vendredi 9 décembre 2011

CREDO- SYMBOLE DES APÔTRES (XI) : Credo in Spiritum Sanctum

Gian Lorenzo Bernini. Le Saint-Esprit sous la forme d'une colombe, 1660, 
Trône de Saint Pierre, Vatican


BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 16 mai 2012

Chers frères et sœurs,

Au cours des dernières catéchèses, nous avons réfléchi sur la prière dans les Actes des Apôtres ; aujourd’hui, je voudrais commencer à parler de la prière dans les Lettres de saint Paul, l’apôtre des nations. Je voudrais avant tout souligner que ce n’est pas un hasard si ses Lettres sont introduites et se concluent par l’expression d’une prière : au début, l’action de grâce et la louange, et, à la fin, le vœu afin que la grâce de Dieu guide le chemin des communautés auxquelles s’adresse la lettre. Entre la formule d’ouverture « Je rends grâce à mon Dieu par Jésus Christ » (Rm 1, 8) et le souhait final : « Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec vous » (1 Co 16, 23), se développent les contenus des Lettres de l’apôtre. La prière de saint Paul manifeste une grande richesse de formes qui vont de l’action de grâce à la bénédiction, de la louange à la demande et à l’intercession, de l’hymne à la supplique : une variété d’expressions qui montre que la prière touche et pénètre toutes les situations de la vie, tant celles des personnes que des communautés auxquelles il s’adresse.

Un premier élément que l’apôtre veut nous faire comprendre est que la prière ne doit pas être considérée comme une simple bonne œuvre que nous accomplissons pour Dieu, comme notre propre action. C’est avant tout un don, fruit de la présence vivante, vivifiante du Père et de Jésus Christ en nous. Dans la Lettre aux Romains, il écrit : « Bien plus, l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intervient pour nous par des cris inexprimables » (8, 26). Et nous savons combien ce que dit l’apôtre est vrai : « Nous ne savons pas prier comme il faut ». Nous voulons prier, mais Dieu est loin, nous n’avons pas les paroles, le langage, pour parler à Dieu, ni même la pensée. Nous pouvons seulement nous ouvrir, mettre notre temps à la disposition de Dieu, attendre qu’il nous aide lui-même à entrer dans le vrai dialogue. L’apôtre dit : ce manque de paroles, cette absence de paroles, mais aussi ce désir d’entrer en contact avec Dieu, est précisément la prière que l’Esprit Saint non seulement comprend, mais apporte et interprète auprès de Dieu. Par l’intermédiaire de l’Esprit Saint, notre faiblesse devient précisément une véritable prière, un véritable contact avec Dieu. L’Esprit Saint est presque l’interprète qui nous fait comprendre à nous-mêmes et à Dieu ce que nous voulons dire.

Dans la prière, plus que dans les autres dimensions de notre existence, nous faisons l’expérience de notre faiblesse, de notre pauvreté, de notre condition de créatures, car nous sommes placés face à la toute-puissance et à la transcendance de Dieu. Et plus nous progressons dans l’écoute et dans le dialogue avec Dieu, afin que la prière devienne le souffle quotidien de notre âme, plus nous percevons le sens de nos limites, non seulement face aux situations concrètes de tous les jours, mais aussi dans notre relation même avec le Seigneur. Ainsi croît en nous le besoin de lui faire confiance, de nous en remettre toujours davantage à Lui ; nous comprenons que « nous ne savons pas... prier comme il faut » (Rm 8, 26). Et c’est l’Esprit Saint qui vient en aide à notre incapacité, qui éclaire notre esprit et qui réchauffe notre cœur, en nous guidant lorsque nous nous adressons à Dieu. Pour saint Paul, la prière est surtout l’œuvre de l’Esprit dans notre humanité, pour assumer notre faiblesse et nous transformer, d’hommes liés aux réalités matérielles en hommes spirituels. Dans la Première Lettre aux Corinthiens, l’apôtre dit : « Et nous, l’esprit que nous avons reçu, ce n’est pas celui du monde, c’est celui qui vient de Dieu, et ainsi nous avons conscience des dons que Dieu nous a faits. Et nous proclamons cela avec un langage que nous n’apprenons pas de la sagesse humaine, mais de l’Esprit, et nous interprétons de manière spirituelle ce qui vient de l’Esprit » (2, 12-13). En habitant notre fragilité humaine, l’Esprit Saint nous change, intercède pour nous et nous élève jusqu’à Dieu (cf. Rm 8, 26).

Par cette présence de l’Esprit Saint se réalise notre union au Christ car il s’agit de l’Esprit du Fils de Dieu, en qui nous devenons fils. Saint Paul parle de l’Esprit du Christ (cf. Rm 8, 9), et pas seulement de l’Esprit de Dieu. Cela est évident : si le Christ est le Fils de Dieu, son Esprit est aussi l’Esprit de Dieu ; ainsi, si l’Esprit de Dieu, l’Esprit du Christ, est devenu déjà très proche de nous dans le Fils de Dieu et le Fils de l’homme, l’Esprit de Dieu devient aussi un esprit humain et nous touche ; nous pouvons entrer dans la communion de l’Esprit. C’est comme s’il disait que non seulement Dieu le Père s’est rendu visible dans l’incarnation du Fils, mais aussi que l’Esprit de Dieu se manifeste dans la vie et dans l’action de Jésus, de Jésus Christ, qui a vécu, a été crucifié, est mort et ressuscité. L’apôtre rappelle que « personne n’est capable de dire : “Jésus est le Seigneur” sans l’action de l’Esprit Saint » (1 Co 12, 3). L’Esprit oriente donc notre cœur vers Jésus Christ, de sorte que « ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » (cf. Ga 2, 20). Dans ses Catéchèses sur les sacrements, en réfléchissant sur l’Eucharistie, saint Ambroise affirme : « Celui qui s’enivre de l’Esprit est enraciné dans le Christ » (5, 3, 17: pl 16, 450).

Je voudrais à présent souligner trois conséquences pour notre vie chrétienne, lorsque nous laissons agir en nous non pas l’esprit du monde, mais l’Esprit du Christ comme principe intérieur de toutes nos actions.

Tout d’abord, avec la prière animée par l’Esprit Saint, nous sommes mis en condition d’abandonner et de surmonter toute forme de peur ou d’esclavage, en vivant la liberté authentique des fils de Dieu. Sans la prière qui alimente chaque jour notre être dans le Christ, dans une intimité croissante, nous nous trouvons dans la condition décrite par saint Paul dans la Lettre aux Romains : nous ne faisons pas le bien que nous voulons, mais le mal que nous ne voulons pas (cf. Rm 7, 19). Telle est l’expression de l’aliénation de l’être humain, de la destruction de notre liberté, à cause de la condition de notre être marqué par le péché originel : nous voulons le bien que nous ne faisons pas et nous faisons ce que nous ne voulons pas, le mal. L’apôtre veut faire comprendre que ce n’est pas avant tout notre volonté qui nous libère de cette condition, ni la Loi, mais l’Esprit Saint. Et puisque « là où l’Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté » (2 Co 3, 17), avec la prière, nous faisons l’expérience de la liberté donnée par l’Esprit: une liberté authentique, qui est une liberté du mal et du péché, pour le bien et pour la vie, pour Dieu. La liberté de l’Esprit, continue saint Paul, ne s’identifie jamais ni avec le libertinage, ni avec la possibilité de faire le choix du mal, mais plutôt avec « ce que produit l’Esprit: amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi » (Ga 5, 22). Telle est la véritable liberté: pouvoir réellement suivre le désir du bien, de la vraie joie, de la communion avec Dieu et ne pas être opprimé par les circonstances qui nous attirent vers d’autres directions.

Une seconde conséquence qui se produit dans notre vie, quand nous laissons agir en nous l’Esprit du Christ, est que la relation même avec Dieu devient tellement profonde qu’elle n’est affectée par aucune réalité ni situation. Nous comprenons alors qu’avec la prière, nous ne sommes pas libérés des épreuves ou des souffrances, mais nous pouvons les vivre en union avec le Christ, avec ses souffrances, dans la perspective de participer également à sa gloire (cf. Rm 8, 17). Souvent, dans notre prière, nous demandons à Dieu d’être libérés du mal physique ou spirituel, et nous le faisons avec une grande confiance. Pourtant, nous avons souvent l’impression de ne pas être écoutés et nous risquons alors de nous décourager et de ne pas persévérer. En réalité, il n’y a pas un cri humain qui ne soit écouté par Dieu et c’est précisément dans la prière constante et fidèle que nous comprenons avec saint Paul qu’« il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous » (Rm 8, 18). La prière ne nous épargne pas les épreuves et les souffrances, au contraire — dit saint Paul — « nous crions en nous-mêmes notre souffrance ;... nous attendons notre adoption et la délivrance de notre corps » (Rm 8, 24) ; il dit que la prière ne nous épargne pas la souffrance mais qu’elle nous permet de la vivre et de l’affronter avec une force nouvelle, avec la même confiance que Jésus qui — selon la Lettre aux Hébreux — « pendant les jours de sa vie mortelle,... a présenté, avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort ; et, parce qu’il s’est soumis en tout, il a été exaucé » (5, 7). La réponse de Dieu le Père à son Fils, à ses cris puissants et à ses larmes, n’a pas été la libération des souffrances, de la croix, de la mort, mais une réalisation beaucoup plus grande, une réponse beaucoup plus profonde ; à travers la croix et la mort, Dieu a répondu par la résurrection de son Fils, par une vie nouvelle. La prière animée par l’Esprit Saint nous porte, nous aussi, à vivre chaque jour le chemin de notre vie avec ses épreuves et ses souffrances, dans la pleine espérance, dans la confiance en Dieu qui répond comme il a répondu à son Fils.

Troisième point, la prière du croyant s’ouvre aussi aux dimensions de l’humanité et de toute la création, assumant « la création [qui] aspire de toutes ses forces à voir cette révélation des fils de Dieu » (Rm 8, 19). Cela signifie que la prière, soutenue par l’Esprit du Christ qui parle au plus profond de nous, ne reste jamais fermée sur elle-même, n’est jamais seulement une prière pour moi, mais qu’elle s’ouvre au partage des souffrances de notre temps, des autres. Elle devient une intercession pour les autres et ainsi, la libération de moi-même, le canal d’espérance pour toute la création, l’expression de cet amour de Dieu qui est répandu dans nos cœurs par l’Esprit qui nous a été donné (cf. Rm 5, 5). Et ceci est justement le signe d’une véritable prière, qui ne prend pas fin en nous-mêmes, mais qui s’ouvre aux autres et, ainsi, me libère et contribue à la rédemption du monde.

