vendredi 30 mars 2012

Sant JEAN CLIMAQUE, abbé



Saint Jean Climaque icône du XIIIe siècle (Novgorod) 
Иоанн Лествичник. Фрагмент новгородской иконы «Иоанн Лествичник, Георгий и Власий».
 Государственный Русский музей, Санкт-Петербург, Россия.


SAINT JEAN CLIMAQUE

Abbé

(525-605)

Le nom de ce Saint lui vient du beau livre qu'il composa sous le titre grec de Climax ou Échelle du Ciel. La Palestine fut son premier séjour. A seize ans, il quitta le monde pour se donner entièrement à Dieu dans un monastère du mont Sinaï. A dix-neuf ans, le jeune moine, sous la conduite d'un saint religieux nommé Martyrius, travailla sans relâche à sa perfection et y fit des progrès si rapides qu'ils étonnaient son maître lui-même.

A la mort de son maître, Jean se retira dans une solitude profonde, afin d'y mener une vie plus parfaite encore. Une croix de bois, une table formée de quatre planches grossières et le livre des Saintes Écritures, avec quelques ouvrages des saints Pères, en faisaient tout l'ameublement. C'est là qu'il vécut quarante ans, de la vie d'un ange plutôt que de la vie d'un homme.

Détaché du monde, affranchi pour ainsi dire du corps par la mortification, il s'élevait librement jusqu'à Dieu, s'abîmait en des contemplations sublimes et s'entretenant suavement avec les anges des mystères de la foi. Ses deux yeux étaient deux fontaines de douces larmes qu'il versait dans le secret de la solitude. Il eût voulu noyer dans ses pleurs tous les crimes de la terre; il gémissait aussi sur son trop long exil et soupirait après la Patrie céleste; mais le plus souvent ses larmes étaient des larmes de joie, d'admiration et de débordant amour, excitées par la contemplation des merveilles divines qui lui étaient révélées.

Est-il étonnant que, nouveau Jean-Baptiste, il vît les foules accourir à lui pour recevoir les leçons de la pénitence et de la vie chrétienne? A chacun il traçait des règles salutaires; sa bénédiction guérissait les malades, fortifiait les faibles, consolait les affligés, touchait les obstinés et les convertissait plus que les raisonnements de la science.

Grande était la puissance de Jean Climaque contre le démon; il sut le vaincre et le décourager dans les combats qu'il eut à subir de sa part; il fut terrible aussi à l'ennemi du salut en le chassant de l'âme de ses frères. Un solitaire nommé Isaac, vint se jeter à ses pieds, le suppliant de le délivrer des obsessions impures dont le démon le pressait sans relâche: "La paix soit avec vous, mon frère!" dit le Saint. A ces mots, il se mit avec lui en prière. Le visage du Saint devint resplendissant d'une clarté céleste qui se répandait dans la grotte, et le démon poussait d'affreux rugissements. La prière terminée, Isaac se releva paisible et délivré pour toujours.

Jean Climaque fut élu, à soixante-quinze ans, abbé du Sinaï, et devint de plus en plus l'ange et l'oracle du désert jusqu'à sa mort.

Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950.

SOURCE : http://magnificat.ca/cal/fr/saints/saint_jean_climaque.html


Saint Jean Climaque, abbé

Il venait de Palestine quand, vers l’âge de seize ans il se rendit au monastère de Raithu, au pied du Sinaï, attiré qu’il était par la réputation des moines du lieu. Après vingt ans de vie en communauté, Jean en vécut le même nombre en solitude. Il est élu abbé du monastère Sainte-Catherine du Sinaï à soixante ans. Vers la fin de sa vie, on lui demande de rédiger "L'Echelle Sainte" (en grec "klimax", d'où son nom) qui résume l'expérience spirituelle des trois premiers siècles du monachisme. Dans cet ouvrage, Jean décrit les degrés que le moine devra monter pour parvenir à la rencontre avec Dieu, ajoutant peu à peu, selon ses dires, «jour après jour, le feu au feu et le désir au désir». Jean Climaque mourut vers 649


SOURCE : http://www.paroisse-saint-aygulf.fr/index.php/prieres-et-liturgie/saints-par-mois/icalrepeat.detail/2015/03/30/14471/-/saint-jean-climaque-abbe


BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 11 février 2009

Jean Climaque


Chers frères et sœurs,

Après vingt catéchèses consacrées à l'Apôtre Paul, je voudrais reprendre aujourd'hui la présentation des grands Ecrivains de l'Eglise d'Orient et d'Occident de l'époque médiévale. Et je propose la figure de Jean, dit Climaque, translittération latine du terme grec klímakos, qui signifie de l'échelle (klímax). Il s'agit du titre de son œuvre principale, dans laquelle il décrit l'ascension de la vie humaine vers Dieu. Il naquit vers 575. Sa vie se déroula donc pendant les années où Byzance, capitale de l'empire romain d'Orient, connut la plus grande crise de son histoire. A l'improviste, le cadre géographique de l'empire se transforma et le torrent des invasions barbares fit s'effondrer toutes ses structures. Seule tint bon la structure de l'Eglise, qui continua pendant ces temps difficiles à exercer son action missionnaire, humaine et socio-culturelle, en particulier à travers le réseau des monastères, dans lesquels œuvraient de grandes personnalités religieuses, comme celle, précisément, de Jean Climaque.

Jean vécut et raconta ses expériences spirituelles dans les montagnes du Sinaï, où Moïse rencontra Dieu et Elie en entendit la voix. On conserve des informations le concernant dans une brève Vita (pg 88, 596-608), écrite par le moine Daniel de Raito: à seize ans, Jean, devenu moine sur le mont Sinaï, y devint le disciple de l'abbé Martirio, un "ancien"; c'est-à-dire un "sage". Vers vingt ans, il choisit de vivre en ermite dans une grotte au pied de la montagne, dans un lieu appelé Tola, à huit kilomètres du monastère de Sainte-Catherine. Mais la solitude ne l'empêcha pas de rencontrer des personnes souhaitant avoir une direction spirituelle, ainsi que de se rendre en visite dans plusieurs monastères à Alexandrie. En effet, sa retraite d'ermite, loin d'être une fuite du monde et de la réalité humaine, déboucha sur un amour ardent pour les autres (Vita 5) et pour Dieu (Vita 7). Après quarante ans de vie érémitique vécue dans l'amour pour Dieu et pour son prochain, des années pendant lesquelles il pleura, il pria, il lutta contre les démons, il fut nommé higoumène du grand monastère du mont Sinaï et revint ainsi à la vie cénobitique, dans un monastère. Mais, quelques années avant sa mort, nostalgique de sa vie d'ermite, il laissa à son frère, moine dans le même monastère, la conduite de la communauté. Il mourut après 650. La vie de Jean se développe entre deux montagnes, le Sinaï et le Thabor, et on peut vraiment dire que de lui rayonna la lumière vue par Moïse sur le Sinaï et contemplée par les trois apôtres sur le Thabor.

Il devint célèbre, comme je l'ai déjà dit, pour l'œuvre intitulée l'Echelle (klímax), qualifiée en Occident comme Echelle du paradis (pg 88, 632-1164). Composée sur la requête insistante du proche higoumène du monastère de Raito au Sinaï, l'Echelle est un traité complet de vie spirituelle, où Jean décrit le chemin du moine depuis le renoncement au monde jusqu'à la perfection de l'amour. C'est un chemin qui - selon ce livre - se développe à travers trente marches, chacune d'elle étant liée à la suivante. Le chemin peut être synthétisé en trois phases successives: la première s'exprime dans la rupture avec le monde dans le but de retourner à l'état de l'enfance évangélique. L'essentiel n'est donc pas la rupture, mais le lien avec ce que Jésus a dit, c'est-à-dire revenir à la véritable enfance dans un sens spirituel, devenir comme les enfants. Jean commente: "Une bonne fondation est celle qui est formée par trois bases et par trois colonnes: innocence, jeûne et chasteté. Que tous les nouveau-nés en Christ (cf. 1 Co 3, 1) commencent par ces choses, en prenant exemple de ceux qui sont nouveau-nés physiquement" (1, 20; 636). Le détachement volontaire des personnes et des lieux chers permet à l'âme d'entrer en communion plus profonde avec Dieu. Ce renoncement débouche sur l'obéissance, qui est une voie vers l'humilité à travers les humiliations - qui ne manqueront jamais - de la part des frères. Jean commente: "Bienheureux celui qui a mortifié sa propre volonté jusqu'à la fin et qui a confié le soin de sa propre personne à son maître dans le Seigneur: en effet, il sera placé à la droite du Crucifié!" (4, 37; 704).

La deuxième phase du chemin est constituée par le combat spirituel contre les passions. Chaque marche de l'échelle est liée à une passion principale, qui est définie et diagnostiquée, avec l'indication de la thérapie et avec la proposition de la vertu correspondante. L'ensemble de ces marches constitue sans aucun doute le plus important traité de stratégie spirituelle que nous possédons. La lutte contre les passions revêt cependant un caractère positif - elle ne reste pas une chose négative - grâce à l'image du "feu" de l'Esprit Saint: "Que tous ceux qui entreprennent cette belle lutte (cf. 1 Tm 6, 12), dure et ardue [...], sachent qu'ils sont venus se jeter dans un feu, si vraiment ils désirent que le feu immatériel habite en eux" (1, 18; 636). Le feu de l'Esprit Saint qui est feu de l'amour et de la vérité. Seule la force de l'Esprit Saint assure la victoire. Mais selon Jean Climaque, il est important de prendre conscience que les passions ne sont pas mauvaises en soi; elles le deviennent en raison du mauvais usage qu'en fait la liberté de l'homme. Si elles sont purifiées, les passions ouvrent à l'homme la voie vers Dieu avec des énergies unifiées par l'ascèse et par la grâce et, "si celles-ci ont reçu du Créateur un ordre et un début..., la limite de la vertu est sans fin" (26/2, 37; 1068). La dernière phase du chemin est la perfection chrétienne, qui se développe dans les dernières sept marches de l'Echelle. Il s'agit des stades les plus élevés de la vie spirituelle, dont peuvent faire l'expérience les "ésicastes", les solitaires, ceux qui sont arrivés au calme et à la paix intérieure; mais ce sont des stades accessibles également aux cénobites les plus fervents. Des trois premiers - simplicité, humilité et discernement - Jean, dans le sillage des Pères du désert, considère le dernier le plus important, c'est-à-dire la capacité de discerner. Chaque comportement doit être soumis au discernement; en effet, tout dépend des motivations profondes, qu'il faut évaluer. On entre ici dans le vif de la personne et il s'agit de réveiller chez l'ermite, chez le chrétien, la sensibilité spirituelle et le "sens du cœur", dons de Dieu: "Comme guide et règle en toute chose, après Dieu, nous devons suivre notre conscience" (26/1,5;1013). C'est de cette manière que l'on atteint la tranquillité de l'âme, l'esichía, grâce à laquelle l'âme peut se pencher sur l'abîme des mystères divins.

L'état de calme, de paix intérieure, prépare l'"ésicaste" à la prière, qui chez Jean, est double: la "prière corporelle" et la "prière du cœur". La première est propre à celui qui doit s'aider de gestes du corps: tendre les mains, émettre des gémissements, se frapper la poitrine, etc. (15, 26; 900); la deuxième est spontanée, car elle est l'effet du réveil de la sensibilité spirituelle, don de Dieu à ceux qui se consacrent à la prière corporelle. Chez Jean, elle prend le nom de "prière de Jésus" (Iesoû euché), et est constituée par l'invocation du seul nom de Jésus, une invocation continue comme la respiration: "Que la mémoire de Jésus ne fasse qu'une seule chose avec ta respiration, et alors, tu connaîtras l'utilité de l'esichía", de la paix intérieure (27/2, 26; 1112). A la fin, la prière devient très simple, simplement le nom "Jésus" qui ne fait qu'un avec notre respiration.

Le dernier degré de l'échelle (30), teinté de "la sobre ivresse de l'Esprit", est consacré à la suprême "trinité des vertus": la foi, l'espérance et surtout la charité. De la charité, Jean parle également comme éros (amour humain), figure de l'union matrimoniale de l'âme avec Dieu. Et il choisit encore l'image du feu pour exprimer l'ardeur, la lumière, la purification de l'amour pour Dieu. La force de l'amour humain peut être redirigée vers Dieu, de même que sur l'olivier sauvage peut être greffé l'olivier franc (cf. Rm 11, 24) (15, 66; 893). Jean est convaincu qu'une intense expérience de cet éros fait progresser l'âme beaucoup plus que le dur combat contre les passions, car sa puissance est grande. Ainsi prévaut le positivisme sur notre chemin. Mais la charité est considérée également en relation étroite avec l'espérance: "La force de la charité est l'espérance: grâce à elle, nous attendons la récompense de la charité... L'espérance est la porte de la charité... L'absence d'espérance anéantit la charité: c'est à elle que sont liés nos efforts, c'est par elle que sont soutenus nos labeurs, et c'est grâce à elle que nous sommes entourés par la miséricorde de Dieu" (30, 16; 1157). La conclusion de l'Echelle contient la synthèse de l'œuvre avec des paroles que l'auteur fait prononcer à Dieu lui-même: "Que cette échelle t'enseigne la disposition spirituelle des vertus. Je me tiens au sommet de cette échelle, comme le dit mon grand initié (saint Paul): Maintenant donc demeurent foi, espérance, charité, ces trois choses, mais la plus grande d'entre elles, c'est la charité (1 Co 13, 13)!" (30, 18; 1160).

A ce point, une dernière question s'impose: l'Echelle, œuvre écrite par un moine ermite qui a vécu il y a mille quatre cents ans, peut-elle encore nous dire quelque chose aujourd'hui? L'itinéraire existentiel d'un homme qui a toujours vécu sur le mont Sinaï à une époque si lointaine peut-il être d'une quelconque actualité pour nous? Dans un premier temps, il semblerait que la réponse doive être "non", car Jean Climaque est trop loin de nous. Mais, si nous observons d'un peu plus près, nous voyons que cette vie monastique n'est qu'un grand symbole de la vie baptismale, de la vie de chrétien. Elle montre, pour ainsi dire, en lettres capitales ce que nous écrivons jour près jour en lettres minuscules. Il s'agit d'un symbole prophétique qui révèle ce qu'est la vie du baptisé, en communion avec le Christ, avec sa mort et sa résurrection. Pour moi, il est particulièrement important que le sommet de l'"échelle", que les derniers degrés soient dans le même temps les vertus fondamentales, initiales, et les plus simples: la foi, l'espérance et la charité. Il ne s'agit pas de vertus uniquement accessibles à des champions de la morale, mais des dons de Dieu à tous les baptisés: en elles croît également notre vie. Le début est également la fin, le point de départ est également le point d'arrivée: tout le chemin va vers une réalisation toujours plus radicale de la foi, de l'espérance et de la charité. Dans ces vertus, est présente toute la montée. La foi est fondamentale, car cette vertu implique que je renonce à mon arrogance, à ma pensée; à la prétention de juger seul, sans m'appuyer sur les autres. Ce chemin vers l'humilité, vers l'enfance spirituelle, est nécessaire: il faut surmonter l'attitude d'arrogance qui fait dire: j'en sais plus, à mon époque du xxi siècle, que ce que pouvaient savoir les hommes de l'époque passée. Il faut en revanche s'en remettre uniquement à l'Ecriture Sainte, à la Parole du Seigneur, contempler avec humilité l'horizon de la foi, pour entrer ainsi dans l'étendue immense du monde universel, du monde de Dieu. De cette façon notre âme croît, la sensibilité du cœur vers Dieu croît. Jean Climaque dit à juste titre que seule l'espérance nous rend capables de vivre la charité. L'espérance dans laquelle nous transcendons les choses de tous les jours, nous n'attendons pas le succès de nos jours terrestres, mais nous attendons à la fin la révélation de Dieu lui-même. Ce n'est que dans cet élargissement de notre âme, dans cette auto-transcendance que notre vie devient grande et que nous pouvons supporter les peines et les déceptions de chaque jour, que nous pouvons être bons avec les autres sans attendre de récompense. Ce n'est que si Dieu existe, cette grande espérance à laquelle je tends que je peux, chaque jour, accomplir les petits pas de ma vie et apprendre ainsi la charité. Dans la charité se cache le mystère de la prière, de la connaissance personnelle de Jésus: une prière simple, qui tend uniquement à toucher le cœur du Maître divin. Et ainsi, on ouvre son cœur, on apprend de Lui la même bonté, le même amour. Utilisons donc cette "montée" de la foi, de l'espérance et de la charité; nous parviendrons ainsi à la vraie vie.

