de désir ? " Ne dites pas : "
Ne verrais-je pas un si grand bien ? Peut-être suis-je en train de soupirer
pour ce que je ne peux atteindre ! J'ai placé mon amour dans une chose si
haute, qui est plus propice au désespoir qu'à la réussite. Lui véridique, moi
menteur; lui pur, moi souillé; lui grand, moi si petit; comment m'aimerait-il ?
" Ne vous tourmentez pas, ne vous désespérez pas, attachez-y vos soins,
votre désir, car le reste lui s'en préoccupera, etc.
Daniel
vit un fleuve de feu qui descendait. Comment cela se fait-il ? Sa nature
n'est-elle pas de monter ? Que dit l'Apôtre ? Qu'il convenait que le Christ,
après avoir souffert pour nous, montât aux cieux et s'assit à la droite du
Père, afin de se tenir désormais pour nous présent devant la face
de Dieu? (Cf. Hebr. 9. 24), etc. Qu'est-ce que cela, Seigneur ? Il
vous restait à faire ceci pour nous : vous mettre devant les yeux du Père et
lui présenter vos plaies et vos souffrances, et lui dire : " Père Eternel,
si vous m'aimez bien, aimez bien ceux-ci que j'ai enfantés et pour lesquels
j'ai souffert ". Car c'est de cette face et de ce visage de Jésus-Christ,
de ses mérites (car il est le visage de Dieu; et l'on dit visage, parce qu'il
nous en donne la représentation et nous met devant les yeux la divinité de
Dieu, comme visage, comme image de Dieu :Ce fils qui est le rayonnement de
sa gloire, l'empreinte de sa substance " (Cf. Hebr. 1, 3), c'est de la face et des mérites de
Jésus-Christ qu'il vient. Qu'est-ce que venir, sinon couler vers le bas ?
N'est-il pas venu du ciel à la terre ? N'est-ce pas cela descendre ? Il coule,
il descend vers la bassesse des hommes le fleuve de feu qu'est le Saint-Esprit.
Aujourd'hui
il entre dans ces coeurs et il les allume et les enflamme. Ne crains pas, car
si le Christ a accumulé les mérites, il l'a fait pour cela, et à cause de ses
mérites il te le donnera. Et de même que, quand il vint et se fit homme et
s'enferma dans les entrailles d'une femme, la Très Sainte Vierge, elle le pria, et ainsi prié il vint; à ses supplications,
il vint et entra dans son sein et le sanctifia et le purifia, ainsi fera-t-il
avec nous, etc.
Entretien du Seigneur avec Nicodème.
Dieu
donne à vos seigneuries de très bonnes fêtes et la grâce du Saint-Esprit
abondamment. Il nous appartient aujourd'hui de prêcher quelques paroles que le
Saint-Esprit a dites par la bouche de l'évangéliste saint Jean. On les a
chantées à l'évangile de la messe, etc. Ce sont des paroles douces, et plus
encore parce qu'elles sont dans la bouche du Christ. Il veut dire : Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour le juger et le condamner mais pour que le
monde soit sauvé par lui. Il doit en avoir
bien envie, puisqu'il envoie un tel gage; il a envie de ce joyau, puisqu'il
donne un tel prix pour lui. Je vous en conjure, vous qui savez le latin lisez
ce chapitre. Il me semble que ce sont les paroles les plus douces qu'il y ait
dans l'Évangile.
Voyez
comment le Seigneur s'entretient avec Nicodème. C'était un homme bon et savant,
etc. Parmi tout ce que vous pouvez y lire, il lui dit : Vois, si l'homme ne naît de nouveau, il ne peut être sauvé. Il lui répondit : Comment un homme
déjà vieux peut-il naître de nouveau? Peut-il par hasard rentrer dans le sein
de sa mère?, etc. - Toi, maître et docteur en Israël, tu ignores ces choses? Tu es très savant peut-être, pour te sauver tu es ignorant.
Ne sais-tu pas ce que signifie naître de nouveau ? C'est qu'on ne peut voir le
royaume de Dieu. Voir et entrer vont de pair, etc. Saint Augustin dit : Celui
qui n'est pas né ne peut voir les choses d'ici-bas, les choses du monde; et tu ne
peux voir les choses de Dieu si tu ne viens à renaître, etc. Et tu ne sais pas cela? Ne l'as-tu pas lu dans la Loi, dans les Nombres, que les
enfants d'Israël ayant murmuré contre Moïse, Dieu envoya des serpents qui les
tuaient, et comment celui même contre qui ils murmuraient intercéda auprès de
Dieu pour eux, pour qu'il leur enlevât cette plaie, et Dieu lui ordonna
d'ériger un serpent, etc. ? Voici la réalité de cette figure et le corps de
cette ombre. Il convient que je sois élevé sur la croix, pour que tous ceux qui
me regarderont et avec foi lèveront les yeux sur moi, aient la vie. Et si tu
t'étonnes de savoir pourquoi j'apporte tant de soin au salut, ce n'est pas à
cause de leurs mérites. Sais-tu d'où cela provient? Dieu a tellement aimé le monde, (Jo. 3, 16) etc.
Que
ressentent vos oreilles quand vous entendez dire : Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils
unique, et en sachant que ce qu'il avait à faire pour le monde
allait lui coûter la vie ? Que je sois moi aimé de Dieu ! Que mon âme soit si
agréable à Dieu, qu'elle lui soit si précieuse que, pour qu'elle ne se perde
pas, il envoie son Fils unique afin de mourir pour elle !
Seigneur,
qui donc s'honore de sa race, qui s'honore de ses biens, de sa condition, de sa
beauté, etc. ? Ayez honte des honneurs et estimez-vous parce que vous êtes si
aimés, si chéris de Dieu, qu'un Fils, etc. Il ne suffit pas de l'entendre, etc.
On vous l'aurait envoyé pour qu'il nous perdît ? Pouviez-vous avoir un plus
grand bonheur, pouvez-vous avoir une plus grande raison de suivre celui qui
vous aime tant ? etc. La plupart de ceux qui ne servent pas Dieu c'est parce
qu'ils ne savent pas combien Dieu les aime, ils ignorent les bienfaits de celui
qui a donné son Fils pour toi, etc. Qu'il pleure, lui, pour que toi tu sois
heureux et en paix! etc. (" Je vous dis pourtant la vérité : votre bien
exige que je m'en aille " (Jo. 16, 7).) Ne te réjouis-tu pas beaucoup
d'entendre ces paroles, que Dieu t'a aimé tellement ? Et c'était lui qui les
disait, etc. // ne l'a pas envoyé pour condamner le monde, il ne l'a pas envoyé pour le juger; car s'il était
venu pour cela, qui aurait échappé ? Qui n'aurait été condamné ? Il est venu seulement pour que le monde soit sauvé.