Chers frères et sœurs, saint Paul nous enseigne que, dans notre prière, nous devons nous ouvrir à la présence de l’Esprit Saint, qui prie en nous par des cris inexprimables, pour nous conduire à adhérer à Dieu de tout notre cœur et de tout notre être. L’Esprit du Christ devient la force de notre « faible » prière, la lumière de notre prière « éteinte », le feu de notre prière « sèche », et nous donne la véritable liberté intérieure, nous enseignant à vivre en affrontant les épreuves de l’existence, dans la certitude que nous ne sommes pas seuls, en nous ouvrant aux horizons de l’humanité et de la création qui « crie sa souffrance,... passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore » (Rm 8, 22). Merci.

* * *

Je salue les pèlerins francophones, en particulier les frères du Sacré-Cœur, les Maronites de Cotonou, les fidèles venus d’Haïti et de la Réunion, les amis de Madeleine Delbrel et tous les jeunes ! Puissiez-vous laisser l’Esprit habiter en vous et y imprimer le visage du Christ pour devenir libres et capables de vivre dans l’amour de Dieu et des autres. Bon pèlerinage à tous !

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SOURCE : https://www.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2012/documents/hf_ben-xvi_aud_20120516.html

Le Défenseur

« Viendra le Défenseur, que je vous enverrai d’auprès du Père » (Jn 15, 26). Avec ces paroles, Jésus promet aux disciples l’Esprit Saint, le don définitif, le don des dons. Il en parle en utilisant une expression particulière, mystérieuse : Paraclet. Accueillons aujourd’hui ce mot, pas facile à traduire car il contient plusieurs significations. Paraclet, en substance, veut dire deux choses : Consolateur et Avocat. Nous tous, spécialement dans les moments difficiles, nous cherchons des consolations. Mais souvent nous recourons seulement aux consolations terrestres, qui s’estompent vite, ce sont des consolations d’un moment. Jésus nous offre aujourd’hui la consolation du Ciel, l’Esprit, le « Consolateur souverain ». Quelle est la différence ? Les consolations du monde sont comme les anesthésiants : elles donnent un soulagement momentané, mais elles ne soignent pas le mal profond que nous portons à l’intérieur. Elles détournent, distraient, mais ne guérissent pas à la racine. Elles agissent en superficie, au niveau des sens et difficilement au niveau du cœur. Parce que seul celui qui nous fait sentir aimés tels que nous sommes donne la paix du cœur. L’Esprit Saint, l’amour de Dieu, fait ainsi : il descend à l’intérieur, car l’Esprit agit dans notre esprit. Il visite « jusqu’à l’intime le cœur », comme « hôte très doux de nos âmes ». Il est la tendresse même de Dieu.

Pape François

Jorge Mario Bergoglio, s.j., né en 1936 à Buenos Aires, a été élu pape sous le nom de François en 2013. / Homélie du 23 mai 2021, Librairie éditrice vaticane.

SOURCE : https://fr.aleteia.org/daily-prayer/lundi-15-mai-2/meditation-de-ce-jour-1/

Folio 14v of the Rabula Gospels (Florence, Biblioteca Mediceo Laurenziana, cod. Plut. I, 560), Pentecost

La Pentecôteminiature des Évangiles de Rabula, 586.


Qu’est-ce que l’Esprit Saint ?

Homélie de Benoît XVI lors de la Veillée de la Pentecôte 2006, avec les mouvements ecclésiaux (24/5/2015)

Lorsque nous récitons le Credo, nous disons:

Je crois en l'Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie

Il procède du Père et du Fils.

Avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire.

Il a parlé par les prophètes.

Mais qu'est-ce que cela signifie? Et cet Esprit, dont se réclament abondamment en ce moment ceux qui veulent changer la Doctrine de l'Eglise, qu'est-Il, au juste?

C'est une question à laquelle il est difficile trouver une réponse qui satisfasse à la fois la raison et la foi.
Et c'est la réponse de Benoît XVI que nous trouvons ici. Cette homélie, inhabituellement longue, a été prononcée le samedi 3 juin 2006, lors de la veillée de la Pentecôte, alors que le saint Père rencontrait les mouvements ecclésiaux et les communautés nouvelles. Elle est particulièrement sublime, et elle doit être relue plusieurs fois pour être longuement méditée.

[On trouvera toutes les homélies de Pentecôte de Benoît XVI, sur le site du Vatican, ICI]

L'HOMÉLIE DE BENOÎT XVI

www.vatican.va/liturgical_year/pentecost/2006/pentecoste_fr.html#4 juin 2006

[après les salutations d'usage]

A présent, en cette Veillée de Pentecôte, nous nous demandons: qui est ou qu'est-ce que l'Esprit Saint? Comment pouvons-nous le reconnaître? De quelle façon allons-nous à Lui et Lui vient-il à nous? Qu'est-ce qu'il fait?

Une première réponse nous est donnée par le grand hymne de Pentecôte de l'Eglise, par lequel nous avons commencé les Vêpres: "Veni, Creator Spiritus... - Viens, Esprit Créateur..." (cf Annexe).

L'hymne fait ici référence aux premiers versets de la Bible qui évoquent, en ayant recours à des images, la création de l'univers.

Il y est tout d'abord dit qu'au-dessus du chaos, sur les eaux des abîmes, l'Esprit de Dieu planait. Le monde dans lequel nous vivons est l'oeuvre de l'Esprit Créateur. La Pentecôte n'est pas seulement l'origine de l'Eglise et donc, de manière particulière, sa fête; la Pentecôte est aussi une fête de la création. Le monde n'existe pas tout seul; il provient de l'Esprit créateur de Dieu, de la Parole créatrice de Dieu. C'est pourquoi il reflète également la sagesse de Dieu. Celle-ci, dans son ampleur et dans la logique qui embrasse ses lois sous tous leurs aspects, laisse entrevoir quelque chose de l'Esprit Créateur de Dieu. Celle-ci nous appelle à la crainte révérentielle. Précisément celui qui, en tant que chrétien, croit dans l'Esprit Créateur, prend conscience du fait que nous ne pouvons pas user et abuser du monde et de la matière comme d'un simple matériau au service de notre action et de notre volonté; que nous devons considérer la création comme un don qui nous est confié non pour qu'il soit détruit, mais pour qu'il devienne le jardin de Dieu et, ainsi, un jardin de l'homme. Face aux multiples formes d'abus de la terre que nous voyons aujourd'hui, nous entendons presque le gémissement de la création dont parle saint Paul (Rm 8, 22); nous commençons à comprendre les paroles de l'Apôtre, c'est-à-dire que la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu, pour être libérée et atteindre sa splendeur.

Chers amis, nous voulons être ces fils de Dieu que la création attend, et nous pouvons l'être, car dans le baptême, le Seigneur nous a rendus tels. Oui, la création et l'histoire - celles-ci nous attendent, elles attendent des hommes et des femmes qui soient réellement des fils de Dieu et qui se comportent en conséquence.

Si nous regardons l'histoire, nous voyons de quelle manière, autour des monastères, la création a pu prospérer, tout comme avec le réveil de l'Esprit de Dieu dans le coeur des hommes, le rayonnement de l'Esprit Créateur est revenu également sur la terre - un rayonnement qui avait été obscurci par la barbarie de la soif de pouvoir de l'homme et parfois presque éteinte. Et à nouveau, autour de François d'Assise, la même chose se produit - cela se produit partout où l'Esprit de Dieu pénètre dans les âmes, cet Esprit que notre hymne qualifie de lumière, d'amour et de vigueur.

Nous avons ainsi trouvé une première réponse à la question sur ce qu'est l'Esprit Saint, ce qu'il accomplit et comment nous pouvons le reconnaître. Il vient à notre rencontre à travers la création et sa beauté. Toutefois, la bonne création de Dieu, au cours de l'histoire des hommes, a été recouverte par une épaisse couche de saleté qui rend, sinon impossible, du moins difficile de reconnaître en elle le reflet du Créateur - même si face à un coucher de soleil sur la mer, au cours d'une excursion en montagne ou devant une fleur à peine éclose se réveille toujours à nouveau en nous, presque spontanément, la conscience de l'existence du Créateur.

Mais l'Esprit Créateur vient à notre aide. Il est entré dans l'histoire et ainsi, il nous parle d'une manière nouvelle. En Jésus Christ, Dieu lui-même s'est fait homme et nous a accordé la possibilité, pour ainsi dire, de jeter un regard dans l'intimité de Dieu lui-même. Et nous voyons là une chose tout à fait inattendue: en Dieu existent un Moi et un Tu. Le Dieu mystérieux n'est pas une infinie solitude, Il est un événement d'amour.

Si, à partir du regard sur la création, nous pensons pouvoir entrevoir l'Esprit Créateur, Dieu lui-même, presque comme des mathématiques créatives, comme un pouvoir qui modèle les lois du monde et leur ordre, mais également, comme la beauté - à présent nous le savons: l'Esprit Créateur a un coeur. Il est Amour. Il existe le Fils, qui parle avec le Père. Et tous les deux sont une seule chose dans l'Esprit qui est, pour ainsi dire, l'atmosphère du don et de l'amour qui fait d'eux un Dieu unique. Cette unité d'amour, qui est Dieu, est une unité beaucoup plus sublime que ne pourrait l'être l'unité d'une dernière particule indivisible. Le Dieu trine est précisément le seul et unique Dieu.

Au moyen de Jésus, nous jetons, pour ainsi dire, un regard dans l'intimité de Dieu.

Jean, dans son Evangile, l'a exprimé ainsi: "Dieu, personne ne l'a jamais vu; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, c'est lui qui a conduit à le connaître" (Jn 1, 18).