* * *

Je suis heureux de saluer les pèlerins francophones, notamment la délégation des consuls honoraires, accompagnée par Son Éminence le Cardinal Philippe Barbarin, Archevêque de Lyon, la Communauté de l’Arche « l’Olivier » de Rennes qui fête cette année ses vingt ans d’existence, ainsi que tous les jeunes, en particulier ceux des collèges La Rochefoucauld et Fénelon Sainte-Marie de Paris. Bon pèlerinage à tous !

© Copyright 2009 - Libreria Editrice Vaticana

SOURCE : : http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2009/documents/hf_ben-xvi_aud_20090211_fr.html

Saint Jean Climaque

Higoumène des moines du Sinaï (✝ 605)

Il venait de Palestine quand il se rendit au monastère Sainte Catherine du Sinaï. Il avait 16 ans et il y restera 19 ans sous la direction d'un moine vénérable qui lui apprend la vie parfaite. Un jour, ce dernier l'emmène auprès d'abba Jean le Sabaïte, ascète respecté. Celui-ci verse de l'eau dans un bassin et lave les pieds de Jean, et non pas du vénérable vieillard. Interrogé pourquoi, Jean le Sabaïte répond: "J'ai lavé les pieds de l'higoumène du Sinaï." La prophétie devait se réaliser quelques décennies plus tard. En attendant, son maître étant mort, Jean se retire au désert durant 40 ans. Il ne refuse jamais de donner quelques conseils et quelques enseignements quand on vient le trouver. Des envieux le traitant de bavard, Jean comprend qu'on enseigne plus par les œuvres que par les paroles. Il rentre alors dans le silence. On devra le supplier de reprendre ses enseignements, ce qu'il fera par miséricorde. Après avoir longuement visité les monastères de l'Égypte, il revient au Sinaï et c'est à ce moment qu'il est élu higoumène du monastère Sainte Catherine. Vers la fin de sa vie, on lui demande de rédiger "L'Échelle Sainte" (en grec "klimax", d'où son nom) qui résume l'expérience spirituelle des trois premiers siècles du monachisme. "Ne cherche pas à beaucoup parler quand tu pries, de peur que ton esprit ne se distraie à chercher les mots." disait-il souvent. Ce livre est une véritable somme de la spiritualité monastique, et lui donna dans l'Église byzantine la première place parmi les docteurs mystiques. Son échelle devint si populaire que le tsar Ivan le Grand en fit un clocher au Kremlin de Moscou pour rappeler aux hôtes du palais qu'eux aussi ont une destinée surnaturelle.

Pour Jean, a souligné Benoît XVI à l'audience générale du 11 février 2009, "si les passions ne sont pas en elles-mêmes mauvaises, elles le deviennent par le mauvais usage qu'en fait la liberté humaine. Purifiées, elles ouvrent à l'homme le chemin vers Dieu en unissant ascèse et grâce"... La paix intérieure prépare à la prière, que saint Jean divise en prière du corps et prière du coeur. "Le dernier échelon... est consacré à la foi et à l'espérance, mais plus encore à la charité, qui pour lui est amour, union de l'âme avec Dieu". Il était convaincu, a précisé Benoît XVI, "qu'un intense expérience de cet Eros fait avancer l'âme vers Dieu encore mieux que le combat contre les passions, tant est grande sa force". (source: VIS)

Au mont Sinaï, en 649, saint Jean, abbé, qui mérita le surnom de Climaque en raison du précieux traité intitulé “L’échelle du paradis”, qu’il composa pour la formation des moines: il y décrit l’itinéraire spirituel à la manière d’une montée vers Dieu à travers trente degrés.

Martyrologe romain

SOURCE : http://nominis.cef.fr/contenus/saint/889/Saint-Jean-Climaque.html


JEAN CLIMAQUE

(entre 580-680)

I. LA VIE

Avec les moines de Gaza : Barsanuphe, Jean et Dorothée, nous étions au sud de la Palestine, dans la première moitié du cinquième siècle. Ils sont contemporains de saint Benoît. Avec Jean Climaque, nous sommes encore plus au sud, dans la presqu'île du Sinaï, et près d'un siècle plus tard, car la vie de Jean Climaque se situe à peu près entre 580 et 680.

"A peu près", car nous avons peu de renseignements sur sa vie. Nous ne la connaissons que par un court écrit du moine Daniel de Raïthou qui prétend être contemporain de Jean, mais qui ignore de quel pays il vient !

Nous savons que Jean a reçu une bonne formation intellectuelle. A l'âge de seize ans, sa pensée est déjà bien mûrie, et le voilà novice. Il se met à l'école d'un ancien du monastère du Mont Sinaï. Il reçoit la tonsure monastique, et devient moine à vingt ans.

Son père spirituel meurt, et Jean s'en va mener la vie solitaire à Tholas, au pied de la sainte Montagne. Il se retire dans une grotte, un peu à l'écart du groupe d'anachorètes qui vivaient à cet endroit. Il y fait l'expérience de l'acédie, mais aussi du don des larmes et de la prière continuelle. Il y restera quarante ans.

Pourtant il voyage un peu et va voir les moines d'Egypte - Un monastère de pénitents où il séjourne un mois, lui fait une grande impression, et il en parlera abondamment dans son oeuvre.

Comme il arrive à tout homme de Dieu, il rayonne et s'attire des disciples. Il devient un père spirituel célèbre que beaucoup viennent consulter. On voit dans son oeuvre qu'il a beaucoup vu et encore plus entendu. Un moine du nom de Moïse devient son disciple. Ce rayonnement lui suscite des envieux, et on lui reproche son activité pastorale. Jean garde le silence durant un an, et par son humble patience, gagne le coeur de ceux qui l'accusaient.

Il est alors choisi comme supérieur du monastère du Sinaï. C'est sans doute à cette époque qu'il rédige son ouvrage : "L'échelle sainte". Les siècles suivants l'appelleront : "Jean le Sinaïtique" ou "Jean Climaque", ce qui veut dire : "Jean de l'Echelle" (klimakis = échelle).

Moine à vingt ans, ermite durant quarante ans, puis supérieur durant des années, cela conduit Jean à un certain âge. Devenu vieux, il laisse sa charge à son frère Georges qui ne lui survivra que dix mois. Jean se retire à nouveau dans la solitude et meurt entre 650 et 680.

II. L'OEUVRE

Jean nous a donc laissé un écrit : L'"échelle sainte". C'est une oeuvre importante, plus par son contenu que par son volume, car ce n'est qu'un seul livre en trente chapitres. Il est suivi d'une "Lettre au Pasteur" qui est un petit traité à l'usage des supérieurs ou pères spirituels.

C'est une oeuvre importante, car elle est le produit d'une période de transition et de synthèse.

Transition, car nous voici à une époque où l'invasion arabe va bientôt déplacer le coeur du monachisme oriental vers l'Athos.

Synthèse, car Jean y recueille l'enseignement de ses devanciers : Pères du désert d'Egypte, Pères de Gaza, Cassien qu'il cite nommément. Et, comme l'avait fait celui-ci, il en tire un enseignement pour des cénobites.

Jean est un moine qui a fait l'expérience à la fois du terme de la vie spirituelle : la déification de l'homme par la Lumière incréée, et de la voie qui y achemine. C'est cette voie qu'il retrace pour ses moines, d'une manière essentiellement pratique.

Nous y retrouvons ce qu'il a reçu de la tradition : l'expérience pratique des Apophtegmes, l'écho de la doctrine d'Évagre sur les vices capitaux et sur les rapports de la praxis (ascèse et pratique des commandements) et de la théoria, la contemplation. Par ailleurs, son réalisme spirituel, son insistance sur l'obéissance et le discernement viennent d'une lecture méditée des oeuvres des moines de Gaza.

Il a lu aussi les Pères grecs de l'Age d'Or de la patristique, en a retenu le sens de la grandeur et de la fragilité de l'homme, et surtout celui de l'économie rédemptrice et de la théologie trinitaire.

C'est donc tout cela, une plénitude de la doctrine unie à un don de discernement remarquable qui donne une grande place à Jean Climaque dans l'Eglise orientale, parmi les docteurs de spiritualité et d'ascèse. Il faut s'approcher de lui comme un disciple s'approche d'un maître, voir ce que Dieu veut nous dire à travers son oeuvre, tout en étant conscient que comme il en était pour les apophtegmes et les oeuvres des Pères de Gaza, il ne s'agit pas d'un exposé complet de la vie spirituelle.

La présentation soulignée par le titre : "L'échelle", nous est familière. Nous en avons vu des degrés dans le discours de Pinufius, dans les Institutions de Cassien. Origène avait déjà présenté l'échelle de Jacob comme un symbole du progrès spirituel. Saint Benoît avait repris l'image, et à présent, Climaque va en retracer les étapes.

Quelles sont ces étapes ?

L'ÉCHELLE SAINTE

PLAN

I . Rupture avec le monde.

1) Le renoncement = Foi

2) Le détachement intérieur = Espérance

3) Le détachement extérieur = Charité


II . "Vie Pratique" : Ascèse.

A . Vertus fondamentales :

1) L'obéissance

2) La pénitence

3) Le souvenir de la mort

4) Le penthos

B . Lutte contre les passions :

1) De la colère à l'acédie

2) La gourmandise, la luxure, l'avarice

3) De l'insensibilité à l'orgueil

C . Couronnement de la "Vie Pratique" :

1) La simplicité

2) L'humilité

3) Le Discernement

III . "Théoria" : Union à Dieu.

1) L'hésychia

2) La prière

3) L'apathéia

4) La charité

III. LA DOCTRINE

Dans les degrés tracés par Jean Climaque, on peut voir trois grandes parties. La première se rapporte à la démarche de conversion qui est l'entrée au monastère.Les deux autres sont à rapporter aux deux divisions d'Évagre de la vie spirituelle en : "Vie Pratique" et "Théoria".

I. Rupture avec le monde

La première étape de la première partie est le renoncement au monde. Jean en donne trois motifs où l'on retrouve les trois degrés classiques : esclave, mercenaire, fils (Texte 1). Le renoncement est une démarche de foi qui sera pénible au début, mais il doit déboucher sur l'amour et la joie (Textes 2-3).

Puis Jean en donne les deux composantes : le détachement ou dépaysement intérieur que l'on peut rattacher à l'espérance (Texte 4) et le détachement ou dépayse-ment extérieur qu'il appelle l'exil volontaire, c'est l'entrée au monastère (Texte 5). On est alors mû par une charité effective.

II. Vie Pratique

Vient ensuite l'exposé de la "Vie Pratique" :

A. D'abord les vertus. Leur seul énoncé montre avec évidence la référence aux Pères du désert : obéissance, pénitence, souvenir de la mort et penthos. L'exposé de ces vertus est illustré par de nombreuses anecdotes ou souvenirs groupés au milieu des sentences.

L'exil volontaire étant l'entrée au monastère, Jean s'adresse maintenant à des moines, à des cénobites. Aussi place-t-il l'obéis-sance en premier et il s'y attarde beaucoup. L'obéissance est un acte de foi (Texte 6). Son importance vient de ce qu'elle doit normalement engendrer l'humilité et l'apatheia. Pour le prouver, Jean fait appel à ses souvenirs du monastère des Pénitents où il a séjourné un mois (Texte 7). Et voilà sa conclusion : (Texte 8). Il explique pourquoi l'obéissance produit l'humilité (Texte 9). Nous sommes bien dans l'optique des Pères du désert qui demandent à leurs disciples une obéissance sans condition à l'abba qu'ils ont choisi. Pour Jean la confiance dans le supérieur est à la base de l'obéissance (Textes 10-11).

Après deux chapitres sur la pénitence et la pensée de la mort, en suit un autre intitulé : "De l'affliction qui produit la joie". C'est le penthos : tristesse de ne pas avoir assez aimé (Texte 12) qui produit l'humilité (Texte 13), mais aussi des pleurs d'amour (Texte 14). Ces pleurs sont un don d'en-haut qui manifestent la présence et l'action de Dieu (Texte 15). C'est alors vraiment que le penthos peut être appelé : "affliction qui produit la joie" (Textes 16-17).

B. L'exposé de la "Vie Pratique" se poursuit par l'énumération des vices ou des vertus qui leur sont opposées . Jean parle de huit vices capitaux (13, 11), mais parmi tous les vices dont il traite, il n'est pas facile de dire quels ils sont. Ce ne sont pas tout-à-fait les mêmes que pour Évagre et Cassien. Il semble qu'il attache une importance particulière à six. Il les classe alors deux par deux selon les parties de l'âme telles que les donnait le stoïcisme : concernant l'"irascible", la colère et l'acédie ; le "concupiscible", c'est la gourmandise, ou plus exactement le "trop manger" (gastrimargie), et la luxure ; concernant le "raisonnable", c'est l'insensibilité, "négligence passée en habitude", et la vaine gloire et l'orgueil que Jean considère comme ne faisant qu'un, bien qu'il consacre à chacun un échelon de son échelle.

D'abord la colère. Pour Évagre elle était le plus gros obstacle à la prière ; ici aussi (Texte 18). Analogue à la colère est le ressentiment, autre forme de l'accueil des injures (Texte 19). De la colère naît la médisance, laquelle engendre le bavardage. A l'opposé, Jean fait l'éloge du silence (Texte 20). La colère et les vices qui en découlent entraînent l'acédie. Comme Évagre, Jean Climaque la qualifie de vice "le plus pesant de tous" ; lui aussi en fait un tableau pittoresque (Texte 21). La vie commune est d'un grand secours pour triompher de ces deux chefs de file des vices.

Puis viennent les vices qui ont pour cible le corps : gastrimargie et luxure auxquels Jean joint l'avarice. Le ventre (Texte 22). Celui qui l'a vaincu, dit Jean, "marche à grands pas vers la chasteté". Le quinzième degré de l'Echelle fait l'éloge de cette vertu (Texte 23). Elle vise donc à la transfiguration du corps et transforme l'amour humain en amour divin.

Les Pères du désert, Évagre et Cassien dénonçaient la vaine gloire et l'orgueil comme les vices les plus difficiles à déraciner. Ils viennent aussi à la fin du catalogue des vices de Jean ; la vaine gloire est présentée comme la mère de l'orgueil (Texte 24). L'orgueil qui se croit riche, est au fond le signe d'une grande pauvreté (Texte 25). Ces deux vices sont la perversion de toute vertu, et le "naufrage au port".

C. Au terme du combat contre les passions, Jean en montre le fruit : la "Vie Pratique" est couronnée par trois vertus : le discernement, la simplicité et l'humilité.

Le discernement : l'âme purifiée se connaît elle-même, et elle est en état de connaître la volonté de Dieu. Elle est entrée dans un monde nouveau où elle participe à la simplicité de Dieu (Texte 26). La fin de ce texte montre donc l'humilité unie à la simplicité. Elle est un don inappréciable de Celui qui a dit : "Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur". C'est l'imitation du Christ, la Porte du Royaume, un port tranquille. C'est elle que le moine doit épouser (Texte 27). Car elle est fille de Dieu (Texte 28).

III. La Theoria

Au sommet de l'Echelle, l'âme unifiée est alors apte à l'union à Dieu, à la Théoria. Jean la décrit à l'aide de quatre termes qui sont presque interchangeables : hésychia, prière, apathéia, charité. L'échelle de saint Benoît montrait l'humilité intérieure qui s'extériorisait dans le comportement du corps. Ici aussi, il n'y a plus lieu de distinguer le comportement et l'être.

L'hésychia est un genre de vie, mais aussi une disposition intérieure (Texte 29). C'est un culte perpétuel rendu à Dieu, c'est la prière continuelle (Texte 30). L'hésychia, incompatible avec la colère, la rancune, la vanité, réalise la vie angélique ; c'est un ciel intérieur, la résurrection anticipée (Texte 31).

La prière. Il y a toute une doctrine de la prière dans l'Echelle Sainte.

