mardi 1 janvier 2013

LA CIRCONCISION DU SAUVEUR

La Circoncision du Sauveur

C'est dans ce jour béni que la terre voit couler les prémices du Sang divin qui doit purifier et sauver l'humanité déchue; Jésus, le huitième jour après Sa naissance, Se soumet à la Circoncision, et commence à souffrir pour nous. -- La Circoncision était le signe de l'alliance faite autrefois par le Seigneur avec Abraham; et le peuple juif, descendant de ce grand patriarche, avait toujours été fidèle à cette pratique sacrée, considérée comme l'initiation au service du vrai Dieu. L'enfant, dans la loi ancienne, devenait enfant de Dieu par la Circoncision, comme il devient, d'une manière plus parfaite, enfant de Dieu dans la loi nouvelle par le Baptême. Jésus, Fils de Dieu et la Sainteté même, n'avait nul besoin de Se soumettre à une loi dure et humiliante, faite pour les hommes pécheurs. Mais le double but de Sa venue sur la terre Lui fait accepter de grand coeur ce premier sacrifice; Il Se montre, en ce jour, à la fois, notre Sauveur et notre Modèle: Sauveur, Il inaugure l'oeuvre de notre rédemption; Modèle, Il nous apprend à aimer la loi de Dieu, à la garder fidèlement, à ne point chercher de vains prétextes pour excuser notre lâcheté et nos désobéissances, et à guérir notre orgueil par la pratique de l'humilité. -- La Circoncision corporelle cache, du reste, pour le chrétien, un beau et grand mystère, car elle est l'image de la Circoncision spirituelle qui consiste à circoncire notre coeur de toutes ses coupables affections, à détruire en nous le péché et les passions mauvaises et à vivre d'une vie surnaturelle.

L'Apôtre saint Paul a creusé à fond le sens spirituel de la Circoncision charnelle; les Pères et les auteurs spirituels n'ont eu qu'à commenter les textes si suggestifs de ses Épîtres: "La vraie Circoncision, dit-il (Rom. II, 28), n'est pas celle qui paraît dans la chair; la circoncision est celle du coeur, dans l'esprit, et non dans la lettre." -- "Dans le Christ Jésus, ni circoncision, ni incirconcision n'ont de valeur, mais bien la foi, qui est agissante par la charité. Ce qui est tout, c'est d'être une nouvelle créature (Gal. V, 6; VI, 15)." -- "En Jésus-Christ vous avez été circoncis d'une circoncision non faite de main d'homme, de la circoncision du Christ, par le dépouillement de ce corps de chair (Col. II, 11)." Toute la doctrine du grand Apôtre se résume à montrer que l'Ancienne loi n'était qu'une figure et une préparation de la Loi du Christ, que toute la vie chrétienne consiste à renoncer à la chair avec ses convoitises pour vivre intérieurement de la vie de l'esprit, et que ceux-là seuls sont vraiment au Christ qui le suivent dans la voie du sacrifice. C'est tout l'Évangile lui-même.

Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950.


La réforme de 1960 a changé le degré de l’Octave (de 2ème classe à 1ère classe) et le nom de la fête devenu ‘Octave de la Nativité du Seigneur’ au lieu de ‘Circoncision du Seigneur et Octave de la Nativité’. La fête de la circoncision, déjà célébrée au VIe siècle en Gaule (Concile de Tours de 567) ne rentre dans le calendrier romain qu’à partir du XIe siècles. [*]

Communicántes, et diem sacratíssimum celebrántes, quo beátæ Maríæ intemeráta Virgínitas huic mundo édidit Salvatórem, sed et memóriam venerántes, in primis eiúsdem gloriósæ semper Vírginis Maríæ, Genitrícis Dei et Dómini nostri Iesu Christi :

Unis dans une même communion et célébrant le jour très saint où la bienheureuse Marie gardant sa virginité sans tâche mit au monde le Sauveur, et honorant la mémoire tout d’abord de la glorieuse Marie toujours Vierge, Mère du même Jésus-Christ notre Dieu et Seigneur...


Office

AUX PREMIÈRES VÊPRES.

Ant. 1 O commerce admirable *. Le Créateur du genre humain prenant un corps et une âme, a daigné naître de la Vierge, et, devenu homme sans le concours de l’homme, il nous a fait part de sa divinité.

Ant. 2 Quand vous naquîtes * ineffablement d’une Vierge, alors s’accomplirent les Écritures. Comme la rosée sur la toison, vous descendîtes pour sauver le genre humain. Nous vous louons, ô notre Dieu !

Ant. 3 En ce buisson que vit Moïse * et qui brûlait sans se consumer, nous voyons l’image de votre glorieuse virginité : Mère de Dieu, intercédez pour nous.

Ant. 4 La tige de Jessé a fleuri ; * l’étoile est sortie de Jacob ; la Vierge a enfanté le Sauveur. Nous vous louons, ô notre Dieu !

Ant. 5 Voici que Marie nous a enfanté * le Sauveur, à la vue duquel Jean s’est écrié : Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui ôte les péchés du monde, alléluia.

Capitule. Tit. 2, 11-12. La grâce de Dieu notre Sauveur est apparue à tous les hommes, nous enseignant à renoncer à l’impiété et aux désirs du siècle, et à vivre sobrement, justement et pieusement dans ce monde.

Hymnus

Iesu, Redémptor ómnium,

Quem lucis ante oríginem

Parem patérnæ glóriæ

Pater suprémus édidit.

Tu lumen, et splendor Patris,

Tu spes perénnis ómnium,

Inténde quas fundunt preces

Tui per orbem sérvuli.

Meménto, rerum Cónditor,

Nostri quod olim córporis,

Sacráta ab alvo Vírginis

Nascéndo, formam súmpseris.

Testátur hoc præsens dies,

Currens per anni círculum,

Quod solus e sinu Patris

Mundi salus advéneris.

Hunc astra, tellus, æquora,

Hunc omne, quod cælo subest,

Salútis auctórem novæ

Novo salútat cántico.

Et nos, beáta quos sacri

Rigávit unda sánguinis,

Natális ob diem tui

Hymni tribútum sólvimus.

Hymne

O Jésus, Rédempteur de tous les hommes,

vous qu’avant la première aurore,

en sa Paternité suprême,

le Père engendra semblable à sa gloire.

Vous, lumière et splendeur du Père,

vous, l’éternelle espérance de tous,

écoutez ces prières que vos serviteurs

vous adressent par toute la terre.

Souvenez-vous, ô Créateur du monde,

que vous avez un jour,

en naissant d’une Vierge toute pure,

pris un corps semblable au nôtre.

Le jour présent, ce jour

que ramène l’année dans son cours,

atteste que, seul descendu du sein du Père,

vous êtes venu sauver le monde.

Le ciel, la terre, la mer

et tout ce qu’ils renferment,

saluent par un nouveau cantique

l’avènement de l’Auteur d’un salut nouveau.

Et nous, qui avons été lavés

par l’effusion de votre sang divin,

nous vous offrons, ô Christ, le tribut

de cette hymne à la gloire de votre jour natal.

Gloire soit à vous, ô Jésus !

qui êtes né de la Vierge :

gloire au Père et à l’Esprit-Saint,

dans les siècles éternels. Ainsi soit-il

V/..Le Verbe s’est fait chair, alléluia.

R/. Et il a habité parmi nous, alléluia.

Ant.au Magnificat Par le grand * amour dont Dieu nous a aimés, il a envoyé son Fils dans une chair semblable à celle du péché, alléluia.

A MATINES.

Invitatoire. Le Christ nous est né, * Venez, adorons-le.

Au premier nocturne.

Ant. 1 Le Seigneur m’a dit : * Vous êtes mon Fils, c’est moi qui aujourd’hui vous ai engendré.

Ant. 2 Dans le soleil [1], il a placé * sa tente, et lui-même est comme un époux qui sort de son lit nuptial.

Ant. 3 Élevez-vous, * portes éternelles, et le Roi de la gloire entrera.

V/. Le Seigneur vient.

R/. Comme un époux qui sort de son lit nuptial.

De l’Épître aux Romains. Cap. 4, 1-17.

Première leçon. Quel avantage dirons- nous donc qu’Abraham, notre père, a eu selon la chair ? Car si Abraham a été justifié par les œuvres, il a de quoi se glorifier, mais non devant Dieu. En effet, que dit l’Écriture ? Abraham crut à Dieu, et ce lui fut imputé à justice. Or à celui qui travaille, le salaire n’est point imputé comme une grâce, mais comme une dette. Au fait pas les œuvres, mais qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi est imputée à justice, selon le décret de la grâce de Dieu. C’est ainsi que David appelle heureux l’homme à qui Dieu impute la justice sans les œuvres : Bienheureux ceux dont les iniquités ont été remises, et dont les péchés ont été couverts. Bienheureux l’homme à qui le Seigneur n’a pas imputé de péché.

R/. Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui ôte les péchés du monde, voici celui de qui je disais : Celui qui vient après moi, a été fait avant moi : * Je ne suis pas digne de délier la courroie de sa chaussure. V/. Celui qui est de la terre, parle de la terre ; celui qui vient du Ciel, est au-dessus de tous. * Je.

Deuxième leçon. Or cette béatitude est-elle seulement pour les circoncis ? N’est-elle pas aussi pour les incirconcis ? Car nous venons de dire que la foi d’Abraham lui a été imputée à justice. Quand donc lui a-t-elle été imputée ? Est-ce après la circoncision, ou avant la circoncision ? Ce n’est point après la circoncision, mais avant la circoncision. Et il ne reçut la marque de la circoncision que comme sceau de la justice qu’il avait déjà acquise par la foi, étant encore incirconcis, et pour être Je père de tous les croyants incirconcis, afin que la foi leur fut aussi imputée à justice, et pour être père de la circoncision, non seulement des circoncis mais aussi de ceux qui suivent les traces de la foi qui était en notre père Abraham, encore incirconcis.

R/. Un jour sanctifié luit pour nous : venez, Nations, et adorez le Seigneur. * Parce qu’une grande lumière est descendue aujourd’hui sur la terre. V/. oici le jour qu’a fait le Seigneur ; réjouissons-nous et tressaillons d’allégresse en ce jour. * Parce que.

Troisième leçon. Car ce n’est pas en vertu de la loi qu’a été faite à Abraham ou à sa postérité la promesse d’avoir le monde pour héritage, mais c’est en vertu de la justice de la foi. Et si ceux qui ont reçu la loi sont héritiers, la loi devient vaine, et la promesse est abolie ; attendu que la loi opère la colère ; car où il n’y a point de loi, il n’y a point de prévarication. Ainsi c’est à la foi qu’est attachée la promesse, afin qu’elle soit gratuite et assurée à toute la postérité d’Abraham, non seulement à celle qui a reçu la loi mais encore à celle qui suit la foi d’Abraham, qui est le père de nous tous, (selon qu’il est écrit : Je t’ai établi père d’une multitude de nations) devant Dieu à qui il a cru, qui vivifie les morts, et appelle les choses qui ne sont pas, comme celles qui sont.

R/. Béni celui qui vient au nom du Seigneur ! Le Seigneur est Dieu et il a fait luire sa lumière sur nous : * Alléluia. Alléluia. V/. Voici le jour qu’a fait le Seigneur ; réjouissons-nous et tressaillons d’allégresse en ce jour. * Alléluia, alléluia. Gloire au Père. * Alléluia, alléluia.

Au deuxième nocturne.

Ant. 1 Vous êtes plus brillant de beauté * que les enfants des hommes, la grâce est répandue sur vos lèvres.

Ant. 2 Un homme est né * en elle, et lui-même, le Très- Haut, l’a fondée [2].

Ant. 3 Ils exulteront, tous les arbres * des forêts devant la face du Seigneur, parce qu’il vient [3].

V/. Vous êtes plus brillant de beauté que les enfants des hommes.

R/. La grâce est répandue sur vos lèvres.

Sermon de saint Léon, Pape.

Quatrième leçon. Le mystère de la fête de ce jour, mes bien-aimés, nul ne l’honore en vérité et ne le célèbre avec piété, s’il ne se garde de toute erreur quant à l’incarnation du Seigneur, et de toute pensée indigne de la Divinité. On commet la même faute, on s’expose au même péril, en niant que le Christ ait une nature semblable à la nôtre et en ne lui reconnaissant pas une gloire égale à celle de son Père. Lorsque nous cherchons à obtenir l’intelligence du mystère de la nativité du Christ, venant à nous du sein d’une mère vierge, écartons donc bien au loin les ténèbres des raisonnements terrestres, et que la fumée de la sagesse mondaine se retire de l’œil illuminé par la foi.

R/. Félicitez-moi, vous tous qui aimez le Seigneur : * Parce que, tandis que j’étais petite, j’ai plu au Très-Haut, et de mon sein j’ai engendré un Homme-Dieu. V/. Toutes les nations m’appelleront bienheureuse, parce que Dieu a regardé son humble servante. * Parce que.

Cinquième leçon. Car c’est sur l’autorité divine qu’est appuyée notre foi, et c’est une doctrine divine que professons. Soit que nous prêtions l’oreille de notre âme au témoignage de la loi, ou aux oracles des Prophètes, ou à l’éclatante prédication de l’Évangile, elles restent vraies, ces paroles que Jean, rempli du Saint-Esprit, a fait retentir : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. C’est lui qui au commencement était en Dieu. Toutes choses ont été faites par lui ; et sans lui rien n’a été fait de ce qui a été fait. » Et ce que le même prédicateur ajoute est également vrai : « Le Verbe a été fait chair, et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, comme la gloire du Fils unique du Père. »

R/. Le cœur de la Vierge a été fortifié ; à la parole de l’Ange elle a conçu les mystères divins ; alors, dans ses chastes entrailles, elle a reçu le plus beau des enfants des hommes * Et, bénie à jamais, elle nous a donné celui qui est Dieu et homme. V/. La demeure d’un sein pudique devient soudain le temple de Dieu ; la Vierge, intacte et pure, conçoit un Fils à la parole de l’Ange. * Et.

Sixième leçon. Dans l’une et l’autre nature, le Fils de Dieu est donc le même ; prenant ce qui est de nous, sans rien perdre de ce qui lui est propre ; renouvelant l’homme dans l’homme, et restant en lui-même immuable. La divinité qui lui est commune avec le Père ne perd rien de sa toute-puissance, et la nature du serviteur ne déshonore pas en lui la nature de Dieu ; parce que l’Essence souveraine et éternelle, qui s’est inclinée pour le salut du genre humain, nous a élevés à la participation de sa gloire : mais elle n’a pas cessé d’être ce qu’elle était. C’est pourquoi, lorsque le Fils unique de Dieu confesse qu’il est inférieur à son père, auquel il se dit égal, il montre qu’il a véritablement en lui l’une et l’autre nature, car par l’inégalité dont il parle, il prouve qu’il a la nature humaine ; et par l’égalité qu’il affirme, ii déclare posséder la nature divine.

R/. Vous êtes bénie et digne de tout respect, Vierge Marie, qui, sans rien perdre de votre pureté, vous êtes trouvée ta Mère du Sauveur : * Il était couché dans la crèche, et il brillait dans le Ciel. V/. Seigneur, j’ai entendu votre parole et j’ai craint ; j’ai considéré vos œuvres et j’ai été saisi de frayeur : entre deux animaux. * Il était couché. Gloire au Père. * Il était couché.

Au troisième nocturne.

Ant. 1 Au commencement * et avant les siècles le Verbe était Dieu, et lui-même est né aujourd’hui pour être le Sauveur du monde.

Ant. 2 Engendré avant l’aurore * et avant les siècles, le Seigneur notre Sauveur a daigné naître aujourd’hui.

Ant. 3 Le Seigneur étant né. * le chœur des Anges chantait, disant : Salut à notre Dieu qui est assis sur le trône, et à l’Agneau.

V/. Le Seigneur a fait connaître, alléluia

R/. Son salut, alléluia.

Lecture du saint Évangile selon saint Luc. Luc, 2, 21.

En ce temps-là : le huitième jour, auquel l’enfant devait être circoncis, étant arrivé, on lui donna le nom de Jésus. Et le reste.

Homélie de saint Ambroise, Évêque.

Septième leçon. L’enfant est donc circoncis Quel est cet enfant, sinon celui dont il a été dit : « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné ? » Il s’est assujetti à la loi, pour gagner ceux qui étaient sous la loi. « (Ils le portèrent à Jérusalem) pour le présenter au Seigneur. » Je dirais ici ce que c’est qu’être présenté au Seigneur dans Jérusalem, si je ne l’avais déjà expliqué dans mes Commentaires sur Isaïe. Celui qui est circoncis spirituellement par le retranchement de ses vices, est jugé digne du regard du Seigneur ; parce que « les yeux du Seigneur sont fixés sur les justes. » Vous voyez que toute la suite de la loi ancienne a été l’image de l’avenir ; car la circoncision signifie l’expiation des péchés.

R/. Sainte et immaculée Virginité, je ne sais par quelles louanges vous exalter : * Car vous avez renfermé dans votre sein celui que les cieux ne peuvent contenir. V/. Bénie êtes-vous entre les femmes, et béni est le fruit de votre sein. * Car.

Huitième leçon. Mais parce que la fragilité de la chair et de l’esprit de l’homme l’emporte, par une pente naturelle de cupidité, vers le mal, et l’embarrasse ici-bas dans des vices inextricables, le huitième jour de la circoncision est la figure du temps de la résurrection, et de notre future délivrance de tout péché. C’est en effet le sens des paroles suivantes : « Tout mâle premier-né sera appelé, consacré au Seigneur. » Les termes de la loi expriment la promesse du fruit de la Vierge, fruit vraiment saint, car il est immaculé. Que ce soit là le fruit désigné par la loi, les paroles de l’Ange nous l’assurent : « La chose sainte, dit-il, qui naîtra de vous, sera appelée le Fils de Dieu. »

R/. Une vierge-mère a enfanté sans douleur. * Le Sauveur des siècles, le Roi des Anges ; et seule la Vierge l’allaitait de sa mamelle que le ciel remplissait. V/. La demeure d’un sein pudique devient soudain le temple de Dieu ; la Vierge, toujours intacte et pure, conçoit un Fils à la parole de l’Ange. * Le. Gloire au Père. * Le.

Neuvième leçon. Car parmi il tous ceux qui sont nés de la femme, seul, le Seigneur Jésus est absolument saint ; lui qui, par la nouveauté d’un enfantement immaculé, n’a pas ressenti la contagion de la corruption terrestre, et l’a éloignée de lui par sa majesté céleste. Si nous nous en tenions à la lettre, comment tout enfant mâle serait-il saint ; puisqu’il est manifeste qu’il y en a eu beaucoup de très criminels ? Achab aurait-il été saint ? Seraient-ils saints ces faux prophètes que le feu, vengeur de l’injure faite au ciel, consuma à la prière d’Élie ? Mais il est saint celui que les pieux préceptes de la loi divine nous représentaient dans les figures du mystère à venir ; et c’est par lui seul que l’Église, qui est sainte et vierge, a le secret d’engendrer, dans son immaculée fécondité, les peuples Je Dieu.

A LAUDES

Antiennes comme aux 1ères Vêpres

Hymnus

A solis ortus cárdine

Ad usque terræ límitem,

Christum canámus Príncipem,

Natum María Vírgine.

Beátus auctor sǽculi

Servíle corpus índuit :

Ut carne carnem líberans,

Ne pérderet quos cóndidit.

Castæ Paréntis víscera

Cæléstis intrat grátia :

Venter Puéllæ báiulat

Secréta, quæ non nóverat.

Domus pudíci péctoris

Templum repénte fit Dei :

Intácta nésciens virum,

Concépit alvo Fílium.

Enítitur puérpera,

Quem Gábriel prædíxerat,

Quem ventre Matris géstiens,

Baptísta clausum sénserat.

Fœno iacére pértulit :

Præsépe non abhórruit :

Et lacte módico pastus est,

Per quem nec ales ésurit.

Gaudet chorus cæléstium,

Et Angeli canunt Deo ;

Palámque fit pastóribus

Pastor, Creátor ómnium.

Hymne

Du point où le soleil se lève

jusqu’aux limites de ta terre,

chantons le Christ Roi,

né de la Vierge Marie.

Le bienheureux Auteur du monde

revêt un corps d’esclave,

afin que, délivrant la chair par la chair,

il sauve de leur perte, ceux qu’il a créés.

Au sein d’une chaste Mère

descend la grâce céleste,

les flancs d’une Vierge portent

un mystère qu’elle ne connaissait pas.

La demeure d’un sein pudique

devient soudain le temple de Dieu ;

la Vierge, intacte et toujours pure,

conçoit un Fils dans ses entrailles.

Cette jeune mère enfante

celui qu’annonça Gabriel ;

celui dont Jean, captif encore au sein maternel,

reconnut la présence.

Il a souffert de reposer sur du foin ;

il n’a pas eu horreur de la crèche ;

il s’est nourri d’un peu de lait,

lui qui rassasie jusqu’au petit oiseau.

Le chœur des Esprits célestes se réjouit,

et les Anges chantent à Dieu ;

il se manifeste aux bergers,

le Pasteur, le Créateur de tous.

Gloire soit à vous, ô Jésus !

qui êtes né de la Vierge :

gloire au Père et à l’Esprit-Saint,

dans les siècles éternels. Ainsi soit-il

V/..Le Verbe s’est fait chair, alléluia.

R/. Et il a habité parmi nous, alléluia.

Ant. au Bénédictus Un mystère admirable * se manifeste aujourd’hui : les deux natures s’unissent dans un prodige nouveau : Dieu se fait homme ; il reste ce qu’il était, il prend ce qu’il n’était pas, sans souffrir ni mélange ni division.

AUX DEUXIÈMES VÊPRES.

Tout aux 1ères Vêpres, sauf :

V/. Le Seigneur a fait connaître, alléluia

R/. Son salut, alléluia.

Ant. au Magnificat O grand * mystère de l’hérédité divine ! Le sein d’une vierge est devenu le temple de Dieu ; celui qui d’elle a pris chair n’a contracté aucune souillure ; toutes les nations viendront et diront : Gloire A vous, Seigneur.