L'homme créé dans l'honneur, ne le comprit pas.
- Il
semble, d'après cela, que le monde était perdu avant qu'il ne vînt. - Oui, et
avant qu'il ne vienne à l'âme elle est perdue. - Comment le monde s'est-il
perdu ? - Sachons-le, parce que peut-être par là verrons-nous comment il doit
être sauvé.
Alors que l'homme possédait l'honneur, il ne le comprit
pas, il fut comparé aux bêtes, il leur devint semblable (ps. 48, 21). Dieu créa le monde, il l'orna d'arbres,
d'herbes, d'animaux. Il créa l'homme et la femme. Il les fit seigneurs de tout,
il leur donna le commandement et l'honneur. Le plus grand honneur qu'il leur
donna fut de les créer à son image et à sa ressemblance et il les mit sous son
obédience.
Etant
ainsi honoré, il n'en comprit pas la valeur, il ne sut pas se maintenir tel, car il faut davantage de
vertu pour ne pas tomber quand on possède l'honneur et la prospérité qu'il n'en
faut dans les épreuves; il faut plus de lumière pour ne pas tomber quand on
possède l'honneur que pour ne pas succomber sous les épreuves. Il ne connut pas
ce qu'il avait, il voulut monter plus haut, et parce qu'il voulut ce qui était
au-dessus de cet honneur, il perdit ce qui lui était destiné, et perdit cet
honneur lui-même; non seulement il perdit Dieu en l'abandonnant, mais il perdit
ce que... (N'oublions pas que beaucoup de ces sermons sont faits de notes
souvent incomplètes, sur lesquelles le prédicateur improvisait)
Celui
qui est en état de péché est moins qu'un homme. Le voici perdu, changé en bête, dès qu'il rejette la grâce et l'obéissance à Dieu. Dès que
tu pèches, aussitôt tu suis ce que veut ton appétit et ce que ta chair te
demande, etc. N'est-ce pas un homme celui qui vit selon la raison, etc., celui
qui se gouverne par la lumière naturelle ? Qu'est-ce qu'un chevalier vêtu de
brocart et de soie si à l'intérieur il n'est qu'une bête ? etc. De quoi a l'air
celui qui semble gouverner les autres quand lui-même est guidé et gouverné par
une bête ? Il n'y a pas de plus grand déshonneur que d'être en état de péché.
C'est pour un homme être transformé en bête, etc. Il ne comprit pas, etc. et il ne savait pas quel poids c'était d'être une
bête, ni ce qu'étaient les souffrances, ni les fatigues, etc. A cause des
péchés ces espèces entrèrent dans le monde. De là vinrent la convoitise,
l'orgueil, les majorais (Le majorât (mayorazgo) est une institution de droit
civil et qui avait pour objet de perpétuer dans la famille la propriété de
certains biens sous certaines conditions. Le majorât était constitué sur la
tête de l'un des membres de la famille, ordinairement l'aîné.), etc.
Vous souvenez-vous
d'un fou qui avait édifié une grande ville pour se fortifier dans son royaume
contre Dieu, pour qu'il ne pût l'en rejeter ? Nabuchodonosor : Qui pourra -
dit-il - m'enlever mon commandement et mon pouvoir ? Il attend donc, II entend
une voix du ciel : On va te jeter hors de ton royaume et de ta maison, et
pendant sept années tu iras vivre comme une bête parmi les bêtes, passant comme
elles, et sept années passeront sur toi, jusqu'à ce que tu confesses que le
pouvoir et la force sont dans le ciel et non dans les villes, non dans les
briques, ni dans les pierres, etc. Qu'un coeur de
bête lui soit donné (f. Dan. 4, 13), il lui semblait à lui qu'il était une bête. Il sort de son
palais et s'en va dans la campagne avec les bêtes, et il y passe sept années.
Que signifie cela ? Que sept époques passeront sur toi, jusqu'à ce que tu
reconnaisses que la force et le pouvoir appartiennent au ciel, et non aux
villes, aux briques, etc. Puisque tu as enlevé à Dieu l'honneur, que l'on
t'enlève non seulement le royaume, mais que l'on t'enlève le coeur; qu'on te
fasse homme et qu'il semble que tu ne l'es pas, etc. C'est ainsi que, puisque
tu abandonnes Dieu, que non seulement on t'enlève la grâce et les vertus, etc.,
mais qu'il te semble être une bête, etc. Allons.
Quoi ?
Ceci ne se passe-t-il pas tous les jours parmi nous ? Parce que vous vous êtes
trouvé un certain temps dévot et porté à la prière et à la contemplation, et
que toutes les tentations ne vous effleuraient pas, vous vous êtes enorgueilli,
vous avez eu confiance en vos forces. Qu'on vous enlève le royaume, que vous ne
sachiez pas ce que c'est que la dévotion ni la prière, ni ce qu'est Dieu, mais
que vous deveniez semblable à une bête, pour reconnaître que ce qu'il vous
donnait était une grande grâce et qu'il ne vous le devait pas; que maintenant
paroles de Dieu et bonnes actions n'aient plus un goût agréable pour vous.
Connaissez-vous, etc. Le lion connaît celui qui lui donne à manger. Et
n'importe quel animal aussi. Et vous, vous ne le connaissez pas ? Que l'on vous
donne un coeur de bête; que vous perdiez la miséricorde, etc. C'est ce que Job
pleurait au nom du pécheur, en disant : Ce que mon âme autrefois haïssait, maintenant elle le
mange. Tel est le péché d'Adam et Eve et tous leurs descendants
naissent avec le péché.
Dieu
dit : " Laissez ces fous, car moi je ferai passer sept années sur eux; je
leur ferai comprendre leur peu de valeur sans moi ", etc. Saint Augustin
dit : " Pour que les hommes éprouvent bien leurs forces et connaissent
leur faiblesse, etc., et appellent le secours de Dieu, etc., il fait chercher
le remède ". Vient la loi naturelle; ils font le contraire. Ils la
comprenaient; mais ils ne l'accomplissaient pas. Connaissant ce qui était le
bien, ils ne le suivaient pas; ce qui était le mal, ils ne s'en écartaient pas.