Chez les prédécesseurs de Jean la colère était l'ennemie de la prière. Pour lui aussi la prière se prépare par l'absence de rancune (Texte 32). La prière est affaire de foi (Texte 33). Elle n'est donc pas toujours facile (Texte 34). Comme l'indique le texte suivant, elle s'allie au réalisme de la vie concrète (Texte 35). La persévérance peut être considérée comme un fruit de la prière. (Texte 36). La prière a Dieu pour maître et c'est un don de Dieu (Texte 37). En elle, Dieu nous montre l'état de notre âme (Texte 38). Une caractéristique de Jean est son insistance sur une prière simple (Texte 39). Il recommande la prière "monologiste", prière d'une seule parole, l'invocation brève et répétée du nom de Jésus, jointe à notre souffle (27, 62). Cette répétition inlassable d'une invocation brève délivre l'âme de la multitude des pensées. Elle doit conduire peu à peu au constant souvenir de Dieu (Texte 40). On arrive ainsi à la prière continuelle qui, en retour, est alors propre à intensifier les moments réservés à l'oraison (Texte 41).

C'est alors l'envahissement du feu divin : "Certains sortent de la prière comme s'ils sortaient d'une fournaise ardente" (54). Voici qui nous rappelle aussi les apophtegmes : ceux où l'ancien devient feu ! Notre ange vient alors prier en nous (Texte 42). Texte précieux qui nous apprend à profiter de ces moments où la prière jaillit spontanément de notre coeur.

L'apathéia. L'âme est alors sans passion, tendue vers Dieu (Texte 43).

La charité : apathéia et charité sont un (Texte 44). L'hésychaste est alors entraîné dans l'abîme de la charité divine (Texte 45). Il y devient lui-même la demeure du Seigneur qui le transfigure (Texte 46).

A l'Echelle Sainte se rattache, comme une annexe, un autre petit écrit : conseils aux supérieurs et pères spirituels : "LE PASTEUR".

Le supérieur ou père spirituel est donc le pasteur (9-11), mais Jean le compare aussi au chien du pasteur (12). Egalement à un pilote, mais surtout à un médecin (14). Il n'a pas à s'attribuer le bien qu'il fait, mais qu'il le rapporte à la foi de ceux qu'il dirige. On a ici un écho des apophtegmes (Félix t. 12) et de Cassien (fin de la Conf. 1) (Texte 47). Comme dans les apophtegmes aussi, son enseignement doit s'adapter à chacun (36). Surtout, il lui faut s'identifier au Seigneur, le Christ (Texte 48). Celui-ci doit l'instruire au fond du coeur. Dès lors, il "porte en lui-même le livre spirituel de la connaissance, écrit par le doigt de Dieu, c'est-à-dire par l'opération de l'illumination qui vient de lui, et il n'a plus besoin d'autre livre" (5). Et dans le même sens, Jean conclut son livre par ces mots (Texte 49).

IV. CONCLUSION

On pourrait reprocher à Jean Climaque un certain accent sur le "Dieu de colère" ou le "Dieu gendarme". Ne va-t-il pas imputer à "l'impie Origène la maladie pernicieuse de mettre en avant l'amour de Dieu pour les hommes" ! (5, 52). Bien sûr il a ici en vue la théorie de l'apocatastase qui nie l'éternité de l'enfer, attribuée à tort plutôt qu'à raison à Origène. Mais c'est tout de même assez significatif ! Cette tendance n'apparaît pas dans le choix de textes présenté ici. Mais si on lit l'Echelle dans son entier, à première lecture, on peut être heurté par certaines sentences de Jean qui paraissent fort dures ; sa rigueur semble parfois presque inhumaine.

C'est d'abord que Jean est un pasteur. Comme Basile, il a souci que ses brebis ne s'égarent pas, qu'elles marchent d'un bon pas, et il se sert de la pointe de sa houlette pour les piquer. Mais aussi il y a chez lui la conviction que le moine est celui qui prend au sérieux l'Evangile, et le "plus" que celui-ci demande à qui veut être parfait. Jean met en valeur la "sainte violence évangélique". Celle-ci doit être chez le moine un feu qui ne doit pas s'éteindre. (Texte 50). Le moine ne doit donc pas se contenter d'être un chrétien honnête, mais il lui faut marcher à la suite du Christ, embrasser sa croix pour arriver à sa résurrection et à la déification de tout son être. Ce n'est pas du volontarisme, mais la logique du radicalisme évangélique, le sens des exigences d'un Dieu amour crucifié par amour, et la certitude de l'aide de la grâce.

Pourtant cet effort sera adapté à chacun. En disciple des Pères du désert, le discernement a sa place dans l'oeuvre de Jean. Si chacun doit faire tout son possible pour suivre l'Evangile dans sa radicalité, cela reste "son possible". Le discernement que Jean recommande au pasteur, tiendra compte à la fois de ce que Dieu demande, et des capacités de la personne.

Par ailleurs, l'humilité a la première place. Les moines les plus avancés ne sont pas ceux qui pensent être de grands ascètes ou de grands contemplatifs, mais ceux qui sont convaincus d'être des moines indignes et se disent sans cesse : "Je recommence". Le fondement de la vie spirituelle est pour lui le penthos, la pénitence. La fin en est la charité.

C'est dans cette perspective nuancée qu'il faut comprendre ce qui peut paraître outrancier dans la doctrine de Jean. Elle vise à la relation de l'homme avec Dieu, à sa transfiguration et à sa communion personnelle et totale avec son Créateur.

BIBLIOGRAPHIE

* Saint Jean Climaque : L'Echelle Sainte Spiritualité orientale, N 24.

* * Voir aussi : Dictionnaire de Spiritualité VIII, article "Jean Climaque"

SOURCE : http://users.skynet.be/am012324/studium/bresard/Climaq14.htm


Saint Jean Climaque

Lettre au Pasteur


1. Je vous ai donné, vénérable père, la dernière place dans ce petit livre de la terre; mais je ne doute nullement que vous ne soyez placé avant nous tous dans le livre du ciel, dans lequel Dieu inscrit les hommes selon leurs mérites. L'éternelle Vérité n’a-t-elle pas dit que ceux qui sont les derniers sur la terre par l'humilité du cœur, seront les premiers dans les cieux par l’éminence de leur gloire (Mt 20,16) ?

2. Le vrai pasteur est celui qui, par son habileté et par la pureté et la ferveur de ses prières, peut chercher, trouver, guérir et rétablir parfaitement un troupeau raisonnable de brebis, lequel s'était perdu par le dérèglement des passions.

3. Le pilote spirituel est celui qui, par la force et la vivacité des lumières et par la prudence qu'il a reçues de Dieu et qu'il s'est procurées par son application et son expérience, est capable, non seulement de sauver le vaisseau qu'il conduit de la fureur des flots de la mer, mais de le retirer de ses abîmes.

4. Le médecin spirituel est une personne qui, ayant le corps chaste et l'âme pure, n'a besoin ni du secours ni des remèdes des autres.

5. Le maître véritable est un homme qui possède les connaissances, les sciences et les vérités particulières que Dieu Lui-même a gravées dans son cœur par des inspirations et des lumières toutes spéciales, et qui n'a pas besoin d'aller chercher dans les livres ni dans l'érudition des autres une science qu'il a reçue lui-même de Dieu.

6. Il n'est pas moins honteux pour un docteur de puiser dans les autres les leçons qu'il donne aux personnes qu'il dirige et instruit, qu'il l'est pour un peintre de ne savoir faire des tableaux qu'en imitant ceux des autres peintres.

7. Ô vous donc qui donnez des instructions aux hommes, vous montez sur un lieu élevé pour être mieux entendu, sachez que comme vous instruisez vos semblables par le moyen des sens, c'est par l'Esprit de Dieu que vous devez vous instruire vous-même.

8. N'oubliez donc jamais cette parole de saint Paul : Je suis établi apôtre pour enseigner, non par les hommes ni par un homme, mais par Jésus Christ (Ga 1,12). En effet, est-ce la terre qui est chargée de donner des leçons au ciel ?

9. Un pilote habile sait conserver son vaisseau; un pasteur fidèle, après avoir éclairé le troupeau dont il s'est chargé, le rétablit et en prend soin; il se rappelle que le compte qu'il lui faudra rendre au tribunal du souverain Père de famille sera d'autant plus rigoureux et plus terrible, que les brebis qu'il aura dirigées auront été plus humbles, plus dociles et plus soumises. 10. Quant aux brebis qui se négligent, s'abandonnent à l'oisiveté et se livrent au dérèglement, il doit les corriger avec une certaine sévérité qui tout à la fois les humilie et les excite à mieux faire.

11. La marque et le signe d'un bon pasteur sont d'élever des mains suppliantes vers le ciel avec une ferveur toute nouvelle, et d'user d'une attention et d'une vigilance plus actives, lorsqu'il s'aperçoit que son troupeau, à cause de la chaleur ou plutôt à cause des ardeurs de la concupiscence, se relâche et ne marche plus d'un pas ferme dans les voies de Dieu; car il n'est point rare que les loups sortis de l'enfer ne profitent de ces circonstances malheureuses pour ravir et dévorer un grand nombre de brebis. Or, si dans le moment de cette épreuve elles se conduisent comme les brebis privées de raison, c'est-à-dire qu'elles abaissent la tête de leur orgueil vers la terre et qu'elles s'humilient, nous pourrons nous consoler par ces paroles de David : Un cœur broyé et humilié, Dieu ne le méprise point (Ps 50).

12. Les personnes que vous dirigez, se trouvent-elles tout d'un coup enveloppées dans la nuit obscure des passions et des tempêtes, le ciel lui-même semble-t-il ne leur présenter que des ténèbres épaisses ? faites alors, plus que jamais, l'office d'un chien vigilant et fidèle; veillez continuellement sur elles pendant cette nuit ténébreuse, et que vos cris et vos prières s'élèvent sans cesse vers le Seigneur, afin d'attirer sur vos frères les grâces précieuses dont ils ont besoin. Eh certes ! vous ne vous tromperez pas, si dans ces occasions vous vous regardez comme un nouvel Hercule destiné à donner la chasse à tous ces monstres et à toutes ces bêtes féroces qui menacent votre cher troupeau.

13. Ce n’est pas une petite marque de la Bonté de Dieu pour les hommes d'avoir fait qu'un malade, bien qu'il ne doive peut-être recevoir aucun soulagement réel de son médecin, se trouve néanmoins réjoui et satisfait en le voyant et rassuré par sa présence.

14. Vous, père admirable et digne de servir de modèle, ayez toujours avec vous toutes les amulettes et les remèdes dont vous pouvez avoir besoin pour vos malades spirituels : portez toujours les emplâtres, les cataplasmes, les poudres, les collyres, les médecines, les éponges, les eaux de senteur, les lancettes, les eaux fortes pour brûler, les caustiques, les onguents, les hypnotiques, tous les instruments de chirurgie et toutes les autres choses qui vous seront nécessaires pour les différentes opérations que vous aurez à faire; car si nous ne sommes pas munis de toutes ces choses, nous serait-il possible d'exercer avantageusement vis-à-vis de nos malades les fonctions et de remplir les devoirs de médecin ? Non, nous ne le pourrions pas. On ne paie pas aux médecins les paroles qu'ils disent, mais on leur donne des honoraires pour les actions, pour les démarches qu'ils font et pour les guérisons qu'ils opèrent.

L'emplâtre qu'on emploie et qui guérit le corps d'un mal extérieur est la figure et l'image du moyen dont on doit se servir pour guérir les maladies extérieures de l'âme; les remèdes pris intérieurement pour attaquer les fièvres et les autres maladies, nous représentent les remèdes spirituels qui purifient l'âme de ses souillures intérieures, et éteignent en elle les ardeurs de la concupiscence; le cataplasme est la figure des mépris et des humiliations qui mordent et déchirent le cœur pour en faire sortir le pus infect de la vaine gloire; le collyre est un médicament spirituel qu'on applique sur les yeux de l'âme, afin de les débarrasser de la poussière et du trouble de la colère, et de lui donner de l'intelligence; les potions amères sont l'image des reproches et des réprimandes qui par leur amertume salutaire tourmentent et fatiguent d'abord la nature, mais produisent ensuite une heureuse guérison; la phlébotomie spirituelle procure une évacuation prompte d'une humeur morbifique qui était dans notre cœur : car tout le monde sait qu'on emploie la saignée comme un moyen prompt et efficace pour préserver des maladies et pour procurer la santé; l'éponge du chirurgien nous fait connaître qu'ayant fait une opération douloureuse sur l'âme de nos frères, nous devons employer ensuite des paroles douces et compatissantes, afin d'adoucir la douleur que nous leur avons fait souffrir; la pierre infernale dont on se sert pour les cautères, est la figure des censures et d'autres peines canoniques que l'Église inflige à certains pécheurs pour les faire rentrer en eux-mêmes et les porter à la pénitence; les onctions qu'on fait sur un malade à qui l'on a fait une opération avec un fer chaud, nous avertissent avec quelle tendresse nous devons adresser des paroles de consolation aux personnes à qui nous avons été forcés de faire des corrections violentes; les narcotiques sont pour les supérieurs l'image des moyens qu'ils doivent employer pour alléger le fardeau de leurs inférieurs, pour leur rendre doux et léger le joug de l'obéissance, et pour leur cacher leurs bonnes actions, dans la crainte qu'un sentiment de vaine gloire ne leur en dérobe le mérite; les bandages nous font voir les liens dont il faut user pour enchaîner les personnes que nous connaissons être esclaves de la vanité et de l'ambition, afin qu'heureusement enchaînées par la modération, la patience et l'humilité, elles arrivent au port du salut; enfin on se sert du fer et du glaive, lorsque tous les autres remèdes sont inutiles, afin de retrancher les membres pourris et morts, d'empêcher que la contagion ne gagne les autres membres du corps, et de pouvoir au moins sauver la vie au malade.

15. Mais remarquons ici que si les malades sont assez heureux pour avoir des médecins à l'épreuve des mauvaises odeurs qui soulèvent le cœur, c'est un bien grand avantage pour eux et un véritable bonheur; mais seront-elles moins heureuses, les âmes qui auront pour pasteurs et pour directeurs des hommes exempts de l'esclavage des passions et possédant la paix et la tranquillité du cœur ? En effet comme les puanteurs les plus insupportables ne sont pas capables d'empêcher les médecins de tenter et d'employer les moyens qu'ils croient pouvoir procurer la guérison à leurs malades; de même les pasteurs des âmes ne craignent rien et se servent de tous les moyens qu'ils connaissent pour rappeler à la vie une âme privée de la grâce et réellement morte devant Dieu.

16. Cette cure ou plutôt cette résurrection a surtout lieu par les prières et les vœux du pasteur dans le temps qu'il administre à ses malades les remèdes qui conviennent à leur état respectif, et par une commisération toute paternelle qui le porte à compatir à leurs souffrances, à les partager et à les supporter avec eux. Mais il doit bien prendre garde qu'il ne lui arrive ce qui arriva misérablement à Jacob par rapport à Joseph et à ses frères. (cf. Gen 37,3-4) Ce malheur a lieu ordinairement lorsque les personnes que nous conduisons ne sont pas assez avancées dans la vertu, et qu'elles n'ont pas assez d'expérience pour discerner ce qui est bon de ce qui est mauvais, ou ce qui n'est ni bon ni mauvais.

17. Il est bien déshonorant pour un pasteur qui doit enseigner toutes les vertus à ses inférieurs, de demander à Dieu pour ses disciples une vertu qu'il n'a pas lui-même.

18. Comme les personnes qui ont coutume de paraître souvent en la présence d'un souverain et d'être du nombre de ceux qui ont l'honneur de jouir de son amitié et de sa bienveillance, peuvent facilement, si elles en ont la bonne volonté, réconcilier des serviteurs disgraciés avec le prince qui les avait rejetés, introduire devant lui les étrangers, et même quelquefois des ennemis, et leur procurer l'avantage de voir le roi, de contempler sa majesté et de recueillir ses faveurs; de même pensez et croyez qu'un pasteur ami de Dieu peut faire tout cela vis-à-vis de ses frères.