[1] « Le Seigneur est le Soleil de justice. (Malach., 4, 2). Ce Soleil a inondé de ses clartés l’étoile de la mer, c’est-à-dire Marie, afin qu’elle fût comme le soleil. Il a donc placé sa tente dans le soleil, lorsqu’il a pris un corps dans son sein. » (Saint Jérôme). « Jésus-Christ a aussi établi son tabernacle dans le soleil, en mettant son Église dans l’évidence et au grand jour. » (Saint Augustin).

[2] « Le Seigneur a fondé la ville où il devait naître, quand il a créé celle qui devait être sa mère. » (Saint Augustin).

[3] « Ces bois des forêts sont les païens. Pourquoi seront-ils dans la joie ? Parce qu’ils ont été retranchés de l’olivier sauvage pour être entés sur l’olivier franc (Rom., 11, 17). Les arbres des forêts seront dans la joie, parce qu’on y a coupé de grands arbres, des cèdres, des cyprès, d’autres bois incorruptibles pour les l’aire entrer dans l’édifice de l’Église ; bois des forêts avant d’entrer dans l’édifice, bois des forêts, mais avant de porter l’olive. » (Saint Augustin.)



Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Le huitième jour de la Naissance du Sauveur est arrivé ; l’étoile qui conduit les Mages approche de BethlChem ; encore cinq jours, et elle s’arrêtera sur le lieu où repose l’Enfant divin. Aujourd’hui, ce Fils de l’Homme doit être circoncis, et marquer, par ce premier sacrifice de sa chair innocente, le huitième jour de sa vie mortelle. Aujourd’hui, un nom va lui être donné ; et ce nom sera celui de Jésus, qui veut dire Sauveur. Les mystères se pressent dans cette grande journée ; recueillons-les tous, et honorons-les dans toute la religion et toute la tendresse de nos cœurs.

Mais ce jour n’est pas seulement consacré à honorer la Circoncision de Jésus ; le mystère de cette Circoncision fait partie d’un plus grand encore, celui de l’Incarnation et de l’Enfance du Sauveur ; mystère qui ne cesse d’occuper l’Église, non seulement durant cette Octave, mais pendant les quarante jours du Temps de Noël. D’autre part, l’imposition du nom de Jésus doit être glorifiée par une solennité particulière, que nous célébrerons demain (ou le dimanche entre le 2 et le 5 janvier). Cette grande journée offre place encore à un autre objet digne d’émouvoir la piété des fidèles. Cet objet est Marie, Mère de Dieu. Aujourd’hui, l’Église célèbre spécialement l’auguste prérogative de cette divine Maternité, conférée à une simple créature, coopératrice du grand ouvrage du salut des hommes.

Autrefois la sainte Église Romaine célébrait deux Messes au premier janvier : l’une pour l’Octave de Noël, l’autre en l’honneur de Marie. Depuis, elle les a réunies en une seule, de même qu’elle a mélangé dans le reste de l’Office de ce jour les témoignages de son adoration envers le Fils, aux expression- de son admiration et de sa tendre confiance envers la Mère.

Pour payer son tribut d’hommages à celle qui nous adonné l’Emmanuel, l’Église Grecque n’attend pas le huitième jour de la Naissance de ce Verbe fait chair. Dans son impatience, elle consacre à Marie le propre lendemain de Noël, le 26 décembre, sous le titre de Synaxe de la Mère de Dieu, réunissant ces deux solennités en une seule, en sorte qu’elle n’honore saint Étienne que le 27 décembre.

Pour nous, fils aînés de la sainte Église Romaine, épanchons aujourd’hui tout l’amour de nos cœurs envers la Vierge-Mère, et conjouissons-nous à la félicité qu’elle éprouve d’avoir enfanté son Seigneur et le nôtre. Durant le saint Temps de l’Avent, nous l’avons considérée enceinte du salut du monde ; nous avons proclamé la souveraine dignité de cette Arche de la nouvelle alliance qui offrait dans ses chastes flancs comme un autre ciel à la Majesté du Roi des siècles. Maintenant, elle l’a mis au jour, ce Dieu enfant ; elle l’adore ; mais elle est sa Mère. Elle a le droit de l’appeler son Fils ; et lui, tout Dieu qu’il est, la nomme en toute vérité sa Mère.

Ne nous étonnons donc plus que l’Église exalte avec tant d’enthousiasme Marie et ses grandeurs. Comprenons au contraire que tous les éloges qu’elle peut lui donner, tous les hommages qu’elle peut lui offrir dans son culte, demeurent toujours beaucoup au-dessous de ce qui est dû à la Mère du Dieu incarné. Personne sur la terre n’arrivera jamais à décrire, pas même à comprendre tout ce que cette sublime prérogative renferme de gloire. En effet, la dignité de Marie provenant de ce qu’elle est Mère d’un Dieu, il serait nécessaire, pour la mesurer dans son étendue, de comprendre préalablement la Divinité elle-même. C’est à un Dieu que Marie a donné la nature humaine ; c’est un Dieu qu’elle a eu pour Fils ; c’est un Dieu qui s’est fait gloire de lui être soumis, selon l’humanité ; la valeur d’une si haute dignité dans une simple créature ne peut donc être estimée qu’en la rapprochant de la souveraine perfection du grand Dieu qui daigne ainsi se constituer sous sa dépendance. Anéantissons-nous donc en présence de la Majesté du Seigneur ; et humilions-nous devant la souveraine dignité de celle qu’il s’est choisie pour Mère.

Que si nous considérons maintenant les sentiments qu’une telle situation inspirait à Marie à l’égard de son divin Fils, nous demeurons encore confondus par la sublimité du mystère. Ce Fils, qu’elle allaite, qu’elle tient dans ses bras, qu’elle presse contre son cœur, elle l’aime, parce qu’il est le fruit de ses entrailles ; elle l’aime, parce qu’elle est mère, et que la mère aime son fils comme elle-même et plus qu’elle-même ; mais si elle vient à considérer la majesté infinie de Celui qui se confie ainsi à son amour et à ses caresses, elle tremble et se sent près de défaillir, jusqu’à ce que son cœur de Mère la rassure au souvenir des neuf mois que cet Enfant a passés dans son sein, et du sourire filial avec lequel il lui sourit au moment où elle l’enfanta. Ces deux grands sentiments de la religion et de la maternité se confondent dans ce cœur sur ce seul et divin objet. Se peut-il imaginer quelque chose de plus sublime que cet état de Mère de Dieu ; et n’avions-nous pas raison de dire que, pour le comprendre tel qu’il est en réalité, il nous faudrait comprendre Dieu lui-même, qui seul pouvait le concevoir dans son infinie sagesse, et seul le réaliser dans sa puissance sans bornes ?

Une Mère de Dieu ! Tel est le mystère pour la réalisation duquel le monde était dans l’attente depuis tant de siècles ; l’œuvre qui, aux yeux de Dieu, dépassait à l’infini, comme importance, la création d’un million de mondes. Une création n’est rien pour sa puissance ; il dit, et toutes choses sont faites. Au contraire, pour qu’une créature devienne Mère de Dieu, il a dû non seulement intervertir toutes les lois de la nature en rendant féconde la virginité, mais se placer divinement lui-même dans des relations de dépendance, dans des relations filiales, à l’égard de l’heureuse créature qu’il a choisie. Il a dû lui conférer des droits sur lui-même, accepter des devoirs envers elle ; en un mot, en faire sa Mère et être son Fils.

Il suit de là que les bienfaits de cette Incarnation que nous devons à l’amour du Verbe divin, nous pourrons et nous devrons, avec justice, les rapporter dans un sens véritable, quoique inférieur, à Marie elle-même. Si elle est Mère de Dieu, c’est qu’elle a consenti à l’être. Dieu a daigné non seulement attendre ce consentement, mais en faire dépendre la venue de son Fils dans la chair. Comme ce Verbe éternel prononça sur le chaos ce mot FIAT, et la création sortit du néant pour lui répondre ; ainsi, Dieu étant attentif, Marie prononça aussi ce mot FIAT, qu’il me soit fait selon votre parole, et le propre Fils de Dieu descendit dans son chaste sein. Nous devons donc notre Emmanuel, après Dieu, à Marie, sa glorieuse Mère.

Cette nécessité indispensable d’une Mère de Dieu, dans le plan sublime du salut du monde, devait déconcerter les artifices de l’hérésie qui avait résolu de ravir la gloire du Fils de Dieu. Selon Nestorius, Jésus n’eût été qu’un homme ; sa Mère n’était donc que la mère d’un homme : le mystère de l’Incarnation était anéanti. De là, l’antipathie de la société chrétienne contre un si odieux système. D’une seule voix, l’Orient et l’Occident proclamèrent le Verbe fait chair, en unité de personne, et Marie véritablement Mère de Dieu, Deipara, Theotocos, puisqu’elle a enfanté Jésus-Christ. Il était donc bien juste qu’en mémoire de cette grande victoire remportée au concile d’Ephèse, et pour témoigner de la tendre vénération des chrétiens envers la Mère de Dieu, des monuments solennels s’élevassent qui attesteraient aux siècles futurs cette suprême manifestation. Ce fut alors que commença dans les Églises grecque et latine le pieux usage de joindre, dans la solennité de Noël, la mémoire de la Mère au culte du Fils. Les jours assignés à cette commémoration furent différents ; mais la pensée de religion était la même.

A Rome, le saint Pape Sixte III fit décorer l’arc triomphal de l’Église de Sainte-Marie ad Praesepe, de l’admirable Basilique de Sainte-Marie-Majeure, par une immense mosaïque à la gloire de la Mère de Dieu. Ce précieux témoignage delà foi du cinquième siècle est arrivé jusqu’à nous ; et au milieu du vaste ensemble sur lequel figurent, dans leur mystérieuse naïveté, les événements racontés par les saintes Écritures et les plus vénérables symboles, on peut lire encore la noble inscription par laquelle le saint Pontife dédiait ce témoignage de sa vénération envers Marie, Mère de Dieu, au peuple fidèle : XISTUS EPISCOPUS PLEBI DEI.

Des chants spéciaux furent composés aussi à Rome pour célébrer le grand mystère du Verbe fait homme par Marie. De sublimes Répons, de magnifiques Antiennes, ornés d’un chant grave et mélodieux, vinrent servir d’expression à la piété de l’Église et des peuples, et ils ont porté cette expression à travers tous les siècles. Entre ces pièces liturgiques, il est des Antiennes que l’Église Grecque chante avec nous, dans sa langue, en ces mêmes jours, et qui attestent l’unité de la foi en même temps que la communauté des sentiments, en présence du grand mystère du Verbe incarné.

AUX PREMIÈRES VÊPRES.

Les premières Vêpres de la Circoncision sont rendues plus solennelles par le chant de cinq des vénérables Antiennes dont nous parlions tout à l’heure ; l’Office se compose en outre des Psaumes assignés, pendant toute l’année, aux Vêpres de la sainte Vierge.

Le premier de ces Psaumes, en célébrant la Royauté, le Sacerdoce et la suprême Judicature de l’Emmanuel, révèle en même temps la haute dignité de celle qui l’a enfanté. Le second renferme la louange du Dieu qui élève les humbles et qui rend féconde la stérilité ; il annonce magnifiquement les grandeurs et la fécondité de Marie, Mère de Dieu et Mère des hommes. Les trois derniers Psaumes contiennent l’éloge de Jérusalem, Cité de Dieu et symbole de Marie.

A LA MESSE.

La Station est à Sainte-Marie au delà du Tibre. Il était bien juste de glorifier cette Basilique à jamais vénérable entre celles que la piété catholique a consacrées à Marie. La plus ancienne des Églises de Rome dédiées à la sainte Vierge, elle lui fut consacrée par saint Calliste, dès le troisième siècle, dans l’ancienne Taberna Meritoria, lieu célèbre chez les auteurs païens eux-mêmes par cette fontaine d’huile qui en sortit, sous le règne d’Auguste, et coula jusqu’au Tibre. La piété des peuples s’est plu à voir, dans cet événement, un symbole du Christ (unctus) qui devait bientôt naître ; et la Basilique porte encore aujourd’hui le titre de Fons olei.

L’Introït, comme la plupart des autres pièces chantées de cette Messe, est celui de Noël, à la Messe du Jour. Il célèbre la Naissance de l’Enfant qui nous est né, et qui compte aujourd’hui son huitième jour.

Dans la Collecte, l’Église célèbre la virginité féconde de la Mère de Dieu, et nous montre Marie comme la source dont Dieu s’est servi pour répandre le bienfait de l’Incarnation sur le genre humain. Elle représente à Dieu lui-même les espérances que nous fondons sur l’intercession de cette créature privilégiée.

ÉPÎTRE.

En ce jour où nous plaçons maintenant le renouvellement de notre année civile, les conseils du grand Apôtre viennent à propos pour avertir les fidèles de l’obligation où ils sont de sanctifier le temps qui leur est donné. Renonçons donc aux désirs du siècle ; vivons avec sobriété, justice et piété ; et que rien ne nous distraie de l’attente de cette béatitude que nous espérons. Le grand Dieu et sauveur Jésus-Christ, qui apparaît en ces jours dans sa miséricorde, pour nous enseigner, reviendra dans sa gloire, pour nous récompenser. Le mouvement du temps nous avertit que ce jour approche ; purifions-nous, et devenons un peuple agréable aux yeux du Rédempteur, un peuple appliqué aux bonnes œuvres.

Le Graduel chante la venue du divin Enfant, et invite toutes les nations à le glorifier, lui et son Père qui l’avait promis et qui nous l’envoie.

ÉVANGILE.

L’enfant est circoncis ; il n’appartient plus seulement à la nature humaine ; il devient, par ce symbole, membre du peuple choisi et voué au service de Dieu. Il se soumet à cette cérémonie douloureuse, à ce signe de servitude, pour accomplir toute justice. Il reçoit en retour le nom de Jésus ; et ce nom veut dire Sauveur ; il nous sauvera donc, mais c’est par son sang qu’il nous sauvera. Telle est la volonté divine, acceptée par lui. La présence du Verbe incarné sur la terre a pour but un Sacrifice, et ce Sacrifice commence déjà. Il pourrait être plein et parfait par cette seule effusion du sang d’un Dieu-Homme ; mais l’insensibilité du pécheur, dont l’Emmanuel est venu conquérir l’âme, est si profonde, que ses yeux contempleront trop souvent, sans l’émouvoir, les torrents du sang divin qui a ruisselé sur la croix. Les quelques gouttes du sang de la circoncision auraient suffi à la justice du Père ; elles ne suffisent pas à la misère de l’homme ; et le cœur du divin Enfant veut par-dessus tout guérir cette misère. C’est pour cela qu’il vient ; et il aimera les hommes jusqu’à l’excès ; car il ne veut point porter en vain le nom de Jésus.

L’Offertoire célèbre la puissance de l’Emmanuel. En ce moment où il nous apparaît blessé par le couteau de la circoncision, exaltons d’autant plus sa puissance, sa richesse et son indépendance. Célébrons aussi son amour ; car s’il vient partager nos plaies, c’est pour les guérir.

Pendant la Communion, l’Église se réjouit dans le nom du Sauveur qui vient, et qui remplit toute l’étendue de ce nom, en rachetant tous les habitants de la terre. Elle demande ensuite, par l’entremise de Marie, que le divin remède de la Communion soit, pour nos cœurs, la guérison du péché, afin que nous puissions offrir à Dieu l’hommage de cette circoncision spirituelle dont parle l’Apôtre.

L’Église Grecque, au 26 Décembre, jour consacré par elle à la Mère de Dieu, prodigue de pompeuses louanges à Marie. Nous empruntons à ses Menées les deux seules strophes qui suivent, dont la première est en même temps l’Antienne de Benedictus du jour de la Circoncision, au Bréviaire Romain.

Un mystère admirable se manifeste aujourd’hui : les deux natures s’unissent dans un prodige nouveau ; Dieu se fait homme ; il reste ce qu’il était, il prend ce qu’il n’était pas, sans souffrir ni mélange ni division.

La vigne mystique, après avoir produit sans culture la céleste grappe, la soutenait sur ses bras, comme sur ses rameaux : Tu es mon fruit, disait-elle, tu es ma vie ; je sais de toi-même que je suis encore ce que j’étais, ô mon Dieu ! car le sceau de ma virginité n’a point été brisé : c’est pourquoi je te proclame immuable et Verbe fait chair. Je n’ai point connu l’homme, mais je te reconnais pour le libérateur de la commune perdition ; je suis toujours chaste, même après ta naissance. Tel tu trouvas mon sein, tel tu l’as laissé : c’est pourquoi toute créature me chante et s’écrie : « Réjouis-toi, ô pleine de grâce ! »

Considérons, en ce huitième jour de la Naissance du divin Enfant, le grand mystère de la Circoncision qui s’opère dans sa chair. C’est aujourd’hui que la terre voit couler les prémices du sang qui doit la racheter ; aujourd’hui que le céleste Agneau, qui doit expier nos péchés, commence à souffrir pour nous. Compatissons à notre Emmanuel, qui s’offre avec tant de douceur à l’instrument qui doit lui imprimer une marque de servitude.

Marie, qui a veillé sur lui dans une si tendre sollicitude, a vu venir cette heure des premières souffrances de son Fils, avec un douloureux serrement de son cœur maternel. Elle sent que la justice de Dieu pourrait ne pas exiger ce premier sacrifice, ou encore se contenter du prix infini qu’il renferme pour le salut du monde ; et cependant, il faut que la chair innocente de son Fils soit déjà déchirée, et que son sang coule déjà sur ses membres délicats.

Elle voit avec désolation les apprêts de cette dure cérémonie ; elle ne peut ni fuir, ni considérer son Fils dans les angoisses de cette première douleur. Il faut qu’elle entende ses soupirs, son gémissement plaintif, qu’elle voie des larmes descendre sur ses tendres joues. « Mais lui pleurant, dit saint Bonaventure, crois-tu que sa Mère pût contenir ses larmes ? Elle pleura donc quant et quant elle-même. La voyant ainsi pleurer, son Fils, qui se tenait debout sur le giron d’icelle, mettait sa petite main à la bouche et au visage de sa Mère, comme la priant par signe de ne pas pleurer ; car celle qu’il aimait si tendrement, il la voulait voir cesser de pleurer. Semblablement de son côté, cette douce Mère, de qui les entrailles étaient totalement émues par la douleur et les larmes de son Enfant, le consolait parle geste et les paroles. Et de vrai, comme elle était moult prudente, elle entendait bien la volonté d’icelui, jaçoit qu’il ne parlât encore. Et elle disait : Mon Fils, si vous me voulez voir cesser de pleurer, cessez vous-même ; car je ne puis, vous pleurant, ne point pleurer aussi. Et lors, par compassion pour sa Mère, le petit Fils désistait de sangloter. La Mère lui essuyait alors les yeux, et aussi les siens à elle, et puis elle appliquait son visage sur le visage de son Enfant, l’allaitait et le consolait de toutes les manières qu’elle pouvait [4]. »

Maintenant, que rendrons-nous au Sauveur de nos âmes, pour la Circoncision qu’il a daigné souffrir, afin de nous montrer son amour ? Nous devrons suivre le conseil de l’Apôtre [5], et circoncire notre cœur de toutes ses mauvaises affections, en retrancher le péché et ses convoitises, vivre enfin de cette nouvelle vie dont Jésus enfant nous apporte du ciel le simple et sublime modèle. Travaillons à le consoler de cette première douleur ; et rendons-nous de plus en plus attentifs aux exemples qu’il nous donne.

A la louange du Dieu circoncis, nous chanterons cette belle Séquence empruntée aux anciens Missels de l’Église de Paris.

SÉQUENCE.

Aujourd’hui, est apparue la merveilleuse vertu de la grâce, dans la Circoncision d’un Dieu.

Un Nom céleste, un Nom de salut, le Nom de Jésus lui est donné.

C’est le Nom qui sauve l’homme, le Nom que la bouche du Seigneur a prononcé dès l’éternité.

Dès longtemps, à la Mère de Dieu, dès longtemps, à l’époux de la Vierge, un Ange l’a révélé.

Nom sacré, tu triomphes de la rage de Satan et de l’iniquité du siècle.

Jésus, notre rançon, Jésus, espoir des affligés, guérissez nos âmes malades.

A tout ce qui manque à l’homme suppléez par votre Nom, qui porte avec lui le salut.

Que votre Circoncision épure notre cœur, cautérise ses plaies.

Que votre sang répandu lave nos souillures, rafraîchisse notre aridité, qu’il console nos afflictions.

En ce commencement d’année, pour étrennes fortunées, préparez notre récompense, ô Jésus ! Amen.

Adam de Saint-Victor nous offre, pour louer dignement la Mère de Dieu, cette gracieuse composition liturgique qui a été longtemps un des plus beaux ornements des anciens Missels Romains-Français.

SÉQUENCE.

Salut ! Ô Mère du Sauveur ! Vase élu, vase d’honneur, vase de céleste grâce.

Vase prédestiné éternellement, vase insigne, vase richement ciselé par la main de la Sagesse.

Salut ! Mère sacrée du Verbe, fleur sortie des épines, fleur sans épines ; fleur, la gloire du buisson.

Le buisson, c’est nous ; nous déchirés par les épines du péché ; mais vous, vous n’avez pas connu d’épines.

Porte fermée, fontaine des jardins, trésor des parfums, trésor des aromates,

Vous surpassez en suave odeur la branche du cinnamome, la myrrhe, l’encens et le baume.

Salut ! La gloire des vierges, la Médiatrice des hommes, la mère du salut.

Myrte de tempérance, rose de patience, nard odoriférant.

Vallée d’humilité, terre respectée par le soc, et abondante en moissons.

La fleur des champs, le beau lis des vallons, le Christ est sorti de vous.

Paradis céleste, cèdre que le fer n’a point touché, répandant sa douce vapeur.