Ils avaient là une loi dans leur âme, non pour la garder, mais pour connaître
leur infirmité, etc. Ils disaient : " S'il y avait une loi et quelqu'un
qui ordonne, il n'y aurait personne qui ne l'accomplirait ". Dieu leur donna
sept cent soixante-dix commandements, pour qu'ils ne se plaignissent pas qu'il
ne les commandait pas, et eux non seulement ne furent pas bons, mais furent
pires qu'avant sous la loi. La loi est
intervenue pour faire abonder la faute.(
Cf. Rom. 5, 20) Non parce
qu'elle était mauvaise, mais à cause de la méchanceté et de la faiblesse
humaines, etc. Soyez dès lors libérés de cette opinion, tenez-vous pour faibles
et méchants, etc.
Oh !
combien de fois disons-nous : " Je suis absorbé maintenant par une affaire,
il n'est pas question que j'aille me confesser ni m'occuper de ma conscience;
demain, cette affaire terminée, je le ferai ." Et après, non seulement
vous ne vous débarrassez pas de ces mauvaises actions que vous avez entre les
mains, mais vous en ajoutez tout autant, etc. (Nous sommes ici en face d'une de
ces notes jetées par Avila sur le papier avant de parler)
Cette
folie et cette présomption, cette confiance en nos forces nous perd. Finalement
l'homme s'est perdu par désir d'honneur, et il est tombé plus bas que la bête.
Et dans le septième âge, depuis que les hommes étaient traités comme des bêtes
à cause des péchés, Dieu envoie le Sauveur de ceux qui sont perdus, non pour
qu'il les juge et les châtie - car Dieu ri a pas
envoyé son Fils, etc. - mais pour que le monde soit sauvé par lui, pour qu'il lui porte remède.
Aujourd'hui Dieu sauve le monde par le Saint-Esprit.
Nous
voici maintenant le jour de la fête. Comment le sauvera-t-il ? L'homme était
au-dessous de la condition de bête et encore plus bas que la bête. Comment
peut-on y remédier ? Qu'on lui enlève le coeur de bête et qu'on lui donne un
coeur. De qui ? D'homme non, mais de Dieu. Par le péché il a perdu son coeur
d'homme. Qu'on lui enlève maintenant le coeur de bête, et qu'on lui donne celui
d'un homme. Ote de notre chair le
coeur de pierre (Cf. Ep. 11, 10;
36, 26) C'est aujourd'hui ce jour de la création nouvelle de l'homme, de sa
rénovation, quand on enlève au monde un coeur de bête et qu'on lui donne celui
de Dieu, etc. Autrefois on ne baptisait qu'à Pâques et à la Pentecôte, pour
donner à entendre que le baptême est une nouvelle résurrection de l'âme, et
aujourd'hui aussi, parce que c'est aujourd'hui le jour où les hommes reçoivent
des coeurs nouveaux de Dieu, etc. Ceux qui sont déjà enfants des hommes,
aujourd'hui sont des enfants adoptifs de Dieu. C'est aujourd'hui ce jour.
Ecoutez-moi
attentivement. Comment Jésus-Christ les a-t-il sauvés ? Voyez-vous ce combat
qu'il soutint durant toute sa vie, luttant avec le Père, le priant pour nous,
s'offrant pour nous, etc. ? Il lutta avec nous pour que nous le connaissions et
que nous croyions en lui et lui obéissions, etc., et il se battit et négocia
mieux avec le Père notre pardon qu'avec nous notre foi, etc. Pendant tout ce
temps il réunit douze apôtres, choisis parmi tous les hommes qu'il y avait dans
le monde.
Eh
bien ! comment le sauva-t-il ? Comment obtint-il son rachat ? Aujourd'hui c'est
le jour du Seigneur, qui vient aux hommes. Semblable à l'autre jour est
celui-ci. Autrefois Dieu est venu par union, maintenant Dieu vient par union
non hypostatique, mais d'opération et de régénération. Bienheureux jour ! Qui
ne s'émerveille ? Aujourd'hui la lumière descend parmi les hommes, aujourd'hui
descend la personne même de Dieu, le Saint-Esprit, et il entre dans le coeur
des hommes.
Quel
beau jour et quel mariage harmonieux ! Aujourd'hui Dieu sauve le monde par le
Saint-Esprit. Eh bien! pourquoi dit-on Jésus-Christ Sauveur ? C'est ainsi,
parce qu'il l'est, parce que par ses prières le Saint-Esprit est venu aux
hommes, etc., guérir les coeurs abominables des hommes, si mal enclins, etc.
Dieu se plaint par la bouche de Jérémie : Israël est-il un esclave, est-il né d'un esclave dans la
maison? Pourquoi donc est-il traité comme un butin? Pourquoi les lions
rugissent-ils contre lui? (Jer. 2, 14-15) Par hasard es-tu esclave? Pourquoi t'es-tu laissé prendre par le péché ? Pourquoi es-tu devenu la proie et la victime
des péchés ? Pourquoi a-t-il été fait captif du démon ? Pourquoi es-tu esclave,
chrétien ? Pourquoi consens-tu à ce
que les lions rugissent contre lui, à ce qu'ils se réjouissent sur lui, comme des vautours sur
les cadavres ? Pourquoi consens-tu à ce qu'on l'amène au moulin pour l'écraser
? Dis : Pourquoi suis-je pécheur, esclave du démon ? Lève les yeux vers le
ciel, comme Nabuchodonosor, au bout des sept années, et dis : Seigneur, à toi est le royaume et tu le donneras à qui tu
voudras. C'est ainsi, ainsi que je vous assagirai.
En toi
est la force; dans ta main est le salut, et si j'ai été fou et mauvais, et si
le coeur se brise, s'il sent sa faiblesse, sa dureté, et se rompt et que vous
lui faites de nombreuses incisions, le salut est proche. Vous n'êtes pas
éloignés de quitter votre coeur de bête, dit Dieu. Que le Saint-Esprit vienne
et vous enlève ce coeur cruel, dur, etc., et qu'on vous en donne un autre qui
soit bon (On pense en lisant cette phrase hardie, à une page admirable de Péguy
dans sa Note conjointe "On
a vu les jeux incroyables de la grâce et les grâces incroyables de la grâce
pénétrer une mauvaise âme et même une âme perverse et on a vu sauver ce qui
paraissait perdu. Mais on n'a pas vu mouiller ce qui était verni, on n'a pas vu
traverser ce qui était imperméable, on n'a pas vu tremper ce qui était habitué.