19. Ne voit-on pas que les amis mêmes du roi honorent les personnes qu'ils savent être le plus avancées dans son amitié, leur obéissent avec empressement, leur rendent avec zèle toute sorte de services, malgré les efforts que ces personnes font pour les en empêcher ? ainsi, comme vous devez en juger, il nous est utile et très avantageux que nous ayons pour directeurs des hommes qui soient les amis de Dieu; car rien ne peut plus efficacement nous faire avancer dans la vertu que ce secours puissant.

20. Un de ces véritables amis de Dieu me dit un jour : Bien que le Seigneur ne cesse de répandre ses dons avec abondance sur ses serviteurs, c'est surtout aux grands jours de fête destinés à célébrer les mystères que Jésus Christ a opérés pour nous, qu'il les leur accorde avec une surabondance extraordinaire.

21. Il est d'une nécessité indispensable pour un médecin spirituel d'être exempt de toutes les passions qui tyrannisent le cœur humain, et d'être maître de tous les mouvements de son propre cœur; de manière que, selon le besoin et les occasions, il puisse se servir des unes et profiter des autres pour remplir sa charge de supérieur. Mais il doit donner une attention particulière aux sentiments et aux mouvements de la colère qui est selon le Seigneur. S'il n'est pas entièrement et radicalement guéri des maladies de son âme, je vous le demande, comment pourra-t-il, dans certaines circonstances, ne pas faire quelque chute ?

22. J'ai remarqué qu'un jeune cheval qui n'est pas encore dompté, marche avec assez de calme et de tranquillité, quand on le retient en serrant la bride, mais que si on la lui lâche, il veut aussitôt se débarrasser de son cavalier. Or ce que nous disons ici de ce cheval, regarde deux mauvaises passions qu'on aura sûrement pas de peine à reconnaître, pourvu qu'on cherche à le faire.

23. Il pourra commencer à croire que Dieu lui a donné la science et la sagesse, le médecin spirituel qui aura guéri certaines maladies qui jusqu'alors avaient opiniâtrement résisté à toute sorte de remèdes.

24. Je ne vois pas qu'il faille admirer un maître qui a rendu savants et érudits des disciples d'un esprit vif et pénétrant et d'un cœur bon et docile; mais je juge digne de l'admiration publique le précepteur qui, n'ayant eu affaire qu'à des personnes bornées et stupides, les a néanmoins remplies de science et d'érudition. Dans le cirque on admire avec raison ceux qui avec des chevaux vils et méprisables, conduisent leurs chariots avec tant de précaution et d'habilité, qu'ils se préservent de tout accident fâcheux, parviennent heureusement au bout de la carrière et remportent la victoire. 25. Avez-vous assez de sagesse, de lumière et de prévoyance pour connaître les orages et les tempêtes ? Vous devez le dire franchement aux personnes qui veulent s'embarquer et faire voyage sur le vaisseau que vous conduisez : si vous ne le faites pas, vous devenez responsable de toutes les pertes qui sont les tristes résultats d'un naufrage; car tout le monde s'est reposé sur votre prudence pour les chances de la navigation et du voyage.

26. J'ai vu des médecins spirituels qui, pour avoir averti trop tard leurs malades des dangers qu'ils couraient, les ont exposés au dernier des malheurs et s'y sont exposés eux-mêmes; c'est aussi ce qui arrive à un pasteur des âmes.

27. Ainsi, plus il s'apercevra que les frères qui sont sous son autorité et sa direction, et même les étrangers qui viennent auprès de lui pour y trouver les moyens de salut, l'écoutent et lui obéissent avec une confiance aveugle et sans bornes, plus lui-même doit-il employer de soin et de vigilance dans ses paroles, dans ses actions et dans toute sa conduite; car il doit être bien convaincu que toutes ces personnes ont les oreilles et les yeux fixés sur lui, comme sur le modèle et la règle qu'elles doivent suivre dans la pratique de la vertu, et qu'elles se font une loi de marcher sur ses traces et de suivre le genre de vie qu'il mène.

28. C'est la charité qui distingue et fait connaître le vrai pasteur. Eh ! n'est-ce pas la charité qui a fait monter Jésus Christ sur la croix pour nous ?

29. Lorsque vous aurez des corrections à faire, faites-les avec douceur et bienveillance; car dans ces circonstances j'aime à croire qu'il n'est point nécessaire d'employer les moyens propres à imprimer aux cœurs la honte et la crainte.

30. Si cependant vous apercevez que votre silence serait criminel et pourrait exposer le malade à se perdre, vous êtes obligé de le reprendre avec la fermeté convenable et de ne pas craindre de lui faire de la peine. Hélas ! Il est souvent arrivé que des inférieurs ont cru par le silence de leur supérieur et par la bonté dont il usait envers eux, qu'ils suivaient le vrai chemin du ciel; et malheureusement ils sont demeurés dans cette funeste erreur jusqu'à ce que, rencontrant les écueils des tentations, ils y ont fait un triste naufrage.

31. Écoutons ici ce que le grand Apôtre dit à son cher Timothée : Reprends, lui dit-il, presse à temps et à contretemps (2 Tm 4,2). Or je pense qu'un supérieur reprend et presse ses inférieurs à temps, lorsqu'ils reçoivent de bon cœur ses corrections et ses remontrances, et savent en profiter; et qu'il les presse à contretemps, quand ses corrections ne servent qu'à les exaspérer à les irriter, et qu'ils n'en profitent pas. Mais quoique personne n'aille se désaltérer, les fontaines ne laissent pas de faire couler leurs eaux.

32. Il est une certaine pudeur naturelle qui s’empare quelquefois du cœur des supérieurs, et les empêche de reprendre avec la liberté convenable leurs inférieurs qui tombent dans quelques fautes; mais ils manquent alors à leur devoir d'une manière essentielle.

33. Que les pasteurs qui sont sujets à cette pusillanimité, imitent les professeurs; qu'ils donnent par écrit à leurs brebis spirituelles les avis et les corrections qu'ils craignent de leur donner de vive voix. Écoutons ce que le saint Esprit nous dit de certaines personnes : Coupez ce figuier; pourquoi occupe-t-il inutilement la terre ? (Lc 13,7); et ailleurs : Retranchez au plus tôt ce méchant du milieu de vous, (1 Co 5,13); et encore : Cessez de prier pour ce peuple. (Jér 7,16). Ce fut aussi la défense que Dieu fit à Samuel qui Le priait pour Saül (cf. 1 Rois 16,1). Or il faut que toutes ces sentences soient en quelque sorte familières à un pasteur, afin qu'il connaisse dans quel temps, à l'égard de quelles personnes et jusqu'à quel point il peut et doit s'y conformer et s'en servir. Car Dieu est la vérité par essence.

34. Une personne qui ne rougit pas lorsqu'on la reprend en particulier d'une faute qu'elle a faite, se fortifiera dans son impudence, si on la reprend publiquement. Elle a donc renoncé aux lumières et aux remords de sa conscience; elle a donc abandonné son salut.

35. Je comprends à présent une chose que j'ai vue bien des fois dans des religieux de bonne volonté, mais qui se laissaient facilement entraîner par leur faiblesse. Ces bons religieux, connaissant donc leur misère et leur pusillanimité, priaient avec instance leur médecin spirituel, qu'ils voyaient lui-même tout tremblant à la vue de leurs plaies, de ne pas craindre de les lier et de leur procurer la santé comme malgré eux.

Un conducteur, un pasteur des âmes ne doit pas dire indistinctement à toutes les personnes qui viennent se mettre sous sa conduite, qu'en embrassant la vie religieuse ils s'engagent à suivre une voie rude, difficile et remplie de peines et d'afflictions; et, par un principe contraire ne pas leur assurer que le joug de Jésus Christ est doux, léger et agréable pour tout le monde; mais il faut qu'il étudie les caractères et les dispositions des personnes qu'il doit diriger, qu’il proportionne avec sagesse les remèdes à la nature et à l'espèce de maladie qu'il lui faut guérir dans elles.

36. Pour ceux qu'il verra courbés et comme succombant sous le poids de leurs péchés qui les effraient tellement que le désespoir est sur le point de s'emparer de leur cœur, il cherchera à leur faire connaître et sentir la douceur du joug du Seigneur; mais quant à ceux qui, par une présomptueuse estime d'eux-mêmes, ne rêvent que beaux projets et se croient appelés à de grandes choses, il doit leur présenter le contrepoison de l'orgueil.

37. Quelques personnes qui désiraient entrer dans cette longue voie de la vie religieuse, demandèrent un jour à d'autres personnes qu'elles croyaient la bien connaître, ce qui en était réellement. La réponse qu'on leur fit leur donna à comprendre que cette voie était droite, unie, et qu'elle mettait ceux qui l'embrassaient, à l'abri des embûches et des tentations du démon. Les pauvres gens ! ils s'y fièrent. Mais qu'arriva-t-il ? hélas ! ils ne s'y furent pas plus tôt engagés, que les forces leur manquèrent, que les uns au milieu de leur course coururent le plus grand danger de se perdre pour l'éternité, et que les autres, entièrement dégoûtés et ne se croyant pas capables de souffrir des afflictions si cruelles et si désolantes, abandonnèrent tout et s'en retournèrent dans le siècle. Mais je veux que vous sachiez le contraire de ce que je viens de dire. En effet, dès lors que la charité a pu embraser un cœur de ses célestes ardeurs, les paroles et les choses les plus effrayantes ne sont pas capables de l'épouvanter et de le décourager; et lorsque la crainte des flammes vengeresses de l'enfer a pris naissance et racine dans une âme, elle ne redoute ni peines, ni travaux, ni violences, mais elle les souffre et s'y exerce avec une admirable patience; et, comme elle méprise souverainement les biens, les honneurs et toutes les choses de la terre, elle est dévorée uniquement du désir de pouvoir obtenir un diadème dans le royaume éternel de Dieu.

38. Un capitaine expérimenté doit parfaitement connaître les sentiments et les dispositions du cœur, le grade et le rang des soldats qu'il commande — autrement il arriverait souvent que des gens pleins de courage, de bravoure et de talent se trouveraient confondus et cachés dans la foule, tandis qu'ils devraient être à la tête de l'armée pour provoquer l'ennemi au combat. Or tel doit être un supérieur par rapport à ses inférieurs.

39. Un pilote ne sauvera pas son vaisseau tout seul, il a besoin du secours et des bras des matelots. Un médecin ne guérira pas un malade, si celui-ci ne demande pas à celui-là le secours de son art, s'il ne lui fait pas exactement connaître le principe et l'étendue de son mal, s'il n'exécute pas fidèlement ses ordonnances, et qu'il ne prenne pas les remèdes sagement prescrits. Hélas ! combien de pauvres malades ont misérablement péri, rongés et dévorés par les vers, pour n'avoir pas osé déclarer leurs plaies au médecin qui aurait pu les guérir.

40. Un pasteur qui est dévoré du désir de bien paître son troupeau, doit sans cesse réveiller, exciter le zèle et la ferveur de ses chères brebis, tantôt par des paroles d'encouragement, tantôt par des exhortations pathétiques et touchantes. Or cette manière de se conduire à l'égard de ses inférieurs, il doit plus que jamais s'en servir et l'employer, lorsqu'il les voit tendre au relâchement et à la paresse. Aussi le loup infernal ne redoute rien tant que la voix paternelle d'un pasteur plein de vigilance.

41. Il doit éviter deux excès également condamnables et nuisibles : le premier, c'est de ne pas se livrer par rapport à ses inférieurs à une humilité mal placée et déraisonnable; le second, de ne pas s'élever au dessus d'eux d'une manière hautaine et impertinente; il faut donc qu'il imite la conduite de saint Paul.

42. Admirez ici la Bonté du Seigneur : souvent Il ferme Lui-même les yeux aux inférieurs pour les empêcher de voir et de connaître les défauts de leur supérieur; mais, si par une fausse humilité celui-ci les leur découvre, n'agira-t-il pas contre la Bonté de Dieu, en leur ôtant ou en diminuant par là la confiance qu'ils doivent avoir dans lui ?

43. J'ai vu dans une communauté un supérieur qui, par une profonde humilité, demandait des avis et des conseils à ses religieux qu'il aimait comme ses enfants, j’en ai vu un autre, au contraire, qui, pour s'attirer auprès de ses inférieurs un vain nom d'habileté, faisait paraître une science et une sagesse qu'il était bien loin de posséder, et se conduisait avec dissimulation et sans aucune sincérité.

44. Il m'est arrivé plusieurs fois d'avoir l'occasion d'observer que des personnes qui étaient encore esclaves de leurs passions et de leurs mauvaises habitudes, avaient été choisies pour être mises à la tête des maisons habitées par des religieux d'une vie sainte et parfaite. Or ces personnes ainsi élevées, en voyant les vertus éminentes de leurs inférieurs, conçurent de la honte et une heureuse confusion de leurs défauts et de leurs imperfections, et s'en corrigèrent admirablement. Mais je crois volontiers que ce bonheur ne leur est arrivé que par le mérite et la puissante protection de leurs inférieurs auprès de Dieu qui les destinait au royaume céleste. C'est ainsi que la fonction de supérieur fournit à ces personnes l'occasion de se corriger et de parvenir encore à la perfection.

45. Un supérieur est obligé de prendre une précaution essentielle : il doit éviter avec grand soin de dissiper en haute mer ce qu'il a pu acquérir quand il était au port. Ceux donc qui sont établis pour gouverner leurs frères et qui pour cela même sont exposés à mille agitations extérieures, comprennent, sans doute, l'importance de cet avis et de ce conseil.

46. J'avoue franchement qu'il ne faut pas une vertu médiocre pour être capable de souffrir avec une généreuse constance les ennuis que donnent le silence et la retraite, de résister aux tentations de paresse et de négligence qu'on éprouve dans la solitude, de ne pas être troublé par les mépris et les humiliations, de ne pas se laisser entraîner par l'idée qu'on ferait mieux hors de la cellule, de ne pas chercher à se procurer certaines consolations, certains soulagements et certaines jouissances, et de ne pas faire comme les matelots qui, lorsque la mer est calme et tranquille, se donnent des sujets de joie et de plaisir, se divertissent et se baignent dans ses eaux; mais il faut une vertu incomparablement plus grande et un courage plus héroïque pour ne pas s'épouvanter de tous les troubles et des tumultes qui s'élèvent de toute part, pour demeurer ferme et inébranlable au milieu de tant d'affaires diverses et étourdissantes, et pour être extérieurement avec les hommes et traiter avec eux, et se conserver intérieurement avec Dieu, Lui parler et s'entretenir habituellement avec Lui.

47. Ce que nous voyons, mon révérend père, au milieu des personnes qui vivent dans le monde, doit nous servir d'exemple pour les choses qui ont lieu dans nos maisons religieuses. En effet, dans une communauté deux sortes de gens se présentent devant celui qui en est supérieur, comme devant un tribunal vraiment formidable. Les uns sont chargés d'iniquités, les autres sont vertueux et innocents : les premiers paraissent devant lui pour entendre et recevoir leur jugement et leur sentence; les derniers, pour se consacrer au culte, au service et à l'amour du Seigneur. Or, comme il est facile de s'en apercevoir, l'entrée en religion de ces deux sortes de personnes est aussi différente que leur vie; elles ne doivent donc pas être dirigées de la même manière. Par rapport à celles qui ont eu le malheur de souiller leur conscience d'un grand nombre de péchés, je pense qu'il convient au supérieur de leur demander quelles sont les différentes espèces de fautes qu'elles ont commises. Or je crois qu'il doit en agir de la sorte pour deux raisons principales : la première, afin que, par le compte qu'elles rendront de toute leur vie criminelle, et par l'aveu qu'elles feront de leurs péchés, elles reçoivent une humiliation capable de les préserver dans la suite de toute enflure du cœur, de toute intempérance dans les paroles, et de leur être pendant le reste de leur vie comme un aiguillon qui les porte à la pratique de la modestie et de la retenue; la seconde, afin de leur faire connaître et sentir combien elles sont obligées de respecter, chérir et honorer un supérieur qui, tout en les voyant couvertes de plaies spirituelles et victimes de tant de passions, les a néanmoins reçues pour tâcher de leur procurer la santé et de les délivrer du honteux esclavage sous lequel elles gémissaient.