En vous est la plénitude de l’éclat et de la beauté, de la douceur et des parfums.

Trône de Salomon, à qui nul trône n’est semblable, pour l’art et la matière.

En ce trône, l’ivoire par sa blancheur figure le mystère de chasteté, et l’or par son éclat signifie la charité.

Votre palme est à vous seule, et vous demeurez sans égale sur la terre et au palais du ciel.

Gloire du genre humain, en vous sont les privilèges des vertus, au-dessus de tous.

Le soleil brille plus que la lune, et la lune plus que les étoiles ; ainsi Marie éclate entre toutes les créatures.

La lumière sans éclipse, c’est la chasteté de la Vierge ; le feu qui jamais ne s’éteint, c’est sa charité immortelle.

Salut ! Mère de miséricorde, et de toute la Trinité l’auguste habitation.

Mais à la majesté du Verbe incarné vous avez offert un sanctuaire spécial.

O Marie ! Étoile de la mer, dans votre dignité suprême, vous dominez sur tous les ordres de la céleste hiérarchie.

Sur votre trône élevé du ciel, recommandez-nous à votre Fils ; obtenez que les terreurs ou les tromperies de nos ennemis ne triomphent pas de notre faiblesse.

Dans la lutte que nous soutenons, défendez-nous par votre appui ; que la violence de notre ennemi plein d’audace et de fourberie cède à votre force souveraine ; sa ruse, à votre prévoyance.

Jésus ! Verbe du Père souverain, gardez les serviteurs de votre Mère ; déliez les pécheurs, sauvez-les par votre grâce, et imprimez sur nous les traits de votre clarté glorieuse. Amen.

[4] Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par saint Bonaventure. Tome Ier, page 51.

[5] Coloss. II, 11.



Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum


OCTAVE DU SEIGNEUR

Sainte-Marie au Transtévère.

Tel était, dans les calendriers romains, le titre primitif de la synaxe de ce jour, jusqu’à ce que, sous l’influence des liturgies gallicanes, on lui ait ajouté celui de la circoncision du Seigneur. D’ailleurs, dans les premiers temps après la paix de l’Église, les fêtes païennes du premier de l’an et les danses désordonnées qui l’accompagnaient avaient dissuadé les Papes de célébrer une station en ce jour ; d’autant plus que toute la quinzaine qui va de Noël à l’Épiphanie était considérée comme la fête ininterrompue de la théophanie du Divin Enfant, et que, d’autre part, l’octave était un privilège spécial de la solennité de Pâques. Mais quand, vers la fin du VIe siècle, on voulut réagir contre les derniers efforts de la religion païenne, qui se débattait désespérément dans son agonie, alors que dans les pays de rit gallican on institua la fête de la circoncision du divin Enfant, à Rome on préféra solenniser le huitième jour de la naissance du Seigneur. Il ne s’agissait pas à proprement parler d’une octave comme celle de Pâques, et, plus tard, de celle de la Pentecôte, qui se terminaient l’une et l’autre le samedi suivant, et ce jour devint une fête d’un caractère quelque peu vague et tout à fait spécial, qui tombait presque au milieu du cycle de Noël, comme la solennité du mediante die festo, que célébraient les grecs au milieu du temps pascal. Nous ne savons rien de la basilique stationnale primitive ; dans le lectionnaire de Würzbourg est indiquée Sainte-Marie ad Martyres dans le Panthéon d’Agrippa, mais après que Grégoire IV eût érigé, à l’imitation de la Libérienne, une crèche à Sainte-Marie du Transtévère, la station fut transférée en cette basilique, sorte de cathédrale transtévérine.

Au XIVe siècle, la messe papale avait lieu à Saint-Pierre, et le pape se présentait au peuple avec le pluvial blanc et mitre en tête. En cas d’empêchement, il était remplacé par un des cardinaux, et alors la bulle de délégation était suspendue toute la journée à la grille qui entourait la confession de la basilique vaticane.

La messe et l’office de la fête de ce jour révèlent un caractère mixte et sans grande originalité. Au début, il s’agissait d’une simple octave du Seigneur ; puis, en relation avec la basilique mariale où se faisait la station, on y inséra une commémoration particulière de la virginale maternité de Marie. Plus tard, on y ajouta la circoncision et la présentation de Jésus au temple, bien que ce dernier souvenir, certainement par l’influence des Byzantins, dût par la suite être détaché de l’office du 1er janvier, pour être célébré le 2 février.

L’introït est celui de la troisième messe de Noël, mais la collecte est différente : « O Dieu, qui, au moyen de la virginité féconde de la Bienheureuse Marie, avec concédé au genre humain la grâce du salut éternel, accordez-nous d’expérimenter l’efficacité de l’intercession de Celle par qui nous avons mérité de recevoir parmi nous l’auteur même de la vie, Jésus-Christ, votre Fils et notre Seigneur. »

La lecture de l’Apôtre est identique à celle de la nuit de Noël, et aussi le psaume du graduel. Le verset alléluiatique, au contraire, s’accorde avec la lecture de la troisième messe de Noël et il est probablement hors de place : « Dieu parla souvent, et de plusieurs manières, à nos Pères, par l’intermédiaire des prophètes ; en dernier lieu il nous a parlé au moyen de son propre Fils. » La dignité du Nouveau Testament surpasse incomparablement celle de l’Ancien. Dans celui-ci, Dieu, au moyen d’hommes inspirés et par la voie de symboles et de figures typiques, a daigné révéler aux patriarches quelques-unes seulement des vérités relatives à l’œuvre de notre Rédemption ; dans le Nouveau, ce ne sont plus quelques jets de lumière, mais le soleil de justice lui-même qui rayonne sur l’Église, initiée dès lors à la vérité éternelle tout entière, non plus par la voie indirecte des symboles, mais par le Fils de Dieu fait Homme et par le Saint-Esprit, qui continue, accomplit et donne la dernière perfection à l’œuvre de notre salut éternel.

Le passage suivant de saint Luc (II, 21) comprenait autrefois en outre le récit de la présentation de l’Enfant Jésus au temple (22-32) ; c’était avant que Rome n’accueillît la fête byzantine de l’Hypapante du Seigneur. Sous le nom symbolique de Jésus, imposé aujourd’hui au Sauveur par Joseph et par Marie, — chacun pour son compte, celui-là en vertu de la patria potestas qu’il exerçait au nom du Père éternel, celle-ci en raison de ses droits maternels, — un profond mystère est caché. Il signifie tout un programme gratuit de salut universel, et il est le suprême titre de gloire pour le Verbe incarné, à qui Dieu donne nomen quod est super omne nomen. C’est pourquoi le Rédempteur prend, très à propos, ce nom le jour de sa circoncision où, en versant les premières gouttes de- son sang précieux, il commence son sacrifice de Rédemption.

L’antienne de l’offertoire est la même qu’à la troisième messe de Noël, dont ce jour est l’octave.

Dans l’oraison sur les oblations, nous supplions le Seigneur afin que, accueillant nos offrandes et nos prières, il nous purifie au moyen des divins mystères et qu’il accueille nos vœux.

L’antienne durant la Communion est semblable à celle de la troisième messe de Noël.

La splendide collecte eucharistique, si concise et si expressive, mais pourtant si riche de rythme et de proportion, implore, par l’intercession de Marie, la purification du péché et l’obtention de la suprême félicité.

Jésus dans le ciel siège à la droite du Père, au sein des splendeurs essentielles de sa gloire ; mais ici-bas, sur la terre, son trône de grâce et de miséricorde le plus approprié est le sein de la Vierge, qui le soutient, petit Enfant, entre ses bras.



Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

Le Roi offre les prémices de son sang rédempteur.

Aujourd’hui la liturgie commémore la Circoncision du Seigneur.

« Quand huit jours furent passés et que l’Enfant dut être circoncis, on lui donna le nom de Jésus. Ainsi l’avait déjà nommé l’ange avant qu’il fût conçu dans le sein de sa Mère » (Év.).

1. La fête a quatre thèmes principaux : a) la nouvelle année, b) l’Octave de Noël, c) la Circoncision du Seigneur, d) Marie Mère de Dieu.

a) Aujourd’hui est le premier jour de l’année civile. L’Église en tient compte, elle a fait de ce jour une fête d’obligation (dans l’Église universelle). L’Église veut qu’au seuil de l’année civile, nous apportions à Dieu le tribut de nos hommages. Dieu est le Maître du temps. Puissions-nous employer tout le temps précieux de l’année nouvelle selon les vues de la divine Providence, comme une voie qui nous mène à l’éternité.

b) Nous fêtons aussi aujourd’hui l’Octave de la fête de Noël. Dans l’esprit de l’Église, les grandes fêtes ne doivent pas durer un jour seulement, mais se prolonger pendant huit jours. L’Église est psychologue et sait comment est fait notre esprit. Le premier jour, notre âme admire, incapable de pénétrer plus avant dans le sens du mystère ; les jours suivants, elle médite le mystère sous toutes ses faces, avec son intelligence et son cœur, et le huitième jour elle réunit toutes ses impressions dans une vue d’ensemble. Pour la fête de Noël, il n’en est pas entièrement ainsi : l’âme ne peut pas s’attarder tranquillement à la méditation des pensées de Noël, parce que, pendant l’Octave, on célèbre d’autre fêtes. Le jour Octave n’en a que plus d’importance. L’Église nous conduit pour la dernière fois devant l’Enfant divin.

c) Cependant, à côté de ces pensées générales de Noël, il y a dans la liturgie, un progrès : la Circoncision du Seigneur. C’est la pensée spéciale du jour. Huit jours après sa naissance, l’Enfant fut circoncis selon la loi de Moïse et on lui donna le nom de Jésus qui lui avait déjà été attribué par l’ange, avant sa conception. Ce mystère de la fête peut être considéré d’un double point de vue, par rapport au Seigneur et par rapport à nous ; ces deux considérations ont leur fondement dans la liturgie. Le Christ est venu sur la terre pour nous sauver ; il aurait pu accomplir la Rédemption par une parole ou par un acte. Mais il voulut accomplir l’œuvre rédemptrice. par une série d’actes particuliers et les couronner enfin par un grand acte, sa mort et sa résurrection. Ces actes particuliers sont accomplis à cause de nous, pour nous faire reconnaître l’importance et l’efficacité de la Rédemption. A ces phases de l’œuvre rédemptrice appartient la Circoncision. Aujourd’hui coulent les premières gouttelettes du sang rédempteur. C’est le premier sacrifice, le sacrifice du matin que suivra, un jour, le sacrifice du soir (sacrificium vespertinum) sur la Croix ; aujourd’hui une goutte de sang et dans trente-trois ans, tout le sang jusqu’à la dernière goutte. La fête d’aujourd’hui est donc un intermédiaire entre Noël et Pâques, entre la Crèche et la Croix : l’enfant est encore couché dans sa Crèche et déjà il verse son sang pour l’humanité.

Mais la Circoncision a aussi des conséquences pour nous. Nous avons pu dire à Noël : le Christ est né, nous sommes nés avec lui (nous le prions à la Postcommunion comme l’auteur de notre naissance divine) ; de même nous pouvons dire aujourd’hui : le Christ a été circoncis, nous prenons part à sa Circoncision. Telle est la tâche de notre Rédemption, il faut que nos passions mauvaises soient mortifiées. Bien que nous ayons été sanctifiés au Baptême, nous portons toujours notre nature corrompue avec nous, nous avons besoin d’une « circoncision du cœur » continuelle. Cela se fait intérieurement par la participation aux saints mystères, extérieurement par la poursuite personnelle de la perfection.

d) Aujourd’hui est aussi une fête de la Sainte Vierge, peut-être la plus ancienne des fêtes de Marie. L’Église est reconnaissante à Marie à cause de la grande part qu’elle a prise à l’Incarnation de Notre-Seigneur. Comment la liturgie considère-t-elle aujourd’hui Marie ? Comme Mère de Dieu et comme Vierge. Il faut citer en premier lieu les antiennes de Vêpres qui sont tout à fait sur le modèle occidental. Elles sont riches de pensées et parcourent tout l’Ancien Testament pour lui emprunter ses prophéties : Gédéon et la toison, le buisson ardent, la racine de Jessé, l’étoile de Jacob. La liturgie ne s’abandonne pas à des discussions sentimentales, elle ne se demande pas si, au moment de la circoncision, Marie a souffert ou pleuré. Non, Marie est la Vierge-prêtre ; joyeuse et grave, elle offre avec Notre-Seigneur les prémices de son sacrifice. Marie est aussi le modèle de l’Église et nous indique sa part et notre part dans l’œuvre de la Rédemption. Aujourd’hui et dans tous le$ temps, notre Mère virginale, l’Église, est là Elle fait couler par les mains de ses prêtres le sang rédempteur dans le cœur de ses enfants. Mais notre âme aussi peut et doit prendre la place de Marie et faire couler à la messe le sang du Sauveur pour elle-même et pour les âmes de ses frères et de ses sœurs.

2. La messe (Puer natus) est en grande partie empruntée aux messes de Noël : les chants sont de la troisième, l’Épître est de la première. Une importance particulière s’attache à la phrase : « il s’est livré pour nous, afin de nous sauver. » Les oraisons sont mariales, une preuve que Marie est aujourd’hui au premier plan. L’Évangile seul est propre, c’est le plus court de l’année. L’église de Station est actuellement Sainte-Marie au-delà du Tibre (Santa Maria in Transtevere), mais primitivement c’était la vénérable église de Sainte-Marie des Martyrs, l’antique Panthéon. Ce choix d’une église de la Vierge est très significatif : la première effusion de sang de Jésus fait songer à la dernière effusion sur la Croix. Dans les deux cas, Marie « était là, debout ». — Le sang précieux qui brille sur l’autel dans le calice est le sang que Notre Seigneur versa pour la première fois, c’est le sang de la Vierge Marie.

3. Lecture de l’Écriture (Rom. Chap. IV). Il se trouve aujourd’hui que l’Écriture occurrente concorde avec les pensées de la fête. Le lien c’est la circoncision. Saint Paul a montré que la justification ne se produit que par la foi au Christ. Il doit alors répondre de nouveau à une objection des Juifs : la loi et la circoncision n’ont donc aucune valeur ? Il répond : non, la loi n’est qu’un pédagogue dont le rôle est de nous conduire au Christ, elle nous adresse au Christ. « Supprimons-nous la loi par la foi ? Jamais, mais nous confirmons la loi. » De cela saint Paul donne une double preuve, en s’appuyant d’abord sur l’histoire d’Abraham (IV, 1-12) puis sur les promesses de Dieu à Abraham (13-25). Dans la première partie, saint Paul montre que la foi d’Abraham s’affirma avant sa circoncision. Il est par conséquent le père de tous les Juifs, circoncis comme des païens incirconcis. « Si Abraham a été justifié par les œuvres, il a une raison de se glorifier mais pas devant Dieu. Que dit, en effet, l’Écriture ? Abraham crut à Dieu et cela lui fut imputé à justice... De quelle manière cela lui fut-il imputé ? Quand il était déjà circoncis ou bien avant d’être circoncis ? Ce n’est pas en tant que circoncis mais en tant qu’incirconcis. Il reçut le sceau de la circoncision comme signe de la justification de la foi qu’il avait reçue comme incirconcis, afin qu’il fût le père de tous les croyants qui sont incirconcis, afin aussi que la foi leur soit imputée à justice, et le père des circoncis, de ceux qui sont non seulement circoncis mais encore ont imité notre père Abraham dans la foi qu’il avait comme incirconcis. »

Dans la seconde partie, saint Paul prouve la foi d’Abraham par la promesse que Dieu lui fit qu’il serait le père de beaucoup de peuples. Cette foi est d’autant plus brillante chez lui que cette promesse lui fut faite avant la naissance d’Isaac. « Il est écrit : je l’ai établi père de nombreux peuples, car il a cru à Dieu qui réveille les morts à la vie et appelle à l’existence ceux qui ne sont pas. Contre toute espérance, il a eu une foi pleine d’espérance qu’il serait le père de nombreux peuples d’après la parole : Ainsi sera ta descendance. Et il ne fut pas faible dans la foi en considérant son corps déjà mort — il avait pourtant près de cent ans — et le sein déjà mort de Sara. Aux promesses de Dieu, il n’opposa pas le doute et l’incrédulité, mais il fut fort dans la foi, rendant honneur à Dieu. Il était persuadé que Dieu est assez fort pour accomplir ses promesses. C’est pourquoi cela lui fut imputé à justice. »

4. Les noms du Seigneur. Le Sauveur a plusieurs noms ; comment se distinguent-ils ? Le prophète Isaïe le nomme Emmanuel. Cependant ce n’est pas à proprement parler un nom de Notre Seigneur, on ne l’appelle jamais ainsi. Le Prophète voulait simplement dire que Jésus habiterait parmi nous comme Dieu. Mais Notre Seigneur a encore un autre nom en plus de Jésus, il s’appelle aussi Christ. Christ veut dire : l’oint, le Messie, le Rédempteur. Ce n’était donc pas à l’origine un nom, mais seulement un titre désignant le ministère de Notre Seigneur. C’est pourquoi dans saint Paul le mot Christ est placé le premier : Christus Jesus, c’est-à-dire le Messie Jésus. Cependant peu à peu ce titre est devenu le second nom de Notre Seigneur et nous disons de préférence : Jésus-Christ. Nous employons aussi ces deux noms séparément. Il y a entre les deux une nuance délicate qui, pour nous, les amis de la liturgie, est d’importance. Jésus est le nom personnel de Notre Seigneur, le nom qu’emploie de préférence la piété personnelle et subjective. Par conséquent, quand nous sommes au pied du tabernacle et que nous nous entretenons familièrement avec Notre Seigneur, le nom de Jésus vient naturellement sur nos lèvres. Les trois derniers siècles ont été surtout des siècles de piété subjective, c’est pourquoi on aimait tant à employer le nom de Jésus. La fête d’aujourd’hui en est une preuve. Mais « Christ » est par excellence le nom ministériel de Notre Seigneur, c’est le nom qu’aime employer la liturgie, la piété objective. C’est pourquoi les anciens textes liturgiques emploient plus souvent le nom de Christ que le nom de Jésus ; par exemple : dans le Canon nous trouvons cinq oraisons qui se terminent ainsi : par le Christ Notre Seigneur. Le nom de Jésus se trouve très rarement seul dans la liturgie, il est presque toujours uni à Christ . Nous comprenons maintenant le contenu des deux noms saints. Quand nous disons le « Christ », nous voyons apparaître devant nos regards le divin Grand-Prêtre qui renouvelle son sacrifice sur l’autel ou bien le divin Roi qui est assis sur le trône de Dieu et qui reviendra au dernier jour ; en un mot Dieu fait Homme. Mais quand nous disons : « Jésus », nous voyons l’Homme qui a parcouru les chemins de Judée, nous le voyons avec son Cœur si bon, sa douceur et son amour, nous voyons ses souffrances ; nous avons devant nous toute sa vie, c’est l’Homme-Dieu, Jésus. C’est pourquoi la liturgie nous prescrit d’incliner la tête au nom de Jésus et non à celui de Christ.



LA CIRCONCISION DU SEIGNEUR

Quatre circonstances rendent la Circoncision du Seigneur célèbre et solennelle : la première est l’octave de Noël ; la seconde, l’imposition d'un nom nouveau et annonçant le salut; la troisième, l’effusion du sang, et la quatrième le signe de la Circoncision.

Premièrement, c'est l’octave de la Nativité du Seigneur. Si les octaves des autres saints sont solennelles, à plus forte raison le sera l’octave du Saint des saints. Mais il ne semble pas que la naissance du Seigneur doive avoir une octave, parce que sa naissance menait à la mort. Or, les morts des saints ont des octaves, parce qu'alors ils naissent pour arriver à une vie éternelle, et pour ressusciter ensuite dans des corps glorieux. Par la même raison, il semble qu'il ne doive pas y avoir d'octave à la Nativité de la bienheureuse Vierge et de saint Jean-Baptiste, pas plus qu'à la résurrection du Seigneur, puisque cette résurrection a eu lieu réellement. Mais il faut observer, d'après le Prépositif (Ou Maître Prévost, chancelier de Paris, qui vivait en 1217; il a laissé une Somme Théologique qui n'a pas été imprimée), qu'il y a des octaves de surérogation, comme est l’octave du Seigneur, dans laquelle nous suppléons à ce qui n'a pas été convenablement fait dans la fête, savoir, l’office de celle qui met au monde. Aussi autrefois c'était la coutume de chanter la messe Vultum tuum, etc., en l’honneur de la sainte Vierge. Il v a encore des octaves de vénération, comme à Pâques, à la Pentecôte, pour la sainte Vierge, et pour saint Jean-Baptiste ; d'autres de dévotion, comme il peut s'en trouver pour chaque saint; d'autres enfin qui sont symboliques, comme sont les octaves instituées en l’honneur des saints et qui signifient l’octave de la résurrection.