Mais Jésus ne nous a pas seulement laissé regarder dans l'intimité de Dieu; avec Lui Dieu est également comme sorti de son intimité et il est venu à notre rencontre. Cela a tout d'abord lieu dans sa vie, sa passion, sa mort et sa résurrection; dans sa parole. Mais Jésus ne se contente pas de venir à notre rencontre. Il veut davantage. Il veut l'unification. Telle est la signification des images du banquet et des noces. Nous ne devons pas seulement savoir quelque chose sur Lui, mais à travers Lui, nous devons être attirés en Dieu. C'est pourquoi Il doit mourir et ressusciter. Car à présent, il ne se trouve plus dans un lieu déterminé, mais désormais son Esprit, l'Esprit Saint, émane de Lui et entre dans nos coeurs, nous mettant ainsi en liaison avec Jésus lui-même et avec le Père - avec le Dieu Un et Trine.

La Pentecôte est cela: Jésus, et à travers Lui Dieu lui-même, vient à nous et nous attire en Lui. "Il envoie l'Esprit Saint" - ainsi s'exprime l'Ecriture.

Quel effet cela a-t-il?

Je voudrais tout d'abord noter deux aspects: l'Esprit Saint, à travers lequel Dieu vient à nous, nous apporte la vie et la liberté.

Regardons ces deux choses d'un peu plus près.

"Moi je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu'ils l'aient en abondance", dit Jésus dans l'Evangile de Jean (10, 10).

Vie et liberté - ce sont les choses auxquelles nous aspirons tous. Mais qu'est-ce que cela veut dire? - où et comment trouvons-nous la "vie"?

Je pense que, spontanément, la très grande majorité des hommes a la même conception de la vie que le fils prodigue de l'Evangile. Il s'était fait donner sa part d'héritage, et à présent, il se sentait libre, il voulait finalement vivre en n'ayant plus le poids des devoirs de la maison, il voulait seulement vivre. Avoir de la vie tout ce qu'elle peut offrir. En profiter pleinement - vivre, seulement vivre, s'abreuver à l'abondance de la vie et ne rien perdre de ce qu'elle peut offrir de précieux. A la fin, il se retrouva gardien de porcs, enviant même ces animaux - sa vie était devenue vide à ce point, vaine à ce point. Et sa liberté aussi se révélait vaine.

N'est-ce pas ce qui se passe aujourd'hui aussi? Lorsqu'on veut uniquement devenir le maître de sa vie, celle-ci devient toujours plus vide, plus pauvre; on finit facilement par se réfugier dans la drogue, dans la grande illusion. Et le doute apparaît de savoir si vivre, en fin de compte, est vraiment un bien.

Non, de cette façon nous ne trouvons pas la vie.

La parole de Jésus sur la vie en abondance se trouve dans le discours du bon Pasteur. C'est une parole qui se place dans un double contexte. A propos du Pasteur, Jésus nous dit qu'il donne sa vie. "Personne ne me l'enlève, mais je la donne de moi-même" (cf. Jn 10, 18). On ne trouve la vie qu'en la donnant; on ne la trouve pas en voulant en prendre possession. C'est ce que nous devons apprendre du Christ; et c'est ce que nous enseigne l'Esprit Saint, qui est pur don, qui est Dieu qui se donne. Plus quelqu'un donne sa vie pour les autres, pour le bien même, plus le fleuve de la vie coule en abondance.

En deuxième lieu, le Seigneur nous dit que la vie naît en allant avec le Pasteur qui connaît le pâturage - les lieux où jaillissent les sources de la vie. Nous trouvons la vie dans la communion avec Celui qui est la vie en personne - dans la communion avec le Dieu vivant, une communion dans laquelle l'Esprit Saint nous introduit, appelé par l'hymne des Vêpres "fons vivus", source vivante. Le pâturage, où coulent les sources de la vie, est la Parole de Dieu telle que nous la trouvons dans l'Ecriture, dans la foi de l'Eglise. Le pâturage est Dieu lui-même, que, dans la communion de la foi, nous apprenons à connaître à travers la puissance de l'Esprit Saint.

Chers amis, les Mouvements sont nés précisément de la soif de la vraie vie; ce sont des Mouvements pour la vie sous tous les aspects.

Là où ne s'écoule plus la source véritable de la vie, là où on s'approprie seulement de la vie au lieu de la donner, la vie des autres se trouve également en danger; on est disposé à exclure la vie sans défense qui n'est pas encore née, car elle semble ôter de l'espace à sa propre vie. Si nous voulons protéger la vie, nous devons alors surtout retrouver la source de la vie; la vie elle-même doit alors réapparaître dans toute sa beauté et son caractère sublime; nous devons alors nous laisser vivifier par l'Esprit Saint, source créatrice de la vie.

Le thème de la liberté a déjà été évoqué il y a peu.

Dans le départ du fils prodigue se rejoignent justement les thèmes de la vie et de la liberté. Il veut la vie, et c'est pourquoi il veut être totalement libre.

Etre libre signifie, de ce point de vue, pouvoir faire tout ce que l'on veut; ne devoir accepter aucun critère en dehors ou au-dessus de moi-même. Suivre seulement mon désir et ma volonté. Qui vit ainsi s'opposera très vite à l'autre qui veut vivre de la même manière. La conséquence nécessaire de cette conception égoïste de la liberté est la violence, la destruction réciproque de la liberté et de la vie.

L'Ecriture Sainte relie en revanche le concept de liberté à celui de filiation, dit saint Paul: "Aussi bien n'avez-vous pas reçu un esprit d'esclave pour retomber dans la crainte; vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier "Abba! Père"" (Rm 8, 15).

Qu'est-ce que cela signifie?

Saint Paul se réfère ici au système social du monde antique, dans lequel existaient les esclaves, qui ne possédaient rien et qui ne pouvaient donc pas être intéressés à un juste déroulement des choses. De manière correspondante, il y avait les fils qui étaient également les héritiers et qui par conséquent se préoccupaient de la préservation et de la bonne administration de leur propriété ou de la conservation de l'Etat. Puisqu'ils étaient libres, ils avaient également une responsabilité. En faisant abstraction de l'arrière-fond sociologique de cette époque, le principe est toujours valable: liberté et responsabilité vont de pair. La véritable liberté se démontre dans la responsabilité, dans une manière d'agir qui prend sur soi la coresponsabilité pour le monde, pour soi-même et pour les autres. Libre est le fils auquel appartient quelque chose et qui ne permet donc pas qu'elle soit détruite. Toutes les responsabilités de ce monde, dont nous avons parlé, ne sont que des responsabilités partielles, dans un domaine déterminé, un Etat déterminé, etc. L'Esprit Saint en revanche fait de nous des fils et des filles de Dieu. Il nous fait participer à la responsabilité de Dieu lui-même pour son monde, pour l'humanité tout entière. Il nous enseigne à regarder le monde, l'autre et nous-mêmes avec les yeux de Dieu. Nous faisons le bien non comme des esclaves qui ne sont pas libres de faire autrement, mais nous le faisons parce que nous portons personnellement la responsabilité pour le monde; parce que nous aimons la vérité et le bien, parce que nous aimons Dieu lui-même et donc ses créatures également. Telle est la liberté véritable, à laquelle l'Esprit Saint veut nous conduire.

Les Mouvements ecclésiaux veulent et doivent être des écoles de liberté, de cette liberté véritable. Là nous voulons apprendre cette liberté véritable, non celle d'esclaves qui visent à couper pour eux-mêmes une part du gâteau qui appartient à tous, même si cette part doit ensuite manquer à l'autre. Nous souhaitons la véritable et grande liberté, celle des héritiers, la liberté des fils de Dieu. Dans ce monde, débordant de fausses libertés qui détruisent l'environnement et l'homme, nous voulons, avec la force de l'Esprit Saint, apprendre ensemble la liberté véritable; construire des écoles de liberté; démontrer aux autres par notre vie que nous sommes libres et comme il est beau de vivre véritablement libres dans la liberté véritable des enfants de Dieu.

L'Esprit Saint, en donnant la vie et la liberté, donne également l'unité. Il s'agit ici de trois dons inséparables les uns des autres. J'ai déjà parlé trop longuement; permettez-moi toutefois de dire encore un mot sur l'unité. Pour la comprendre, une phrase peut se révéler utile même si, au premier abord, elle semble plutôt nous éloigner de celle-ci.

A Nicodème qui, dans sa recherche de la vérité, vient une nuit poser des questions à Jésus, celui-ci répond: "L'Esprit souffle où il veut" (cf. Jn 3, 8).

Mais la volonté de l'Esprit n'est pas arbitraire. C'est la volonté de la vérité et du bien. C'est pourquoi il ne souffle pas n'importe où, se tournant une fois de ce côté-ci, et une autre de ce côté-là; son souffle ne nous disperse pas mais nous réunit, parce que la vérité unit et l'amour unit. L'Esprit Saint est l'Esprit de Jésus Christ, l'Esprit qui unit le Père avec le Fils dans l'Amour qui, dans l'unique Dieu, donne et accueille. Il nous unit à ce point que saint Paul a pu dire: "Vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus" (Ga 3, 28). L'Esprit Saint, par son souffle, nous pousse vers le Christ. L'Esprit Saint oeuvre de façon corporelle; il n'oeuvre pas seulement subjectivement, "spirituellement". Aux disciples qui voyaient en lui simplement un "esprit", le Christ ressuscité dit: "C'est bien moi! touchez-moi et rendez-vous compte qu'un esprit - un fantôme - n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'en ai" (cf. Lc 24, 39). Cela vaut pour le Christ ressuscité à toutes les époques de l'histoire. Le Christ ressuscité n'est pas un fantôme, il n'est pas simplement un esprit, une pensée, une idée seulement. Il est demeuré l'Incarné - celui qui a assumé notre chair - et il continue toujours à édifier son Corps, il fait de nous son Corps. L'Esprit souffle où il veut, et sa sainteté est l'unité faite corps, l'unité qui rencontre le monde et le transforme.

Dans la Lettre aux Ephésiens, saint Paul nous dit que ce Corps du Christ qui est l'Eglise, possède des jointures (cf. 4, 16), il les nomme également: ce sont les apôtres, les prophètes, les évangélistes, les pasteurs et les docteurs (cf. 4, 11).