Les cures et les réussites et les sauvetages de la grâce sont merveilleux et on
a vu gagner et on a vu sauver ce qui était (comme) perdu ". Charles Péguy
" Note conjointe ", page 95, édition de la Nouvelle Revue. On
remarquera que le mot habitué, sous la plume de Péguy, signifie tout autre chose que le
mot " habitudes " (habites), que nous trouvons plusieurs fois ici
sous celle d'Avila), De même qu'il guérit ce qui est à l'intérieur, il guérit
ce qui est à l'extérieur, et aussitôt à l'intérieur il guérit l'extérieur.
Lorsque
les prêtres entrent dans l'eau avec l'arche, (Allusion au passage de la Mer
Rouge par les Hébreux) elle cesse de couler. Lorsqu'entrent dans l'âme les
bonnes pensées, qui sont représentées par les prêtres, parce qu'ils nous
portent Dieu, lorsqu'ils entrent dans l'âme, lorsqu'y entre la grâce, l'arche,
aussitôt s'arrêtent les vices et les mauvaises coutumes, aussitôt les hommes
sont changés, etc. L'Esprit-Saint commence à agir. On dit : " Cela suffit;
c'est assez car j'ai offensé Dieu jusqu'à présent ". Suffit-il pour ne pas
être mauvais de ne pas pécher? Cela les philosophes l'ont senti. Socrate,
Platon, Pythagore. Vous savez qui ? Si vous voyez un homme vertueux, qui vit
selon la raison, s'il n'y a que cela, il n'entrera pas dans le royaume des
cieux, parce que nous n'y entrerons pas à cause de notre naissance, mais parce
que nous sommes nés de nouveau; ce ne sont pas des hommes qui entreront, mais
des enfants de Dieu : foi, grâce, espérance, obéissance. Si tu te gouvernes
seulement par la raison, tu n'entreras pas là-haut, non, homme, car du ciel
doit venir ton salut, etc. Tu ne nais pas de nouveau, même si on te donne de la
force pour bien agir, ce chemin n'est pas encore bon pour le salut; il n'est
pas tout à fait bon tant qu'il n'y a pas toutes les habitudes (Habitudes, nous
rendons le mot espagnol h‡bitos par celui de habitude, n'oubliant pas pourtant que "
le mot habitude ne traduit pas exactement l'expression latine habitus " à laquelle Avila
fait ici appel, (cf. art. de A. Michel, dictionnaire de théologie catholique,
fascicules CXLVI-CXLVII, art. Vertu), mais alors que habitas pouvait être
compris des auditeurs de Jean d'Avila, habitus ne le serait pas d'un auditeur
français moyen. Nous prenons donc le mot habitude en le restreignant à la
conception que saint Thomas s'en est faite a comme une chose dont on est
maître, qui fait qu'on est maître chez soi ".) des vertus.
Tu
dois avoir un amour infus, qui t'inspire. La foi et la charité sont
communiquées à l'âme, et cela ne suffit pas. Bien que tu sois sain, etc., sans
la main de Dieu il n'y a pas de véritable salut. Que Dieu vous communique ces
vertus que les théologiens appellent habitudes. Il y en a de certains, etc. Il
en est de même lorsqu'on habille une belle mariée, bien qu'elle soit belle, on
lui met de nombreux bracelets et bijoux. Et ainsi saint Jérôme dit que ces
richesses de la Loi antique figuraient les grandeurs qui allaient être données
dans la Loi de grâce. Et ainsi Dieu donne des dons, des dons grâce auxquels
vous agissez mieux, etc. L'Esprit-Saint ne se contente pas de ce que tu sois
beau de l'extérieur, mais il veut que tu sois beau intérieurement; non
seulement dans ton oeuvre, mais dans ce qui te fait agir. Et si tu voyais la
beauté que le Saint-Esprit met dans l'âme où il demeure, tu la poursuivrais de
toutes tes forces; toutes les richesses d'ici-bas te seraient indifférentes.
Celui qui a créé le soleil, étant dans l'âme, comment sera-t-elle ? Ainsi doit
être l'épouse du Saint-Esprit; ainsi dit l'Epoux dans les Cantiques : Oui, tu es belle, mon amie; oui tu es belle!... 17(Cant. 4, 1.)
Soyez
attentifs. Oh ! si je pouvais être assez puissant pour mettre dans vos
entrailles un amour qui vous fît aimer éperdument le Saint-Esprit ! Puisque
vous dites, quand ces dons sont dans l'âme, que là est le Saint-Esprit, comment
saint Jean peut-il dire que l'Esprit- Saint n'était pas
encore donné, parce que Jésus-Christ n'était pas glorifié?
- Voici : avez-vous vu quand un maître forme un élève qui en
sait autant que lui ? Il lui dit : " Va et agis selon ta science; te voilà
un bon médecin; observe et guéris ". Il quitte son maître et il agit par
lui-même. C'est là ce que j'ai dit jusqu'à maintenant. Le Saint-Esprit met en
toi foi et charité, etc., et mille vertus, et il te laisse agir, comme
lorsqu'un médecin guérit, et que le malade une fois guéri il lui dit : "
Allez, mangez de tout, parce que maintenant vous êtes guéri; gouvernez-vous
comme quelqu'un de bien portant ". " Puisque vous êtes savant, vivez
comme un savant" II en est de même lorsque le Seigneur vient dans l'âme et
te donne des dispositions pour bien agir, éclaire ton entendement, guérit ta
volonté, l'enflamme de l'amour de Dieu et te donne la force de l'aimer.