Secondement, c'est l’imposition d'un nom nouveau et salutaire. Aujourd'hui en effet il fut imposé au Sauveur un nom nouveau que la bouche du Seigneur a donné : « Aucun autre nom sous le ciel n'a été donné aux hommes, par lequel nous dévions être sauvés. » « C'est un nom, dit saint Bernard, qui est un miel à la bouche, une mélodie à l’oreille, une jubilation au cœur. » « C'est un nom, dit encore le même Père, qui, comme l’huile, brille aussitôt qu'on l’emploie, nourrit, quand on le médite ; il oint et il adoucit les maux à l’instant qu'on l’invoque. » Or, J.-C. a eu trois noms, comme l’évangile le dit, savoir, Fils de Dieu, Christ et Jésus. Il est appelé Fils de Dieu, en tant qu'il est Dieu de Dieu; Christ, en tant qu'il est homme dont la personne divine a pris lia nature humaine; Jésus, en tant qu'il est Dieu uni à l’humanité. Au sujet de ces trois noms, écoutons saint Bernard: « Vous qui êtes dans la poussière, réveillez-vous et chantez les louanges de Dieu. Voici que le Seigneur vient avec le salut; il vient avec des parfums, il vient avec gloire. En effet Jésus ne vient pas sans sauver, ni le Christ sans oindre. Le fils de Dieu ne vient pas sans gloire, puisqu'il est lui-même le salut ; il est lui-même le parfum, lui-même la gloire. » Mais il n'était pas connu parfaitement sous ce nom avant la passion. Quant au premier en effet, il n'était connu de quelques-uns que par conjecturé, par exemple, des démons qui le disaient Fils de Dieu; quant au second, il n'était connu qu'en particulier, c'est-à-dire de quelques-uns, mais en petit nombre, comme étant le Christ. Quant au troisième, il n'était connu que quant au mot, Jésus n'était pas compris d'après sa véritable signification qui est sauveur. Mais après la résurrection, ce triple nom fut clairement manifesté : le premier par certitude, le second par diffusion, le troisième par signification. Or, le premier nom c'est Fils de Dieu. Et pour prouver que ce nom lui convient à bon droit, voici ce que dit saint Hilaire en son livre de la Trinité : « On connut de plusieurs manières que le Fils unique de Dieu est N.-S. J.-C. Le Père l’atteste ; il s'en avantage, lui-même; les apôtres le prêchent; les hommes religieux le croient ; les démons l’avouent ; les juifs le nient ; les gentils l’apprennent dans sa passion. » Le même père dit encore : « Nous connaissons N.-S. J.-C., de ces différentes manières, par le nom, par la naissance, par la nature, par la puissance et par la- manifestation. » Le second nom c'est Christ, qui signifie oint. En effet, il fut oint d'une huile de joie au-dessus de tous ceux qui participeront à sa gloire » (saint Paul aux Hébr.). En le disant oint, on insinue qu'il fut prophète, athlète, prêtre et roi. Or, ces quatre sortes de personnes recevaient autrefois des onctions. Il fut prophète dans l’enseignement de la doctrine, athlète en déformant le diable, Prêtre en réconciliant les hommes avec son père, roi en rétribuant des récompenses. C'est de ce second nom que vient le nôtre. Nous sommes appelés chrétiens de Christ. Voici ce que saint Augustin dit de ce nom: « Chrétien, c'est un nom de justice, de bonté, d'intégrité, de patience, de chasteté, de pudeur, d'humanité, d'innocence, de piété. Et toi, comment le revendiques-tu ? comment te l’appropries-tu; quand c'est à peine s'il te reste quelques-unes de ces qualités? Celui-là est chrétien qui ne l’est pas seulement par le nom, mais encore par les oeuvres » (saint Augustin). Le troisième nom c'est Jésus. Or, ce nom de Jésus, d'après saint Bernard, veut dire nourriture, fontaine, remède et lumière. Mais ici la nourriture a des effets multiples; c'est une nourriture confortable, elle engraisse, elle endurcit et elle donne la vigueur. Ecoutons saint Bernard sur ces qualités : «C'est une nourriture que ce nom de Jésus. Est-ce que vous ne vous sentez pas fortifiés, toutes les fois que vous vous en souvenez? Qu'y a-t-il qui nourrisse tant l’esprit de celui qui y pense? quoi de plus substantiel pour réparer les sens fatigués, rendre les vertus plus mâles, fomenter les bonnes moeurs, entretenir les affections chastes? » Secondement; c'est une fontaine. Saint Bernard en donne la raison. « Jésus est la fontaine scellée de la vie, qui se répand dans les plaines par quatre ruisseaux, qui sont pour nous sagesse, justice, sanctification, et rédemption : sagesse dans la prédication, justice dans l’absolution des péchés, sanctification dans la conversation ou la conversion, rédemption, dans la passion. » En un autre endroit ce père dit encore : « Trois ruisseaux émanèrent de Jésus : la parole de douleur, c'est la confession ; le sang de l’aspersion, c'est l’affliction; l’eau de purification, c'est la componction. » Troisièmement c'est un remède. Voici ce que le même Bernard dit : « Ce nom de Jésus est encore un remède. En effet rien comme lui ne calme l’impétuosité de la colère, ne déprime l’enflure de l’orgueil, ne guérit les plaies de l’envie, ne repousse les assauts de la luxure, n'éteint la flamme de la convoitise, n'apaise la soif de l’avarice et ne bannit tous les désirs honteux et déréglés. » Quatrièmement, c'est une lumière, dit-il: « D'où croyez-vous qu'ait éclaté sur l’univers entier la si grande et si subite lumière de la foi, si ce n'est de la prédication du nom de Jésus ? C'est ce nom que Paul portait devant les nations et les rois comme un flambeau sur un candélabre. » En outre ce nom est d'une bien brande suavité. « Si vous écrivez un livre, dit saint Bernard, je ne suis pas content si je n'y lis Jésus ; si vous discutez, si vous conférez, je ne suis pas content, si je n'entends nommer Jésus. » Et Richard de Saint-Victor : « Jésus, dit-il; est un nom suave, un nom délectable, un nom qui 'conforte le pécheur, et un nom d'un bon espoir. Eh bien donc, Jésus, soyez-moi Jésus. » Secondement c'est nu nom d'une grande vertu. Voici les paroles de Pierre de Ravesne : « Vous lui imposerez le nom de Jésus, c'est-à-dire, le nom qui a donné aux aveugles la vue, aux sourds l’ouïe, aux boiteux le marcher; aux muets la parole, aux morts la vie, et la vertu de ce nom a mis en fuite toute la puissance du diable sur les corps obsédés. » Troisièmement, il. est d'une haute excellence et sublimité. Saint Bernard : « C'est le nom de mon Sauveur, de mon frère, de ma chair, de mon sang; c'est le nom caché au siècle, mais qui a été révélé à 1a fin des siècles: nom admirable, nom ineffable, nom inestimable, et d'autant plus admirable qu'il est inestimable, d'autant plus gracieux qu'il est gratuit. » Ce nom de Jésus lui a été imposé par l’Eternel, par l’ange, par Joseph, son père putatif. En effet Jésus signifie Sauveur. Or, Sauveur se dit de trois manières : de la puissance de sauver, de l’aptitude à sauver, de l’action de sauver.

Quant à la puissance, ce nom lui convient de toute éternité; à l’aptitude de sauver, il lui fut imposé ainsi par l’ange et il lui convient dès le principe de sa conception; à l’action de sauver, Joseph le lui imposa en raison de sa passion future, et la glose sur ces paroles, « vous l’appellerez Jésus », dit : Vous imposerez un nom qui a été imposé par l’ange ou par l’Eternel ; et la glose touche ici la triple dénomination qu'on vient d'établir. Quand on dit : vous imposerez le nom, on veut faire entendre la dénomination par Joseph ; quand on dit: qui a été imposé par l’ange ou par l’Eternel, on veut faire entendre les deux autres. Donc c'est à bon droit qu'au jour qui commence l’année, selon la constitution de Rome, la capitale du monde, au jour qui est marqué de la lettre capitale de l’alphabet (Dans le calendrier, chaque jour de la semaine est distingué par une des sept premières lettres de l’alphabet, et le premier jour est marqué de l’A capitale ou majuscule) ; le Christ, le chef de l’Eglise est circoncis, qu'un nom lui est donné et qu'on célèbre le jour de l’octave de sa naissance.

Troisièmement, l’effusion du sang de J.-C. C'est aujourd'hui en effet que la première fois, pour nous, il a commencé à verser son sang, lui qui plus tard a voulu le répandre plus d'une fois. Car il a versé pour nous son sang à cinq reprises différentes : 1° dans la circoncision, et ce fut le commencement de notre rédemption ; 2° dans la prière (du jardin) où il manifesta son désir de notre rédemption; 3° dans la flagellation, et cette effusion fut le mérite de notre rédemption, parce que nous avons été guéris par sa lividité; 4° dans la crucifixion, et ce fut le prix de notre rédemption, car il a payé alors ce qu'il n'a pas pris (Ps. LXVIII, 5); 5° dans l’ouverture de son côté, et ce fut le sacrement de notre rédemption. En effet, il en est sorti du sang et; de l’eau, ce qui figurait due nous devions être purifiés par l’eau du baptême, lequel devait tirer toute son efficacité du sang de J.-C.

Quatrièmement enfin, le signe de la circoncision que J.-C. a daigné recevoir aujourd'hui. Or, le Seigneur voulut être circoncis pour beaucoup de motifs. 1° Pour lui-même, afin de montrer qu'il avait pris véritablement une chair d'homme. Il savait du resté qu'on devait soutenir qu'il avait pris non pas un vrai corps, mais un corps fantastique, et c'est pour confondre cette erreur qu'il a voulu être circoncis et répandre alors de son sang ; en effet un corps fantastique ne jette pas de sang. 2° Pour nous-mêmes, afin de nous montrer l’obligation de nous circoncire spirituellement. Selon saint Bernard, « il y a deux sortes de circoncision qui doivent être faites par nous, l’extérieure dans la chair et l’intérieure dans l’esprit. La circoncision extérieure consiste en trois choses : dans notre manière d'être, afin qu'elle ne soit pas singulière; dans nos actions, pour qu'elles ne soient pas répréhensibles ; dans nos discours, afin qu'ils n'encourent pas le mépris. Semblablement, l’intérieure consiste en trois choses : savoir, dans la pensée, pour qu'elle soit sainte, dans l’affection pure, dans l’intention » (Saint Bernard). Par un autre motif, il a voulu être circoncis pour nous sauver. De même en effet que l’on cautérise un membre afin de guérir tout le corps, de même J.-C. a voulu supporter 1a cautérisation de la circoncision pour que tout le corps mystique fût sauvé (Coloss., II). « Vous avez été circoncis d'une circoncision qui n'est pas faite de main d'homme, mais qui consiste dans le dépouillement du corps charnel, c'est-à-dire de la circoncision de J.-C. ; » la glose ajoute, dans le dépouillement des vices, comme par une pierre très aiguë, «or, la pierre était 1è Christ. » Dans l’Exode (IV, 25) on lit : « Séphora prit aussitôt une pierre très aiguë, et circoncit le prépuce de son fils. » Sur quoi la glose donne deux explications. La première : vous avez été circoncis, dis-je, d'une circoncision qui n'est pas faite de main d'homme, c'est-à-dire que ce n'est pas couvre d'homme, mais couvre de Dieu, c'est-à-dire circoncision spirituelle. Cette circoncision se fait par le dépouillement du corps charnel, savoir, le dépouillement de la chair de l’homme, c'est-à-dire des vices et des désirs charnels, d'après le sens qu'on attribue au mot chair, dans ce passage de saint Paul (1 Corinth., VIII) : « La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu, etc... » Vous êtes, dis-je, circoncis d'une circoncision qui n'est pas faite par la main, mais d'une circoncision spirituelle. La deuxième explication de la glose est celle-ci : vous avez été circoncis, dis-je, en J.-C., et cela d'une,circoncision qui n'est pas faite par la main, c'est-à-dire d'une circoncision légale : cette circoncision qui vient de la main, se fait dans le dépouillement du corps charnel, savoir, du corps qui est chair, c'est-à-dire de la peau de la chair qui est enlevée dans la circoncision légale. Vous n'êtes pas, dis-je, circoncis de cette circoncision, mais de la circoncision" de J.-C., c'est-à-dire spirituelle, dans laquelle tous les vices sont retranchés. Aussi on lit dans saint Paul aux Romains (II, 28) : « Le juif n'est pas celui qui l’est au dehors, et la véritable circoncision n'est pas celle qui se fait dans la chair et qui n'est qu'extérieure; mais le juif est celui qui l’est intérieurement ; et la circoncision du coeur se fait par l’esprit et non selon la lettre de la loi ; et ce juif tire sa louange, non des hommes, mais de Dieu. Vous avez été circoncis d'une circoncision qui n'est pas faite de main d'homme par le dépouillement du corps charnel, mais de la circoncision de J.-C. » 3° J.-C. a voulu être circoncis par rapport aux Juifs, afin qu'ils fussent inexcusables. Car s'il n'avait pas été circoncis, les Juifs auraient pu s'excuser et dire : Ce pourquoi nous ne vous recevons pas, c'est que vous n'êtes pas semblable à nos pères. 4° Par rapport aux démons, afin qu'ils ne connussent pas le mystère de l’incarnation. En effet, comme la circoncision était faite contre le péché originel, le diable crut que J.-C., qui était circoncis lui-même, était un pécheur semblable aux autres, puisqu'il avait besoin du remède de la circoncision. C'est pour cela aussi qu'il a voulu que sa mère fût mariée, quoiqu'elle soit toujours restée vierge. 5° Pour accomplir toute justice. Car, de même qu'il a voulu être baptisé pour accomplir toute justice, c'est-à-dire toute humilité, laquelle consiste à se soumettre à moindre :que soi, de même aussi il a voulu être circoncis afin de nous offrir un modèle d'humilité, puisque lui, l’auteur et le maître de la loi, a voulu se soumettre à la loi. 6° Pour approuver la loi mosaïque qui était bonne et sainte, et qui devait être accomplie, parce qu'il n'était pas venu détruire la loi, mais l’accomplir. Et saint Paul a dit aux Romains (XV, 8) : « Je vous déclaré que J.-C. a été le ministre des circoncis afin que Dieu fût reconnu véritable. par l’accomplissement des promesses faites à leurs pères. »

Quant aux raisons pour lesquelles la circoncision se faisait le huitième jour, on peut en assigner un grand nombre. 1° Selon le sens historique ou littéral. D'après le rabbin Moïse, profond philosophe et théologien, quoique juif, l’enfant, dans les sept jours qui suivent sa naissance, a les chairs aussi molles qu'il les avait dans le sein de sa mère, mais à huit jours il s'est fortifié et affermi, et c'est pour cela, ajoute-t-il, que le Seigneur n'a pas voulu que les petits enfants fussent circoncis, de peur qu'à cause de cette trop grande mollesse, ils ne fussent par trop blessés ; et il n'a pas voulu que la circoncision eût lieu plus tard que le huitième jour, pour trois causes que ce philosophe énumère : 1° afin d'éviter le péril de mourir auquel aurait, pu être exposé l’enfant, si on l’avait différée davantage ; 2° pour épargner la douleur à l’enfant : dans la circoncision, en effet, cette douleur est très vive ; aussi le Seigneur a-t-il voulu que la circoncision se fit alors que l’imagination des enfants est peu développée pour qu'ils en ressentissent une moindre douleur ; 3° pour épargner du chagrin aux parents, car comme la plupart des petits enfants mouraient de la circoncision, s'ils avaient été circoncis quand ils seraient devenus grands et qu'ils en fussent morts, le chagrin des parents eût été plus grand que s'ils eussent succombé à huit jours seulement. 2° Selon le sens anagogique ou, céleste. La circoncision avait lieu au huitième jour pour donner à comprendre que dans l’octave de la résurrection, nous serions circoncis de toute peine et misère. Et d'après cela, ces huit jours seront les huit âges : le 1er d'Adam à Noë , le 2e de Noë à Abraham ; le 3e d'Abraham à Moïse ; le 4e de Moïse à David; le 5e de David à J.-C. ; le 6e de J.-C. à la fin du monde ; le 7e de la mort; le 8e de la résurrection. Ou bien encore par les huit jours, on entend les huit qualités que nous posséderons dans la vie éternelle et que saint Augustin énumère ainsi : « Je serai leur Dieu, c'est-à-dire, je serai ce qui les rassasiera. Je serai tout ce qu'on peut honnêtement désirer : vie, salut, force, abondance, gloire, honneur, paix et tout bien. Par les sept jours, on entend encore l’homme composé du corps et de l’âme. Il y a quatre jours qui sont les quatre éléments dont se compose le corps, et les trois jours sont les trois puissances de l’âme qui sont le concupiscible, l’irascible et le rationnel. L'homme donc qui maintenant a les sept jours, dès lors qu'il sera conjoint avec l’unité clé l’éternelle incommutabilité, aura alors huit jours, et dans ce huitième jour, il sera circoncis et délivré de toute peine et de toute coulpe. 3° Selon le sens tropologique ou moral, d'après lequel les huit jours peuvent être expliqués de diverses manières. Le premier peut être la connaissance du péché, d'après le Psalmiste : « Voici que je connais mon iniquité » (Ps. L). Le second c'est le bon propos de quitter le mal et de faire le bien; il est indiqué par l’enfant prodigue qui dit : «Je me lèverai et j'irai à mon père. » Le troisième c'est la honte du péché, sur quoi l’apôtre dit : « Quel fruit avez-vous donc retiré de ce qui vous fait maintenant rougir. » Le quatrième, c'est la crainte du jugement futur. « J'ai craint Dieu comme des flots suspendus au-dessus de moi » (Job). « Soit que je mange, soit que je boive, soit que je fasse quelque autre chose, il me semble toujours entendre résonner. à mes oreilles, cette parole : « Levez-vous; morts, et venez au jugement » (Saint Jérôme). Le cinquième, c'est la contrition, ce qu'a dit Jérémie (VI, 26) : « Pleurez comme une mère qui pleure son fils unique. » Le sixième, c'est la confession (Ps. XXXI, 5) : « J'ai dit : je confesserai contre moi-même mon injustice au Seigneur. » Le septième, c'est l’espoir du pardon. Car quoique Judas eût confessé son péché, il ne l’a cependant pas fait avec espoir de pardon, aussi n'a-t-il pas obtenu miséricorde. Le huitième, c'est la satisfaction : et ce jour-là, l’homme est circoncis spirituellement, non seulement de la coulpe, mais encore de tout châtiment. Ou bien les deux premiers jours sont la douleur de l’action du péché et le désir de s'en corriger : les deux suivants, de confesser le mal que nous avons fait et le bien que nous avons omis ; les quatre autres sont la prière, l’effusion des larmes, l’affliction du corps et les aumônes. Ces huit jours peuvent fournir encore huit considérations sérieuses pour détruire en nous toute volonté de pécher; en sorte qu'une seule opérera une grande abstinence. Saint Bernard en énumère sept en disant : « Il y a sept choses qui sont de l’essence de l’homme; s'il les considérait, il ne pécherait jamais, savoir, une matière vile, une action honteuse, un effet déplorable, un état chancelant, une mort triste, une dissolution misérable et une damnation détestable. La huitième peut offrir la considération d'une gloire ineffable. » 4° Selon le sens allégorique ou spirituel. Alors cinq jours seront les cinq livres de Moïse, qui contiennent la loi, les deux autres seront les prophètes et les psaumes ; le huitième jour sera la doctrine évangélique. Mais dans les sept premiers jours, il n'y avait pas circoncision parfaite, tandis que dans le huitième, il se fait une circoncision parfaite de toute coulpe et de toute peine; c'est maintenant l’objet de notre espérance, mais enfin elle sera réalisée. Quels motifs a-t-on pu avoir en circoncisant ? On en assigne six que voici : « caustique, signe, mérite, remède, figure, exemple. »

Quant à la chair de la circoncision du Seigneur, un ange l’apporta, dit-on, à Charlemagne qui la déposa avec honneur à Aix-la-Chapelle dans l’église de Sainte-Marie. Il l’aurait portée plus tard à Charroux (Histoire scholast., Ev. c. VI, note), et elle serait maintenant à Rome dans l’église qu'on appelle le Saint des Saints, où l’on voit cette inscription : « Ici se trouvent la chair circoncise de J.-C., son nombril et ses sandales. » C'est ce qui fait qu'il y a une station au Saint des Saints. Si tout cela est vrai, il faut avouer que c'est bien admirable. Car comme la chair est vraiment de la nature humaine, nous croyons que, J.-C. ressuscitant, elle est retournée à son lieu avec gloire. Cette assertion serait vraie dans l’opinion de ceux qui avancent que cela appartient seulement à la nature humaine véritable reçue d'Adam, et celle-ci ressuscitera seule. Il ne faut pas passer sous silence qu'autrefois les païens et les gentils se livraient en ces calendes à bon nombre de superstitions que les saints eurent de la peine à extirper même parmi les chrétiens, et dont saint Augustin parle en un sermon. « On croyait, dit-il, que Janus était Dieu ; on lui rendait de grands honneurs en ce jour : il était représenté avec deux visages, l’un derrière et l’autre par-devant, parce qu'il était le terme de l’année passée et le commencement de la suivante. En outre, en ce premier jour, on prenait des formes monstrueuses ; les uns se revêtaient de peaux d'animaux, d'autres mettaient des têtes de bêtes, et ils prouvaient par là qu'ils n'avaient pas seulement l’apparence de bêtes, mais qu'ils en avaient le fonds. D'autres s'habillaient avec des vêtements de femmes, sans rougir de fourrer dans les tuniques des femmes des bras accoutumés à porter l’épée. D'autres observaient si scrupuleusement les augures, que si quelqu'un leur demandait du feu de leur maison ou réclamait un autre service, ils ne le lui accordaient pas. On se donne encore et on se rend mutuellement des étrennes diaboliques. D'autres font préparer des tables splendides pendant la nuit, et les laissent servies dans la croyance que, pendant toute l’année, leurs repas auront toujours la même abondance. » Saint Augustin ajoute : « Celui qui veut observer en quelque point la coutume des païens, il est à craindre que le nom de chrétien ne lui serve à rien. Car celui qui met de la condescendance pour partager les jeux de quelques insensés, ne doit pas douter qu'il ne participe à leur péché. Pour vous, mes frères, qu'il ne vous suffise pas de ne pas commettre cette faute, mais partout où vous la verrez commettre, reprenez, corrigez et châtiez. » (Saint Augustin.)

La Légende dorée de Jacques de Voragine nouvellement traduite en français avec introduction, notices, notes et recherches sur les sources par l'abbé J.-B. M. Roze, chanoine honoraire de la Cathédrale d'Amiens, Édouard Rouveyre, éditeur, 76, rue de Seine, 76, Paris mdccccii



SERMON SUR LA CIRCONCISION DE JÉSUS-CHRIST.

ANALYSE.

Sujet. Lorsque le huitième jour fut arrivé où l'enfant devait être circoncis, on le nomma Jésus, ainsi que range l'avait marqué avant qu’il eût été conçu dans le sein de Marie, sa mère.