48. Vous devez remarquer, révérend père, — et je suis bien éloigné de penser et de croire que vous ne l'ayez pas déjà fait — vous devez remarquer que Dieu même fait attention au lieu qu'ont habité ces pécheurs qui recourent enfin à la pénitence, à la résolution qu'ils ont prise de mener une nouvelle vie, à leurs dispositions actuelles; car ces choses ne sont pas les mêmes ni dans le même degré chez tous les pécheurs. En effet, il arrive assez souvent que les personnes qui sont accablées sous le poids des maladies spirituelles les plus graves, ont le cœur plus humble et plus soumis; or un supérieur doit recevoir et traiter ces pauvres personnes avec plus de douceur et de bonté que ne semblerait l'exiger leur misérable état; et dans le cas contraire, il est facile de comprendre quelle est la conduite qu'il convient de tenir.

49. Il ne convient sûrement pas à un lion de mener paître des brebis timides; mais serait-il plus convenable qu'un supérieur esclave de ses passions fût à la tête d'autres personnes gémissant sous le même esclavage ?

50. Ne voit pas, sans éprouver un sentiment désagréable, un renard au milieu des poules; mais que peut-on imaginer de plus fâcheux et de plus fatigant que de considérer un supérieur colère et emporté au milieu d'une communauté religieuse ? Le renard tue les poules, il est vrai; mais que fait le pasteur colère ? ne trouble-t-il pas et ne tue-t-il pas les âmes de ses frères ?

51. Ne soyez ni trop attentif ni trop sévère pour rechercher et corriger les petites fautes; car en agissant autrement vous ne marcheriez pas sur les traces du Seigneur.

52. Faites en sorte que Dieu soit Lui-même votre Maître et votre Directeur, qu'Il vous conduise dans toutes vos démarches extérieures et intérieures, que vous confiiez à ses soins et à sa direction tous vos projets et toutes vos résolutions, et que vous soumettiez parfaitement votre volonté à la sienne, de manière que vous soyez vis-à-vis de lui comme un petit enfant qui se laisse aveuglément conduire et mener par son conducteur.

53. Vous devez encore observer, et nous devons tous le faire, que, lorsque Dieu par une Bonté particulière se sert de nous pour opérer de grandes choses dans les âmes, ceux qui viennent se ranger sous notre conduite, sont plutôt conduits par la vivacité de leur foi qu'attirés par l’éclat de nos vertus. N'a-t-on pas vu, en effet, plusieurs personnes qui, bien qu'elles fussent très imparfaites et couvertes même de grands défauts, ont fait des prodiges et des merveilles dans la pratique du bien de la manière que nous avons dite.

Ah ! s'il en est plusieurs qui, selon la Parole de Jésus Christ, diront au dernier jour : Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé en ton Nom et fait d'autres grands miracles ? (Mt 7,22), ce que nous venons de dire, ne paraîtra pas difficile à croire.

54. Le supérieur qui s'étudie sincèrement à mettre Dieu dans ses intérêts, peut par son secours soulager ses inférieurs, et, sans qu'ils s'en aperçoivent, les relever et les encourager, quand il les voit abattus. Or en se conduisant de la sorte, il fait deux choses très excellentes : il se préserve d'abord lui-même de la vaine gloire, et il est cause que les personnes en faveur desquelles Dieu s'est rendu propice, n'en rendent gloire et n'en sont reconnaissantes qu'à Dieu seul.

55. Plus le pasteur s'aperçoit que les personnes qu'il dirige, marchent avec ardeur et de bon cœur dans les voies de la vie religieuse, plus il doit leur donner une nourriture solide et substantielle. Quant à celles qui n'y marchent qu'à pas lents, et qui manquent d'ardeur et de vivacité, il faut encore qu'il ne les nourrisse que de lait. Les différents âges de la vie exigent encore des viandes qui leur conviennent; car très souvent des mets qui ont donné des forces et de la vigueur à des personnes, en ont jeté d'autres dans la faiblesse et la langueur. Il est donc de la plus grande importance pour ceux qui sont chargés de distribuer aux autres le pain de la parole de Dieu, de faire une attention particulière à l'âge des personnes auxquelles ils la distribuent, aux personnes mêmes, à la quantité de cette divine nourriture, et à la manière dont ils l'administrent.

56. Il est des gens qui, sans faire attention au fardeau dont ils se chargent, au danger auquel ils s'exposent en consentant à conduire les autres, s’ingèrent témérairement et sans raison suffisante dans cette fonction périlleuse. Or avant d'entrer en charge, ils étaient extraordinairement riches en vertus et en grâces, et depuis, ils ont tout dissipé et tout perdu, et sont partis de ce monde, ainsi qu'on le dit communément, les mains entièrement vides, et ont distribué aux autres les grands biens qu'ils possédaient et qu'ils avaient acquis par beaucoup de travaux et de peines.

57. Parmi les enfants qui existent, les uns sont frères et sœurs, les autres beaux-frères et belles-soeurs; ceux-ci sont nés de la fornication, et ceux-là de l'adultère. C'est ainsi que parmi les supérieurs vous trouvez plusieurs manières dont ils sont entrés en charge, mais quoi qu'il en soit de ces différentes manières, ne considérons ici que le supérieur qui est entré dans la charge pastorale par des voies légitimes. Or nous disons qu'il doit être sincèrement disposé à rendre compte à Dieu de toutes les âmes confiées à ses soins et à sa vigilance; car il en devient réellement responsable.

On rencontre des directeurs qui ne veulent se charger de la conscience de leurs frères, que par rapport aux péchés qu'ils ont commis dans le monde avant de s'en séparer en entrant en religion; on en rencontre d'autres qui ne se chargent de leurs frères que pour le temps qui suit leur réception dans la communauté; enfin il en est d'autres qui ne consentent à répondre que des fautes commises par leurs pénitents contre leurs avis et leurs conseils. Mais ces derniers ne se conduisent de la sorte que parce qu'ils n'ont pas reçu la plénitude des dons et des lumières du saint Esprit, et que malheureusement ils sont encore esclaves eux-mêmes de leurs passions et de leurs mauvaises habitudes; le directeur même qui ne s'est chargé de la conduite des autres que dans des vues saintes et avec la résolution sincère de se rendre utile à ses frères en toute chose, doit toujours craindre d'attirer sur lui les Jugements de Dieu, en ne renonçant pas assez à sa propre volonté.

58. C'est surtout pendant l'absence de son père qu'un fils sage et vertueux fait paraître sa bonne conduite et sa vertu; c'est dans le temps que les inférieurs reçoivent avec peine, chagrin et de mauvaise grâce, les avis et les corrections de leur supérieur, que celui-ci est obligé de les surveiller d'une manière toute spéciale et de les corriger.

59. S'il leur arrivait de lui résister, alors sans hésiter, il doit les reprendre avec force et vigueur en présence des principaux frères de la maison, afin que les autres soient frappés d’une terreur salutaire. En effet la guérison, ou la conservation de la santé de plusieurs, doit incontestablement l'emporter sur la peine et la mortification que quelques-uns seront obligés de subir.

60. On voit des pasteurs qui, touchés et émus par ces paroles de l'Évangile : Personne ne peut avoir une plus grande charité pour le prochain, que celui qui donne sa vie pour ses frères (Jn 15,13), et brûlant des feux de l'amour de Dieu, font au-delà de leurs forces en faveur des personnes qu'ils dirigent. On en voit d'autres, qui, ayant reçu de Dieu et les lumières et la sagesse nécessaires pour bien conduire leurs frères dans les voies de la vie religieuse, ne le font néanmoins qu'avec une criminelle répugnance, comme si leur propre salut ne dépendait pas du bon usage qu'ils doivent faire des talents qui leur sont confiés, et de l'exactitude et du zèle avec lesquels ils rempliront les obligations que leur charge leur impose. Pour moi, je déclare qu'on ne saurait trop déplorer le malheur de ces sortes de pasteurs, et je les regarde comme des hommes sans charité. Quant aux premiers dont nous avons parlé, je crois que les paroles que je vais citer, leur conviennent parfaitement : Si vous séparez avec soin ce qui est vil et méprisable d'avec ce qui est grand et précieux, vous serez alors comme la bouche de Dieu. (Jér 15,19) Ces autres paroles les regardent encore : Comme tu as fait, il te sera fait. (Abd 1,15)

61. Je veux encore que vous remarquiez avec moi, qu'une faute commise par un supérieur, ne fut-elle qu'une faute de pensée ou de désir, est plus mauvaise et plus nuisible que les manquements extérieurs et publics des inférieurs. Ah ! l'on doit en comprendre la raison; car les fautes d'un simple soldat n’ont pas les suites que produisent les fautes d'un général.

62. Observons encore qu'un supérieur doit avoir soin de recommander à ses inférieurs de ne pas trop s’appliquer à considérer les péchés qu'ils auraient eu le malheur de commettre dans un temps contre la sainte vertu de pureté, mais de fixer nuit et jour les autres péchés dont ils se sont rendus coupables, et les circonstances aggravantes et particulières de ces péchés.

63. Qu'il leur apprenne bien, et les porte sans cesse à se conduire les uns à l'égard des autres avec une sincérité et une simplicité parfaites; qu'il soit leur modèle dans la pratique de ces vertus. Avertissez vos chères brebis de bien prendre leurs précautions contre les ruses et les artifices des démons.

64. Examinez avec une attention toute particulière quelles sont les dispositions intérieures, les intentions et les inclinations du troupeau confié à votre garde; car le loup infernal ne manque pas de suggérer aux personnes dont il connaît et la paresse et la négligence, de ralentir et de faire relâcher celles qu'il voit remplies de zèle et d'ardeur.

65. Ne cessez d'adresser à Dieu des prières ferventes pour les personnes que vous savez être les plus lâches et les plus négligentes dans votre communauté, non pas afin que Dieu les reçoive dans les bras de sa Miséricorde : elles en sont indignes; non pas, afin qu'Il leur pardonne leur paresse et leur négligence : elles ne mériteront cette faveur qu'en renonçant à ces vices, et votre prière faite dans ces intentions ne leur servirait de rien; mais afin que Dieu les éclaire sur leur funeste état, et que par sa grâce il les fasse sortir de leur déplorable assoupissement.

66. Gardez-vous bien de jamais permettre à ceux de vos inférieurs dont la foi n'est pas ferme et à toute épreuve, vive et ardente, de vivre et de communiquer avec les hérétiques : vous savez que les canons de l'Église l'ont très sagement défendu. Quant à ceux que Dieu par sa Grâce a confirmés dans la foi et qu'Il a remplis de zèle et de lumières pour soutenir ses intérêts, si les règles et les usages le permettent, si les incrédules, les infidèles et les autres ennemis de la foi font des instances par leurs insolentes provocations, si les intérêts de la foi l'exigent, et qu'ils veuillent entrer en lice avec eux, vous pourrez le leur permettre.

67. Mais ici remarquez qu'un pasteur, quand il s’agit de la foi et de la Gloire de Dieu, ne peut jamais, pour éviter le combat, alléguer son ignorance; car il sera terriblement puni l'homme qui fait des fautes, parce qu'il ignore les choses qu'il est obligé de savoir.

68. Il est déshonorant pour un supérieur de craindre la mort, puisque l'obéissance des simples religieux qu'il doit surpasser en vertu, est regardée comme un affranchissement de la crainte de la mort.

69. Ne perdez jamais de vue, mon bienheureux père, quelle est la vertu sans laquelle personne ne sera reçu en la Présence de Dieu, et faites tous vos efforts pour en inspirer l'amour et la pratique à vos chers enfants. Éloignez loin d'eux tous les objets séducteurs et toutes les créatures dont la vue et la présence seraient capables de nuire à leur chasteté. Que toutes les personnes qui, dans nos maisons et sous notre direction, viennent combattre sous les étendards de Jésus Christ, y trouvent des armes, des places et des logements qui puissent convenir à leur âge. Ne rejetons jamais personne de la communauté : elle est un port de salut.

70. Si quelquefois nous sommes obligés de le faire, que ce ne soit qu'après avoir employé tous les soins et toute la diligence possibles pour être solidement fondés à croire que nous ne nous sommes déterminés qu'avec la sagesse et la prudence convenables. Cependant nous ne devons pas trop nous hâter de recevoir et d'admettre tous ceux qui se présentent; mais nous ne devons le faire qu'après certaines épreuves, car il est à craindre que ces personnes, ignorant la discipline religieuse et voyant ensuite le véritable état des choses et les difficultés extrêmes qu'elles ont à vaincre, ne regardent en arrière et ne rentrent dans le siècle dont elles étaient sorties avec l'intention bien prononcée de n'y plus retourner.

71. Or si une chose semblable avait lieu, elle ne serait pas sans honte ni sans danger pour le supérieur qui aurait reçu ces personnes avec tant de facilité. Mais quel sera donc le pasteur établi de Dieu, qui soit assez riche en vertus et en bonnes œuvres pour n'avoir plus besoin pour lui-même de ses sueurs et de ses larmes, et qui puisse offrir à Dieu ses nombreux travaux et ses larmes abondantes, dans la seule intention de procurer la Gloire du Seigneur et d'aider ses frères à se purifier de leurs fautes ?

72. Ne cessez de laver et de purifier les âmes et les corps de vos ouailles des taches dont les ont souillées les fautes qu'elles ont commises, afin qu'un jour avec une confiance assurée vous puissiez demander au juste et souverain Rémunérateur la récompense et la couronne que vous aurez méritées, non seulement en sauvant votre âme, mais en conduisant au ciel les âmes de vos frères.

73. J'ai vu un supérieur malade lui-même obtenir par la vivacité de sa foi la guérison de son inférieur, mais ici nous devons vraiment être étonnés de la hardiesse extrême de ce pasteur qui, dans l'état où il était, osa demander à Dieu dans ses prières la conversion de cette brebis errante, et sacrifier en quelque sorte son âme pour sauver celle de son frère. Dieu eut égard à sa prière, et, comme ce supérieur était d'une humilité profonde et qu'il n'agissait que par une grande charité, il lui accorda et sa propre guérison et la guérison de la personne en faveur de laquelle il s'intéressait et s'était entièrement oublié.

J'en ai connu un autre qui, par un esprit d'orgueil voulut faire la même chose, mais il ne reçut que ce reproche foudroyant : Médecin, guéris-toi toi-même (Lc 4,23).

74. Un pasteur peut quelquefois pour obtenir un plus grand bien, omettre une bonne œuvre — ainsi, par exemple, il peut renoncer à la gloire du martyre, non par crainte et par lâcheté, mais afin de procurer le salut aux personnes dont il est chargé.

75. Il y a des pasteurs qui, pour le salut de leurs frères, ne craignent pas de s’exposer au déshonneur, et de passer aux yeux des hommes pour des voluptueux et des séducteurs, quoiqu'ils soient d'une chasteté parfaite et d'une exacte probité.

76. Pensez-vous qu'il ne mérite pas un châtiment sévère, l'homme qui, pouvant par de bonnes instructions être utile au salut de ses frères, ne le fait pas à cause de sa mauvaise volonté ? Hélas ! qu'ils s'exposent à de grands malheurs ceux qui, pouvant soulager les autres par leurs travaux et par leurs soins empressés, ont la cruauté de ne pas le faire.

77. Tire, m'écrierai-je ici, tire, mon ami, ton frère de l'abîme, puisque Dieu t’en a tiré toi-même; fais, je t’en prie, fais tous tes efforts pour arracher de la gueule des loups de l'enfer les âmes qu'ils veulent dévorer, et sauve de la mort éternelle ceux que tu y vois misérablement conduire : Jésus Christ ne t’a-t-il pas sauvé toi-même ? Cette action que Dieu te propose, est au-dessus des actions les plus éminentes et les plus parfaites dont soient capables les anges et les hommes : celui qui la fait, devient le coadjuteur des esprits célestes.

78. En effet, par la pureté de l'âme et du corps, qu'il a reçue de Dieu, il lave lui-même les taches et les souillures des autres, et, après les avoir ainsi purifiés et sanctifiés, il les offre à Dieu comme des dons et des présents purs qui lui sont très agréables. Cette occupation est celle qui est continuellement le partage des ministres du Tout-Puissant, selon cette parole : Faites des vœux au Seigneur votre Dieu, ô vous tous qui environnez son trône pour lui offrir des présents (cf. Ps 75,12). Or ces présents, ce sont les âmes.