- Eh
bien, pourquoi faut-il plus ? - C'est là justement la question. Saint Thomas a
dit ceci mieux que tous, et il l'a tiré de saint Augustin, ou pour mieux dire,
de Jésus-Christ. Il dit que toutes les vertus et les grâces qui te sont données
ne suffisent pas pour te sauver et te faire agir, il faut encore que la main du
Seigneur soit sur toi; non que tu ne puisses, toi, aimer Dieu et croire avec
ces dons, mais pour que tu en uses bien, il faut que la main de Dieu soit
toujours sur toi car sans elle tu ne peux bien en user. Celui qui est de Dieu ne pèche point... (Jo. 3, 6; 5, 18) Si on te demandait : Pourquoi quelqu'un
qui est en état de grâce pèche-t-il, puisqu'il a cette force et ce secours ? -
Parce que nous avons le libre-arbitre, pour autant de dons que nous ayons
reçus, tu peux cesser d'agir selon ces vertus et pécher parce que tu n'agis pas
conformément à elles; et pour cette raison, pour te servir toujours d'elles, la
main du Saint-Esprit vient sur l'âme, non sur le don, cela n'est pas
nécessaire, mais sur le libre-arbitre pour que tu ne t'éloignes pas de la
grâce, etc., bien que tu puisses t'en éloigner, mais pour que tu sois toujours
ferme. Eh bien! tel est le rôle du Saint-Esprit, que, bien que vous puissiez
pécher parce que vous êtes libres, vous ne péchiez pas; pour cela il faut le
Saint-Esprit, et sans Lui personne, quels que soient ses dons, ne peut se
sauver. C'est ce que dit David : Apprends-moi à
faire ton bon plaisir (Cf. Ps. 143,
10). Aussi bien pourvu que soit un navire de voiles et de tous instruments,
s'il n'a pas de pilote qui le gouverne, il se perdra; ainsi si tu n'as pas ce
Saint-Esprit, même si tu as beaucoup de dons, tu te perdras, etc. Soyez béni
Seigneur, qui ne vous êtes pas contenté de nous donner votre Fils pour qu'il
mourût, etc., mais votre Saint-Esprit pour qu'il fût notre guide !
- Où est la différence ? - Les saints de l'Ancien Testament,
n'avaient-ils pas le Saint-Esprit ? - Si. La différence la voici : En ces
temps-là il se donnait peu et ainsi agissait peu; maintenant, depuis que le
Saint-Esprit est venu, il est à chaque pas et presque dans toutes les oeuvres
des saints apôtres.
Voici
la fête d'aujourd'hui. Considérez, c'est une chose d'agir comme un homme bon,
même favorisé de Dieu; c'en est une autre que le Saint-Esprit soit l'auteur et
le promoteur, et que l'homme ne soit presque rien de plus qu'un instrument.
C'est beaucoup que vous fassiez une bonne oeuvre et que, avec la vertu et les
habitudes, vous vous efforciez et pensiez à ce que vous avez choisi, etc.; c'en
est une autre que vous fassiez une grande oeuvre, que vous n'avez ni pensée ni
choisie, pour laquelle vous n'aviez ni force ni vertu, pour laquelle ni la foi
ordinaire ni la charité ne suffisaient, mais comme l'enfant, dont vous estimez
que ce qu'il dit n'est pas de lui. C'est comme si un grand peintre tenait la
main de quelqu'un qui ne sait pas peindre et faisait avec celle-ci un très beau
tableau; celui qui le fait nous disons que c'est le peintre, mais l'instrument
c'est la main de l'autre. Il en est de même ici-bas. Dans les oeuvres
excellentes que l'homme fait avec l'aide des vertus et de Dieu, l'homme agit
aidé de Dieu, Dieu agit en le guidant, l'homme est l'instrument du
Saint-Esprit; mais si vous lui dites : " Qui t'a dit cela ? Quand l'as-tu
pensé ? Pourquoi l'as-tu fait ?", il n'en saura pas la cause, mais saura
qu'il l'a trouvé fait. C'est comme le vent dont vous ne savez d'où il est venu
ni où il va; et le Saint-Esprit vous meut. L'oeuvre est tellement au-dessus de
votre propre force que vous vous étonnez de la voir faite.
Je
vais l'expliquer. Combien de fois vous acharnez-vous pour avoir de la dévotion,
et vous l'avez très faible; parce que celle-ci est conforme à la sainteté qui
est en vous, et ne vous est-il pas arrivé d'autres fois, sans y penser, etc.,
d'avoir un feu si grand, qui vous embrase les entrailles, que vous dites : "
Je n'ai jamais pensé de la sorte " ? Ceci ne vient pas de vous ni de la
grâce ni des vertus. Qu'est-ce donc ? C'est l'oeuvre du Saint-Esprit. Comme
Dieu, il vous a poussé à faire une chose pour laquelle votre force ne suffisait
pas. Quand tu verras en toi quelque chose de pareil, dis : " Je ne l'ai
pas imaginé moi-même "; c'est le Saint-Esprit qui demeure en vous. Quand
tu as une grande contrition, il fait appeler Père!
Père! Il fait en sorte que tu ne te négliges pas, mais que tu
sois toujours au côté de Dieu. Ce Seigneur est celui qui se donne à nous pour
cela et pour d'autres choses, etc.
SOURCE :
http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Jeandavila/Saintesprit.html
Reliquia de San Juan de Ávila, se conserva en Almodóvar del Campo su
pueblo natal
APOSTOLIC LETTER
Proclaiming Saint
John of Avila, diocesan priest,
a Doctor of the Universal Church
BENEDICTUS PP. XVI
FOR PERPETUAL REMEMBRANCE
1. Caritas
Christi urget nos (2 Cor 5:14). The love of God, made known in
Jesus Christ, is the key to the personal experience and teaching of the Holy
Master John of Avila, an “evangelical preacher” constantly grounded in the
sacred Scriptures, passionately concerned for the truth and an outstanding
precursor of the new evangelization.
The primacy of grace, which
inspires good works, the promotion of a spirituality of trust and the universal
call to holiness lived as a response to God’s love are central themes in the
teaching of this diocesan priest who devoted his life to the exercise of his
priestly ministry.
On 4 March 1538 Pope Paul III
issued the Bull Altitudo Divinae Providentiae, addressed to John of
Avila and authorizing him to found the University of Baeza in the province of
Jaén. John is there described as “praedicatorem insignem Verbi Dei”. On
14 March 1565 Pius IV sent a Bull confirming the faculties granted to the
University in 1538, wherein John is called “Magistrum in theologia et verbi
Dei praedicatorem insignem” (cf. Biatiensis Universitas, 1968).
His contemporaries readily called him “Master”, a title which he held from
1538. In the homily for his canonization on 31 May 1970, Pope Paul VI praised
his person and his outstanding teaching on the priesthood; he held him up as an
example of preaching and spiritual direction, called him a advocate of
ecclesiastical reform and stressed his continuing influence down to our own
time.