Pourquoi attend-on que l'enfant soit circoncis pour lui donner le nom de Jésus, c'est-à-dire de Sauveur? et quel rapport le nom de Sauveur peut-il avoir avec la circoncision du Fils de Dieu ? Importante question qui servira de fond à ce discours.

Division. Il fallait que Jésus-Christ, pour être parfaitement Sauveur, non-seulement en fit lui-même la fonction, mais qu'il nous apprit quelle devait être, pour l'accomplissement de ce grand ouvrage, notre coopération. Or, dans ce mystère, il s'est admirablement acquitté de ces deux devoirs. Il a commencé à nous sauver par l'obéissance qu'il a rendue à la loi de l'ancienne circoncision, qui était la circoncision de la chair : première partie; et il nous a donné un moyen sûr pour nous aider nous-mêmes à nous sauver, par la loi qu'il a établie de la circoncision nouvelle, qui est la circoncision du cœur : deuxième partie.

Première partie. Jésus-Christ a commencé à nous sauver par l'obéissance qu'il a rendue à la loi de l'ancienne circoncision : car au moment où il fut circoncis, 1° il se trouva dans la disposition prochaine et nécessaire pour pouvoir être la victime du péché; 2° il offrit à Dieu les prémices de son sang adorable, qui devait être le remède du péché; 3° il s'engagea à répandre ce même sang plus abondamment sur la croix, pour la réparation entière du péché.

1° Au moment qu'il fut circoncis, il se trouva dans la disposition prochaine et nécessaire pour pouvoir être la victime du péché, et par conséquent pour être parfaitement Sauveur : car, pour sauver des pécheurs et des coupables, il fallait un juste, mais un juste, dit saint Augustin, qui pût satisfaire à Dieu dans toute la rigueur de sa justice, et pour cela même un juste sur qui pût tomber la malédiction que traîne après soi le péché, et le châtiment qui lui est dû. Ce juste, c'était Jésus-Christ. Il ne devait pu être pécheur : comme pécheur, il eût été rejeté de Dieu. Il ne suffisait pas qu'il fût juste : comme juste, il n'aurait pu être l'objet des vengeances de Dieu. Mais en qualité de médiateur, il devait, quoique exempt du péché et impeccable même, tenir une espèce de milieu entre l'innocence et le péché ; et ce milieu entre l'innocence et le péché, ajoute saint Augustin, c'était qu'il eût la marque du péché. Or, où a-t-il pris la marque du péché? dans sa circoncision.

2° Au moment qu'il fut circoncis, il offrit à Dieu les prémices de son sang adorable, qui devait être le remède du péché. La moindre action du Fils de Dieu pouvait suffire pour nous racheter : mais dans l'ordre des décrets divins, et de cette rigide satisfaction à laquelle il s'était soumis, il fallait qu'il lui en coûtât du sang, et c'est aujourd'hui qu'il commence à accomplir cette condition. Dion différent des prêtres de Baal, qui, pour honorer leur dieu, se faisaient de douloureuses incisions, jusqu'à ce qu'ils lussent tout couverts de sang, c'est pour sauver son peuple que, tout Dieu qu'il est, il endure une sanglante opération.

3° Au moment qu'il fut circoncis, il s'engagea à répandre son sang plus abondamment sur la croix, pour la réparation entière du péché. Car, selon saint Paul, tout homme qui se faisait circoncire se chargeait d'accomplir toute la loi. Or, l'accomplissement delà loi, dit saint Jérôme, par rapport à Jésus-Christ, c'était la mort de Jésus-Christ même; puisqu'il était la fin de la loi, et qu'il n'en devait être la fin que par la consommation du sacrifice de son humanité sainte.

Ce n'est donc pas sans raison que le nom de Jésus lui est donné dans ce mystère : et le sang qu'il verse pour nous sauver nous bit bien voir de quel prix est notre salut, et quelle estime nous en devons faire.

Deuxième partie. Jésus-Christ nous a donné un moyen sûr pour nous aider nous-mêmes à nous sauver, par la loi qu'il a établie de la circoncision nouvelle. Celte nouvelle circoncision est la circoncision du cœur: 1° il nous en fait une loi, 2° il nous en explique le précepte, 3° il nous en facilite l'usage.

1° Il nous propose la circoncision du cœur, et il nous en fait une loi : car il n'abolit l'ancienne circoncision, ou plutôt l'ancienne circoncision ne finit en lui, que parce qu'il établit la nouvelle. Circoncision du cœur, c'est-à-dire retranchements de tous les désirs criminels et de toutes les passions déréglées. Circoncision nécessaire pour le salut, puisque la source de tous nos péchés, ce sont nos désirs et nos passions. Circoncision entière, qui s'étend à tout et qui n'excepte rien : il ne faut qu'une passion pour nous damner.

2° Il nous explique le précepte de cette circoncision nouvelle; comment? par son exemple : car dans sa circoncision nous trouvons les quatre passions les plus dominantes et les plus difficiles à vaincre, parfaitement sanctifiées et soumises à Dieu : celle de la liberté, par l'obéissance qu'il rend à une loi qui ne l'obligeait point; celle de l'intérêt, par le dépouillement et le dénuement où il veut paraître; celle de l'honneur, par ce caractère ignominieux du péché, dont il consent à subir toute la honte; et celle du plaisir, par cette opération douloureuse qu'il souffre. Voilà surtout les quatre passions que nous devons nous-mêmes déraciner de notre coeur.

3° Il nous facilite l'usage de cette nouvelle circoncision, par où? par la vertu même du sang qu'il commence à répandre. Ce sang divin porte avec soi une double grâce : grâce intérieure, qui est celle du Sauveur; grâce extérieure, qui est celle de l'exemple. Profitons-en, et entrons ainsi dans cette année, qui sera peut-être la dernière de notre vie.

Postquam consummati sunt dits octo, ut circumeideretur puer, vocatum est nomen ejus Jesus, quod vocalum est ab angelo priusquam in utero conciperetur.

Lorsque le huitième jour fut arrivé, où l'enfant devait être circoncis, on le nomma Jésus, ainsi que l'ange l'avait marqué avant qu'il eût été conçu dans le sein de Marie, sa mère. (Saint Luc, chap. II, 21.)

L'ange n'était que le ministre choisi de Dieu pour apporter du ciel ce nom de Jésus ; mais Dieu même en était l'auteur, et il n'appartenait qu'à Dieu de le pouvoir être. C'est-à-dire que Dieu seul pouvait donner à l'enfant qui venait de naître le nom de Sauveur, non-seulement parce qu'il fallait pour cela une autorité supérieure à celle des anges et des hommes, mais parce qu'il n'y avait que Dieu qui pût parfaitement comprendre tout le sens et toute l'étendue de ce saint nom : nom divin, qui ne peut être prononcé avec respect que par un mouvement particulier du Saint-Esprit : Nemo

potest dicere Dominus Jesus, nisi in Spiritu sancto (1 Cor., XII, 24); nom vénérable qui fait fléchir tout genou et qui humilie toute grandeur : In nomine Jesu omne genu flectatur (Philip., II, 10); nom sacré que l'enfer redoute, et qui suffit pour mettre en fuite les démons : In nomine meo dœmonia ejicient (Marc, XVI, 17); nom plein de force, et en vertu duquel se sont faits les plus authentiques et les plus éclatants miracles : In nomine Jesu Christi surge et ambula (Act., III, 6); nom salutaire dont les sacrements de la loi nouvelle tirent toute leur efficace : His auditis baptizabantur in nomine Domini Jesu (Act., XIX, 5); nom tout-puissant auprès de Dieu, et dont le mérite infini engage le Père céleste à exaucer les prières des hommes : Quodcumque petieritis Patrem in nomine meo, dabit vobis (Joan., XIV, 13); nom glorieux que le zèle apostolique a porté aux Gentils et aux rois de la terre : Vas electionis est mihi iste, ut portet nomen meum coram gentibus (Act., IX, 15); nom pour la confession duquel les saints se sont fait et un honneur et un bonheur de souffrir les plus sanglants affronts et d'être exposés à tous les outrages : Ibant gaudentes, quoniam digni habiti sunt pro nomine Jesu contumeliam pati (Act., V, 41); enfin nom incomparable et unique, puisqu'il n'y en a point d'autre sous le ciel par qui nous puissions être sauvés : Nec enim aliud nomen est sub cœlo datum hominibus, in quo nos oporteat salvos fieri (Act., IV, 12) ; tel est le nom, mes chers auditeurs, que reçoit aujourd'hui le Fils de Marie : Vocatum est nomen ejus Jesus. Mais pourquoi, demande saint Bernard, ce nom si auguste est-il attaché à la circoncision, car il semble que la circoncision convienne plutôt à celui qui doit être sauvé, qu'au Sauveur même : Circumcisio quippe magis salvandi quam Salvatoris esse videtur. Quelle liaison y a-t-il donc entre ces deux mystères ? Pourquoi attend-on que l'enfant soit circoncis pour lui donner le nom de Sauveur, et quel rapport le nom du Sauveur peut-il avoir avec la circoncision de l'enfant? C'est l'importante question que j'entreprends de résoudre, et qui servira de fond à ce discours, où j'ai à vous instruire des vérités du christianisme les plus essentielles. J'ai besoin pour cela du secours d'en-haut, et je ne puis mieux l'obtenir que par l'intercession de celle qui a reçu la plénitude de la grâce. Ave, Maria.

Pour vous faire d'abord concevoir le mystère que nous célébrons, et pour vous en donner une juste idée, je me représente aujourd'hui le Fils de Dieu sous deux qualités différentes que l'Ecriture lui attribue, et qui, réunies dans sa personne, ont fait, si j'ose m'exprimer de la sorte, tout le plan de sa religion. Car je le considère, avec saint Paul, comme consommateur de l'ancienne loi, et comme fondateur et instituteur de la loi nouvelle : comme consommateur de l'ancienne loi, il obéit à la loi; et comme fondateur de la loi nouvelle, il établit et il impose la loi : comme consommateur de l'ancienne loi, il accomplit la circoncision des Juifs, et comme fondateur de la loi nouvelle, il vient publier une autre circoncision bien plus parfaite, et qui est celle des vrais chrétiens : en un mot, comme consommateur de L'ancienne loi, il est lui-même circoncis selon la chair; et comme fondateur de la loi nouvelle, il nous apprend et il nous oblige à être circoncis d'esprit et de cœur. Voilà, mes chers auditeurs, à quoi se réduit tout le mystère de ce jour; mais voilà au même temps par où je réponds à la difficulté de saint Bernard, et en quoi je découvre le rapport qu'il y a entre la circoncision et le nom de Jésus. Comprenez-le bien, s'il vous plaît : Circumciditur puer, et vocatur Jesus ; On circoncit l'enfant, et on le nomme Jésus, c'est-à-dire Sauveur. Pourquoi Sauveur, au moment qu'il est circoncis? Parce qu'il est certain que Jésus-Christ, en se soumettant à la circoncision judaïque, commença dès lors à faire de sa part tout ce qu'un Dieu-Homme pouvait faire pour nous sauver : c'est ma première proposition ; et parce qu'il n'est pas moins vrai qu'en établissant la circoncision évangélique, il nous a enseigné, comme législateur et comme maître, tout ce que nous devons faire de notre part pour mériter nous-mêmes d'être sauvés : c'est ma seconde proposition. Appliquez-vous à la suite et à l'ordre de ces deux pensées. Le salut de l'homme dépendait essentiellement de deux causes ; de Dieu et de l'homme même : de Dieu, qui en est le principal auteur, et de l'homme même, qui en doit être le coopérateur. Car, comme dit saint Augustin, Dieu, qui nous a créés sans nous, n'a pas voulu, quoiqu'il le pût absolument, nous sauver sans nous. Il fallait donc que Jésus-Christ, pour être parfaitement Sauveur, non-seulement en fît lui même la fonction, mais qu'il nous apprît qu'elle devait être, pour l'accomplissement de ce grand ouvrage, notre coopération. Or je prétends que dans ce mystère il s'est admirablement acquitté de ces deux devoirs : du premier, en s'assujettissant à la circoncision de l'ancienne loi, qui était la circoncision de la chair; et du second, en nous obligeant à la circoncision de la loi nouvelle, qui est la circoncision du cœur. Voilà de quoi nous lui serons éternellement redevables : il nous a sauvés, et il nous a donné un moyen sûr pour travailler nous-mêmes à nous sauver. Si donc il ne nous sauve pas, ou si nous ne nous sauvons pas nous-mêmes, notre perte, dit le Prophète, ne peut venir que de nous : Perditio tua, Israël (Osée., XIII, 9); et c'est ce que nous avons infiniment à craindre. Il a commencé à nous sauver par l'obéissance qu'il a rendue à la loi de l'ancienne circoncision : vous le venez dans la première partie ; et il nous a donné un moyen sûr pour nous aider nous-mêmes à nous sauver, par la loi qu'il a établie de la circoncision nouvelle : je vous le montrerai dans la seconde partie. C'est tout mon dessein, pour lequel je vous demande et j'attends de vous une favorable attention.


PREMIÈRE PARTIE.

Oui, Chrétiens, c'est en se soumettant à la circoncision de l'ancienne loi, que le Fils de Dieu s'est montré véritablement Sauveur; et c'est, à proprement parler, dans le mystère de ce jour qu'il a commencé à en exercer l'office : écoutez-en les preuves. Car au moment qu'il fut circoncis, il se trouva dans la disposition prochaine et nécessaire pour pouvoir être la victime du péché. Au moment qu'il fut circoncis, il offrit à Dieu les prémices de son sang adorable, qui devait être le remède du péché. Au moment qu'il fut circoncis, et en vertu de sa circoncision, il s'engagea à répandre ce même sang plus abondamment sur la croix, pour la réparation entière du péché. Trois choses à quoi la rédemption du monde était attachée, et dont la foi nous assure que le salut des hommes dépendait. Trois raisons solides, que je vous prie d'approfondir avec moi, et qui vont vous faire comprendre, mais d'une manière sensible, sur quoi est fondée cette mystérieuse liaison qui se rencontre entre la circoncision de l'enfant et l'imposition du nom de Jésus : Circumciditur, et vocatur Jesus.

Au moment que le Fils de Dieu fut circoncis, il se trouva dans la disposition prochaine et nécessaire pour pouvoir être la victime du péché, et par conséquent pour être parfaitement Sauveur : car, pour sauver l'homme tombé dans la disgrâce de son Dieu, il fallait satisfaire à Dieu dans toute la rigueur de la justice : Dieu le voulait ainsi, et c'est un point de religion qui ne peut être contesté. Pour offrir à Dieu cette satisfaction rigoureuse, il fallait un sujet capable de souffrir et de mourir; la croix et la mort étaient les moyens choisis pour cela dans le conseil de la Sagesse éternelle : toutes les Ecritures nous l'enseignent. Pour être capable de souffrir et de mourir, il fallait au moins avoir la marque du péché; la chose est évidente, et c'est sur quoi roule toute la théologie de saint Paul. Cette marque du péché ne devait être imprimée sur la chair innocente de Jésus-Christ que par sa sainte circoncision ; et en effet, la circoncision, quelque sainte que nous la concevions dans la personne du Sauveur, était en soi, et selon l'institution divine, le sacrement et le sceau de la justification des pécheurs. Que s'ensuit-il de là? vous prévenez déjà ma pensée : il s'ensuit qu'avant que Jésus-Christ fût circoncis, il lui manquait, pour ainsi dire, une condition sans laquelle il ne pouvait pas encore être la victime de ce sacrifice sanglant et douloureux que Dieu exigeait pour notre rédemption. Cette condition, c'est-à-dire ce pouvoir prochain d'être immolé comme victime pour nos péchés, était la suite du mystère de sa circoncision ; et c'est ce que l'évangéliste semble nous déclarer par ces paroles : Postquam consummati sunt dies ut circumcideretur puer, vocation est nomen ejus Jesus ; Lorsque le temps de la circoncision de l'enfant fut venu, et qu'en effet on l'eut circoncis, on lui donna le nom de Jésus. Comme si l'évangéliste nous disait : Jusque-là, quelque perfection et quelque mérite qu'il eût, il ne portait pas encore ce nom, parce qu'il n'avait pas encore tout ce qui lui était nécessaire pour être actuellement Sauveur; mais après la circoncision il eut droit d'être appelé Sauveur, parce qu'il ne lui manquait plus rien pour l'être. Donnons à cette vérité plus d'étendue et plus de jour.

Pour sauver des pécheurs et des coupables (ceci vous surprendra, Chrétiens, mais c'est votre religion que je vous expose), pour sauver des pécheurs et des coupables, il fallait un juste; mais un juste, dit saint Augustin, sur qui pût tomber la malédiction que traîne après soi le péché, et le châtiment qui lui est dû. Or, ce juste, c'était Jésus-Christ : il ne devait pas être pécheur; comme pécheur, il eût été rejeté de Dieu : il ne suffisait pas qu'il fût juste; comme juste, il n'aurait pu être l'objet des vengeances de Dieu : mais en qualité de médiateur, il devait, quoique exempt de péché, et quoique impeccable même, tenir une espèce de milieu entre l'innocence et le péché; et ce milieu entre l'innocence et le péché, ajoute saint Augustin, c'était qu'il eût la marque du péché. Ainsi il fallait que Jésus-Christ fût juste en vérité, et pécheur en apparence : juste en vérité, pour pouvoir justifier les hommes; et pécheur en apparence, pour pouvoir attirer sur soi les châtiments de Dieu. Car Dieu, tout irrité qu'il était contre les hommes, ne pouvait s'en prendre à Jésus-Christ, tandis qu'il ne voyait en lui que justice et que sainteté ; et cette irrépréhensible sainteté de Jésus-Christ, quelque désir qu'il eût d'expier nos crimes, le rendait incapable d'en subir pour nous la peine. Que fait-il donc? il prend la forme de pécheur, et par là il se met en état d'être sacrifié pour les pécheurs; car c'est pour cela, dit saint Paul, que Dieu l'a envoyé revêtu d'une chair semblable à celle du péché : Deus Filium suum mittens in similitudinem carnis peccati (Rom., VIII, 3). Expression dont les manichéens abusaient, lorsqu'ils concluaient de là que Jésus-Christ n'avait eu qu'une chair apparente ; au lieu que les Pères se servaient du même passage pour combattre l'hérésie des manichéens, et pour prouver contre eux la vérité et la réalité de la chair de Jésus-Christ. En effet, comme raisonnait saint Augustin, l'Apôtre ne dit pas précisément que Dieu a envoyé son Fils avec la ressemblance de la chair : In similitudinem carnis; il s'ensuivrait que Jésus-Christ n'aurait pas été vraiment homme, et cela seul saperait le fondement de tout le christianisme : mais il dit que Dieu l'a envoyé avec une chair semblable à celle du péché : In similitudinem carnis peccati ; pour marquer que la chair de Jésus-Christ a eu l'apparence et la marque du péché, sans avoir jamais contracté la tache du péché ; et c'est ce que nous faisons profession de croire. Il n'en fallait pas davantage , reprend saint Augustin, afin que Jésus-Christ fût en état de souffrir pour nous ; car il y a, dit ce saint docteur, entre Dieu et le péché une telle opposition, que l'apparence seule du péché a suffi pour obliger Dieu à n'épargner pas même le Saint des saints, et pour le déterminer à exécuter sur la chair innocente de Jésus-Christ l'arrêt de notre condamnation. Oui, mes Frères, parce que ce Dieu-Homme est couvert de l'ombre de nos iniquités, Dieu le livrera à la mort, et à la mort de la croix; et parce qu'il a consenti à paraître criminel, il sera traité comme s'il Tétait. Vous diriez, à entendre parler l'Ecriture, que Jésus-Christ, en conséquence de ce mystère, ait été non-seulement pécheur, mais le péché même, parce qu'il en a pris le caractère et la marque : Eum qui non noverat peccatum, pro nobis peccatum fecit (Cor., V, 21). Ce sont les termes de saint Paul, qui, pris à la lettre, pourraient nous scandaliser ; mais qui, dans le sens orthodoxe , expriment une des vérités les plus chrétiennes et les plus édifiantes. Celui qui ne connaissait point le péché, a été fait péché pour nous ; c'est-à-dire, celui qui ne connaissait point le péché a paru devant Dieu comme s'il eût été lui-même le péché, et a été traité de Dieu comme le péché même subsistant eût pu mériter de l'être : Eum qui non noverat peccatum, pro nobis peccatum fecit.