79. Il n'est peut-être rien qui nous fasse mieux connaître et plus vivement sentir la grandeur infinie de la Miséricorde et de l'Amour de Dieu pour nous, que d'avoir, pour ainsi dire, abandonné les quatre-vingt-dix-neuf brebis qu'il avait dans le ciel, pour venir sur la terre chercher celle qui s'était égarée. Ainsi, mon révérend père, donnez à cette instruction une attention bien marquée, et faites en sorte par vos soins, votre charité, votre zèle, votre vigilance et vos ferventes prières de ramener au chemin du salut toutes vos brebis qui se seraient égarées et perdues. Mais observez que plus les maladies sont graves et dangereuses, les plaies profondes et envenimées, plus les médecins qui viennent à bout de procurer la guérison, méritent une grande récompense. Or pour y réussir trois choses sont nécessaires : il faut veiller sur nos ouailles, les préserver des dangers auxquels elles sont exposées, et travailler à les retirer de l'abîme quand elles ont eu le malheur d'y tomber.

80. Un pasteur ne doit pas toujours user de toute l'étendue de son autorité à l'égard de ses frères : il est quelquefois obligé de respecter leur faiblesse. J'ai vil autrefois qu'un abbé d'une grande sagesse et d'un rare jugement, ayant à prononcer entre deux frères, jugea favorablement celui qui était coupable, parce qu'il était faible, et condamna celui qui était innocent, parce qu'il connaissait la force et le courage de son cœur et la perfection de sa vertu. Or il en agit ainsi, afin d'éviter de grands maux ; mais il eut soin, ainsi que l'équité l'exigeait, de leur faire connaître en particulier les motifs qui l'avaient engagé à porter ce jugement, et surtout de donner à celui qui était le plus malade, les remèdes propres à le guérir.

81. La verdure fraîche des prairies invite agréablement les troupeaux à venir y paître pour s'engraisser. C'est ainsi que les saintes instructions et la pensée de la mort sont d'un grand secours aux brebis raisonnables, pour se préserver ou se purifier des souillures du péché.

82. Ayez soin de choisir de temps en temps dans votre communauté les religieux que vous saurez être les plus vertueux et les plus généreux, et, en présence de ceux qui sont faibles et négligents, infligez-leur quelque punition sévère et quelque grande humiliation, afin que par les remèdes que vous ferez semblant d'employer à l'égard de ceux qui se portent bien, vous puissiez guérir ceux qui sont réellement malades , et que vous rendiez forts et généreux ceux qui sont faibles et pusillanimes.

83. Dieu n'a jamais permis que la confession des péchés fût trahie et révélée : c'est afin que les hommes ne fussent pas éloignés ni détournés d'une action aussi sainte et aussi salutaire, et qu'ils ne perdissent pas l'espérance de se sauver.

84. Ainsi, quand même un pasteur, par une grâce extraordinaire, connaîtrait l'intérieur des consciences, il doit bien prendre garde de parler des fautes qu'il connaît, même de cette manière, aux personnes qui les ont commises — tout ce qu'il peut faire, c'est de se servir de certains détours et de certaines industries heureuses pour les porter à s'en confesser; car la confession leur sera très utile pour en obtenir le pardon de Dieu. Or, après qu'ils ont satisfait à ce devoir, nous devons leur témoigner plus de bonté, avoir plus de douceur envers elles qu'auparavant. Cette conduite, pleine de bienveillance et de charité , augmentera dans elles leur confiance et leur affection pour nous.

85. Nous ne devons néanmoins jamais oublier que si nous sommes obligés de donner à nos inférieurs l'exemple. de la plus profonde humilité, nous avons aussi à faire respecter en nous l'autorité dont nous sommes revêtus. C'est pourquoi, mon révérend Père, vous ne devez pas vous humilier au delà de ce qui convient; car autrement vous pourriez attirer des charbons de feu sur la tête de vos enfants. Soyez doux et patient à l'égard de tout le monde; mais ne souffrez jamais que l'on contrevienne à vos ordres.

86. Ne laissez pas dans le champ qui vous est confié, des plantes qui puissent y occuper inutilement le terrain, et qui peut-être ailleurs porteraient des fruits en abondance; usez dans cette occasion de prudence et de douceur pour les déterminer à se laisser transplanter dans un lieu qui leur sera plus favorable et plus capable de leur faire produire des fruits.

87. Il y a des supérieurs qui sont capables de bien conduire leurs frères, même lorsqu'ils sont très exposés au bruit du monde, et dans les lieux les plus commodes aux besoins de la vie, sans rien perdre du recueillement et de la vie intérieure. Mais ces sortes de supérieurs doivent donner une attention particulière aux personnes qu'ils ont à recevoir dans leurs maisons; car Dieu n'a pas, interdit tout refus.

88. Un pasteur qui a le bonheur de jouir de la paix de l'âme, n'a pas un très grand besoin de la paix du corps pour travailler au salut des âmes; mais si malheureusement il ne possède pas cette paix précieuse, je lui conseille de se la procurer en cherchant des lieux plus propres à favoriser le recueillement.

89. Que le supérieur réfléchisse avant d’accepter des disciples : car Dieu ne désapprouve pas tout refus ou toute démission.

90. Le plus beau et le plus agréable à Dieu de tous les présents que nous puissions lui faire, c'est de lui offrir des âmes vraiment pénitentes : une seule âme vaut infiniment plus que l'univers entier; car le monde passe, mais une âme est immortelle. Vous serez bien éloigné, mon bienheureux Père, de dire que les personnes qui , pour présents, offrent à Dieu de l'or ou de l'argent, fassent une action plus méritoire que celles qui lui présentent des âmes créées à son image.

91. Si vous voulez retirer de cette offrande quelque avantage pour vous-même, il faut qu'elle soit parfaite et entière.

92. Vous avez sans cesse présentes à votre esprit ces paroles de l'Évangile : Il est nécessaire que le Fils de l'homme soit livré entre les mains des pécheurs; malheur cependant à celui qui livrera de la sorte le Fils de l'homme ! (cf. Mt 14,21); de même vous considérez souvent que ceux qui , après Jésus Christ, auront été les sauveurs de leurs frères, recevront un grande récompense, et qu'un grand nombre d'eux est destiné au salut.

93. Mais avant toute chose, révérend Père, nous avons besoin du secours céleste, afin qu'aux personnes que nous avons entrepris de faire entrer dans le saint des saints, nous puissions faire voir que Jésus Christ repose dans leur cœur , comme sur une table mystérieuse, et qu'avec ce secours nous soyons capables de les prendre par la main comme de petits enfants, pour les arracher au tumulte de leurs pensées, les soutenir au milieu des troubles qui agitent leur cœur, les défendre contre les clameurs importunes du monde qui les captive et les persécute cruellement, jusqu'à ce que nous ayons la douce consolation de les voir dans les tabernacles du Seigneur. Mais si ces personnes étaient trop faibles ou trop malades, nous ne devons pas balancer à les prendre sur nos épaules, et à les porter jusqu'à ce qu'enfin elles soient capables de marcher elles-mêmes dans le chemin étroit qui conduit à la vie éternelle; car cette voie est remplie de peines et de travaux. Voilà pourquoi le Psalmiste nous dit : Un grand travail s'est présenté devant moi jusqu'à ce que je sois entré dans le sanctuaire de mon Dieu. (Ps 72,16-17)

94. J'ai parlé , ô le plus illustre des pères , de ce père des pères, de ce docteur des docteurs, de cet homme dont on ne saurait exprimer la grandeur d'âme, la sagesse céleste, la sincérité parfaite, la pénétration facile, le zèle ardent, la tempérance constante, la modestie charmante, l'inclination admirable à pardonner et la joie intérieure dont sa belle âme était inondée; mais ce qui doit vous surprendre davantage dans sa conduite, c'est que, lorsqu’il rencontrait dans sa maison des personnes qui brûlaient du désir de se sauver, il leur donnait une plus grande attention et leur prodiguait plus de soins qu'aux autres; et que, lorsqu'il en voyait d'autres qui étaient violents et emportés, il matait tellement leur volonté rebelle, et combattait avec tant de force et de vigueur leurs mauvaises inclinations, que ces personnes et tout le monde prenaient les soins les plus minutieux pour ne pas laisser paraître leurs affections et leurs penchants.

Or cet homme vraiment digne de louanges avait coutume de dire cc qu'il vaut mieux chasser d'une communauté des religieux, que de leur permettre d'y demeurer pour y suivre leur volonté, leurs caprices et leurs fantaisies; car, ajoutait-il, il arrive souvent que le supérieur qui les chasse de la sorte, les rend par cette expulsion capables d'acquérir la modération, la modestie, la soumission et l'obéissance, tandis que le supérieur qui, par une fausse charité et une bienveillance trompeuse, les souffre et les tolère dans leur mauvaise conduite, les met dans le cas, à l'heure de la mort, de le charger des plus effrayantes malédictions, pour les avoir perdus par une cruelle indulgence, au lieu de les avoir conduits au salut par une sévérité salutaire.

Lorsque les prières du soir étaient achevées, ce saint abbé se plaçait sur son siège avec une gravité qui ressemblait à la majesté des rois sur leur trône. Or ce siège, qui n'était fait que d'une vile matière, était néanmoins orné de tous les dons du ciel, et quand le saint abbé y était assis, on aurait dit que c'était Dieu même. Alors tous les religieux entouraient la chaire de leur pasteur pour écouter et recevoir ses ordres avec autant de docilité que si Dieu les leur eût donnés. Or il ordonnait aux uns de réciter cinquante psaumes avant de se livrer au sommeil; à d'autres, trente; et à d'autres, cent à ceux-ci, de faire autant de prostrations; à ceux-là, de dormir étant assis. Tantôt il commandait de lire, tantôt de faire méditation pendant un espace de temps qu'il réglait. Après quoi il choisissait deux religieux qu'il chargeait d'avoir l'œil sur les autres, de corriger ceux qui pendant le jour violeraient les saintes règles, et d'observer pendant la nuit les frères qui se livreraient à des veilles indiscrètes, ou qui feraient des choses qu'on ne nomme pas. Il portait encore plus loin son attention pastorale. Il réglait la nourriture que chaque religieux devait prendre; elle n'était pas la même pour tous, mais il la proportionnait à l'état, à l'âge et à la santé de chacun d'eux : cette père de famille faisait donner aux uns une nourriture plus succulente, aux autres, une nourriture plus substantielle. Mais ce qui doit vous remplir d'admiration, c'est la docilité parfaite et la scrupuleuse exactitude avec lesquelles ses ordres étaient exécutés.

Ce grand homme avait encore dans le désert une laure dans laquelle il envoyait les religieux qu'il connaissait pour être les plus vertueux et les plus avancés dans les voies de la perfection.

95. Je vous conjure, de bien prendre garde que votre conduite à l'égard de vos inférieurs, ne les fasse pas tomber dans la subtilité et la tromperie. Étudiez vous avec grand soin à corriger ceux qui auraient en partage la duplicité et la ruse; rappelez-les à la simplicité du cœur, qu'ils regardent peut-être comme une vertu méprisable.

96. Le supérieur qui, par la victoire parfaite qu'il a remportée sur ses passions, est parvenu au dernier degré d'une pureté parfaite, peut comme un ange du ciel punir avec raison et sévérité les fautes de ses inférieurs; mais le supérieur qui est encore esclave de ses mauvais penchants, et troublé par ses passions, éprouve, malgré lui, une certaine répugnance, quand il est obligé d'user de rigueur à l'égard de ses frères. Aussi souvent se contente-t-il de leur imposer des pénitences arbitraires et qui n'ont aucune proportion avec leurs fautes.

97. Or je ne peux ici m'empêcher, de vous conjurer de laisser pour héritage à vos enfants la ferveur de votre piété sincère et la sainteté de votre doctrine salutaire, afin que par le moyen de la vérité orthodoxe et catholique que vous enseignez, vous puissiez conduire au Seigneur, non seulement vos propres enfants , mais encore les fils de vos fils.

98. Ne craignez pas de fatiguer ni d'épuiser les jeunes dont la chair se révolte contre l'esprit, afin qu'au moment de leur mort, ils aient des actions de grâces à vous rendre pour les grands services qu'ils auront reçus de vous.

99. Mon très sage et très révérend Père, Moïse, ce grand législateur du peuple de Dieu, vous sert lui-même de modèle; car il ne put délivrer ce peuple de la servitude de Pharaon, quoique les enfants de Jacob lui fussent très soumis et qu'ils exécutassent très exactement ses ordres, qu'après leur avoir fait manger des azymes et des laitues amères. Or ces pains sans levain sont l'image d'une âme qui s'est entièrement dépouillée de sa volonté et qui ne juge plus de rien selon ses vues; car la volonté qui n'est pas mortifiée est comme un mauvais levain qui corrompt et enfle le cœur; au lieu que le renoncement à sa propre volonté figuré par les azymes, le conserve pur et innocent en le tenant toujours dans la pratique de l'humilité et de l'obéissance. Les laitues amères sont la figure tantôt des ordres pénibles que l'obéissance nous fait exactement accomplir, tantôt des austérités que l'amour de la pénitence et de la mortification nous fait pratiquer avec une fidélité constante.

100. Tandis que je vous écris ces lignes, ô le plus illustre des pères je suis frappé de terreur, en me rappelant ces paroles de l'Apôtre : Pourquoi, malheureux, avez-vous la prétention insensée de vouloir donner des leçons aux autres, n'étant pas même dans le cas de vous en donner à vous-même ? (Rom 2,21) Je finirai donc ce petit traité, en vous disant qu'une âme qui, par la pureté est étroitement unie à Dieu, n'a plus besoin des instructions des hommes car elle porte en elle-même la parole éternelle du salut qui lui sert de maître et de docteur, et qui dissipe toutes les ténèbres de son ignorance.

101. Or cette âme heureuse, très honoré Père, qui, par la victoire qu’elle a remportée sur ses passions en les immolant entièrement, par la douceur parfaite qui est son partage, et par l'humilité profonde qui est son élément, répand autour d'elle des lumières si abondantes et qu'attestent, non seulement les paroles, mais les actions, mais l'expérience, mais les avantages que j'en ai retirés moi-même, c'est votre propre âme; oui, c'est votre âme. En tout cela vous êtes parfaitement semblable à l'illustre législateur des Hébreux; vous suivez fidèlement ses traces, et vous vous conformez à sa conduite. C'est pourquoi vous vous 'élevez sans cesse et de plus en plus vers cette montagne sainte, qui est Dieu même, à qui soient honneur, gloire et adoration dans les siècles des siècles. Amen



St. John Climacus

Also surnamed SCHOLASTICUS, and THE SINAITA, b. doubtlessly in Syria, about 525; d. on Mount Sinai. 30 March, probably in 606, according the credited opinion — others say 605. Although his education and learning fitted him to live in an intellectual environment, he chose, while still young, to abandon the world for a life of solitude. The region of Mount Sanai was then celebrated for the holiness of the monks who inhabited it; he betook himself thither and trained himself to the practice of the Christian virtues under the direction of a monknamed Martyrius. After the death of Martyrius John, wishing to practise greater mortifications, withdrew to a hermitage at the foot of the mountain. In this isolation he lived for some twenty years, constantly studying the lives of the saints and thus becoming one of the most learned doctors of the Church.

In 600, when he was about seventy-five years of age, the monks of Sinai persuaded him to put himself at their head. He acquitted himself of his functions as abbot with the greatest wisdom, and his reputation spread so far that the pope (St. Gregory the Great) wrote to recommend himself to his prayers, and sent him a sum of money for the hospital of Sinai, in which the pilgrims were wont to lodge. Four years later he resigned his charge and returned to his hermitage to prepare for death.