L'Esprit dans ses dons prend de multiples formes - nous le voyons ici. Si nous regardons l'histoire, si nous regardons cette assemblée ici sur la Place Saint-Pierre - alors nous nous rendons compte qu'il suscite toujours de nouveaux dons, nous voyons combien il crée d'organes différents, et comment, de manière toujours nouvelle, il oeuvre corporellement. Mais en Lui la multiplicité et l'unité vont de pair. Il souffle où il veut. Il le fait de manière inattendue, dans des lieux inattendus et sous des formes qu'on ne peut jamais imaginer à l'avance. Et avec quelle multiplicité de forme et quelle corporéité il le fait! Et c'est précisément ici que la multiplicité des formes et l'unité sont inséparables entre elles. Il veut que vous preniez de multiples formes et il vous veut pour l'unique corps, dans l'union avec les ordres durables - les jointures - de l'Eglise, avec les successeurs des apôtres et avec le Successeur de saint Pierre. Il ne nous enlève pas la difficulté d'apprendre comment nous rapporter les uns aux autres; il nous démontre également qu'il oeuvre en vue de l'unique corps et dans l'unité de l'unique corps. C'est vraiment uniquement de cette manière que l'unité trouve sa force et sa beauté. Prendre part à l'édification de l'unique corps! Les pasteurs seront attentifs à ne pas éteindre l'Esprit (cf. 1 Th 5, 19) et vous, vous ne cesserez d'apporter vos dons à la communauté tout entière. Une fois de plus: l'Esprit Saint souffle où il veut. Mais sa volonté est l'unité. Il nous conduit vers le Christ, dans son Corps. "[du Christ] le Corps tout entier - nous dit saint Paul - reçoit concorde et cohésion par toutes sortes de jointures qui le nourrissent et l'actionnent selon le rôle de chaque partie, opérant ainsi sa croissance et se construisant lui-même, dans la charité" (Ep 4, 16).

L'Esprit veut l'unité, il veut la totalité. C'est pourquoi sa présence se démontre aussi surtout dans l'élan missionnaire. Qui a rencontré quelque chose de vrai, de beau et de bon dans sa propre vie - le seul vrai trésor, la perle précieuse! -, court le partager partout, dans sa famille et au travail, dans tous les domaines de son existence. Il le fait sans aucune crainte, parce qu'il sait qu'il a été adopté comme un fils; sans aucune présomption, parce que tout est don; sans découragement, parce que l'Esprit de Dieu précède son action dans le "coeur" des hommes et il est comme une semence dans les cultures et les religions les plus diverses. Il le fait sans frontières, parce qu'il est porteur d'une bonne nouvelle qui est pour tous les hommes, pour tous les peuples. Chers amis, je vous demande d'être, plus encore, beaucoup plus, des collaborateurs dans le ministère apostolique universel du Pape, en ouvrant les portes au Christ. C'est le meilleur service que l'Eglise rend aux hommes et en particulier aux pauvres, afin que la vie de la personne, un ordre plus juste dans la société et la coexistence pacifique entre les nations trouvent dans le Christ la "pierre angulaire" sur laquelle construire l'authentique civilisation, la civilisation de l'amour. L'Esprit Saint donne aux croyants une vision supérieure du monde, de la vie, de l'histoire et il fait d'eux des gardiens de l'espérance qui ne déçoit pas.

Prions donc Dieu le Père, à travers notre Seigneur Jésus Christ, dans la grâce de l'Esprit Saint, afin que la célébration de la solennité de la Pentecôte soit comme un feu ardent et un vent impétueux pour la vie chrétienne et pour la mission de toute l'Eglise. Je dépose les intentions de vos Mouvements et Communautés dans le coeur de la Très Sainte Vierge Marie, présente au Cénacle avec les Apôtres; puisse-t-elle obtenir par la prière leur réalisation concrète. J'invoque sur vous tous l'effusion des dons de l'Esprit, afin qu'à notre époque également, l'on puisse faire l'expérience d'une Pentecôte renouvelée.

Amen!

© Copyright 2006 - Libreria Editrice Vaticana

SOURCE : https://benoit-et-moi.fr/2015-I/benoit-xvi/quest-ce-que-lesprit-saint.php

Juan de Roelas (ca. 1615), La venida del Espíritu Santo, óleo sobre lienzo, de  para el retablo mayor de la iglesia del Hospital del Espíritu Santo, Sevilla, Museo de Bellas Artes de Sevilla.


Lettre encyclique sur le Saint Esprit du pape Léon XIII

Divinum Illud Munus


INTRODUCTION

La mission divine que Jésus-Christ a reçue de son Père dans l’intérêt du genre humain, et qu’il a si saintement accomplie, a pour fin dernière la béatitude des hommes au sein de la gloire éternelle et pour fin prochaine, dans cette vie, la possession et la conservation de la grâce divine dont la vie du ciel doit être le dernier épanouissement. Aussi le Rédempteur ne cesse-t-il d’inviter avec une extrême bonté les hommes de toutes les nations et de toute langue, à se rassembler dans le sein de son Eglise : Venez tous à moi, Je suis la Vie ; Je suis le Bon Pasteur [1].

Toutefois, il n’a pas voulu, dans ses desseins insondables, achever lui-même cette mission sur toute la terre, mais il a confié au Saint-Esprit le soin de couronner l’œuvre qu’il avait reçue du Père. On se rappelle avec joie les paroles que le Christ prononça, peu avant son départ, devant ses apôtres réunis : Il est de votre intérêt que je m’en aille ; car si je ne m’en vais pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; si je pars, au contraire, je vous l’enverrai [2]. Par cette affirmation, le Christ donnait la meilleur raison possible de son départ et de son retour auprès du Père avant tout les avantages que les disciples retireront de la venue de l’Esprit-Saint ; Il montrait en même temps que ce dernier, envoyé par lui, procédait de lui comme du Père, et qu’il devait terminer comme invocateur, consolateur, précepteur, l’ouvrage accompli par le Fils durant sa vie mortelle. C’est, en effet, à la vertu multiple de cet Esprit qui, lors de la création, orna les cieux [3] et rempli l’univers [4], que l’achèvement de l’œuvre rédemptrice était providentiellement réservée.

Nous nous sommes continuellement efforcé, avec le secours du Christ-Sauveur, prince des pasteurs et gardien de nos âmes, d’imiter les exemples qu’il nous a donnés, en nous attachant religieusement à la fonction confiée par lui aux Apôtres, et particulièrement à Pierre dont la dignité ne saurait défaillir, même dans un héritier indigne [5]. Dans ce but, Nous avons fait converger vers deux fins principales tous les travaux entrepris et poursuivis durant Notre pontificat déjà si long : en premier lieu, la restauration de la vie chrétienne dans la société et dans la famille, chez les princes et chez les peuples, toute véritable vie découlant du Christ ; en second lieu, la réconciliation de tous ceux qu’un motif de foi ou d’obéissance sépare de l’Eglise catholique, puisque le désir manifeste du Christ est de réunir tous les hommes en un seul bercail sous un seul pasteur. Aujourd’hui, voyant approcher le terme de Notre vie, Nous éprouvons plus vivement que jamais le désir de recommander à l’Esprit-Saint, qui est amour vivifiant, l’œuvre de Notre apostolat, quels que soient les résultats obtenus jusqu’ici, pour qu’il la féconde et l’amène à pleine maturité.

Afin que ces fruits soient meilleurs et plus abondants, Nous avons résolu, à l’occasion des solennités de la Pentecôte, de vous entretenir de la présence et de la vertu merveilleuse du Saint-Esprit, c’est-à-dire de l’action et de l’influence qu’il exerce dans toute l’Eglise et dans chacune de nos âme par l’admirable abondance de ses dons divins. Notre désir le plus ardent est de voir la foi au mystère de l’auguste Trinité se ranimer à nouveau dans les esprits, et amener par là une augmentation et un nouvel embrasement de piété à l’égard de cet Esprit divin, auquel principalement doivent rendre grâces tous ceux qui suivent les voies de la vérité et de la justice.

Car, comme l’a dit saint Basile : Qui niera que les dons faits à l’homme par Dieu et par Notre Sauveur Jésus-Christ, selon la bonté de Dieu, soient un effet de la grâce de Esprit-Saint [6] ?

 LE MYSTÈRE DE LA TRÈS SAINTE TRINITÉ « SUBSTANCE DU NOUVEAU TESTAMENT »

a) Trinité des personnes ; unité de l’essence.

Avant d’aborder Notre sujet, il nous plaît et il sera utile de dire quelques mots du mystère de la Très Sainte Trinité, appelé par les Docteurs la substance du Nouveau Testament, c’est-à-dire le plus grand de tous les mystères, la source et le fondement de tous les autres.

C’est pour le connaître et le contempler que les anges ont été créés dans le ciel et les hommes sur la terre. Ce mystère était voilé dans l’Ancien Testament, et c’est pour le manifester plus clairement que Dieu lui-même est descendu du séjour des anges vers les hommes : Jamais personne n’a vu Dieu ; le Fils unique de Dieu, qui est dans le sein du Père, l’a révélé lui-même [7]. Donc quiconque écrit ou parle sur la Trinité, doit avoir devant les yeux le sage conseil du Docteur angélique : Lorsque nous parlons de la Trinité, il faut de la prudence et de la réserve, parce que, comme le dit saint Augustin, il n’y a pas de sujet où l’erreur soit plus dangereuse, les investigations plus laborieuses, ni les découvertes plus fructueuses [8]. Le danger, dans la foi ou dans le culte, est de confondre entre elles les personnes divines ou de diviser leur nature unique ; car la foi catholique vénère un seul Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l’unité. Aussi, Innocent XII, Notre prédécesseur, refusa-t-il absolument, malgré de vives instances, d’autoriser une fête spéciale en l’honneur du Père. Que si on fête en particulier les mystères du Verbe incarné, il n’existe aucune fête honorant uniquement la nature divine du Verbe, et les solennités de la Pentecôte elles-mêmes ont été établies dès les premiers temps, non en vue d’honorer exclusivement l’Esprit-Saint pour lui-même, mais pour rappeler sa descente, c’est-à-dire sa mission extérieure.

Tout cela a été sagement décidé, afin que la distinction des personnes n’entraîne pas une distinction dans l’essence divine. En outre, pour maintenir ses enfants dans l’intégrité de la foi, l’Eglise a institué une fête de la Sainte Trinité, rendue ensuite obligatoire par Jean XXII ; elle permit de dédier à la Trinité des autels et des églises, et après une manifestation de la volonté divine, elle approuva un Ordre religieux fondé pour la délivrance des captifs, voué à la Trinité, dont il porte le nom. Les preuves abondent à ce sujet.