Or, dans quel moment de la vie du Sauveur cette étonnante proposition fut-elle exactement et spécialement vérifiée, et quand peut-on dire que Jésus-Christ s'est pour la première fois présenté aux yeux de son Père, comme s'il eût été le péché même? Au moment de sa circoncision : je m'explique. Dès sa naissance il était homme; mais il n'avait rien encore alors de commun avec les pécheurs. Son incarnation, l'œuvre par excellence du Saint-Esprit, sa génération dans le sein d'une vierge toujours vierge, son entrée miraculeuse dans le monde, tout cela l’éloignait des moindres apparences du péché. Mais aujourd'hui, dit saint Bernard, qu'il se soumet à la loi de la circoncision , cette loi n'ayant été faite que pour les pécheurs, il paraît pécheur. Le voilà donc dans l'état où Dieu le voulait pour l'immoler à sa justice. Avant qu'il subît cette loi, Dieu offensé cherchait une victime pour se satisfaire, et il n'en trouvait point : Super quo percutiam (Isa., I, 5) ? disait-il par un de ses prophètes : Sur qui déchargerai-je ma colère, et sur qui dois-je frapper? Sur les coupables qui sont les pécheurs? quand je les aurais tous anéantis, ma gloire n'en serait pas réparée. Sur ce juste qui vient de naître dans l'obscurité d'une étable? c'est mon Fils bien-aimé, en qui je me plais souverainement, et en qui parla même je n'aperçois rien qui puisse mériter ma vengeance. Voilà, mon Dieu, où votre justice en était réduite ; et jusques à l'accomplissement de ce mystère, il n'y avait point encore de Jésus qui pût être pour nos péchés l'hostie de propitiation que vous demandiez. Le Messie qui venait de paraître au monde, pour être trop saint, n'était pas encore en état d'être pour nous un sujet de malédiction : Factus pro nobis maledictum (Galat., III, 13) ; et pour être trop digne de votre amour, il ne pouvait encore ni ressentir, ni apaiser votre juste courroux : mais maintenant qu'il porte, comme circoncis, la marque du péché, souffrez, Seigneur, que nous vous le disions avec confiance, nous avons enfin un Sauveur. Vous demandez sur qui vous frapperez pour vous venger : Super quo percutiam ? C'est sur ce divin enfant : car il a désormais tout ce qu'il faut, et tout ce que vous pouvez désirer pour tirer de lui et pour vous donner à vous-même une satisfaction entière. Il a la forme d'un pécheur pour éprouver la rigueur de vos jugements, et il a la sainteté d'un Dieu pour mériter vos miséricordes : en faut-il davantage pour nous sauver? Vengez-vous donc, ô mon Dieu ! Pourrais-je ajouter avec respect; vengez-vous aux dépens de la chair de cet agneau, qui devient aujourd'hui semblable à la chair du péché, et qui, par cette ressemblance même, se trouve en état d'être la précieuse matière de ce grand sacrifice, qui doit détruire le péché. C'est ainsi que le Fils de Dieu se met, en voulant être circoncis, dans la disposition prochaine et nécessaire pour sauver les hommes.

Mais en demeure-t-il là ? Non, Chrétiens, sa charité va plus avant : il ne se contente pas d'être en état de nous sauver; il veut dès aujourd'hui en faire l'essai, et dans sa circoncision il en trouve le moyen. Comment cela? En offrant à Dieu les prémices de son sang, qui devait être le prix de notre salut. Il est vrai, disent les théologiens, que la moindre action du Fils de Dieu, eu égard à la dignité de sa personne, pouvait suffire pour nous racheter : mais dans l'ordre des décrets divins, et de cette rigide satisfaction à laquelle il s'était soumis, il fallait qu'il lui en coûtât du sang. Ainsi était-il arrêté, dans le conseil de Dieu, que ce serait lui qui pacifierait par son sang le ciel et la terre, lui qui par son sang nous réconcilierait avec son Père : Pacificans per sanguinem erucis cjus, sive quœ m terris, sire quœ in cœlis sunt (Coloss., I, 20); et que ce traité de paix entre Dieu et nous ne commencerait à être ratifié que quand le sang du Rédempteur aurait commencé a couler : d'où vient que lui-même il l'appelait le sang de la nouvelle alliance : Hic est sanguis virus novi testamenti (Matth., XXVI, 28). Ainsi était-il ordonné que, dans la loi même de grâce, nul péché ne serait remis sans effusion de sang, Sine sanguinis effusione non fit remissio (Hebr., IX, 22); et que le sang de Jésus-Christ aurait seul la vertu de nous purifier et de nous laver : Sanguis Jesu Christi Filii ejus emundat nos ab omni peccato (Joan., J, 7). Ainsi la foi nous apprend-elle que l'Eglise, comme épouse du Dieu Sauveur, devait lui appartenir par droit de conquête ; mais que ce droit ne serait fondé que sur l'acquisition qu'il en aurait faite par son sang : Ecclesiam, quam acquisivit sanguine suo (Act., IX, 20). Or c'est ici que la condition s'exécute ; et quand je vois, sous le couteau de la circoncision, ce Dieu naissant, je puis vous dire bien mieux que Moïse : Hic est sanguis fœderis, quod pepigit Dominus vobiscum (Exod., XXIV, 8) ; Voici le sang du testament et de l'alliance que Dieu a faite en votre laveur. C'est donc proprement en ce jour que commence la rédemption du monde, et que le Fils de Dieu prend possession de sa qualité de Sauveur, puisque c'est en ce jour qu'il en fait les premières fonctions, et qu'il entre dans le sanctuaire, non plus avec le sang des boucs et des taureaux , mais avec son propre sang , en vérifiant à la lettre cette parole de l'Apôtre : Per proprium sanguinem introivit in sancta (Hebr., IX, 12). Ah ! Mes Frères, s'écrie saint Augustin, que cette conduite de Jésus-Christ est différente de celle qui nous est représentée dans l'Histoire sainte, au troisième livre des Rois ! Nous lisons que les prophètes et les prêtres de Baal, dans la célèbre contestation qu'ils eurent avec Elie, se faisaient à eux-mêmes, par un zèle superstitieux, et pour honorer leur Dieu, de douloureuses incisions, jusqu'à ce qu'ils fussent couverts de leur sang : Et incidebant se juxta ritum suum cultris et lanceolis, donec perfunderentur sanguine (3 Reg., XVIII, 28). Mais aujourd'hui nous voyons un Dieu qui, par l'excès d'une ardente charité, se fait circoncire pour sauver son peuple. Quelle opposition entre Jésus-Christ et Baal, ou plutôt entre les adorateurs de Baal et ceux du vrai Dieu 1 Dans le temple de Baal, les hommes répandaient leur sang pour leur dieu : et dans le temple du vrai Dieu, c'est Dieu même qui verse son sang pour les hommes. Là un peuple idolâtre déchirait sa chair pour plaire à une fausse divinité ; et ici le Dieu incarné n'épargne pas sa propre chair pour faire un peuple fidèle. Un sang impur offert à Baal, voilà le mystère de l'impiété ; le sang d'un Dieu qui nous purifie, voilà le mystère de l'amour divin. Mais aussi, poursuit saint Augustin, devons-nous reconnaître que dans cette opposition, ou dans ce parallèle, toute la gloire est du côté de Jésus-Christ : car jamais la superstition n'a donné à Baal, ni aux autres dieux des nations, le titre de Sauveur ; il était réservé à Jésus-Christ seul, et ne convenait qu'à lui. Les païens, comme le même saint docteur le montre évidemment dans son admirable traité de la Cité de Dieu, les païens étaient plutôt les sauveurs de leurs dieux, que leurs dieux n'étaient leurs sauveurs : mais pour nous, reprend-il, nous adorons un Dieu, et un Dieu Sauveur ; et de ces deux qualités, l'une nous sert pour conclure l'autre : car nous comprenons que Jésus-Christ n'a rien épargné pour nous sauver, parce qu'il était notre Dieu ; et nous ne pouvons plus douter qu'il ne soit notre Dieu, puisqu'au prix même de son sang il a voulu nous sauver.

Cependant, me direz-vous, ce n'était pas à la circoncision du Fils de Dieu, mais à sa mort, qu'était attaché le salut du monde : j'en conviens, mes chers auditeurs; mais convenez aussi et souvenez-vous de ce que j'ai ajouté, Bavoir, que la circoncision fut pour le Fils de Dieu un engagement à la mort. Souvenez-vous qu'au moment qu'il fut circoncis, il s'obligea solennellement à consommer sur la croix le sacrifice sanglant dont il ne faisait alors que la première oblation ; et de là reconnaissez avec moi que le salut du monde eut donc encore une connexion essentielle avec notre mystère. Ce ne sont point ici mes propres pensées, ni des spéculations ; c'est l'expresse doctrine de saint Paul, lorsqu'il déclarait aux Calâtes que tout homme qui se faisait circoncire , en vertu de la circoncision même , se chargeait d'accomplir toute la loi : Testificor omni homini circumcidenti se, quoniam debitor est universœ legis faciendœ (Galal , V, 3) ; conséquence onéreuse dont le Fils de Dieu fut bien éloigné de se dispenser, puisqu'il protesta depuis hautement qu'il était venu pour l'accomplissement de la loi. Or l'accomplissement de la loi, dit saint Jérôme, par rapport à Jésus-Christ, c'était la mort de Jésus-Christ même, car Jésus-Christ était la fin de la loi : Finis enim legis Christus (Rom., X, 4) ; et il n'en devait être la fin que par la consommation du sacrifice de son humanité sainte. Ainsi, du moment qu'il se soumit à être circoncis, il s'engagea, par un pacte solennel, à être crucifié et à mourir : pourquoi? parce que son crucifiement et sa mort étaient le terme et comme le dénouement de toute la loi dont il s'imposait le fardeau, et dont, selon l'expression de l'Apôtre, il devenait, par sa circoncision, le débiteur universel : Debitor universœ legis faciendœ.

Concluons, après saint Bernard, que c'est donc avec justice que le nom de Jésus lui est donné. Ah ! dit ce Père, nous ne devons pas considérer ce Sauveur comme les autres : car mon Jésus n'est pas semblable à ces anciens sauveurs du peuple de Dieu, et ce n'est pas en vain qu'il porte ce nom : Neque enim ad instar priorum, meus iste Jesus nomen vanum aut inane portat. Il n'en a pas seulement l'ombre comme ceux-là, mais la vérité : Non est in eo magni nominis umbra, sed veritas. Quand les princes naissent sur la terre, nous les appelons rois, monarques, souverains ; mais ce sont des titres pour signifier ce qui doit être un jour, et non pas ce qui est. Bien loin d'être en état de gouverner les peuples, ils ne sont pas encore en état de se connaître ; et dans cet âge tendre et sans expérience, leur faiblesse les réduit à se laisser conduire par leurs propres sujets, avant qu'ils puissent les conduire eux-mêmes. Mais Jésus-Christ ne commence à prendre la qualité de Sauveur qu'au moment qu'il commence à en faire l'exercice ; et dès ce jour on peut dire de lui ce que l'Ecriture a dit du brave Eléazar, au premier livre des Machabées : Dedit se ut liberaret populum suum, et aequireret sibi nomen aeternum (Machab., VI, 44.) ; Il n'est pas plutôt né, qu'il se livre pour le salut des siens, et pour s'acquérir un nom immortel, qui est le nom de Jésus. N'est- ce pas pour cela, Chrétiens, que ce nom lui a été si cher, et que, dans la pensée de saint Jérôme, il lui a tenu lieu d'une récompense proportionnée à toutes les humiliations de sa circoncision et à tous les travaux de sa vie? N'est-ce pas pour cela qu'il l'a porté sur la croix comme un diadème d'honneur, et qu'ayant souffert que les Juifs lui refusassent devant Pilate le titre de roi, il ne permit jamais qu'ils lui contestassent le nom de Jésus? N'est-ce pas pour cela qu'il a fait publier par toute la terre ce saint nom, ce grand nom, cet auguste nom ? N'est-ce pas, dis-je, parce qu'il n'est rien de plus naturel que de se glorifier des noms qu'on s'est acquis par sa vertu, plutôt que de ceux qu'on tient du hasard, ou du bonheur de la naissance? Or l’Homme-Dieu n'a possédé le nom de Jésus que par titre de conquête : il l'a mérité en sauvant les pécheurs, et il commença à les sauver en voulant répandre son sang et subir la loi de la circoncision.

Mais quoi, mon Dieu, y avait-il donc pour vous tant de gloire à racheter de vils esclaves? Trouviez-vous tant de grandeur à vous abaisser si profondément pour eux, et des hommes valaient-ils un sang aussi précieux que le vôtre ? Oui, mon cher auditeur, voilà ce que valait votre âme, et ce qu'elle valait au jugement même de votre Dieu : c'est ainsi qu'il l'a estimée ; et en donnant son sang pour elle, il n'a pas cru trop donner; car son amour, tout libéral qu'il est, n'est pas prodigue. Toujours dirigé par sa sagesse, il conforme les moyens à la fin ; et puisqu'un Dieu souffre déjà pour votre salut, il faut que votre salut soit le juste prix des souffrances d'un Dieu. Or, mes Frères, est-ce là l'estime que vous en faites vous-mêmes? Est-ce de la sorte que vous en jugez? Saint Augustin disait : Voyez ce que votre âme, ou plutôt ce que le salut de votre âme a coûté au Dieu Sauveur qui s'en est fait la victime ; et par le sang qu'il a versé vous apprendrez quel bien il a prétendu acheter : Vide quanto emit, et videbis quid emit. Mais je dis, moi : Voyez en combien de rencontres vous l'avez sacrifié, ce salut; en combien de rencontres vous le sacrifiez tous les jours à un vain intérêt, à un plaisir profane, et même si abominable; et de là tirez, à votre confusion, cette triste conséquence, que le premier de tous les biens, le souverain bien, est de tous les biens le plus méprisé. Car si vous l'estimez, je ne dis pas autant qu'il le mérite, puisqu'il est au-dessus de toutes nos vues, et que Dieu seul en peut connaître tout le prix, mais du moins autant que vous le pouvez et que vous le devez, pourquoi l'oubliez-vous, pourquoi l'exposez-vous, pourquoi y renoncez-vous si aisément ? D'où vient que donnant tout au monde, et faisant tout pour des affaires temporelles, vous ne faites rien pour celle-ci ; que vous ne voulez presque jamais en entendre parler ; que vous craignez ceux à qui le zèle inspire de vous en représenter les conséquences, et de vous y faire penser; que toutes les pratiques chrétiennes, la prière, la méditation des vérités éternelles, l'assiduité à la parole di! Dieu, la lecture des bons livres, l'usage des sacrements, moyens de salut si nécessaires, que tout cela vous fatigue, vous ennuie, vous rebute? Ah ! mes chers auditeurs, quelle opposition entre ce Dieu circoncis et nous, et en cela même quel aveuglement de notre part, et quel renversement! Il fait sa gloire et son plus bel emploi de nous sauver; et nous nous faisons un jeu de nous perdre. Lui était-il donc plus important d'être Sauveur, qu'il ne nous importe d'être sauvés? S'il est Sauveur, est-ce pour lui? et si nous sommes sauvés, n'est-ce pas pour nous-mêmes? Sans être Sauveur, en eût-il été moins heureux, en eût-il été moins Dieu ? Et sans être sauvés, que pouvons-nous être, et quel anathème doit tomber sur nous? Cependant, pour être Sauveur, rien ne lui paraît difficile; et pour être sauvés, tout nous devient impossible. Mais ne nous y trompons pas, et ne croyons pas qu'il veuille nous sauver sans nous. Je l'ai dit, et je ne puis trop vous le redire, il veut bien sans nous faire les premières avances ; il veut bien sans nous s'immoler pour nous; il veut bien, pour satisfaire à la justice de Dieu, et pour nous mettre en état de l'apaiser nous-mêmes, se charger de nos iniquités, et en devenir la victime ; se présenter à son Père tout couvert de sang, et s'engager à en répandre jusqu'à la dernière goutte : voilà ce qu'il veut, voilà ce qu'il fait, et comment, sans nous, et par une pure miséricorde, il est Sauveur. Mais que dans la suite il vous dispense de tout ce que vous devez contribuer au salut qu'il vous procure ; mais qu'il en fasse tous les frais, et que vous n'y mettiez rien de votre part ; mais qu'il vous transporte et qu'il vous communique tellement tous ses mérites, que vous soyez pleinement déchargés du soin de vous les appliquer; mais que tout innocent qu'il est, et l'innocence même, que tout saint qu'il est, et la sainteté même, il porte toute la peine du péché, et que les pécheurs vivent dans les aises et les commodités de la vie, ce n'est pas là ce qu'il a prétendu, et, si j'ose ainsi m'exprimer, le nom de Jésus entendu de la sorte n'est qu'un fantôme. Il est vrai, disait le grand Apôtre, touché de cette pensée, il est vrai que mon Dieu a souffert pour moi ; mais en acquittant mes dettes, ce que je ne pouvais sans lui, il ne m'a pas dégagé de l'obligation indispensable où je suis de les acquitter moi-même avec lui ; et c'est pour cela que j'accomplis dans ma chair ce qui manque aux souffrances de Jésus-Christ : Adimpleo ea quœ desunt passionum Christi (Col., 1, 34). Ainsi parlait saint Paul, et ainsi devons-nous parler nous-mêmes. Mais qu'y a-t-il donc à faire ? C'est, mes Frères, de coopérer avec Jésus-Christ à l'ouvrage de notre salut : et comment? Ne sortons point de notre mystère pour l'apprendre; car si Jésus-Christ a commencé dans ce mystère à nous sauver, par l'obéissance qu'il a rendue à la loi de l'ancienne circoncision, il nous y donne encore un moyen sûr pour nous aider nous-mêmes à nous sauver, par la loi qu'il a établie de la circoncision nouvelle : c'est la seconde partie.



DEUXIÈME PARTIE.

Une circoncision qui n'est pas seulement extérieure, mais qui pénètre, pour ainsi dire, jusque dans les parties les plus intimes de l’âme : Non quœ inmanifesto est circimicisio (Rom., II, 28) ; une circoncision qui n'est plus de la main des hommes, mais qui est l'ouvrage de Dieu, et qui sanctifie l'homme devant Dieu : Circumcisio non manu facta (Col., II, 11); une circoncision qui ne consiste plus dans le dépouillement de la chair, mais dans le renoncement aux vices et aux concupiscences de la chair : In expoliatione corporis carnis (Ibid); une circoncision dont l'esprit et le cœur sont les deux principes, aussi bien que les deux sujets : les deux principes, parce qu'elle s'exécute par eux ; et les deux sujets, parce qu'elle s'accomplit en eux : c'est-à-dire une circoncision de cœur, qui se fait non selon la lettre, mais dans la ferveur de l'esprit : Circumcisio cordis in spiritu, non littera (Rom., II, 29) ; voilà, mes chers auditeurs, les saintes mais énergiques et vives expressions dont s'est servi le grand Apôtre pour définir ce que j'appelle la nouvelle circoncision, ou la circoncision évangélique ; voilà l'idée qu'il en a conçue ; et par là, dit saint Chrysostome, il nous a marqué l'essentielle différence et la perfection infinie du culte chrétien, comparé à celui des Juifs et des païens. Car les païens, remarque ce Père, pratiquaient un culte tout à la fois charnel et faux ; les Juifs, dans leurs cérémonies, en observaient un pareillement grossier et charnel, mais véritable : les chrétiens seuls ont l'avantage, dans leur religion, d'avoir tout ensemble, et un culte véritable, et un culte spirituel. C'est donc de cette véritable circoncision qu'il s'agit maintenant de vous parler : encore un moment d'attention, s'il vous plaît. Que fait aujourd'hui le Fils de Dieu pour nous apprendre comment nous devons coopérer à l'œuvre de notre salut? Il nous en propose un moyen aussi divin qu'il est indispensable et nécessaire, savoir, cette mystérieuse mais réelle circoncision de l'esprit et du cœur. Circoncision dont il nous fait une loi,' dont il nous explique le précepte, dont il nous facilite l'usage: trois choses qui sont pour nous autant de grâces, que nous n'estimerons jamais assez, et pour lesquelles nous lui devons une éternelle reconnaissance.

Il nous propose la circoncision du cœur, et il nous en fait une loi : car il n'abolit l'ancienne circoncision, ou pour parler plus exactement, l'ancienne circoncision ne finit en lui que parce qu'il établit la nouvelle ; et comme dit saint Augustin, il ne prend l'ombre et la ligure, que parce qu'il apporte la lumière et la vérité : Suscipit umbram, daturus lucem; suscipit figurant, daturus veritatem. Or la lumière et la vérité, c'était que nous fussions tous circoncis de cœur, comme les Juifs relaient selon la chair. Circoncision de cœur, c'est-à-dire retranchement des désirs vagues et inutiles, des désirs inquiets et bizarres, des désirs déréglés et immodérés, des désirs charnels et mondains, des désirs criminels et illicites, qui naissent dans le cœuret qui le corrompent. Ainsi l'a entendu saint Paul, et parce que ces pernicieux désirs sont excités en nous par de vains objets qui nous charment, par de faux intérêts qui nous aveuglent, par des occasions dangereuses qui nous entraînent et qui nous pervertissent, cette circoncision du cœur doit être une séparation entière de ces objets, un renoncement parfait à ces intérêts, un éloignement salutaire de ces occasions. Car voilà, mes Frères, reprend saint Augustin, ce qui nous était figuré par la circoncision judaïque ; voilà à quoi Dieu préparait le monde, quand il obligeait Abraham et tous ses descendants à se circoncire. Comme les sacrements de ce temps-là, ajoute le même Père, étaient non-seulement des figures, mais des promesses, voilà ce que Dieu promettait au monde, quand il disait à ce saint patriarche : C'est par là que tu trouveras grâce devant moi : Ut sit in signum foederis inter me et vos (Genes., XVII, 11). Aujourd'hui la promesse cesse : pourquoi ? Parce qu'en vertu de la circoncision de Jésus-Christ, ce qui était alors promis est présentement exécuté ; je veux dire, parce qu'en conséquence du mystère que nous célébrons, nous sommes, ou du moins il ne tient qu'à nous que nous soyons circoncis en Jésus-Christ, de cette circoncision parfaite qui nous dépouille de nous-mêmes, et qui nous rend dignes de Dieu : In quo et circumcisi sumus. Car c'est nous, dit l'Apôtre, qui, comme chrétiens, sommes les vrais circoncis : Nos enim sumus circumcisi (2 Philip., III, 3); et c'est nous qui, parla profession que nous faisons de renoncer au monde, de nous détacher du monde, de mourir et d'être crucifiés au monde, avons droit de nous glorifier, en qualité de vrais circoncis, d'être les légitimes enfants d'Abraham. Il est vrai ; mais aussi devons-nous reconnaître que si nous n'avons nulle part à cette bienheureuse circoncision qui réforme l'intérieur de l'homme, dès là, quoique extérieurement marqués du sceau de Jésus-Christ, qui est le caractère du baptême, nous n'avons que le nom de chrétiens, nous sommes encore juifs d'esprit et de cœur; ou plutôt nous ne sommes ni juifs, ni chrétiens, puisque nous n'avons ni la sainteté de la loi, ni la perfection de l'Evangile. Etat déplorable de tant de mondains qui vivent presque au milieu du christianisme sans religion, parce qu'ils y vivent, pour me servir du tenue de saint Paul, dans une incirconcision générale de leurs passions; et Dieu veuille, mes chers auditeurs, que vous ne soyez point de ce nombre! c'est là, dis-je, ce que nous prêche le Fils de Dieu dans cette auguste solennité.