St. John Climacus has left us two important works: the "Scala [Klimax] Paradisi", from which his surname comes, composed at the request of John, Abbot of Raithu, a monastery situated on the shores of the Red Sea; and the "Liber ad Pastorem". The "Scala", which obtained an immense popularity and has made its author famous in theChurch, is addressed to anchorites and cenobites, and treats of the means by which the highest degree ofreligious perfection may be attained. Divided into thirty parts, or "steps", in memory of the thirty years of the hidden life of Christ, the Divine model of the religious, it presents a picture of all the virtues and contains a. great many parables and historical touches, drawn principally from the monastic life, and exhibiting the practical application of the precepts. At the same time, as the work is mostly written in a concise, sententious form, with the aid of aphorisms, and as the reasonings are not sufficiently closely connected, it is at times somewhat obscure. This explains its having been the subject of various commentaries, even in very early' times. The most ancient of the manuscripts containing the "Scala" is found in the Bibliothèque Nationale in Paris, and was probably brought from Florence by Catharine de' Medici. In some of these manuscripts the work bears the title of "Spiritual Tables" (Plakes pneumatikai). It was translated into Latin by Ambrogio the Camaldolese (AmbrosiusCamaldulensis) (Venice, 1531 and 1569; Cologne, 1583, 1593, with a commentary by Denis the Carthusian; and 1601, 8vo). The Greek of the "Scala", with the scholia of Elias, Archbishop of Crete, and also the text of the "Liber ad Pastoem", were published by Matthæus Raderus with a Latin translation (fol., Paris, 1633). The whole is reproduced in P.G., LXXXVIII (Paris, 1860), 5791248. Translations of the "Scala" have been published in Spanishby Louis of Granada (Salamanca, 1551), in Italian (Venice, 1585), in modern Greek by Maximus Margunius,Bishop of Cerigo (Venice, 1590), and in French by Arnauld d'Andilly (12mo, Paris, 1688). The last-named of these translations is preceded by a life of the saint by Le Maistre de Sacy. There is also in existence an ancient life of the saint by a monk named Daniel.

Sources

Acta SS., III, March, 834-5; CEILLIER Hist. Gén. des auteurs sacrés et ecclés., XVII (Paris, 1750), 569-96; FABRICIUS, Bibl. Græca, VIII (Hamburg, 1717), 615-20; KRUMBACHER, Gesch byz. Litt. (Munich, 1897), 143-4; SURIUS, Vitæ SS., II (Vernice, 1681), 133.

Clugnet, Léon. "St. John Climacus." The Catholic Encyclopedia. Vol. 8. New York: Robert Appleton Company, 1910. 6 Mar. 2016 <http://www.newadvent.org/cathen/08457a.htm>.

Transcription. This article was transcribed for New Advent by Tom Burgoyne. In memory of Father Baker, founder of Our Lady of Victory Homes.

Ecclesiastical approbation. Nihil Obstat. October 1, 1910. Remy Lafort, S.T.D., Censor. Imprimatur. +John Cardinal Farley, Archbishop of New York.



John Climacus, Abbot (RM)
(also known as John Scholasticus)


Born in Syria or Palestine; died on Mount Sinai on March 30, c. 650 (many older scholars place his death as early as 600).


"God does not insist or desire that we should mourn in agony of heart; rather, it is His wish that out of love for Him we should rejoice with laughter in our soul. Take away sin and tears become superfluous; where there is no bruise, no ointment is required. Before the fall Adam shed no tears, and in the same way there will be no more tears after the resurrection from the dead when sin has been destroyed. For pain, sorrow, and lamentation will then have fled away."

A learned Syrian abbot and spiritual director, Saint John authored The Ladder to Paradise or Ladder of Perfection, from which he acquires the appellation, "Climacus," which is Greek for "ladder." John's early life is hidden in obscurity. Farmer says that he was married and became a monk at the death of his wife. He joined the monastery of Mount Sinai when he was only 16. His novitiate was spent in a hermitage near the monastery under the discipline of Martyrius. By silence, he learned to curb the insolent need to discuss everything, an ordinary vice in learned men, but usually a mark of pride and self-sufficiency. Instead he adopted humility and obedience, and never contradicted or disputed with anyone. After four years of training with the ancient anchorite, he was professed.

From the age of 35, after the death of Martyrius, John spent many years as a hermit at Thole at the foot of Mount Sinai, where he studied the Scriptures and the lives of the Fathers of the Church. He practiced the normal austerities of the desert monks: frequent fasting, nights of prayer, and abstinence from meat and fish. He is another of the saints who exhibited the gift of tears. Because he became a popular spiritual advisor, who was especially known for his ability to comfort the distraught, he often sought solitude in a nearby cave. When some who were jealous of his gifts accused him of spending too much time in vain discourse, he kept complete silence for a year until the accusers begged him to resume giving counsel. He went to the monastery only to celebrate the Eucharist with his brother monks on Saturdays and Sundays.

When he was about 70, he was elected abbot of the monks of Mount Sinai over his objections. Soon after his election, there was a severe draught in Palestine. The people beseeched him to storms the gates of heaven in intercession for rain. He earnestly begged God on their behalf and it immediately began to rain. John's contemporary, Pope Saint Gregory the Great wrote to the holy abbot asking his prayers, and sent him beds, other furniture, and money for his hospital near Mount Sinai for pilgrims. He governed the monastery until four years before his death in his hermitage on Mount Sinai.

At the request of the abbot of Raithu, John wrote his masterpiece, which uses the vehicle of a spiritual ladder with thirty rungs--one for each year of Christ's earthly life until His baptism--to discuss monastic spirituality and the pursuit of apartheia (passive disinterestedness), which was regarded as a perfect state. This work was enormously popular during the Middle Ages and was published in English in 1959 under the title The ladder of divine ascent. The book was the source of the Byzantine iconographic theme of the ladder to heaven, which is seen at Mount Athos and elsewhere.

In describing a monastery of 330 monks, which he had visited near Alexandria, Egypt, John mentions one of the principal citizens of that city, named Isidore, who, petitioning to be admitted into the house, said to the abbot: "As iron is in the hands of the smith, so am I in your hands." The abbot ordered him to remain outside the gate and to prostrate himself at the feet of every passerby, by, begging their prayers for his soul struck with a leprosy. Thus, he passed seven years in profound humility and patience. He told Saint John that during the first year he always considered himself as a slave condemned for his sins, and sustained violent conflicts. The second year he passed in tranquillity and confidence; and the third with relish and pleasure in his humiliations. So great was his virtue, that the abbot determined to present him to the bishop in order to be promoted to the priesthood, but the humility of the holy penitent prevented it--he begged respite and died within 10 days.

John also admired the cook of this community, who seemed always recollected, and generally bathed in tears amidst his continual occupation. When asked how he nourished so perfect a spirit of compunction in the midst of his busy work, the cook replied that, in serving the monks, he considered that he was serving not men but God in his servants. Additionally, the fire that always burned before his eyes reminded him of that fire which will burn souls for all eternity.

Here are some of the spiritual maxims from Saint John's book:

"Rule you own heart as a king rules over his kingdom, but be subject above all to the supreme ruler, God Himself."

"A person is at the beginning of a prayer when he succeeds in removing distractions which at the beginning beset him. He is at the middle of the prayer when the mind concentrates only on what he is meditating and contemplating. He reaches the end when, with the Lord, the prayer enraptures him."

"Without weapons there is no way of killing wild animals. Without humility there is no way of conquering anger." "It is not without risk that one climbs up a defective ladder. And so with honor, praise, and precedence which are all dangerous for humility."

"In an instant many are pardoned for their mistakes, but no one, in a moment's time, acquires calmness of the soul which requires much time, much trouble and a great deal of help from God." "The one who is dead can no longer walk. The one who despairs can no longer be saved."

"A small fire is enough to burn down an entire forest; a little hole may destroy an entire building." "Just as clouds hide the sun so bad thoughts cast shadows over the soul."

"Birds which are too heavy cannot fly very high. The same is true of those who mistreat their bodies." "A dried-up puddle is of no use for the pigs and a dried up body is of no use to the devils."

"A tool which is in good condition may sharpen one which is not in good condition, and a fervent brother may save the person who is only lukewarm about his faith."

"The one who says he has faith and continues to go against it resembles a face without eyes" (Attwater, Attwater2, Benedictines, Bentley, Delaney, Farmer, Encyclopedia, Husenbeth).


Inevitably, Saint John is portrayed in art as an abbot carrying a ladder or having a vision of monks climbing one (Roeder).
SOURCE : http://www.saintpatrickdc.org/ss/0330.shtml


Scala paradisi (italiano). - Questo libro fu facto in Venetia : per Christophoro da Mandelo, 
nel MCCCCLXXXII die XII mensis octubris. - 98 c. ; a-l, m¹ ; 4° 


BST. JOHN CLIMACUS.

JOHN made, while still young, such progress in learning that he was called the Scholastic. At the age of sixteen he turned from the brilliant future which lay before him, and retired to Mt. Sinai, where he put himself under the direction of a holy monk. Never was a novice more fervent, more unrelaxing in his efforts for self- mastery. After four years he took the vows, and an aged abbot foretold that he would someday be one of the greatest lights of the Church. Nineteen years later, on the death of his director, he withdrew into a deeper solitude, where he studied the lives and writings of the Saints, and was raised to an unusual height of contemplation. The fame of his holiness and practical wisdom drew crowds around him for advice and consolation. For his greatest profit he visited the solitudes of Egypt. At the age of seventy-five he was chosen abbot of Mt. Sinai, and there "he dwelt in the mount of God, and drew from the rich treasure of his heart priceless riches of doctrine, which he poured forth with wondrous abundance and benediction." He was induced by a brother abbot to write the rules by which he had guided his life; and his book called the Climax, or Ladder of Perfection, has been prized in all ages for its wisdom, its clearness, and its unction. At the end of four years he would no longer endure the honors and distractions of his office, and retired to his solitude, where he died A.D. 605.

Reflection.--" Cast not from thee, my brother," says the Imitation of Christ, "the sure hope of attaining to the spiritual life; still hast thou the time and the means."


Venerable John Climacus of Sinai, Author of “the Ladder”

Commemorated on March 30

Troparion & Kontakion

Saint John of the Ladder is honored by Holy Church as a great ascetic and author of the renowned spiritual book called THE LADDER, from which he is also called “of the Ladder” (Climacus).

There is almost no information about St John’s origins. One tradition suggests that he was born in Constantinople around the year 570, and was the son of Sts Xenophon and Maria (January 26).

John went to Sinai when he was sixteen, submitting to Abba Martyrius as his instructor and guide. After four years, St John was tonsured as a monk. Abba Strategios, who was present at St John’s tonsure, predicted that he would become a great luminary in the Church of Christ.

For nineteen years St John progressed in monasticism in obedience to his spiritual Father. After the death of Abba Martyrius, St John embarked on a solitary life, settling in a wild place called Thola, where he spent forty years laboring in silence, fasting, prayer, and tears of penitence.

It is not by chance that in THE LADDER St John speaks about tears of repentance: “Just as fire burns and destroys the wood, so pure tears wash away every impurity, both external and internal.” His holy prayer was strong and efficacious, as may be seen from an example from the life of the God-pleasing saint.

St John had a disciple named Moses. Once, the saint ordered his disciple to bring dung to fertilize the vegetable garden. When he had fulfilled the obedience, Moses lay down to rest under the shade of a large rock, because of the scorching heat of summer. St John was in his cell in a light sleep. Suddenly, a man of remarkable appearance appeared to him and awakened the holy ascetic, reproaching him, “John, why do you sleep so heedlessly, when Moses is in danger?”

St John immediately woke up and began to pray for his disciple. When Moses returned in the evening, St John asked whether any sort of misfortune had befallen him.

The monk replied, “A large rock would have fallen on me as I slept beneath it at noon, but I left that place because I thought I heard you calling me.” St John did not tell his disciple of his vision, but gave thanks to God.

St John ate the food which is permitted by the monastic rule, but only in moderation. He did not sleep very much, only enough to keep up his strength, so that he would not ruin his mind by unceasing vigil. “I do not fast excessively,” he said of himself, “nor do I give myself over to intense all-night vigil, nor lay upon the ground, but I restrain myself..., and the Lord soon saved me.”

The following example of St John’s humility is noteworthy. Gifted with discernment, and attaining wisdom through spiritual experience, he lovingly received all who came to him and guided them to salvation. One day some envious monks reproached him for being too talkative, and so St John kept silence for a whole year. The monks realized their error, and they went to the ascetic and begged him not to deprive them of the spiritual profit of his conversation.

Concealing his ascetic deeds from others, St John sometimes withdrew into a cave, but reports of his holiness spread far beyond the vicinity. Visitors from all walks of life came to him, desiring to hear his words of edification and salvation. After forty years of solitary asceticism, he was chosen as igumen of Sinai when he was seventy-five. St John governed the holy monastery for four years. Toward the end of his life, the Lord granted him the gifts of clairvoyance and wonderworking.

At the request of St John, igumen of the Raithu monastery (Commemorated on Cheesefare Saturday), he wrote the incomparable LADDER, a book of instruction for monks who wished to attain spiritual perfection.

Knowing of the wisdom and spiritual gifts of St John of Sinai, the igumen of Raithu requested him to write down whatever was necessary for the salvation of those in the monastic life. Such a book would be “a ladder fixed on the earth” (Gen. 28:12), leading people to the gates of Heaven.

St John felt that such a task was beyond his ability, yet out of obedience he fulfilled the request. The saint called his work THE LADDER, for the book is “a fixed ladder leading from earthly things to the Holy of Holies....” The thirty steps of spiritual perfection correspond to the thirty years of the Lord’s age. When we have completed these thirty steps, we will find ourselves with the righteous and will not stumble. THE LADDER begins with renunciation of the world, and ends with God, Who is love (1 John 4:8).

Although the book was written for monks, any Christian living in the world will find it an unerring guide for ascending to God, and a support in the spiritual life. Sts Theodore the Studite (November 11 and January 26), Sergius of Radonezh (September 25 and July 5), Joseph of Volokolamsk (September 9 and October 18), and others relied on THE LADDER as an important guide to salvation.

The twenty-second step of THE LADDER deals with various forms of vainglory. St John writes: “When I fast, I am vainglorious; and when I permit myself food in order to conceal my fasting from others I am again vainglorious about my prudence. When I dress in fine clothing, I am vanquished by vanity, and if I put on drab clothing, again I am overcome by vanity. If I speak, vainglory defeats me. If I wish to keep silence, I am again given over to it. Wherever this thorn comes up, it stands with its points upright.

A vain person seems to honor God, but strives to please men rather than God.

People of lofty spirit bear insult placidly and willingly, but only the holy and righteous may hear praise without harm.

When you hear that your neighbor or friend has slandered you behind your back, or even to your face, praise and love him.

It is not the one who reproaches himself who shows humility, for who will not put up with himself? It is the one who is slandered by another, yet continues to show love for him.

Whoever is proud of his natural gifts, intelligence, learning, skill in reading, clear enunciation, and other similar qualities, which are acquired without much labor, will never obtain supernatural gifts. Whoever is not faithful in small things (Luke 16:10), is also unfaithful in large things, and is vainglorous.

It often happens that God humbles the vainglorious, sending a sudden misfortune. If prayer does not destroy a proud thought, we bring to mind the departure of the soul from this life. And if this does not help, let us fear the shame which follows dishonor. “For whoever humbles himself shall be exalted, and whoever exalts himself shall be humbled” (Luke 14:11). When those who praise us, or rather seduce us, start to praise us, let us recall our many sins, then we shall find that we are not worthy of what they say or do to honor us.”

In THE LADDER St John describes the ascent toward spiritual perfection, which is essential for anyone who wishes to save his soul. It is a written account of his thoughts, based on the collected wisdom of many wise ascetics, and on his own spiritual experience. The book is a great help on the path to truth and virtue.

The steps of THE LADDER proceed gradually from strength to strength on the path of perfection. The summit is not reached suddenly, but gradually, as the Savior says: “The Kingdom of Heaven suffers violence, and the violent take it by force” (Mt.11:12).

St John is also commemorated on the fourth Sunday of Great Lent.


March 30

St. John Climacus, Abbot     

From his life written by Daniel, a monk of Raithu, soon after his death, and from his own works. See Bulteau, Hist. Monast. d’Orient, and d’Andilly, or rather his nephew, Le Maitre, in his life prefixed to the French translation of his works. See also Jos. Assemani, in Cal. Univ. ad 30 Martii, t. 6. p. 213.