En effet, le culte rendu aux habitants des cieux, aux anges, à la Très Sainte Vierge Marie, au Christ, rejaillit finalement sur la Trinité elle-même.

Dans les prières adressées à l’une des trois personnes, on fait mention des autres ; dans les litanies, une invocation commune accompagne l’invocation adressée séparément à chacune des trois personnes. Dans les psaumes et les hymnes, la même louange est adressée au Père et au Fils et au Saint-Esprit ; les bénédictions, les cérémonies rituelles, les sacrements, sont accompagnés ou suivis d’une prière à la Sainte Trinité. Ces pratiques nous avaient été déjà conseillées depuis longtemps par l’Apôtre : Car tout est de lui, par lui et en lui ; gloire à lui dans les siècles [9]. Ces paroles signifiaient d’une part la trinité des personnes, et d’autre part affirmaient l’unité de nature.

Celle-ci étant la même pour chaque personne, on doit également à chacun, comme à un seul et même Dieu, la gloire éternelle due à la majesté divine. Saint Augustin, citant ce témoignage, ajoute : Il ne faut pas prendre dans un sens vague ces mots de l’Apôtre « De lui-même, par lui-même et en lui-même : Ex ipso, per ipsum et in ipso » ; il dit « de lui-même » à cause du Père, « par lui-même » à cause du Fils, « en lui-même » à cause du Saint-Esprit [10].

b) La doctrine de l’appropriation.

C’est avec beaucoup de raison qu’on attribue habituellement au Père les œuvres divines où éclate la puissance, au Fils celles où brille la sagesse, au Saint-Esprit celles où domine l’amour.

Non que toutes les perfections et toutes les œuvres extérieures ne soient communes aux personnes divines ; en effet, les œuvres de La Trinité sont indivisibles comme l’essence de la Trinité elle-même [11]parce que l’action des trois Personnes divines est aussi inséparable que leur essence [12]mais parce que, en vertu d’une certaine comparaison, et, pour ainsi dire, d’une affinité entre les œuvres et les propriétés des personnes, telle œuvre est attribuée ou, comme on dit : appropriée, à telle personne plutôt qu’à telle autre : les similitudes d’impressions et d’images fournies par les créatures nous servent pour représenter les personnes divines, il en est de même pour de leurs attributs essentiels ; cette manifestation des personnes par leurs attributs essentiels s’appelle appropriation [13]. Il s’en suit que le Père, principe de toute divinité [14], est en même temps la cause créatrice de l’université des êtres, de l’Incarnation du Verbe et de la sanctification des âmes : De lui sont toutes choses ; l’Apôtre dit de lui, à cause du Père.

Le Fils, Verbe, image de Dieu, est en même temps la cause exemplaire que reflètent toutes choses dans leur forme et leur beauté, leur ordre et leur harmonie ; il est pour nous la voie, la vérité, la vie, le réconciliateur de l’homme avec Dieu : par lui sont toutes choses ; l’Apôtre dit par lui à cause du Fils. Le Saint-Esprit est la cause finale de tous les êtres, parce que, de même que la volonté et généralement toute chose se repose en sa fin, ainsi l’Esprit-Saint, qui est la bonté divine et l’amour naturel du Père et du Fils, complète et achève par une impulsion forte et douce les opérations secrètes qui ont pour résultat final le salut éternel de l’homme : En lui sont toutes choses ; l’Apôtre dit en lui à cause du Saint-Esprit.

Gardant avec un soin jaloux le zèle religieux dû à la Trinité entière, et qu’il importe d’inculquer de plus en plus au peuple chrétien, abordons enfin l’exposé de la vertu de l’Esprit-Saint. Le premier aspect sous lequel il nous faut considérer le Christ est celui de fondateur de la sainte Eglise et de rédempteur du genre humain. Certes, parmi les œuvres extérieures de Dieu, la plus remarquable est le mystère du Verbe incarné où la splendeur des perfections divines brille d’un tel éclat qu’il est impossible d’imaginer plus grande splendeur ni rien de plus salutaire pour l’humanité. Cette œuvre si grande, bien qu’appartenant à la Trinité entière, est attribuée spécialement au Saint-Esprit ; aussi les Evangiles parlent-ils de la Vierge en ces termes : Elle fut trouvée ayant conçu du Saint-Esprit, et : Ce qu’elle a conçu est du Saint-Esprit [15]. C’est à bon droit qu’on attribue cette œuvre à celui qui est l’amour du Père et du Fils, puisque ce grand témoignage d’amour [16]vient de l’affection infinie de Dieu pour les hommes, comme nous en avertit l’Apôtre saint Jean : Dieu a aimé le monde au point de lui donner son Fils unique [17]. Ajoutez que la nature humaine a été élevée par là à l’union personnelle avec le Verbe : cette dignité ne lui a été nullement accordée à cause de ses mérites, mais par un pur effet de la grâce et, par suite, c’est un bienfait propre du Saint-Esprit.

Il faut citer sur ce sujet la judicieuse remarque de saint Augustin : La manière dont le Christ a été conçu par l’opération du Saint-Esprit nous fait voir quelle est la bonté de Dieu ; par elle, en effet, la nature humaine, sans aucun mérite antérieur, fut unie, dès le premier instant de son existence, au Verbe de Dieu dans une telle unité de personne que le Fils de Dieu fut le même être que le Fils de l’homme et le Fils de l’homme le même être que le Fils de Dieu [18]. La vertu de l’Esprit-Saint a opéré non seulement la conception du Christ, mais aussi la sanctification de son âme appelée Onction par les Livres Saints [19] ; tous ces actes, en particulier son sacrifice, furent accomplis sous l’influence de l’Esprit-Saint [20]. C’est par l’Esprit-Saint qu’il s’est offert lui-même à Dieu victime immaculée [21]. Pour qui pèse ces choses, quoi d’étonnant que les dons du Saint-Esprit aient afflué dans l’âme du Christ ? En lui a résidé une telle abondance de grâce qu’il ne peut y en avoir de plus grande ni de plus efficace ; en lui se trouvaient tous les trésors de la sagesse et de la science, les grâces gratuites, les vertus, en un mot tous les dons prédits par les oracles d’Isaïe le prophète [22], symbolisés par la colombe du Jourdain lorsque le Christ sanctifia ce fleuve par son baptême en vue de créer un nouveau sacrement. Cette thèse s’appuie merveilleusement sur les paroles suivantes de saint Augustin : Il est absurde de dire que le Christ reçut l’Esprit-Saint à l’âge de trente ans, mais il vint au baptême sans péché et partant avec l’Esprit-Saint. En cette circonstance, c’est-à-dire lors de son baptême, il daigna symboliser à l’avance son corps mystique, l’Eglise, dans laquelle les baptisés reçoivent le Saint-Esprit d’une manière spéciale [23]. Donc l’apparition visible du Saint-Esprit au-dessus du Christ et son influence invisible dans l’âme du Sauveur représentent sa double mission : l’une visible, dans l’Eglise ; l’autre invisible, dans les âmes justes.

L’Eglise, déjà conçue, et qui était sortie, pour ainsi dire, des flancs du nouvel Adam dormant sur la Croix, s’est manifestée pour la première fois aux hommes d’une manière éclatante le jour célèbre de la Pentecôte. En ce jour, le Saint-Esprit commença à répandre ses bienfaits dans le corps mystique du Christ, par cette admirable effusion que le prophète Joël avait vue longtemps à l’avance [24] ; car le Paraclet siège au-dessus des Apôtres afin de placer sur leurs têtes, sous forme de langues de feu, de nouvelles couronnes spirituelles [25].

Alors, écrit saint Jean Chrysostome, les Apôtres descendirent de la montagne, portant en leurs mains, non des tables de pierre comme Moïse, mais portant dans leur âme l’Esprit-Saint qui répandait comme un trésor et un fleuve de vérités et de grâces [26]. Ainsi se réalisait la dernière promesse du Christ à ses Apôtres, relative à l’envoi de l’Esprit-Saint qui devait compléter par ses inspirations et sceller pour ainsi dire son enseignement : J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter en ce moment. Lorsque l’Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera tout vérité [27].

Celui qui, procédant à la fois du Père , vérité éternelle, et du Fils, vérité substantielle, est lui-même Esprit de vérité, et tire de l’un et de l’autre l’essence et en même temps toute vérité, donne à l’Eglise cette même vérité, veillant, par une présence et un appui continus, à ce qu’elle ne soit jamais exposée à l’erreur, et qu’elle puisse de jour en jour féconder plus abondamment les germes destinés à porter des fruits de salut pour les peuples. Et comme l’Eglise, moyen de salut pour les peuples, doit poursuivre sa tâche jusqu’à la fin des temps, l’Esprit-Saint lui donne, pour l’accroître et la conserver, une vie et une force éternelles : Je prierai mon Père et il vous donnera un autre Paraclet, l’Esprit de vérité, pour qu’il demeure toujours avec vous [28]. C’est par lui que sont constitués les évêques, dont le ministère engendre non seulement des fils, mais encore des pères, c’est-à-dire les prêtres, pour gouverner l’Eglise et la nourrir de ce sang du Christ qui l’a rachetée : l’Esprit-Saint a établi les évêques pour gouverner l’Eglise de Dieu qu’il a acquise de son sang [29]. Les uns et les autres évêques et prêtres, par une grâce insigne du Saint-Esprit, ont le pouvoir d’effacer les péchés, selon cette parole du Christ aux Apôtres : Recevez le Saint-Esprit ; les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez et retenus à ceux à qui vous les retiendrez [30]. Aucune preuve ne démontre plus clairement la divinité de l’Eglise que la gloire dont le Saint-Esprit l’a revêtue. Qu’il Nous suffise d’affirmer que, si le Christ est la tête de l’Eglise, l’Esprit-Saint en est l’âme : l’Esprit-Saint est dans l’Eglise, corps mystique du Christ, ce que l’âme est dans notre corps [31].

Cela étant, on ne saurait attendre une plus grande et plus féconde manifestation de l’Esprit divin ; celle qui a lieu maintenant dans l’Eglise est parfaite et elle durera jusqu’à ce que l’Eglise, après avoir achevé la période de luttes, jouisse dans le ciel de la joie du triomphe.