Il nous propose la circoncision spirituelle ou la circoncision du cœur, comme un moyen indispensablement requis pour le salut; car qu'y a-t-il de plus nécessaire au salut que d'arracher, que d'étouffer, que de mortifier, que de détruire ce qui est en nous une source et un principe de damnation? Or, la source de damnation est dans notre cœur; et quiconque la cherche ailleurs ne la connaît pas, et ne se connaît pas soi-même. Car c'est du cœur, disait à ses disciples notre divin Maître, en leur expliquant la parabole dont ils lui demandaient l'éclaircissement, c'est du cœur que partent les mauvaises pensées, les actions lâches, les desseins injustes et violents ; du cœur que sortent les trahisons, les meurtres, les larcins, les faux témoignages, les médisances, les impudicités, les adultères : c'est dans le cœur que tout cela se forme et s'engendre, et c'est tout cela qui perd l'homme et qui le condamne : De corde exeunt cogitationes, adulteria, furta (Matth., XV, 19). Il faut que ce cœur soit circoncis, si nous en voulons faire un cœur chrétien, un cœur épuré de l'iniquité du siècle, et capable de participer à la grâce de la rédemption : il faut que tout ce qu'il y a dans ce cœur de corrompu, de malin, de vicieux, de contagieux, soit retranché par une mortification solide, et que nous soyons bien persuadés que sans cela c'est un cœur réprouvé de Dieu. C'est aussi, mes chers auditeurs, ce que Jésus-Christ m'oblige à vous annoncer de sa part. Au lieu que saint Paul, instruisant les Gentils qui se convertissaient au christianisme, leur déclarait que, s'ils se faisaient circoncire, Jésus-Christ, qui toutefois était venu pour les sauver, ne leur servirait de rien : Ecce ego Paulus dico vobis, quoniam si circumcidamini, Christus vobis nihil proderit (2 Galat., V, 2); parce qu'en effet, après la publication de l'Evangile, la circoncision de la chair était au moins pour les Gentils devenue un obstacle au salut : moi je vous dis , au contraire, de la circoncision du cœur : Si vous ne la pratiquez généreusement, si vous ne l'accomplissez fidèlement, ce Jésus que vous invoquez aujourd'hui, tout Sauveur et tout Dieu qu'il est, ne vous sauvera pas, et ne sera point Jésus pour vous : Christus vobis nihil proderit.

C'est moi qui vous le dis, Chrétiens, et qui vous le dis avec toute l'autorité que me donne mon ministère : mais m'en croirez-vous pour cela, et en serez-vous plus dociles à ma parole, qui est celle de Dieu même? A combien de ceux qui m'écoutent n'aurais-je pas droit de faire le même reproche que saint Etienne faisait aux Juifs avec toute l'ardeur de son zèle : Dura cervice, et incircumeisis cordibus, vos semper Spiritui, sancto resistitis (Act., VII, 51) ; Hommes durs et inflexibles, hommes incirconcis de cœur, vous résistez toujours au Saint-Esprit? Mais il n'était pas étonnant, reprend saint Augustin, qu'ils résistassent alors au Saint-Esprit ; et le prodige aurait été qu'avec des cœurs incirconcis, c'est-à-dire avec des cœurs immortifiés, avec des cœurs envenimés, avec des cœurs passionnés, ils eussent été soumis à l'Esprit de Dieu qui leur parlait. Aussi ne suis-je pas surpris, mes Frères, que parmi vous il y ait encore tant de chrétiens rebelles aux vérités que je leur prêche ; tant de chrétiens qui ne m'entendent que pour me contredire secrètement, ou tout au plus pour satisfaire une vaine curiosité qui les attire, mais obstinés et déterminés à ne se pas rendre : pourquoi? Ce sont des cœurs incirconcis, des cœurs emportés, dominés, tyrannisés parleurs passions; des cœurs qui n'ont jamais fait nulle épreuve, et qui n'ont aucun exercice de cette mortification chrétienne, laquelle apprend à s'assujettir, à se contraindre, à se modérer; des cœurs en qui l'amour du monde règne souverainement, et agit avec toute la vivacité qui lui est propre. Or, à de tels cœurs rien de plus inutile, ô mon Dieu, que votre parole, quoique sainte, quoique divine. A des cœurs ainsi disposés, rien de plus difficile que le salut; et c'est ce que Dieu voulut expressément nous figurer dans la conduite qu'observa Josué à l'égard des Israélites, quand il fut sur le point de les introduire dans la Terre promise. Que fit-il? Il les obligea tous sans exception à se faire circoncire ; et de tant de milliers d'hommes qui l'avaient suivi dans le désert, aucun ne fut admis dans cette terre bienheureuse, qu'il n'eût auparavant subi la rigueur de cette loi. Cela se faisait-il sans dessein? Non, sans doute, répond saint Jérôme; mais l'intention de Dieu était de nous faire comprendre que nul de nous ne devait entrer dans la gloire, s'il n'avait la marque de la circoncision évangélique, c'est-à-dire s'il ne portait en son corps, et surtout dans son cœur, la mortification de Jésus-Christ ; et que ce vrai Josué, ce sauveur, ce conducteur par excellence du peuple de Dieu, n'ouvrirait jamais les portes du ciel qu'à ceux qui auraient le courage de vouloir être circoncis en lui et avec lui ; qu'à ceux qui seraient résolus à se faire les violences nécessaires, et à faire à Dieu les sacrifices convenables pour mériter d'être reçus dans cette terre des vivants.

Car il faut pour cela, ajoute saint Jérôme, et cette instruction est encore plus essentielle à mon sujet, et plus propre à vous édifier que tout ce que je viens de dire; il faut, pour être sauvés, une circoncision entière, une circoncision universelle, une circoncision qui s'étende à tout et qui n'excepte rien. Et la raison, dit ce Père, en est bien évidente ; parce qu'il n'y a point de vice en nous qui ne puisse nous faire perdre le salut, si nous le laissons croître et se fortifier ; point d'affection déréglée, de quelque nature qu'elle soit, si elle prend l'empire sur nous, qui ne puisse être la cause de notre ruine ; point de passion, si nous ne la soumettons à Dieu, qui ne suffise pour nous damner. En effet, ce n'est communément qu'une passion qui fait tout le désordre de notre âme, et qui nous expose à la réprobation éternelle : toutes les autres, si vous voulez, sont dans l'ordre; celle-là seule, parce que nous la négligeons, et que nous ne travaillons pas à la réprimer, nous précipite dans l'abîme. Il faut donc que la circoncision du cœur aille jusqu'à elle, ou plutôt il faut qu'elle commence par elle, et qu'elle s'y attache. Et celle mortification universelle des passions, cette modification sans réserve et sans restriction, c'est ce que j'appelle une circoncision en Jésus-Christ : In quo et circumcisi sumus. Voilà le précepte nouveau qu'il établit, et dont il pouvait bien nous dire dès lors ce qu'il dit ensuite à ses apôtres, du précepte de la chanté : Mandatum novum do vobis (Joan., XIII, 34); voilà ce qu'il avait autant de droit d'appeler son commandement : Hoc est prœceptum meum (Ibid., XV, 12); voilà l'admirable et sainte loi dont il devait être le législateur, cette loi de la circoncision des cœurs. Mais il ne se contente pas de l'établir, il veut encore nous l'expliquer par son exemple, et c'est ce qu'il fait d'une manière toute divine dans ce mystère.

En effet, vous me demandez à quoi se réduit cette circoncision nouvelle, et si nécessaire au salut? Pour le bien apprendre, considérons plus en détail ce qui se passe dans la circoncision du Sauveur. Son exemple nous fait voir ce que nous devons surtout retrancher dans nous-mêmes, ou plutôt ce que la grâce y doit retrancher aux dépens de la nature et des inclinations corrompues de notre cœur : car, dans la circoncision de Jésus-Christ, nous trouvons les quatre passions les plus dominantes et les plus difficiles à vaincre, parfaitement sacrifiées et soumises à Dieu ; celle de la liberté, celle de l'intérêt, celle de l'honneur et celle du plaisir : celle de la liberté, dans l'obéissance que rend ce Dieu-Homme à une loi qui ne l'obligeait pas (prenez garde, s'il vous plaît, à cette circonstance) ; celle de l'intérêt, dans le dépouillement et le dénuement où il veut paraître ; celle de l'honneur, dans ce caractère ignominieux du péché, dont il consent à subir toute la honte; enfin, celle du plaisir, dans cette opération sanglante et douloureuse qu'il souffre. Tels sont, mes chers auditeurs, les devoirs les plus essentiels d'une circoncision chrétienne : comprenez-les. Pour vous, mondain, elle consiste, cette circoncision en esprit, à retrancher de votre cœur cet amour de l'indépendance, et ce désordre d'une volonté libertine qui ne veut s'assujettir à rien, qui ne suit que ses idées et son caprice, à qui la régularité la plus douce devient insupportable, dès là qu'elle est régularité; surtout à retrancher de votre conduite cette facilité malheureuse de s'accorder des dispenses selon son gré, d'interpréter la loi en sa faveur, de croire qu'elle est pour les autres et qu'elle n'est pas pour nous, de s'en adoucir le joug par mille artifices que l'esprit du monde sait bien suggérer, de lui prescrire des bornes, et de n'en vouloir observer que l'essentiel et le nécessaire, d'en abandonner toute la perfection pour s'attacher précisément à l'obligation; maxime la moins soutenable et la plus pernicieuse au salut. Car, sans vous faire ici remarquer combien il est indigne de traiter de la sorte avec Dieu, sans vous faire craindre le retour funeste à quoi vous vous exposez, engageant Dieu par là à vous traiter vous-même dans toute la rigueur, et à ne vous accorder que ces grâces communes que sa providence générale ne refuse pas à ses plus grands ennemis; sans parler de la conséquence terrible qui s'ensuivrait de cette soustraction des grâces spéciales et des secours extraordinaires que Dieu est bien moins obligé de nous donner, que nous ne le sommes de faire pour son service ce que nous appelons œuvres de subrogation : sans rien dire de tout cela, je prétends, Chrétiens, que vous permettant ainsi tout ce que la loi vous permet, vous n'éviterez jamais de vous permettre mille choses que la loi ne vous permet pas. Pourquoi? parce que je suis certain que, dans le discernement des choses permises et non permises, vous vous flatterez, vous vous aveuglerez, vous vous tromperez vous-mêmes; et parce qu'il m'est encore évident que, quand vous ne vous tromperiez pas, votre passion vous emportera, et que vous ne serez jamais assez fermes ni assez maîtres de vous-mêmes pour vous en tenir exactement à ce qui vous est accordé par la loi, et pour ne pas aller plus loin. Mais c'est un commerce innocent, c'est un entretien honnête, c'est un divertissement qui n'a rien de criminel : il n'importe, retranchez, mon cher auditeur. Quand un habile médecin veut guérir une plaie envenimée, il fait couper la chair vive, afin que la contagion ne se communique pas. Or, vous ne devez pas avoir moins de soin du salut de votre âme qu'on en a du salut et de la santé du corps.

Pour vous, avare, elle consiste, cette sainte circoncision, à retrancher cet esprit d'intérêt qui vous possède; cette insatiable cupidité qui vous brûle et qui vous dévore; ce désir passionné d'avoir, cette impatience d'acquérir, qui vous fait commettre les plus grossières injustices; cette crainte de manquer, qui vous endurcit aux misères des pauvres ; ce soin de garder, qui vous rend odieux à ceux mêmes «pie les sentiments de la nature devraient vous attacher d'un nœud plus étroit; ces chagrins de perdre, qui vous désespèrent, et qui vous révoltent contre le ciel; cette folie d'amasser, d'accumuler toujours biens sur biens, qui sortiront de vos mains, et qui passeront à des impies ou à des ingrats. Pour vous, ambitieux, votre circoncision doit être, selon l'Evangile, de retrancher cette passion démesurée de vous pousser et de vous élever, à laquelle vous sacrifiez tout; ces vues de fortune qui vous occupent uniquement, et que vous vous flattez en vain de pouvoir accorder avec les règles d'une droite conscience, ces empressements de parvenir à ce qu'un orgueil présomptueux s'est proposé pour objet; cette disposition secrète à employer pour y réussir toutes sortes de moyens, fussent-ils les plus honteux et les plus bas; ces envies du bonheur d'autrui et de ses prospérités, dont vous vous faites un supplice ; ces jalousies qui vont jusqu'à vous inspirer les haines et les aversions les plus mortelles, comme si le mérite du prochain était un crime dans lui, et qu'il ne pût, sans vous offenser, jouir des avantages dont le ciel, préférablement à vous, l'a gratifié. Enfin, ce que vous devez retrancher, c'est, homme sensuel et voluptueux, cet attachement opiniâtre qui vous tient depuis si longtemps dans le plus dur et le plus vil esclavage ; ce jeu, qui, jusqu'à présent, a été la source de tous les désordres de votre vie ; ces conversations licencieuses, qui, d'un jour à un autre, vous font perdre insensiblement la pudeur et l'horreur du vice; ces lectures, dont le poison subtil a commencé et fomente encore maintenant votre libertinage; ces parties de plaisir, qui sont pour vous de si dangereuses tentations, et qui allument le feu dans votre âme : c'est, femme du monde, cet amour de vous-même, dont vous êtes toute remplie et comme enivrée; cette idolâtrie de votre personne, qui attaque directement le premier devoir de la religion ; ces soins outrés de votre santé, qui vous font si aisément transgresser les plus inviolables et les plus saintes lois de l'Eglise ; ces dépenses excessives en habits, en ajustements, en parures, et ce luxe dont rougirait une païenne; ces nudités immodestes, et ces désirs de plaire, qui vous rendent complice et responsable de tant de crimes; cette vie douce, commode, molle, qu'il est si difficile et comme impossible d'allier avec l'innocence du cœur et la pureté des mœurs. Voilà, Chrétiens, pourquoi il faut vous armer de ce glaive que le Sauveur du monde a lui-même apporté sur la terre; ou, pour parler plus simplement, voilà à quoi doit s'étendre cette circoncision dont Jésus-Christ a voulu lui-même être le modèle : sans cela point de salut.

Mais il s'ensuit donc que, pour se sauver, il faut mourir à soi-même. En doutez-vous, mon cher auditeur? Le Fils de Dieu ne nous l'a-t-il pas expressément déclaré, quand il nous a dit que, pour être son disciple et pour être digne de lui, il fallait renoncer à tout, et porter sa croix? Saint Paul ne nous dit-il pas que, sans la mortification chrétienne, on ne peut avoir part à l'héritage de Dieu, ni régner avec Jésus-Christ? Et n'est-ce pas ce que nous fait admirablement entendre saint Augustin au livre treizième de la Cité de Dieu? Les paroles de ce Père sont remarquables. Il parle de l'obligation qu'avaient les martyrs de mourir pour la défense de leur foi : mais ce qu'il dit convient parfaitement à mon sujet, et peut très-naturellement s'appliquer à la mort des passions. Oui, mes Frères (c'est ainsi que s'explique ce saint docteur), il faut mourir au monde pour vivre à Dieu. On disait autrefois au premier homme: Tu mourras si tu pèches; mais maintenant on dit aux fidèles : Mourez pour ne pas pécher : Olim dictum est homini : Morieris si peccaveris; nunc dicitur christiano : Morere ne pecces. Ce qu'il fallait craindre alors pour ne pas pécher, maintenant il faut le désirer et le faire pour se préserver du péché : Quod timendum tunc fuerat ut non peccaretur, nunc suscipiendum est ut non peccetur. La foi nous enseigne que si nos premiers parents n'eussent pas péché, ils ne seraient pas morts ; et la même foi nous apprend que les plus justes même pécheront s'ils ne meurent : Nisi peccassent illi, non morerentur; justi autem peccabunt, nisi moriantur. Ceux-là sont donc morts, parce qu'ils ont voulu pécher; et ceux-ci ne pèchent point, parce qu'ils veulent bien mourir : Mortui sunt illi, quia peccaverunt; non peccant isti, quia moriuntur. Ainsi, conclut saint Augustin, Dieu a donné tant de bénédictions à notre foi, que la mort même, qui détruit la vie, est devenue un moyen pour entrer dans la vie : Sic Deus tantam fidei nostrœ prœstitit gratiam, ut mors, quam vitae constat esse contrariant, instrumentum fieret per quod transiretur ad vitam.

Cette morale, direz-vous, n'est propre que pour les solitaires et les religieux. Erreur, mes Frères : en quelque état et de quelque condition que vous soyez, elle vous regarde , et j'ose dire qu'elle vous est encore plus nécessaire dans le monde que partout ailleurs. C'est ce que vous avez tant de peine à vous persuader, et ce qui néanmoins est incontestablement vrai. Il faut que l'homme du monde et le religieux soient circoncis de cœur; mais à comparer les besoins de l'un et de l'autre, cette circoncision du cœur est encore, dans un sens, d'une obligation plus indispensable pour l'homme du monde que pour le religieux. Pourquoi? parce que l'homme du monde a beaucoup plus de choses à retrancher que le religieux, à qui les vœux de sa profession ont déjà tout ôté ; parce que l'homme du monde a des passions beaucoup plus vives que le religieux, puisqu'il a beaucoup plus d'objets capables de les exciter; parce que l'homme du monde est beaucoup plus exposé que le religieux, et qu'il doit par conséquent veiller beaucoup plus sur lui-même, et faire de plus grands efforts pour se défendre et pour se soutenir. Après le premier pas qu'a fait le religieux, après ce premier sacrifice qui l'a dépouillé de tout, il ne lui reste plus rien, ce semble, à offrir; mais vous, dans le monde, qu'avez-vous jusqu'à présent donné à Dieu, ou que n'avez-vous point encore à lui sacrifier?

Je n'ignore pas, après tout, que cette circoncision qu'on vous demande a ses peines; elle est difficile, j'en conviens : mais comme Jésus-Christ nous en fait une loi, comme il nous en explique le précepte, il nous en facilite l'usage ; et cela par où? Par la vertu même du sang qu'il commence à répandre : car ce sang divin porte avec soi une double grâce; l'une intérieure, et l'autre extérieure. Grâce intérieure, c'est celle du Sauveur; cette grâce que le médiateur des hommes a lui-même apportée; cette grâce qui nous éclaire l'esprit et nous fait connaître nos devoirs, qui nous touche le cœur et nous les fait aimer; cette grâce victorieuse et toute-puissante, qui réprimait dans saint Paul l'aiguillon de la chair dont il était si violemment tourmenté, qui soutenait les martyrs contre toute l'horreur des tourments, et qui seule, dans notre plus grande infirmité, peut être pour nous l'appui le plus ferme et le plus inébranlable. Grâce extérieure, c'est celle de ce même exemple par où Jésus-Christ nous explique sa loi, et par où il nous encourage à l'accomplir : car, à la vue de ce sang qu'il verse, de quel prétexte pouvons-nous colorer notre lâcheté? Que nous demande-t-il qui égale ce qu'il a fait, et comment, dit saint Bernard, le remède qu'il nous présente peut-il nous paraître amer, après qu'il l'a pris lui-même avant nous et pour nous?

Il est donc temps, Chrétiens, de nous réveiller du profond sommeil où notre foi demeure ensevelie : c'est l'avis que nous donne l'Apôtre : Hora est jam nos de somno surgere (Rom., XIII, 11). Il est temps, poursuit le maître des Gentils, que, renonçant à l'impiété et aux passions mondaines, nous vivions dans le siècle présent avec tempérance et avec justice, en vue de cette béatitude que nous attendons, et de ce glorieux avènement de notre Dieu, où il couronnera ses élus, marqués du caractère de l'agneau. Nous entrons aujourd'hui dans une nouvelle année : combien Dieu en voit-il dans cet auditoire qui la commencent, et qui ne la finiront pas ! Si tel qui m'écoute était convaincu qu'il est de ce nombre, et si de la part de Dieu je lui disais avec certitude : Pensez à vous, car votre heure approche , et c'est dans le cours de cette année qu'on vous redemandera votre âme ; c'est dans le cours de cette année que vous devez comparaître devant le tribunal de Dieu, et y rendre compte de vos actions; si dis-je, tel à qui je parle en était assuré, et qu'il n'en doutât point, je n'aurais alors nulle peine à lui persuader cette circoncision du cœur dont je viens de vous entretenir. Quelle impression ne ferait pas sur son esprit cet arrêt de mort que je lui aurais prononcé ? Pénétré de cette pensée : Voici la dernière année de ma vie, quelles résolutions ne formerait-il pas? Quelles mesures ne prendrait-il pas? Avec quels sentiments de repentir et de douleur ne sortirait-il pas de cette prédication? Quelle pénitence ne serait-il pas disposé à entreprendre? Quel changement et quelle réforme ne verrait-on pas dans toute sa conduite et dans ses mœurs? penserait-il à sa fortune, serait-il occupé de ses plaisirs? Ah ! Chrétiens, sans avoir la même assurance que lui, la seule incertitude où nous sommes ne suffit-elle pas pour produire en nous les mêmes effets? Ayons toujours, comme le Prophète royal, notre âme dans nos mains : Anima mea in manibus meis semper (Ps., CXVIII, 109). C'est-à-dire, soyons toujours prêts à partir, toujours prêts à nous présenter devant Dieu ; pourquoi? Parce que nous ne savons quand il nous appellera, et que ce sera peut-être dès cette année. Quoi qu'il en soit, sanctifions-la, et faisons-en une année de salut : elle passera; mais ce qui ne passera jamais, c'est la récompense éternelle qui vous est promise, et que je vous souhaite, etc.