A.D. 605

ST. JOHN, generally distinguished by the appellation of Climacus, from his excellent book entitled Climax, or the Ladder to Perfection, was born about the year 525, probably in Palestine. By his extraordinary progress in the arts and sciences, he obtained very young the surname of the Scholastic. But at sixteen years of age he renounced all the advantages which the world promised him, to dedicate himself to God in a religious state, in 547. He retired to Mount Sinai, which, from the time of the disciples of St. Antony and St. Hilarion, had been always peopled by holy men, who, in imitation of Moses, when he received the law on that mountain, lived in the perpetual contemplation of heavenly things. Our novice, fearing the danger of dissipation and relaxation, to which numerous communities are generally more exposed than others, chose not to live in the great monastery on the summit, but in an hermitage on the descent of the mountain, under the discipline of Martyrius, an holy ancient anchoret. By silence, he curbed the insolent itch of talking about every thing, an ordinary vice in learned men, but usually a mark of pride and self-sufficiency. By perfect humility and obedience, he banished the dangerous desire of self-complacency in his actions. He never contradicted, nor disputed with any one. So perfect was his submission, that he seemed to have no self-will. He undertook to sail through the deep sea of this mortal life securely, under the direction of a prudent guide, and shunned those rocks which he could not have escaped, had he presumed to steer alone, as he tells us. 1 From the visible mountain he raised his heart,   without interruption, in all his actions, to God, who is invisible; and, attentive to all the motions of his grace, studied only to do his will. Four years he spent in the trial of his own strength, and in learning the obligations of his state, before he made his religious profession which was in the twentieth year of his age. In his writings, he severely condemns engagements made by persons too young, or before a sufficient probation. By fervent prayer and fasting he prepared himself for the solemn consecration of himself to God, that the most intense fervour might make his holocaust the more perfect: and from that moment he seemed to be renewed in spirit; and his master admired the strides with which, like a mighty giant, the young disciple advanced, daily more and more, towards God by self-denial, obedience, humility, and the uninterrupted exercises of divine love and prayer.

  In the year 560, and the thirty-fifth of his age, he lost Martyrius by death; having then spent nineteen years in that place in penance and holy contemplation. By the advice of a prudent director, he then embraced an eremitical life in a plain called Thole, near the foot of Mount Sinai. His cell was five miles from the church, probably the same which had been built a little before, by order of the emperor Justinian, for the use of the monks, at the bottom of this mountain, in honour of the Blessed Virgin, as Procopius mentions. 2 Thither he went every Saturday and Sunday to assist, with all the other anchorets and monks of that desert, at the holy office and at the celebration of the divine mysteries when they all communicated. His diet was very sparing, though to shun ostentation and the danger of vain-glory, he eat of every thing that was allowed among the monks of Egypt, who universally abstained from flesh, fish, &c. Prayer was his principal employment; and he practised what he earnestly recommends to all Christians, that in all their actions, thoughts, and words, they should keep themselves with great fervour in the presence of God, and direct all they do to his holy will. 3 By habitual contemplation he acquired an extraordinary purity of heart, and such a facility of lovingly beholding God in all his works, that this practice seemed in him a second nature. Thus he accompanied his studies with perpetual prayer. He assiduously read the holy scriptures, and fathers, and was one of the most learned doctors of the church. But, to preserve the treasure of humility, he concealed, as much as possible, both his natural and acquired talents, and the extraordinary graces with which the Holy Ghost enriched his soul. By this secrecy he fled from the danger of vain-glory, which, like a leech, sticks to our best actions, and sucking from them its nourishment robs us of their fruit. As if this cell had not been sufficiently remote from the eyes of men, St. John frequently retired into a neighbouring cavern, which he had made in the rock, where no one could come to disturb his devotions, or interrupt his tears. So ardent were his charity and compunction, that his eyes seemed like two fountains, which scarcely ever ceased to flow; and his continual sighs and groans to heaven, under the weight of the miseries inseparable from his mortal pilgrimage, were not to be equalled by the vehemency of the cries of those who suffer from knives and fire. Overcome by importunities, he admitted a holy anchoret named Moyses, to live with him as his disciple.

God bestowed on St. John an extraordinary grace of healing the spiritual disorders of souls. Among others, a monk called Isaac, was brought almost to the brink of despair by most violent temptations of the flesh. He addressed himself to St. John, who perceived by his tears how much he underwent from that conflict and struggle which he felt within himself. The servant of God commended his faith, and said: “My son, let us have recourse to God by prayer.” They accordingly prostrated themselves together on the ground in fervent supplication for a deliverance, and from that time the infernal serpent left Isaac in peace. Many others resorted to St. John for spiritual advice: but the devil excited some to jealousy, who censured him as one who, out of vanity, lost much time in unprofitable discourse. The saint took this accusation, which was a mere calumny, in good part, and as a charitable admonition: he therefore imposed on himself a rigorous silence for near a twelvemonth. This his humility and modesty so much astonished his calumniators, that they joined the rest of the monks in beseeching him to reassume his former function of giving charitable advice to all that resorted to him for it, and not to bury that talent of science which he had received for the benefit of many. He who knew not what it was to contradict others, with the same humility and deference again opened his mouth to instruct his neighbour in the rules of perfect virtue: in which office, such was the reputation of his wisdom and experience, that he was regarded as another Moses in that holy place.

  St. John was now seventy-five years old, and had spent forty of them in his hermitage, when in the year six hundred, he was unanimously chosen abbot of Mount Sinai, and superior general of all the monks and hermits in that country. Soon after he was raised to this dignity, the people of Palestine and Arabia, in the time of a great drought and famine, made their application to him as to another Elias, begging him to intercede with God in their behalf. The saint failed not with great earnestness to recommend their distress to the Father of mercies, and his prayer was immediately recompensed with abundant rains. St. Gregory the Great, who then sat in St. Peter’s chair, wrote to our holy abbot, 4 recommending himself to his prayers, and sent him beds, with other furniture and money, for his hospital, for the use of pilgrims near Mount Sinai. John, who had used his utmost endeavours to decline the pastoral charge, when he saw it laid upon him, neglected no means which might promote the sanctification of all those who were intrusted to his care. That posterity might receive some share in the benefit of his holy instructions, John, the learned and virtuous abbot of Raithu, a monastery situate towards the Red-Sea, entreated him by that obedience he had ever practised, even with regard to his inferiors that it would draw up the most necessary rules by which fervent souls might arrive at Christian perfection. The saint answered him, that nothing but extreme humility could have moved him to write to so miserable a sinner, destitute of every sort of virtue; but that he received his commands with respect, though far above his strength, never considering his own insufficiency. Wherefore, apprehensive of falling into death by disobedience, he took up his pen in haste, with great eagerness mixed with fear, and set himself to draw some imperfect outlines as an unskilful painter, leaving them to receive from him, as a great master, the finishing strokes. This produced the excellent work which he called Climax, or the Ladder of Religious Perfection. This book being written in sentences, almost in the manner of aphorisms, abounds more in sense than words. A certain majestic simplicity, an inexpressible unction and spirit of humility, joined with conciseness and perspicuity, very much enhance the value of this performance: but its chief merit consists in the sublime sentiments, and perfect description of all Christian virtues, which it contains. The author confirms his precepts by several edifying examples, as of obedience and penance. 5 In describing a monastery of three hundred and thirty monks, which he had visited near Alexandria in Egypt, he mentions one of the principal citizens of that city, named Isidore, who petitioning to be admitted into the house, said to the abbot: “As iron is in the hands of the smith, so am I in your hands.” The abbot ordered him to remain without the gate, and to prostrate himself at the feet of every one that passed by, begging their prayers for his soul struck with a leprosy. Thus he passed seven years in profound humility and patience. He told St. John, that during the first year he always considered himself as a slave condemned for his sins, and sustained violent conflicts. The second year he passed in tranquillity and confidence: and the third with relish and pleasure in his humiliations. So great was his virtue, that the abbot determined to present him to the bishop in order to be promoted to the priesthood; but the humility of the holy penitent prevented the execution of that design; for having begged at least a respite, he died within ten days. St. John could not help admiring the cook of this numerous community who seemed always recollected, and generally bathed in tears amidst his continual occupation, and asked him by what means he nourished so perfect a spirit of compunction, in the midst of such a dissipating laborious employment? He said, that serving the monks, he represented to himself that he was serving not men, but God in his servants: and that the fire he always had before his eyes, reminded him of that fire which will burn souls for all eternity. The moving description which our author gives of the monastery of penitents called the Prison, above a mile from the former, hath been already abridged in our language. John the Sabaite told our saint as of a third person, that seeing himself respected in his monastery, he considered that this was not the way to satisfy for his sins. Wherefore, with the leave of his abbot, he repaired to a severe monastery in Pontus, and after three years saw in a dream a schedule of his debts, to the amount in appearance of one hundred pounds of gold, of which only ten were cancelled. He therefore repeated often to himself: “Poor Antiochus thou hast still a great debt to satisfy.” After passing other thirteen years in contempt and the most fervent practices of penance, he deserved to see in a vision his whole debt blotted out. Another monk, in a grievous fit of illness, fell into a trance, in which he lay as if he had been dead for the space of an hour: but recovering, he shut himself up in his cell, and lived a recluse twelve years, almost continually weeping, on the perpetual meditation of death. When he was near death, his brethren could only extort from him these words of edification: “He who hath death always before his eyes, will never sin.” John, abbot of Raithu, explained this book of our saint by judicious comments, which are all extant. We have likewise a letter of St. John Climacus to the same person, concerning the duties of a pastor, in which he exhorts him in correcting others to temper severity with mildness, and encourages him zealously to fulfil the obligations of his charge; for nothing is greater or more acceptable to God than to offer him the sacrifice of rational souls sanctified by penance and charity.

St. John sighed continually under the weight of his dignity, during the four years that he governed the monks of Mount Sinai: and as he had taken upon him that burden with fear and reluctance, he with joy found means to resign the same a little before his death. Heavenly contemplation, and the continual exercise of divine love and praise, were his delight and comfort in his earthly pilgrimage: and in this imitation of the functions of the blessed spirits in heaven he placeth the essence of the monastic state. 6 In his excellent maxims concerning the gift of holy tears, the fruit of charity, 7 we seem to behold a lively portraiture of his most pure soul. He died in his hermitage on the 30th day of March, in 605, being fourscore years old. His spiritual son George, who had succeeded him in the abbacy, earnestly begged of God that he might not be separated from his dear master and guide; and followed him by a happy death within a few days. On several Greek commentaries on St. John Climacus’s ladder, see Montfaucon, Biblioth. Coisliana, p. 305, 306

St. John Climacus, speaking of the excellence and the effects of charity, does it with a feeling and energy worthy of such a subject. “A mother,” says he, 8 “feels less pleasure when she folds within her arms the dear infant whom she nourishes with her own milk, than the true child of charity does, when united, as he incessantly is, to his God, and folded as it were in the arms of his heavenly Father. 9 Charity operates in some persons so as to carry them almost entirely out of themselves. It illuminates others, and fills them with such sentiments of joy, that they cannot help crying out: The Lord is my helper and my protector: in him hath my heart confided, and I have been helped. And my flesh hath flourished again, and with my will I will give praise to him. 10 This joy which they feel in their hearts, is reflected on their countenances; and when once God has united, or, as we may say, incorporated them with his charity, he displays in their exterior, as in the reflection of a mirror, the brightness and serenity of their souls: even as Moses, being honoured with a sight of God, was encompassed round by his glory.” St. John Climacus composed the following prayer to obtain the gift of charity: “My God, I pretend to nothing upon this earth, except to be so firmly united to you by prayer, that to be separated from you may be impossible: let others desire riches and glory: for my part, I desire but one thing, and that is, to be inseparably united to you, and to place in you alone all my hopes of happiness and repose.”

Note 1. Gr. 1. 

Note 2. Procop. l. 5. de ædif. Justin. 

Note 3. S. Jo. Clim. gr. 27. n. 67. 

Note 4. St. Greg. l. 11. Ep. l. 1. 12. Ep. 16. t. 2. p. 1091. 

Note 5. Gr. 4 and 5. 

Note 6. Gr. 1. 

Note 7. Gr. 7. 27. 30. 

Note 8. Grad. 30. n. 12. 

Note 9. Gr. n. 14. 


Rev. Alban Butler (1711–73).  Volume III: March. The Lives of the Saints.  1866.

SOURCE : http://www.bartleby.com/210/3/301.html

San Giovanni Climaco Abate


Nato prima del 579, località ignota - Morto sul Monte Sinai ca. 649

In greco, «climaco» significa «quello della scala». Così è soprannominato Giovanni, monaco e abate, perché ha scritto una famosissima guida spirituale in greco: «Klimax tou Paradeisou», ossia «Scala del Paradiso». Ma di lui abbiamo scarse notizie: incerte le date di nascita e di morte, sconosciuta la famiglia (sappiamo però di un fratello, Giorgio, anche lui monaco). Lo troviamo nella penisola del Sinai, monaco a vent’anni, tra molti altri, chi legato a un centro di vita comune, chi invece isolato in preghiera solitaria. Lui sperimenta entrambe le forme di vita, e poi si fissa nel monastero di Raithu, nel sud-ovest della regione. Ma verso i 60 anni lo chiamano a guidare come abate un altro grande e più famoso cenobio: quello del Monte Sinai. E lì porta a termine la «Scala», che diventerà popolarissima. Sarebbe morto nel 649. (Avvenire)

Etimologia: Giovanni = il Signore è benefico, dono del Signore, dall'ebraico

Emblema: Bastone pastorale, Scala

Martirologio Romano: Sul monte Sinai, san Giovanni, abate, che scrisse per l’istruzione dei monaci il celebre libro intitolato «La Scala del paradiso», nel quale presentò un cammino di perfezionamento spirituale nella forma di una salita di trenta gradini verso Dio, meritando per questo il soprannome di Clímaco.

In greco, “climaco” significa “quello della scala”. Così è soprannominato Giovanni, monaco e abate, perché ha scritto una famosissima guida spirituale in greco: Klimax tou Paradeisou, ossia “Scala del Paradiso”. Ma di lui abbiamo scarse notizie: incerte le date di nascita e di morte, sconosciuta la famiglia (sappiamo però di un fratello, Giorgio, anche lui monaco).Giovanni vive nel tempo in cui l’Italia è spartita tra Longobardi e Impero d’Oriente; i rissosi discendenti di Clodoveo sono padroni dell’antica Gallia, che ormai è terra dei Franchi, Francia; i re visigoti governano la Spagna. E questo è anche il tempo in cui dall’Arabia profonda emerge la figura di Maometto (570/8-632).Giovanni, eccolo: lo troviamo nella penisola del Sinai, monaco a vent’anni, tra molti altri, chi legato a un centro di vita comune, chi invece isolato in preghiera solitaria. Lui sperimenta entrambe le forme di vita, e poi si fissa nel monastero di Raithu, nel sud-ovest della regione. Ma verso i 60 anni lo chiamano a guidare come abate un altro grande e più famoso cenobio: quello del Monte Sinai. E lì, stimolato dall’abate di Raithu, porta a termine la “Scala”, che diventerà popolarissima, tradotta in latino, siriaco, armeno, arabo, slavo.Giovanni non si muove dal monastero, e la sua fama corre invece per il mondo cristiano, grazie al libro con i suoi insegnamenti, che non cercano davvero la popolarità facile, e non fanno sconti. Se qualcuno crede che fare il monaco sia un devoto passatempo, Giovanni lo raddrizza bruscamente: la vita del monaco, scrive, dev’essere "una costrizione incessante sulla natura e una costante influenza sui sensi". Ma suscita pure grandiose speranze quando afferma che le lacrime del pentimento hanno il valore quasi di un nuovo battesimo. Alla “Scala” egli aggiunge poi un breve testo-guida per i superiori, forse ispirato a un’opera simile: la Regula pastoralis di papa Gregorio Magno, tradotta in greco ad Antiochia. Papa Gregorio fa in tempo a conoscere Giovanni da lontano: gli scrive una lettera di elogio, e lo aiuta a ingrandire un suo ospizio per pellegrini, mandandogli il denaro necessario per quindici nuovi letti, e fornendo direttamente le coperte.Giovanni Climaco insegna nel suo monastero a viva voce. Ma attraverso il libro raggiunge sempre nuovi e sconosciuti discepoli, in Oriente e Occidente. La “Scala” è cercata e studiata per l’efficace chiarezza della sintesi dottrinale e per il valore delle esperienze di Giovanni in prima persona. Secondo studi recenti, egli sarebbe morto nel 649, anche se non tutto è certo. Certo e stimolante, invece, è un fatto: su di lui i cristiani d’Oriente e d’Occidente sono stati sempre concordi: ancora oggi celebrano la sua festa nello stesso giorno.

Autore:
Domenico Agasso

Saint Jean Climaque. L’Échelle sainte :