Comment et dans quelle mesure le Saint-Esprit agit dans les âmes, cela n’est pas moins admirable, bien que plus difficile à comprendre, par cela même que nos yeux ne le peuvent saisir. Cette effusion de l’Esprit divin est si abondante que le Christ lui-même, dont elle découle, l’a comparée à un fleuve très abondant, comme on le voit dans saint Jean : Celui qui croit en moi, dit l’Ecriture, verra des fleuves d’eau vive couler de son sein ;l’Evangéliste explique ce témoignage : Il dit cela de l’Esprit-Saint que devait recevoir tous ceux qui croiraient en lui [32].

Il est hors de doute que l’Esprit-Saint a habité par la grâce dans les justes qui précédèrent le Christ, comme cela est écrit des prophètes, de Zacharie, de Jean Baptiste, de Siméon et d’Anne ; l’Esprit-Saint, en effet, est venu le jour de la Pentecôte, non pour commencer à habiter l’âme des saints, mais pour la pénétrer davantage ; non pour commencer à leur accorder ses dons, mais pour les en combler ; non pour faire une œuvre nouvelle, mais pour augmenter la générosité de ses largesses [33]. Cependant, si ces hommes étaient comptés parmi les fils de Dieu, ils n’en demeuraient pas moins semblables, par leur condition, à des esclaves, car le fils ne diffère en rien de l’esclave tant qu’il est dans la main des tuteurs et des maîtres [34] ; outre qu’il n’y avait pas en eux la justice, si ce n’est celle qui provenait des mérites du Christ à venir, la communication de l’Esprit-Saint après la venue du Christ fut incomparablement plus abondante et surpassa les précédentes ; un peu comme la somme convenue l’emporte en valeur sur les arrhes, comme la réalité l’emporte sur la figure. Saint Jean a donc pu dire : L’Esprit-Saint n’avait pas encore été donné parce Jésus n’avait pas été glorifié [35]. Aussitôt que le Christ, montant au ciel, eut pris possession de la gloire de son royaume qu’il avait si laborieusement acquise, il répandit généreusement les richesses de l’Esprit-Saint et fit part de ses dons aux hommes [36]. Ce don, cet envoi du Saint-Esprit après la glorification du Christ était tel qu’il n’y en avait jamais eu auparavant, non qu’auparavant il n’eût jamais été envoyé, mais il n’avait jamais été envoyé de cette façon [37].

En effet, la nature humaine est nécessairement servante de dieu : la créature est servante et nous sommes les serviteurs de Dieu par nature [38].

En outre, à cause de la faute commune, notre nature est tombée dans un tel abîme de vice et de honte que nous étions devenus les ennemis de Dieu : Nous étions par nature fils de colère [39].

Nulle puissance n’était capable de nous arracher à cette ruine et de nous sauver de la perte éternelle. Cette tâche, Dieu, créateur de l’homme, l’a accomplie dans sa souveraine miséricorde par son Fils unique, grâce auquel nous avons été rétablis avec une plus grande abondance de dons dans la dignité et la noblesse que nous avions perdues. Dire quelle a été cette œuvre accomplie par la grâce divine dans l’âme dans l’âme humaine est chose impossible ; aussi les Livres Saints et les Pères de l’Eglise nous appellent-ils heureusement régénérés, créatures nouvelles, participant de la nature divine, fils de Dieu, déifiés et autres titres analogues. Ce n’est pas sans raison que de si grands bienfaits sont attribués spécialement au Saint-Esprit. Il est l’Esprit d’adoption des fils par lequel nous crions : Abba Père ; c’est lui qui répand dans le cœurs la suavité de l’amour paternel : ce même Esprit nous fait comprendre que nous sommes les fils de Dieu [40]. Pour l’expliquer, la similitude constatée par l’Ange de l’école entre les deux œuvres de l’Esprit-Saint vient fort à propos ; par lui, le Christ a été conçu dans la sainteté pour être le Fils naturel de Dieu et les autres sont sanctifiés pour devenir fils adoptifs de Dieu [41] ; ainsi, l’amour, mais l’amour incréé, produit une régénération spirituelle bien supérieure à ce qui pourrait se faire dans la nature.

Cette régénération et rénovation commence pour l’homme au baptême : en ce sacrement, l’âme se dépouille de l’esprit impur, est pénétrée pour la première fois de l’Esprit-Saint qui la rend semblable à lui : Ce qui est né de l’Esprit est esprit [42].

Ce même Esprit se donne dans la Confirmation d’une façon plus abondante pour assurer la fermeté et la vigueur de la vie chrétienne ; c’est à lui que les martyrs et les vierges ont dû leurs triomphes sur les attraits de la corruption. L’Esprit-Saint, disons-nous, se donne lui-même. L’amour de Dieu a été répandu en nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné [43]. Non seulement il nous apporte les grâces divines, mais il en est l’auteur et il est lui-même le don suprême ; procédant du mutuel amour du Père et du Fils, il est et on l’appelle à juste titre le don du Dieu Très-Haut. Pour mettre plus en lumière la nature et la force de ce don, il importe de rappeler les explications données par les Docteurs d’après les enseignements des Saintes Lettres : Dieu est présent en toutes choses par sa puissance, en tant que tout lui est soumis ; par sa présence, en tant que tout est à découvert devant ses yeux ; par son essence, en tant qu’il est pour tous les êtres la cause de leur existence [44]. Mais Dieu n’est pas seulement dans l’homme comme il est dans les choses ; il est, de plus, connu et aimé de lui, puisque notre nature nous fait elle-même aimer, désirer et poursuivre le bien. Enfin Dieu, par sa grâce, réside dans l’âme juste ainsi qu’en un temple, d’une façon très intime et spéciale. De là ce lien d’amour qui unit étroitement l’âme à Dieu plus qu’un ami ne peut l’être à son meilleur ami, et la fait jouir de lui avec une pleine suavité.

Cette admirable union, appelée inhabitation, dont l’état bienheureux des habitants du ciel ne diffère que par la condition, est cependant produite très réellement par la présence de toute la Trinité : Nous viendrons en lui et nous ferons en lui notre demeure [45]. Elle est attribuée néanmoins d’une façon spéciale au Saint-Esprit. En effet, des traces de la puissance et de la sagesse divines se manifestent même chez un homme pervers ; mais le juste seul participe à l’amour, qui est la caractéristique du Saint-Esprit. Ce qui le confirme, c’est que cet Esprit est appelé Saint parce qu’étant le premier et le suprême amour, il conduit les âmes à la sainteté qui, en dernière analyse, consiste dans l’amour de Dieu. C’est pourquoi l’Apôtre, appelant les justes temples de Dieu, ne les appelle pas expressément temple du Père ou du Fils, mais du Saint-Esprit : Ne savez-vous pas que vos membres sont les temples du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu [46] ? L’abondance des bienfaits célestes qui résultent de la présence de Saint-Esprit dans les âmes pieuses se manifeste de beaucoup de manières. Telle est, en effet, la doctrine de saint Thomas d’Aquin : Puisque l’Esprit-Saint procède comme amour, il procède en qualité de premier don ; c’est pourquoi saint Augustin dit que, par le don qui est l’Esprit-Saint, beaucoup de dons particuliers sont distribués aux membres du Christ [47]. Parmi ces dons se trouvent ces secrets avertissements, ces mystérieuses invitations qui, par une impulsion de l’Esprit-Saint, sont faits aux âmes et sans lesquels on ne peut ni s’engager dans la voie de la vertu, ni progresser, ni parvenir au terme du salut éternel. Puisque ces paroles et ces influences se produisent secrètement dans les âmes, c’est avec à-propos que les Saintes Lettres les comparent quelquefois au souffle de la brise ; et le Docteur Angélique les assimile avec raison aux mouvements du cœur dont toute la force est cachée à l’être qu’il anime : Le cœur a une certaine influence secrète, c’est pourquoi on lui compare l’Esprit-Saint qui vivifie et unit l’Eglise d’une façon invisible [48].

De plus, le juste qui vit déjà de la vie de la grâce, et chez lequel les vertus jouent le rôle des facultés de l’âme, a absolument besoin des sept dons qu’on appelle plus particulièrement dons du Saint-Esprit. Par ces dons, l’esprit se fortifie et devient apte à obéir plus facilement et plus promptement aux paroles et aux impulsions du Saint-Esprit ; aussi ces dons sont d’une telle efficacité qu’ils conduisent l’homme au plus haut degré de la sainteté, ils sont si excellents qu’ils demeureront les mêmes dans le royaume des cieux, quoique dans un degré plus parfait. Grâce à eux, l’âme est amenée et excitée à acquérir les béatitudes évangéliques, ces fleurs que le printemps voit éclore, signes précurseurs de la béatitude éternelle. Enfin, quelle suavité dans ces fruits énumérés par l’Apôtre [49], apportés par l’Esprit-Saint aux âmes justes même en cette vie périssable, pleins de douceur et d’allégresse, tels qu’il convient à l’Esprit de les produire, lui qui est, dans la Trinité, la suavité du Père et du Fils, et qui répand sur toutes les créatures ses généreuses et fécondes largesses [50] ! L’Esprit divin procédant du Père et du Verbe dans l’éternelle lumière de la sainteté, en tant qu’amour et don, après s’être montré dans l’Ancien Testament sous les voiles des figures, s’est répandu lui-même avec abondance dans le Christ et dans l’Eglise son corps mystique. Par sa présence et sa grâce, il a transformé les hommes plongés dans la corruption et le vice d’une façon si complète que, n’étant plus terrestres tout en restant sur la terre, ils deviennent semblables à des habitants du Ciel.

Puisque ces dons sont si grands et qu’ils montrent si nettement l’immense bonté de l’Esprit-Saint à notre égard, ils nous obligent à lui témoigner la plus grande piété et soumission. Nous y parviendrons aisément en nous appliquant chaque jour davantage à le connaître, l’aimer, l’invoquer : puisse cette exhortation, sortie de Notre cœur paternel, provoquer cet amour. - Peut-être y a-t-il encore aujourd’hui des chrétiens qui, interrogés comme ceux auxquels l’Apôtre demandait jadis s’ils avaient reçu le Saint-Esprit, répondraient comme eux : Mais nous n’avons même pas entendu dire qu’il y eût un Esprit-Saint [51].