Oeuvres complètes de Bourdaloue, publiées par des prêtres de l'immaculée conception de saint-dizier (haute-marne) Tours, Cattier, librairie-éditeur, rue de la Scellerie, 1864. Numérisation : Abbaye Saint Benoît de Port-Valais, Pâques 2007


As Christ wished to fulfil the law and to show His descent according to the flesh from Abraham. He, though not bound by the law, was circumcised on the eighth day (Luke 2:21), and received the sublime name expressive of His office, Jesus, i.e. Saviour. He was, as St. Paul says, "made under the law", i.e. He submitted to the MosaicDispensation, "that he might redeem them who were under the law: that we might receive the adoption of sons" (Galatians 4:4, 5). "The Christ, in order to fulfil all justice, was required to endure this humiliation, and bear in His body the stigma of the sins which He had taken upon Himself" (Fouard, A Life of Jesus, tr., I, 54). Thecircumcision took place, not in the Temple, though painters sometimes so represent it, but in some private house, where the Holy Family had found a rather late hospitality. The public ceremony in the synagogue, which is now the usage, was introduced later. Christmas was celebrated on 25 December, even in the early centuries, at least by the Western Church, whence the date was soon adopted in the East also. (See CHRISTMAS). Saint Chrysostom credits the West with the tradition, and St. Augustine speaks of it as well and long established. Consequently the Circumcision fell on the first of January. In the ages of paganism, however, the solemnization of the feast was almost impossible, on account of the orgies connected with the Saturnalian festivities, which were celebrated at the same time. Even in our own day the secular features of the opening of the New Year interfere with the religious observance of the Circumcision, and tend to make a mere holiday of that which should have thesacred character of a Holy Day. St. Augustine points out the difference between the pagan and the Christianmanner of celebrating the day: pagan feasting and excesses were to be expiated by Christian fasting and prayer(P.L., XXXVIII, 1024 sqq.; Serm. cxcvii, cxcviii). The Feast of the Circumcision was kept at an early date in theGallican Rite, as is clearly indicated in a Council of Tours (567), in which he Mass of the Circumcision is prescribed (Con. Tur., II., can. xvii in Labbe, V, 857). The feast celebrated at Rome in the seventh century was not theCircumcision as such, but the octave of Christmas. The Gelasian Sacramentary gives the title "In Octabas Domini", and prohibits the faithful from idolatry and the profanities of the season (P.L., LXXIV, 1061). The earliestByzantine calendars (eighth and ninth centuries) give for the first of January both the Circumcision and the anniversary of St. Basil. The Feast of the Circumcision was observed in Spain before the death of St. Isidore(636), for the "Regula Monachorum", X, reads: "For it hath pleased the Fathers to appoint a holy season from the day of the Lord's birth to the day of His Circumcision" (P.L., LXXXIII, 880). It seems, therefore, that the octavewas more prominent in the early centuries, and the Circumcision later.


It is to be noted also that the Blessed Virgin Mary was not forgotten in the festivities of the holy season, and theMass in her honour was sometimes said on this day. Today, also, while in both Missal and Breviary the feastbears the title "In Circumcisione Domini et Octav Nativitatis", the prayers have special reference to the Blessed Virgin, and in the Office, the responses and antiphons set forth her privileges and extol her wonderful prerogatives. The psalms for Vespers are those appointed for her feasts, and the antiphons and hymn of Laudskeep her constantly in view. As paganism passed away the religious festivities of the Circumcision became more conspicuous and solemn; yet, even in the tenth century, Atto, Bishop of Vercelli, rebuked those who profaned theholy season by pagan dances, songs, and the lighting of lamps (P.L. CXXXIV, 43). (See also NEW YEAR'S DAY.)

Sources

Acta SS., Jan., I, Sermo Faustini (describing secular festivities and Christian fasts; BUTLER, The Lives of the Saints, 1 Jan.; SMITH, Dict. of Christ. Antiquities, s.v.; DUCHESNE, Les origines du culte chrét. (tr. London, 1904), 273.

Tierney, John. "Feast of the Circumcision." The Catholic Encyclopedia. Vol. 3. New York: Robert Appleton Company, 1908.1 Jan. 2016 <http://www.newadvent.org/cathen/03779a.htm>.

SOURCE : http://www.newadvent.org/cathen/03779a.htm

Circumcism of Our Lord
and
Solemnity of Mary, Mother of God


Jesus was subjected to the sacrament of the Old Law: Circumcism eight days after his birth, during which he received the name announced by Gabriel to Mary. Obviously, there was no need for Jesus to be circumcised to be marked as one of the chosen ones of God, but He subjected Himself willingly and freely.



Many have listed reasons for Christ's circumcision. Concisely, as our Lord identified Himself with humanity by becoming a man, so He identified Himself with the Jews by unity of blood and religion and suffering, thus proving Himself to be that man foretold by the prophets.

Historically viewed, the Feast of the Circumcism is at the same time a celebration of the Octave of Christmas, of the Virgin Mother's special role in the Incarnation, as well as a penitential protest against the pagan excesses of the New Year.

More recently, emphasis has been placed on honoring Mary as the Mother of God on the first day of the year.

SOURCE : http://www.saintpatrickdc.org/ss/0101.shtml

January 1

The Circumcision of Our Lord

CIRCUMCISION 1 was a sacrament of the Old Law, and the first legal observance required by Almighty God of that people, which he had chosen preferably to all the nations of the earth to be the depositary of his revealed truths.—These were the descendants of Abraham, whom he had enjoined it, under the strictest penalties, 2 several hundred years before the giving of the law to Moses on Mount Sinai; and this on two several accounts: First, as a distinguishing mark between them and the rest of mankind. Secondly, as a seal to a covenant between God and that patriarch: whereby it was stipulated on God’s part to bless Abraham and his posterity; whilst on their part it implied a holy engagement to be his people, by a strict conformity to his laws. It was therefore a sacrament of initiation in the service of God, and a promise and engagement to believe and act as he had revealed and directed. Circumcision is also looked upon by St. Austin, and by several eminent modern divines, 3 to have been the expedient, in the male posterity of Abraham, for removing the guilt of original sin: which in those who did not belong to the covenant of Abraham, nor fall under this law, was remitted by other means, probably by some external act of faith.

This law of circumcision continued in force till the death of Christ: hence our Saviour being born under the law, it became him, who came to teach mankind obedience to the laws of God, to fulfil all justice, and to submit to it. Therefore, he was made under the law, that is, was circumcised, that he might redeem them that were under the law, by freeing them from the servitude of it; and that those, who were in the condition of servants before, might be set at liberty, and receive the adoption of sons in baptism; which by Christ’s institution, succeeded to circumcision. On the day he was circumcised he received the name of JESUS, the same which had been appointed him by the angel before he was conceived. 4 The reason of his being called JESUS is mentioned in the gospel: 5 For he shall save his people from their sins. This he effected by the greatest sufferings and humiliations; having humbled himself, as St. Paul says, 6 not only unto death, but even to the death of the cross; for which cause God hath exalted him, and hath given him a name which is above all names; that at the name of JESUS every knee should bow: agreeably to what Christ says of himself, 7 All power is given unto me in heaven and in earth. 8

Christ being not only innocent, but incapable of sin, could stand in no need of circumcision, as an expedient then in use for the remission of sin. He was pleased, however, to subject himself to this humbling and painful rite of the Mosaic dispensation for several reasons: as, First, to put an end in an honourable manner to a divine, but temporary, institution, by taking it upon his own person. Secondly, to prove the reality of his human body; which, however evident from this and so many other other actions and sufferings of his life, was denied by several ancient heretics. Thirdly, to prove himself not only the son of man, but of that man in particular of whose seed the Messiah was promised to come; thus precluding any future objection that might be raised by the Jews against his divine mission in quality of Messiah, under the pretence of his being an alien; and hereby qualifying himself for free conversation with them for their own spiritual advantage: setting us all a pattern of undergoing voluntarily several hardships and restraints, which, though not necessary on our own account, may be of great use to promote the good of others. Christ not being like other Jewish children, who could not know or fear the pain of circumcision, when they were going to suffer the operation, was perfectly sensible of it beforehand, and with calmness and intrepidity offered himself willingly to suffer the knife, and shed the first fruits of his sacred blood in this painful manner. Under the smart this divine infant shed tears, but not as other children; for by them, with the most tender love and compassion, he bewailed chiefly our spiritual miseries, and at the same time presented with joy his blood as the price of our redemption to his Father. Fourthly, by thus humbling himself under this painful operation, he would give us an early pledge and earnest of his love for us, of his compassion for our miseries, and of his utter detestation of sin. The charity and zeal which glowed in his divine breast, impatient, as it were, of delay, delighted themselves in these first fruits of humiliation and suffering for our sakes, till they could fully satiate their thirst by that superabundance of both, in his passion and death. With infinite zeal for his Father’s honour, and charity for us sinners, with invincible patience, and the most profound humility, he now offered himself most cheerfully to his Father to undergo whatever he was pleased to enjoin him. Fifthly, he teaches us by the example of voluntary obedience to a law that could not oblige him, to submit with great punctuality and exactness to laws of divine appointment; and how very far we ought to be from sheltering our disobedience under lame excuses and frivolous pretexts. Sixthly, by this ceremony, he humbled himself to satisfy for our pride, and to teach us the sincere spirit of humility. What greater humiliation can be imagined than for Him who is the eternal Son of God, in all things equal to his Father, to conceal these glorious titles under the appearance of a sinner? What a subject of confusion to us, who, being abominable criminals, are ashamed to pass for what we are, and desire to appear and be esteemed what we are not! Shall we not learn from this example of Christ to love humiliations, especially as we cannot but acknowledge that we deserve every reproach and all manner of contempt from all creatures? Seventhly, by beginning the great work of our salvation in the manner he was one day to finish it; suffering in his own person the punishment of sin, to deliver us from both sin and its punishment, he confounds the impenitence of sinners who will suffer nothing for their own sins; and inculcates the necessity of a spiritual circumcision, whereof the external was but the type and figure, as the apostle puts us in mind. 9

It is manifest, beyond all contradiction, from several texts of the Old Testament, 10 that men under that dispensation ought not to have rested in the external act alone, but should have aspired from the letter to the spirit, from the carnal to a spiritual circumcision. These texts, at the same time that they set forth its necessity, describe it as consisting in a readiness and willing disposition to conform to the will of God, and submit to it when known, in every particular. They in consequence require a retrenchment of all inordinate and superfluous desires of the soul, the keeping a strict guard and government over ourselves, a total abstinence from criminal, and a prudent reserve even in the lawful gratifications of sense and appetite. If such instances of spiritual circumcision were required of those under the Old Law, to qualify them for acceptance with God, can any thing less than the same entitle us Christians to the claim of spiritual kindred with faithful Abraham, and to share of that redemption which Christ began this day to purchase for us at the expense of his blood? We must cut off whatever inordinate or superfluous desires of riches, honours, or pleasures reign in our hearts, and renounce whatever holds us wedded to our senses or the world. Though this sacrifice required the last drop of our blood, we ought cheerfully to make it. The example of Christ powerfully excites us not to spare ourselves. A thousand irregular affections reign in our souls, and self-love is master there. This enemy is only to be expelled by compunction, watchfulness over ourselves, perfect obedience, humble submission to correction, voluntary self-denials, and patience under crosses. To these endeavours we must join earnest prayer for the necessary grace to discover, and courageously crucify whatever opposes the reign of the pure love of God in our affections. If we are conscious to ourselves of having taken a contrary course, and are of the unhappy number of the uncircumcised in heart; what more proper time to set about a thorough reformation, by cutting off whatever is inconsistent with, or prejudicial to the true Christian spirit, than this very day, the first of the new year? that so it may be a new year to us in the most Christian and beneficial sense of the word. 11

Wherefore, after having consecrated its first fruits to God, by the most sincere and fervent homage of praise and adoration; after having paid him the just tribute of thanksgiving for all his benefits, and in particular for the mercy by which he vouchsafes us still time to appease his anger, and serve him; it becomes us to allot some part of this day to tears of compunction for our past offences, and to the diving into the source of our spiritual sloth and other irregularities, with a view to the amendment of our lives, and the preventing of relapses: not contenting ourselves with general purposes, which cost self-love so little, the insufficiency of which our own experience has convinced us of; we must lay the axe to the root, and seriously resolve to decline to the best of our power, the particular occasions which have betrayed us into sin, and embrace the most effectual means of reformation of life and improvement in virtue. Every year ought to find us more fervent in charity; every day ought our soul to augment in strength, and be decked with new flowers of virtue and good works. If the plant ceases to grow, or the fruit to ripen, they decay of course, and are in danger of perishing. By a rule far more sacred, the soul which makes not a daily progress in virtue, loses ground: a dreadful symptom in the spiritual life.

The more intense ought our fervour to be, as we draw the nearer to the end of our course: So much the more, says the apostle, as you perceive the day to approach, 12 the day of retribution to each according to his works, which will be that of our death, which may be much nearer than we are willing to imagine. Perhaps we may not live to the end of this very year: it will be the case of thousands, who at this time are as regardless of it as we can be. What security can we have against a surprise, the consequences whereof are infinite and irretrievable, except that of a sincere and speedy conversion, of being upon our guard against temptations, of dedicating effectually this ensuing year and the remainder of our short lives to God, our last end and only good, and frequently imploring his grace and mercy. It is our blessed Saviour’s advice and injunction: Watch ye therefore; praying at all times,… that you may be accounted worthy … to stand before the Son of man. 13

The Christian’s devotion on this day ought to consist, first, in the solemn consecration of the first fruits of the year to God; and secondly, in honouring the mystery of the Incarnation of the Son of God, particularly his birth and circumcision. The church invites us on this day to unite our homages with the seraphic ardours and transports of devotion with which the glorious Mother of God assisted at these wonderful mysteries which we commemorate, but in which she acted herself so great a part. With what sentiments did Mary bear in her womb, bring forth, and serve her adorable son, who was also her God? with what love and awe did she fix her eyes upon him, particularly at his circumcision? who can express in what manner she was affected when she saw him subjected to this painful and humbling ceremony? Filled with astonishment, and teeming affections of love and gratitude, by profound adorations and praise she endeavoured to make him all the amends in her power, and the best return and acknowledgment she was able. In amorous complaints that he would begin, in the excess of his love, to suffer for us in so tender an age, and to give this earnest of our redemption, she might say to him: Truly thou art to me a spouse of blood. 14 With the early sacrifice Christ here made of himself to his Father, she joined her own, offering her divine son, and with and through him herself, to be an eternal victim to his honour and love, with the most ardent desire to suffer all things, even to blood, for the accomplishment of his will. Under her mediation we ought to make him the tender of our homages, and with and through this holy Redeemer, consecrate ourselves to God without reserve.

Note 1. In the ancient Sacramentary of the Roman church, published by Cardinal Thomasius, (the finishing of which some ascribe to Pope Gelasius I., others more probably to Leo. I., though the ground was doubtless the work of their predecessors,) this festival is called the Octave of our Lord’s Nativity. The same title is given to it in the Latin calendar (or rather collection of the gospels read at Mass throughout the year,) written above 900 years ago, presented to the public by F. John Fronteau, regular canon of St. Genevieve’s at Paris, and by Leo Allatius. The inference which Baillet draws from hence, that the mystery of our Lord’s circumcision was not then commemorated in the office of this day, is a notorious mistake. For Thomassin takes notice from Ivo of Chartres, that the word Octave here implies the circumcision of our Lord, which was performed on the eighth day after his birth: and in the above-mentioned Sacramentary express mention is made of the circumcision in the Secret of the Mass. In F. Fronteau’s calendar the gospel read on this day is the history of the circumcision given by St. Luke. An old Vatican MS. copy of St. Gregory’s Sacramentary, and that of Usuard’s Martyrology, kept at St. Germain-des-Près, express both the titles of the Octave day and of the circumcision.

  Durandus, in the 13th century, (Ration, offic. l. 6. c. 15.) John Beleth, a theologian of Paris, (c. 71.) and several missals of the middle ages, prescribe two masses to be said on this day, one on the circumcision, the other on the B. Virgin Mary. Micrologus (c. 39.) assigns this reason, that as the B. Virgin, who had so great a share in the birth of Christ, could not be mentioned in that solemn office, therefore a commemoration of her is deferred to the Octave day. The second Mass is now abolished; but in a great part of the office a regard is had to the B. Virgin. In F. Fronteau’s Roman calendar, after the title of the Octave is added, Natale S. Mariæ; for which Dom Martenne would have us read, S. Martinæ; but without grounds. For, as Pope Benedict XIV. observes, (Comment. de Festis Domine, c. 1.) the original unquestionably means a festival of the B. Virgin Mary. The word Natale, which was used originally for the birth-day of the Emperors, was afterwards taken for any annual feast. 
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Note 2. Gen. xvii. [back]

Note 3. Grounding their opinion on Gen. xvii. 14, &c. [back]

Note 4. Luke i. 31. [back]

Note 5. Matt. i. 21. [back]

Note 6. Phil. ii. 8–10. [back]

Note 7. Matt. xxviii. 18. [back]

Note 8. The Jews generally named their children on the day of their circumcision, but this was not of precept. There are several instances of children named on the day of their birth, (Gen. xxx.) which could not be that of their circumcision by an express law requiring the interval of eight days from their birth; the child being presumed too weak and delicate to undergo the operation sooner, without danger of its life. It seems to have been the practice among the Jews for children to be circumcised at home: nor was a priest the necessary or ordinary minister, but the father, mother, or any other person could perform the ceremony, as we see in the time of Abraham (Gen. xvii.; Acts vii.) and of the Maccabees (1 Mac. 1.) St. Epiphanius (Hær. 20.) Whence F. Avala, in his curious work entitled Pietor Christianus, printed at Madrid in 1730, shows that it is a vulgar error of painters who represent Christ circumcised by a priest in the temple. The instrument was sometimes a sharp stone, (Exod. iv.; Jos. v.) but doubtless most frequently of iron or steel. [back]

Note 9. Rom. ii. 29. [back]

Note 10. Deut. x. 16; xxx. 6; Jer. iv. 4. [back]

Note 11. The pagan Romans celebrated the Saturnalia, or feast of Saturn, from the 17th of December during seven days: at which time slaves dined with their Masters, and were allowed an entire liberty of speech, in the superstitious remembrance of the golden age of the world, in which no distinction of ranks was yet known among men. (Macrob. l. 1. c. 10. Horat. &c.) The calends also of January were solemnized with licentious shows in honor of Janus and the goddess Strenia; and it is from those infamous diversions, that among Christians are derived the profane riots of new year’s day, twelfthtide, and shrovetide, by which many pervert these times into days of sin and intemperance. Several councils severely condemn these abuses; and the better to prevent them, some churches formerly kept the 1st of January a fast-day, as it is mentioned by St. Isidore of Seville (lib. 2. offic. c. 40.) Alcuin (lib. de div. offic.) &c. Dom Martenne observes (lib. de antiquis ritibus in celebr. div. offic. c. 13.) that on this account the second council of Tours in 567, ordered that on the calends of the circumcision the litany be sung, and high mass begun only at the eighth hour, that is, two in the afternoon, that it might be finished by three, the hour at which it was allowed to eat on the fasts of the stations. We have among the works of the fathers many severe invectives against the superstitions and excesses of this time. See St. Austin, (serm. 198. in hunc diem.) St. Peter Chrysologus, (serm. in calendas,) St. Maximus of Turin, (Hom. 5. apud Mabill. in Musæo Italico,) Faustinus the Bishop, (apud Boland. hac die. p. 3.) &c. The French name Etrennes is Pagan, from strenæ, or new year gifts, in honour of the goddess Strenia. The same in Poitou and Perche, anciently the country of the Druids, is derived from their rites. For the Poitevins for Etrennes use the word Auguislanneuf, and the Percherons, Equilans, from the ancient cry of the Druids, Au guy l’an neuf, i. e. Ad viscum, annus novus, or to the mistletoe the new year, when on new year’s day the Pagans went into the forests to seek the mistletoe on the oaks. See Chatelain, notes on the Martyr. Jan. 1. p. 7.

  The ancients began the year, some from the autumnal, others from the vernal equinox. The primitive patriarchs from that of autumn, that is, from the month called by the Hebrews Tisri, which coincides with part of our September and October. Hence it seems probable that the world was created about that season; the earth, as appears from Gen. iii. 2, being then covered with trees, plants, fruits, seeds, and all other things in the state of their natural maturity and perfection. The Jews retained this commencement of the year, as a date for contracts and other civil purposes; as also for their sabbatical year and jubilee. But God commanded them to begin their ecclesiastical year, or that by which their religious festivals were regulated, from the spring equinox, or the Hebrew month Nisan, the same with part of our March and April, Exod. xii. 2. Christian nations commenced the year, some from the 25th of March, the feast of the Annunciation, and bordering upon the spring equinox; others from Christmas; others from its octave day, the first of January, in which our ancestors have often varied their practice. Europe is now agreed in fixing the first of January for this epoch.

  The Julian year, so called from Julius Cæsar, from whom the Roman calendar received its last reformation, consisted of 365 days, and six hours, which exceed the true solar year by 11 minutes; for astronomers compute the yearly revolution of the sun not to exceed 365 days, 5 hours, 48 minutes, and 37 seconds, according to Cassini, but according to Keil 57 seconds, or almost 49 minutes. This error, becoming daily more sensible, would have occasioned the autumal equinox to have at length fallen on the day reckoned the solstice, and in process of time, on that held for the vernal equinox. The Golden number, or Grecian cycle of the lunar years, was likewise defective. To remedy both which, Pope Gregory XIII. in 1582, established the new style. Scaliger, Tachet, and Cassini, have demonstrated that cycles might be chosen still more exact by some few seconds; however, this adopted by Pope Gregory, besides being the easiest in the execution, admits of no material error, or sensible inconveniency. This correction of the style was received by act of parliament, in Great Britain, in 1752; for the promoting of which great praise is due to the two illustrious ornaments of the republic of letters, the Earls of Chesterfield and Macclesfield. 
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Note 12. Heb. x. 25. [back]

Note 13. Luke xxi. 36. [back]

Note 14. Exod. iv. 25. [back]

Rev. Alban Butler (1711–73).  Volume I: January. The Lives of the Saints.  1866.


SOURCE : http://www.bartleby.com/210/1/011.html