2. John of Avila lived in the first
half of the sixteenth century. He was born on 6 January 1499 or 1500 in
Almodóvar del Campo (Ciudad Real, in the Archdiocese of Toledo). He was the
only son of devout Christian parents, Alonso Ávila and Catalina Gijón, who were
wealthy and of high social standing. When John was fourteen years old, he was
sent to study law at the prestigious University of Salamanca. He left his
studies at the end of the fourth term, after a profound experience of
conversion. This prompted him to return home to devote himself to meditation
and prayer.
Set on becoming a priest, in 1520 he
went to study theology and humanities at the University of Alcalá de Henares,
which was open to the great currents of the theology of that time and to the
stirring of Renaissance humanism. In 1526, he received priestly ordination and
celebrated his first solemn Mass in his parish church. Intending to go as a
missionary to the West Indies, he determined to distribute his large
inheritance among the needy. Then, with the consent of the future first Bishop
of Tlaxcala in New Spain (Mexico), he went to Seville to await a ship for the
new world.
While preparing for his journey,
John devoted himself to preaching in the city and its environs. There he met
the venerable Servant of God Fernando de Contreras, a doctor of Alcalá and a
celebrated catechist. Fernando, impressed by the young priest’s witness of life
and his rhetorical ability, got the Archbishop of Seville to dissuade him from
going to America in order to remain in Andalusia. He stayed with de Contreras
in Seville, sharing with him a life of poverty and prayer. Devoting himself to
preaching and spiritual direction, he continued to study theology at the
College of Saint Thomas, where he may have been granted the title of “Master”.
In 1531, because of a
misunderstanding about a homily he had given, John was imprisoned. It was in
prison that he began writing the first version of his work, Audi, Filia.
In those years he received the grace of an unusually profound insight into the
mystery of God’s love and the great benefits bestowed on humanity by Jesus
Christ our Redeemer. Thereafter these were to be pillars of his spiritual life
and central themes of his preaching.
Following his acquittal in 1533, he
continued to preach with considerable success among the people and before the
authorities, but he chose to move to the Diocese of Córdoba, where he received
incardination. Some time later, in 1536, the Archbishop of Granada summoned
him, desirous of his counsel. There, in addition to continuing his work of
evangelization, he completed his studies at the university.
Thanks to his insight into the
times and his excellent academic training, John of Avila was an outstanding
theologian and a true humanist. He proposed the establishment of an
international court of arbitration to avoid wars and he invented and patented a
number of engineering devices. Leading a life of great poverty, he devoted
himself above all to encouraging the Christian life of those who readily
listened to his preaching and followed him everywhere. He was especially
concerned for the education and instruction of boys and young men, especially
those studying for the priesthood. He founded several minor and major colleges,
which after the Council of Trent would become seminaries along the lines laid
down by that Council. He also founded the University of Baeza, which was known
for centuries for its work of training clerics and laity.
After travelling throughout
Andalusia and other regions of Central and Eastern Spain in preaching and
prayer, in 1554, already ill, he finally withdrew to a simple house in Montilla
(Córdoba), where he exercised his apostolate through an abundant correspondence
and the preparation of several of his writings. The Archbishop of Granada
wanted to take John as his theological expert to the last two sessions of the
Council of Trent. Prevented from travelling because of ill health, he drafted
the Memoriales, which were to have considerable influence on that
great ecclesial assembly.
On the morning of 10 May 1569, in
his humble home in Montilla, surrounded by disciples and friends, clinging to a
crucifix, after much suffering he surrendered his soul to the Lord.
3. John of Avila was a
contemporary, friend and counsellor of great saints, and one of the most
celebrated and widely esteemed spiritual masters of his time.
Saint Ignatius Loyola, who held him
in high regard, was eager for him to enter the nascent “Company” which was to
become the Society of Jesus. Although he himself did not enter, the Master
directed some thirty of his best students to the Society. Juan Ciudad, later
Saint John of God, the founder of the Order of Hospitallers, was converted by
listening to the saintly Master and thereafter relied on him as his spiritual
director. The grandee Saint Francis Borgia, later the General of the Society of
Jesus, was another important convert thanks to the help of Father Avila. Saint
Thomas of Villanova, Archbishop of Valencia, disseminated Father Avila’s
catechetical method in his diocese and throughout the south of Spain. Among
Father Avila’s friends were Saint Peter of Alcántara, Provincial of the
Franciscans and reformer of the Order, and Saint John de Ribera, Bishop of
Badajoz, who asked him to provide preachers to renew his diocese and later, as
Archbishop of Valencia, kept a manuscript in his library containing 82 of
John’s sermons. Teresa of Jesus, now a Doctor of the Church, underwent great
trials before she was able to send him the manuscript of her Autobiography.
Saint John of the Cross, also a Doctor of the Church, was in touch with his
disciples in Baeza who assisted in the Carmelite reform. Blessed Bartholomew of
the Martyrs was acquainted with his life and holiness through common friends,
and many others acknowledged the moral and spiritual authority of the Master.
4. Although “Father Master Avila”
was primarily a preacher, he did not fail to make masterful use of his pen to
set forth his teaching. His memory and his posthumous influence, down to our
own times, are closely linked not only to his life and witness, but also to his
various writings.
His major work, Audi, Filia,
a classic of spirituality, is his most systematic treatise, wide-ranging and
complete; its definitive edition was completed by the author in the last years
of his life. The Catechism or Christian Doctrine, the only work
printed during his lifetime (1554), is a pedagogical synthesis of the content
of the faith, addressed to children and adults. The Treatise on the
Love of God, a literary gem, reflects the depths of his insight into the
mystery of Christ, the Incarnate Word and Redeemer. The Treatise on the
Priesthood is a brief compendium including his conversations, sermons
and letters. Saint John’s writings also include minor works consisting of
guidelines or recommendations (avisos) for the spiritual life. The Treatises
on Reform are linked to the Council of Trent and the provincial synods
which implemented it, and fittingly deal with personal and ecclesial renewal.
The Sermons and Conversations, like his Letters,
are writings which span the entire liturgical year and the years of his
priestly ministry. His commentaries on the Bible — including those on the
Letter to the Galatians, the First Letter of John and others — are systematic
expositions of remarkable insight and of great pastoral value.
All these works are marked by
profound content, a clearly pedagogical format and the use of images and
examples which give a glimpse into the sociological and ecclesial realities of
the time. The tone is one of supreme trust in God’s love, which calls each
person to the perfection of charity. His language is the classical and sober
Castilian of his birthplace, La Mancha, coloured at times by the imagination
and warmth of the south, an environment in which he spent the greater part of
his apostolic life.