Du moins beaucoup ne connaissent pas cet Esprit ; Il le nomment souvent dans leurs exercices de piété, mais avec une foi très peu éclairée. En conséquence, que les prédicateurs et tous ceux qui ont charge d’âmes se souviennent qu’il leur incombe le devoir de transmettre avec zèle et en détail tout ce qui concerne le Saint-Esprit, en écartant toutefois les controverses ardues et subtiles, afin d’éviter les vaines témérités de ceux qui voudraient imprudemment scruter tous les mystères divins. Il importe plutôt de rappeler clairement les bienfaits sans nombre qui ne cessent de découler sur nous de cette source divine ; ainsi, ils dissiperont entièrement l’erreur et l’ignorance indignes des fils de lumière. Nous insistons sur ce point, non seulement parce qu’il s’agit d’un mystère qui nous conduit directement à la vie éternelle, et que, par conséquent, nous devons croire fermement, mais encore parce que le bien est d’autant plus aimé qu’il est plus connu. On doit aimer l’Esprit-Saint, - et c’est le second sujet que Nous avions annoncé - parce qu’il est Dieu : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces [52]. On doit aussi l’aimer parce qu’il est l’Amour premier, substantiel, éternel, et rien n’est plus aimable que l’amour ; on doit l’aimer d’autant plus qu’il nous a comblés de plus grands bienfaits qui témoignent de sa munificence et appellent notre gratitude. Cet amour a une double utilité fort appréciable. Il nous excitera à acquérir chaque jour une connaissance plus complète de l’Esprit-Saint : Celui qui aime dit le Docteur Angélique, ne se contente pas d’un aperçu superficiel de l’objet aimé ; mais il s’efforce d’en rechercher tous les détails intimes, et il pénètre tellement dans son intimité, qu’on dit de l’Esprit-Saint, Amour de Dieu, qu’il scrute même les profondeurs divines [53], et il nous accordera ses dons célestes en abondance, d’autant plus que, si l’ingratitude ferme la main du bienfaiteur, par contre, la reconnaissance la fait rouvrir. Il faut veiller à ce que cet amour ne se borne pas à une aride connaissance ni à hommage purement extérieur ; qu’il soit, au contraire, prompt à agir, et surtout qu’il évite le péché, qui offense particulièrement le Saint-Esprit. En effet, tout ce que nous sommes, nous le sommes par la bonté divine, qui est attribuée spécialement au Saint-Esprit. Il offense donc son Bienfaiteur celui qui pèche et qui, abusant de ses dons et de sa bonté, devient chaque jour plus audacieux.

Comme Il est Esprit de vérité, si quelqu’un tombe par faiblesse ou ignorance, il aura peut-être une excuse aux yeux de Dieu, mais celui qui, par malice, combat la vérité et s’en détourne, pèche gravement contre le Saint-Esprit. Cette faute s’est tellement multipliée de nos jours, qu’il semble que nous soyons arrivés à cette époque perverse prédite par saint Paul, où les hommes, aveuglés par un juste jugement de Dieu, regarderont comme vrai ce qui est faux et croiront au Prince de ce monde, qui est menteur et père du mensonge, comme s’il était le docteur de vérité. Dieu leur enverra l’esprit d’erreur, afin qu’ils croient au mensonge [54] ; dans les derniers jours, certains abandonneront la foi, s’attachant à l’esprit d’erreur et aux doctrines diabolique [55]. Mais puisque l’Esprit-Saint, comme Nous l’avons dit, habite en nous ainsi qu’en un temple, il faut rappeler le précepte de l’Apôtre : Ne contristez pas l’Esprit de Dieu dont vous portez le signe [56]. Il ne suffit pas d’éviter le mal, mais le chrétien doit briller de l’éclat de toutes les vertus, afin de plaire à un hôte si grand et si bienfaisant ; au premier rang, doivent se trouver la pureté et la sainteté, qualités qui conviennent à un temple.

C’est pourquoi le même Apôtre dit : Ignorez-vous que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un profane le temple de Dieu, Dieu le perdra ; car le temple que vous êtes est saint [57] ; menace terrible, il est vrai, mais combien juste ! - Enfin, il faut prier le Saint-Esprit, car il n’est personne qui n’ait le plus grand besoin de son aide et de son secours. Comme nous sommes tous dépourvus de sagesse et de force, accablés par les épreuves, portés au mal, nous devons tous chercher un refuge auprès de celui qui est la source éternelle de la lumière, de la force, de la consolation, de la sainteté. C’est à lui surtout qu’il faut demander ce bien indispensable aux hommes, la rémission des péchés : le propre de l’Esprit-Saint est d’être le don du Père et du Fils ; la rémission des péchés se fait par l’Esprit-Saint, en tant que don de Dieu [58]. C’est de cet Esprit que la liturgie dit expressément : il est la rémission de tous les péchés [59]. Comment faut-il prier ? L’Eglise nous l’enseigne très clairement, elle qui le supplie et l’adjure par les noms les plus doux : Venez, Père des pauvres ; venez, distributeur des grâces ; venez, lumière des cœurs ; consolateur excellent, doux hôte de l’âme, agréable rafraîchissement ; elle le conjure de laver, de purifier, de baigner nos esprits et nos cœurs, de donner à ceux qui ont confiance en lui le mérite de la vertu, une heureuse mort et la joie éternelle. Et l’on ne peut douter qu’il n’écoute ces prières, celui a écrit de lui-même : l’Esprit lui-même supplie pour nous avec des gémissements inénarrables [60]. Enfin, il faut lui demander assidûment et avec confiance de nous éclairer de plus en plus, de nous brûler des feux de son amour, afin qu’appuyés sur la foi et la charité, nous marchions avec ardeur vers les récompenses éternelles, car il est le gage de notre héritage [61].

Vous connaissez maintenant, vénérables Frères, les avis et les exhortations qu’il Nous a plu de publier pour accentuer le culte de l’Esprit-Saint. Ces conseils, Nous n’en doutons pas, porteront, avec le secours de votre zèle, des fruits excellents parmi le peuple chrétiens. Pour y arriver, Nous ne négligerons aucun effort et Nous travaillerons à nourrir encore cette piété par tous les moyens favorables. Il y a deux ans, dans Notre Lettre Provida matris, Nous recommandions pour la Pentecôte des prières destinées à hâter l’unité du peuple chrétien ; aujourd’hui, il Nous plaît de prendre à ce sujet des décisions plus étendues. Nous décrétons donc et Nous ordonnons que dans tout le monde catholique, cette année et les suivantes, une neuvaine soit faite avant la Pentecôte dans toutes les églises paroissiales, et, si l’Ordinaire le juge bon, dans toutes les églises. A tous ceux qui auront pris part à cette neuvaine et prié à Nos intentions, Nous accordons une indulgence de sept ans et sept quarantaines pour chaque jour ; Nous accordons une indulgence plénière pour l’un de ces jours, soit le jour même de la Pentecôte, soit un jour de l’octave, à tous ceux qui, s’étant confessés, auront communié et prié à Nos intentions. Ceux qui, pour un motif légitime, ne pourront prendre part à ces prières publiques, ou dans l’Eglise desquels elles ne pourront être faites d’après le jugement de l’Ordinaire, participeront à ces mêmes faveurs spirituelles pourvu qu’après avoir fait la neuvaine en particulier, ils remplissent les conditions prescrites. Nous accordons en outre à perpétuité du trésor de l’Eglise, à ceux qui réciteront chaque jour, en public ou en particulier, des prières au Saint-Esprit depuis l’octave de la Pentecôte jusqu’à la fête de la Sainte Trinité tout en remplissant les conditions indiquées plus haut, la faculté de gagner les deux indulgences. Enfin, Nous permettons d’appliquer toutes ces indulgences aux âmes du Purgatoire.

Notre esprit et Notre attention se reportent maintenant aux vœux que nous émettions au début ; Nous demandons et demanderons encore leur réalisation à l’Esprit-Saint par d’ardentes prières. Unissez-vous à Nous, vénérables Frères, et que toutes les nations catholiques joignent leurs voix à la Nôtre et s’adressent à la puissante et bienheureuse Vierge Marie. Vous savez quels liens intimes et admirables l’unissent à cet Esprit dont elle est appelée l’Epouse immaculée. Sa prière contribua au mystère de l’Incarnation et à la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres. Qu’elle fortifie nos communes prières par son bienveillant suffrage afin que l’Esprit renouvelle en faveur des malheureux de cette vie les merveilles chantées par David : Vous enverrez votre Esprit-Saint et tout sera créé, et vous renouvellerez la face de la terre [62]. Comme gage des faveurs célestes et en témoignage de Notre bienveillance, recevez, vénérables Frères, pour vous, pour votre clergé et pour votre peuple, la bénédiction apostolique que Nous vous accordons très affectueusement dans le Seigneur.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 9 mai 1897, la vingtième année de notre pontificat.

Notes

[1]Matth., XI, 28 ; Jean, XIV, 6 ; X, 11, 14.

[2]Jean, XVI, 7.

[3]Job, XXVI, 13.

[4]Sagesse, I, 7.

[5]S. Léon Le Grand, Sermo II, pour l’anniversaire de son élévation au Pontificat ; P. L., LIV, 144

[6]De Spiritu Sancto, C. XVI, 39.

[7]Jean, I, 18.

[8]Somme Théol. Ia, q. XXXI, a. 2. - S. Augustin, De Trinitate., I, 3 ; P.L., XLII, 822

[9]Rom. XI, 36.

[10]S. Augustin, De Trinitate, VI, 10 ; P.L., XLII, 932. et I, 6, P.L., XLII, 827.

[11]S. Augustin, De Trinitate, I, 5 ; P.L., XLII, 824.

[12]S. Augustin, De Trinitate, I, 4 ; P.L., XLII, 824.

[13]S. Thomas, Somme Théol., I, q. XXXIV, art. 7.

[14]S. Augustin, De Trinitate, IV, 20 ; P.L. XLII, 906.

[15]Matth., I, 18-20.

[16]I Thimoth., III, 16

[17]Jean, III, 16.

[18]Enchir. Ch. XI. - S. Thom., p. III, q. XXXII, art. 1.

[19]Act., X, 38

[20]S. Basile, De L’Esp.S., ch. XVI.

[21]Hébr., IX, 14.

[22]Ibid. IV, 1 ; XI, 2,3.