In his effort to discern the
working of the Spirit in the Church during a complex historical period fraught
with confusion, cultural change, various currents of humanism and the search
for new forms of spirituality, he was clear in his presentation of criteria and
concepts.
5. In his teaching, Master John of
Avila constantly spoke of baptism and redemption as spurs to growth in
holiness. He explained that Christian spiritual life, as a participation in the
life of the Blessed Trinity, begins with faith in the God who is Love, is
grounded in God’s goodness and mercy as expressed in the merits of Christ, and
is wholly guided by the Spirit; that is to say, by love of God and our brothers
and sisters. He writes: “Open your little heart to that breadth of love by
which the Father gave us his Son, and with him gave us himself, and the Holy
Spirit, and all things besides” (Letter 160). And again: “Your
neighbour is a concern of Jesus Christ” (ibid., 62), and therefore: “The
proof of perfect love of our Lord is seen in the perfect love of our neighbour”
(ibid., 103). He also showed a deep appreciation of created realities,
ordering them in the perspective of love.
Since we are temples of the
Trinity, it is the Triune God who grants us his own life, and thus our hearts
become gradually one with God and our brothers and sisters. The way of the
heart is one of simplicity, goodness, love and filial affection. This life
according to the Spirit is markedly ecclesial, for it expresses the spousal
love between Christ and the Church — the central theme of Audi, Filia.
It is also Marian: configuration to Christ, through the working of the Holy
Spirit, is a process of growth in virtues and gifts which takes Mary as our
model and Mother. The missionary dimension of spirituality, derived from its
ecclesial and Marian dimension, is clearly seen in the writings of Master
Avila, who calls for apostolic zeal grounded in contemplation and the constant
pursuit of holiness. Devotion to the saints is something he recommends, since
they point us toward “a great Friend, God himself, who embraces our hearts in
his love (...) and commands us to have many other friends, who are his saints”
(Letter 222).
6. If Master Avila was a pioneer in
pointing to the universal call to holiness, he also had an essential role in the
historical development of a systematic doctrine on the priesthood. Down the
centuries his writings have been a source of inspiration for priestly
spirituality and even a current of mysticism among secular priests. His
influence can clearly be seen in a number of later spiritual writers.
Central to Master Avila’s teaching
is the insight that, as priests, “during the Mass we place ourselves on the
altar in the person of Christ to carry out the office of the Redeemer himself”
(Letter 157), and that acting in persona Christi demands
that we humbly embody God’s paternal and maternal love. This calls for a
particular lifestyle, marked by regular recourse to the word of God and the
Eucharist, by the adoption of a spirit of poverty, by preaching “temperately”,
in other words, based on prior study and prayer, and by love for the Church as
the Bride of Christ.
The creation of means for providing
candidates to the priesthood with a suitable formation, the need for greater
holiness among the clergy and the necessary reform of ecclesial life were deep
and constant concerns of the Holy Master. A holy clergy is essential to the
renewal of the Church, and this in turn calls for the careful selection and
suitable training of aspirants to the priesthood. To meet this need, Saint John
urged the establishment of seminaries and the creation of a special College for
the study of sacred Scripture. These proposals would affect the entire Church.
The foundation of the University of
Baeza, to which he gave all his attention and enthusiasm, turned out to be one
of his most successful ventures, since it succeeded in offering seminarians an
excellent initial and permanent formation, with special emphasis on the study
of a pastorally oriented “positive theology”; it also gave rise to a priestly
school which flourished for centuries.
7. Given the evident and growing
reputation for sanctity of Master John of Avila, the cause for his
beatification and canonization was opened in the Archdiocese of Toledo in 1623.
It was not long before witnesses were questioned in Almodóvar del Campo and
Montilla, where the Servant of God was born and died, and in Córdoba, Granada,
Jaen, Baeza and Andujar. Nevertheless, for various reasons the cause was left
unfinished until 1731, when the Archbishop of Toledo sent to Rome the
informative processes that had already been completed. In a decree dated 3
April 1742, Pope Benedict XIV approved Master Avila’s writings and praised his
doctrine, and on 8 February 1759, Clement XIII declared his heroic virtues.
John of Avila was beatified by Pope Leo XIII on 6 April 1894 and canonized by
Pope Paul VI on 31 May 1970. Acknowledging his outstanding role as a model of
priesthood, in 1946 Pius XII named him Patron of the diocesan clergy of Spain.
The title of “Master”, by which
Saint John of Avila was known in his lifetime and down the centuries, made it
possible, following his canonization, to consider naming him a Doctor of the
Church. Thus, at the request of Cardinal Benjamín de Arriba y Castro,
Archbishop of Tarragona, the twelfth Plenary Assembly of the Spanish Episcopal
Conference in July 1970, decided to petition the Holy See to declare him a
Doctor of the Universal Church. Many other petitions followed, particularly on
the twenty-fifth anniversary of his canonization (1995) and the fifth centenary
of his birth (1999).
The declaration that a saint is a
Doctor of the Universal Church implies the recognition of a charism of wisdom
bestowed by the Holy Spirit for the good of the Church and evidenced by the
beneficial influence of his or her teaching among the People of God. All this
was clearly evident in the person and work of Saint John of Avila. He was often
sought out by his contemporaries as a master of theology, gifted with the
discernment of spirits, and a director of souls. His help and guidance were
sought by great saints and acknowledged sinners, the wise and the unlearned,
the poor and the rich; he was also responsible for important conversions and
sought constantly to improve the life of faith and the understanding of the
Christian message of those who flocked to him, eager to hear his teaching.
Learned bishops and religious also sought him out as a counsellor, preacher and
theologian. He exerted considerable influence on those who came into contact
with him and on the environments in which he moved.
8. Master Avila was not a
university professor, although he had organized and served as the first rector
of the University of Baeza. He held no chair in theology, but gave lessons in
sacred Scripture to lay people, religious and clerics.
He never set forth a systematic
synthesis of his theological teaching, yet his theology was prayerful and
sapiential. In his Memorial II to the Council of Trent, he
gives two reasons for linking theology and prayer: the holiness of theological
knowledge, and the welfare and upbuilding of the Church. As befitted a true
humanist endowed with a healthy sense of realism, his was a theology close to
life, one which answered the questions of the moment and did so in a practical
and understandable way.
The teaching of John of Avila is
outstanding for its quality and precision, and its breadth and depth, which
were the fruit of methodical study and contemplation together with a profound
experience of supernatural realities. His abundant correspondence was soon
translated into Italian, French and English.
Particularly evident was his
profound knowledge of the Bible, which he wished to be known by all. For this
reason he did not hesitate to expound the Scriptures, both in his daily
preaching and his lessons on specific books. He was in the habit of comparing
translations and analysing their literary and spiritual meaning, and was
familiar with the most important patristic commentaries. He was also convinced
that study and prayer were necessary for a proper understanding of revelation,
and that insight into the meaning of the sacred texts could be gained with the
aid of tradition and of the magisterium. From the Old Testament he cited most
frequently the Psalms, Isaiah and the Song of Songs. From the New, he cited the
Apostle John and, most of all, Saint Paul. Pope Paul VI, in the Bull for his
canonization, described him as “a faithful imitator of Saint Paul”.
9. The teaching of Master John of
Avila clearly contains a sound and enduring message, capable of strengthening
and deepening the deposit of faith while lighting up new pathways of doctrine
and life. The relevance of his teaching can be seen by comparing it to the
papal magisterium; in this way we see that his eminens doctrina constitutes
a genuine charism, a gift of the Holy Spirit to the Church past and present.
The primacy of Christ and of grace
which, in relation to the love of God, was a constant theme of Master Avila’s
teaching, has been taken up by contemporary theology and spirituality, and has
clear implications for pastoral activity, as I stressed in my Encyclical Deus Caritas Est. Trust, based on the
acknowledgement and experience of God’s love, goodness and mercy, has also been
proposed in the recent papal magisterium, as for example in the
Encyclical Dives in Misericordia and the
Post-Synodal Apostolic Exhortation Ecclesia in Europa, which is a real proclamation
of the Gospel of hope, as I also wished my Encyclical Spe Salvi to be. In the
Apostolic Letter Ubicumque et Semper, establishing the
Pontifical Council for Promoting the New Evangelization, I noted that “to
proclaim fruitfully the word of the Gospel it is first necessary to have a
profound experience of God”; these words evoke the serene and humble figure of
this “evangelical preacher” whose outstanding doctrine continues to be most
timely.
10. In 2002, the Spanish Episcopal
Conference was informed of the positive outcome of the review of the teaching
found in the works of Saint John of Avila conducted by the Congregation for the
Doctrine of the Faith. In 2003 a number of Cardinals, Archbishops and Bishops,
Presidents of Bishops’ Conferences, Superiors General of Institutes of
Consecrated Life, leaders of ecclesial associations and movements, universities
and other institutions, along with certain distinguished individuals, joined
the Spanish Episcopal Conference in expressing to Pope John Paul II, through a
Postulatory Letter, the appropriateness of bestowing on Saint John of Avila the
title of Doctor of the Church.
Once the dossier was forwarded to
the Congregation for the
Causes of Saints and a relator for the cause was named, it was
necessary to draft the relative Positio. The President and
Secretary of the Spanish Episcopal Conference, together with the President of
the committee for the doctorate and the postulator of the cause, then signed
the definitive Petition (Supplex Libellus) on 10 December 2009. The
particular meeting of the theological consultors of the Congregation met on 18
December 2010 to discuss naming the Holy Master a Doctor of the Church. The
vote was positive. On 3 May 2011, the plenary session of Cardinal and Bishop
members of the Congregation presided over by the Prefect, Cardinal Angelo
Amato, and with Archbishop Salvatore Fisichella as relator, decided, with another
unanimous vote, to ask me, if I so desired, to declare Saint John of Avila as a
Doctor of the Universal Church. On 20 August 2011, during the World Youth Day
celebrations in Madrid, I announced to the People of God: “I will shortly
declare Saint John of Avila a Doctor of the Universal Church”. On 27 May 2012,
Pentecost Sunday, I had the joy of telling the throngs of pilgrims
from throughout the world gathered in Saint Peter’s Square that “the Spirit,
who has spoken through the prophets, continues to inspire with his gifts of
wisdom and knowledge men and women committed to the pursuit of truth, who offer
new insights into the mystery of God, of man and of the world. Hence I am
pleased to announce that on 7 October next, at the start of the Ordinary Assembly of the Synod of
Bishops, I will proclaim Saint John of Avila and Saint Hildegard of Bingen
Doctors of the Universal Church... The sanctity of their lives and the
profundity of their doctrine make them perennially relevant: the grace of the
Holy Spirit guided them to that experience of insight into divine revelation
and intelligent dialogue with the world which constitutes the constant horizon
of the Church’s life and activity. Especially in the light of the new
evangelization to which the Assembly of the Synod of Bishops will be dedicated,
and the beginning of the Year of Faith, these two Saints and Doctors will be
most important and relevant”.
Today, with the help of God and the
approval of the whole Church, this act has taken place. In Saint Peter’s
Square, in the presence of many Cardinals and Prelates of the Roman Curia and
of the Catholic Church, in confirming the acts of the process and willingly
granting the desires of the petitioners, I spoke the following words in the
course of the Eucharistic sacrifice: “Fulfilling the wishes of numerous
brethren in the episcopate, and of many of the faithful throughout the world,
after due consultation with the Congregation for the
Causes of Saints, with certain knowledge and after mature
deliberation, with the fullness of my apostolic authority I declare Saint John
of Avila, diocesan priest, and Saint Hildegard of Bingen, professed nun of the
Order of Saint Benedict, to be Doctors of the Universal Church. In the name of
the Father, and of the Son, and of the Holy Spirit”.
I hereby decree the present Letter
to be perpetually valid and fully effective, and I establish that from this
moment anything to the contrary proposed by any person, of whatever authority,
knowingly or unknowingly, is invalid and without force.
Given in Rome, at Saint Peter’s,
under the ring of the Fisherman, on 7 October 2012, in the eighth year of my
Pontificate.
BENEDICTUS
PP. XVI
© Copyright 2012 -
Libreria Editrice Vaticana
Talla de San Juan de
Ávila en la parroquia de Nuestra Señora de la Asunción de Almodóvar del Campo
(Ciudad Real)
John of Ávila, Priest
(RM)
John
was ill for much of the last 15 years of his life. His admiration for Saint
Ignatius Loyola inclined him to join the Society of Jesus, but he was dissuaded
by the provincial of Andalusia. The "Apostle of Andalusia" was,
however, buried in the Jesuit church at Montilla (Benedictines, Delaney,
Farmer).