[23]De la Trinité., I. XV, ch. XXVI.

[24]De la Trinité., II. XXIX.

[25]Cyrille de Jérusalem, catéchèse 17.

[26]Hom. Sur Matth., I. - II Cor., III, 3.

[27]S. Jean, XVI, 12, 13.

[28]S. Jean, XIV, 16, 17.

[29]Actes, XX, 28.

[30]S. Jean, XX, 22, 23.

[31]S. Aug., Serm. CLXXXVII, sur le temps.

[32]S. Jean , VII, 38-39.

[33]S. Léon le G., Hom. III, De la Pentecôte.

[34]Gal., IV, 1,2.

[35]Jean, VII, 39.

[36]Ephés. VI, 8.

[37]S. Aug.,De la Trinité, I. IV, c. 20.

[38]S. Cyrille d’Alex., Thesaur. V, 5.

[39]Ephés. II, 3.

[40]Rom., VIII, 15-16.

[41]S. Thom. P. II, q. XXXII, art. 1.

[42]S. Jean, III, 7.

[43]Rom., V, 5.

[44]S. Thom., p. I, q . VIII, a. 3.

[45]S. Jean, XIV, 23

[46]I Cor., VI, 19.

[47]Somme Théol., I,q. XXXVIII, art. 2. - S. Aug., De la Trinité, I. XV, ch. XIX

[48]Somme Théol., III, q. VIII, art. 1, ad 3

[49]Galat., V, 22.

[50]S. Aug. De la Trinité, VI, 9.

[51]Actes, XIX, 2.

[52]Deut.,VI, 5.

[53] ICor., II, 10. - Somme théol., Ia IIæ, q.XXVIII, a. 2.

[54]II Thess., II, 10.

[55]I Tim., IV, 1.

[56]Ephès., IV, 30.

[57]I Cor., III, 16-17.

[58]Somme théol., p. III, q. III, a. 6 ad 3.

[59]Missel Romain. Mardi ap. Pent.

[60]Rom., VIII, 26

[61]Ephés., I, 14.

[62]Ps. CIII, 30. 

SOURCE : https://www.icrsp.org/Magistere/Leon-XIII-Divinum%20illud%20munus.htm


El Greco  (1541–1614), The Pentecost / La obra representa al  Espíritu Santo descendiendo en forma de lenguas de fuego sobre los apóstoles de Jesucristo, Doña María de Aragón Altarpiece, circa 1600, 275 x 127, Museo del Prado  


LETTRE ENCYCLIQUE
DOMINUM ET VIVIFICANTEM
DU SOUVERAIN PONTIFE
JEAN-PAUL II
SUR L'ESPRIT SAINT
DANS LA VIE DE L'ÉGLISE ET DU MONDE

Bénédiction

Vénérables Frères, chers Fils et Filles,
Salut et Bénédiction Apostolique!

INTRODUCTION

1. Dans sa foi en l' Esprit Saint, l'Eglise proclame qu'il «est Seigneur et qu'il donne la vie». C'est ce qu'elle proclame dans le Symbole de la foi, dit de Nicée-Constantinople, du nom des deux Conciles - de Nicée (325) et de Constantinople (381) -, où il fut formulé ou promulgué. Il y est dit aussi que l'Esprit Saint «a parlé par les prophètes».

Ces paroles, l'Eglise les reçoit de la source même de la foi, Jésus Christ. En effet, selon l'Evangile de Jean, l'Esprit Saint nous est donné avec la vie nouvelle, comme Jésus l'annonce et le promet au grand jour de la fête des Tentes: «Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive, celui qui croit en moi! Selon le mot de l'Ecriture: De son sein couleront des fleuves d'eau vive»1. Et l'évangéliste explique: «Il parlait de l'Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui»2. C'est la même comparaison de l'eau que Jésus emploie dans le dialogue avec la Samaritaine, quand il parle de la «source d'eau jaillissant en vie éternelle»3, et dans le dialogue avec Nicodème, quand il annonce la nécessité d'une nouvelle naissance «d'eau et d'Esprit» pour «entrer dans le Royaume de Dieu»4.

Par conséquent, l'Eglise, instruite par la parole du Christ, puisant dans l'expérience de la Pentecôte et dans son histoire apostolique, proclame depuis le début sa foi en l'Esprit Saint, celui qui donne la vie, celui par qui le Dieu un et trine, insondable, se communique aux hommes, établissant en eux la source de la vie éternelle.

2. Cette foi, professée sans interruption par l'Eglise, doit être sans cesse ravivée et approfondie dans la conscience du Peuple de Dieu. Depuis un siècle, cela a été proposé plusieurs fois: de Léon XIII , qui publia l'Encyclique Divinum illud munus (1897) entièrement consacrée à l'Esprit Saint, jusqu'à Pie XII qui, dans l'Encyclique Mystici Corporis (1943), présentait l'Esprit Saint comme le principe vital de l'Eglise où il est à l'œuvre en union avec le Chef du Corps Mystique, le Christ5; et jusqu'au Concile Œcuménique Vatican II qui a fait comprendre qu'une attention renouvelée à la doctrine sur l'Esprit Saint était nécessaire, comme le soulignait Paul VI : « A la christologie et spécialement à l'ecclésiologie du Concile, doivent succéder une étude nouvelle et un culte nouveau de l'Esprit Saint, précisément comme complément indispensable de l'enseignement du Concile»6.

Ainsi, à notre époque, la foi de l'Eglise, la foi ancienne qui demeure et qui est toujours neuve, nous appelle à renouveler notre approche de l'Esprit Saint comme celui qui donne la vie. En cela, nous sommes aidés et encouragés par notre héritage commun avec les Eglises orientales, qui ont conservé jalousement les richesses extraordinaires de l'enseignement des Pères sur l'Esprit Saint. C'est pourquoi on peut dire aussi que l'un des événements ecclésiaux les plus importants de ces dernières années a été le XVIe centenaire du Premier Concile de Constantinople, célébré simultanément à Constantinople et à Rome en la solennité de la Pentecôte de l'année 1981. Dans la méditation sur le mystère de l'Eglise, l'Esprit Saint est alors mieux apparu comme celui qui ouvre les voies conduisant à l'unité des chrétiens, comme la source suprême de l'unité qui vient de Dieu lui-même et que saint Paul a exprimée particulièrement par les paroles prononcées fréquemment au début de la liturgie eucharistique: «La grâce de Jésus notre Seigneur, l'amour de Dieu le Père et la communion de l'Esprit Saint soient toujours avec vous»7.

C'est dans une telle orientation que les précédentes Encycliques Redemptor hominis et Dives in misericordia ont trouvé en quelque sorte un point de départ et une inspiration: elles célèbrent l'événement de notre salut accompli dans le Fils envoyé par le Père dans le monde «pour que le monde soit sauvé par lui»8 et «que toute langue proclame, de Jésus Christ, qu'il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père»9. A cette même orientation répond aujourd'hui la présente Encyclique sur l'Esprit Saint qui procède du Père et du Fils; avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire: Personne divine, il est au cœur de la foi chrétienne et il est la source et la force dynamique du renouveau de l'Eglise10. Cette Encyclique découle du plus profond de l'héritage du Concile. En effet, les textes conciliaires, par leur enseignement sur l'Eglise elle-même et sur l'Eglise dans le monde, nous invitent à pénétrer toujours mieux le mystère trinitaire de Dieu, en suivant la voie évangélique, patristique, liturgique: au Père, par le Christ, dans l'Esprit Saint.

De cette manière, l'Eglise répond aussi à certains désirs profonds qu'elle pense lire dans le cœur des hommes d'aujourd'hui: une découverte nouvelle de Dieu dans sa réalité transcendante d'Esprit infini, tel que Jésus le présente à la Samaritaine; le besoin de l'adorer «en esprit et en vérité»11; l'espoir de trouver en lui le secret de l'amour et la puissance d'une «création nouvelle»12: oui, vraiment celui qui donne la vie.

L'Eglise se sent appelée à cette mission d'annoncer l'Esprit alors qu'avec la famille humaine, elle arrive au terme du second millénaire après le Christ. Devant un ciel et une terre qui «passent», elle sait bien que «les paroles qui ne passeront point»13 revêtent une éloquence particulière. Ce sont les paroles du Christ sur l'Esprit Saint, source inépuisable de l'«eau jaillissant en vie éternelle»14, vérité et grâce du salut. Elle veut réfléchir sur ces paroles, elle veut rappeler ces paroles aux croyants et à tous les hommes, tandis qu'elle se prépare à célébrer - comme on le dira en son temps - le grand Jubilé qui marquera le passage du deuxième au troisième millénaire chrétien.

Naturellement, les réflexions qui suivent n'ont pas pour but d'examiner de manière exhaustive la très riche doctrine sur l'Esprit Saint, ni de privilégier telle ou telle solution des questions encore ouvertes. Elles ont comme objectif principal de développer dans l'Eglise la conscience que «l'Esprit Saint la pousse à coopérer à la réalisation totale du dessein de Dieu qui a fait du Christ le principe du salut pour le monde tout entier»15.

PREMIÈRE PARTIE - L'ESPRIT DU PERE ET DU FILS DONNE A L'EGLISE

1. La promesse et la révélation de Jésus au cours du repas pascal

3. Quand pour Jésus Christ l'heure était venue de quitter ce monde, il annonça aux Apôtres «un autre Paraclet»16. L'évangéliste Jean, qui était présent, écrit que, au cours du repas pascal, la veille de sa passion et de sa mort, Jésus leur adressa ces paroles: «Tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils... Je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu'il soit avec vous à jamais, l'Esprit de vérité»17.

Cet Esprit de vérité, précisément, Jésus l'appelle le Paraclet - et Parakletos veut dire «consolateur», et aussi «intercesseur» ou «défenseur». Et il dit qu'il est « un autre » Paraclet, le second, parce que Jésus Christ lui-même est le premier Paraclet18, car il est le premier qui porte et donne la Bonne Nouvelle. L'Esprit Saint vient après lui et par lui pour poursuivre dans le monde, grâce à l'Eglise, l'œuvre de la Bonne Nouvelle du salut. Cette continuation de son œuvre par l'Esprit Saint, Jésus en parle plus d'une fois pendant le même discours d'adieu où il préparait les Apôtres, réunis au Cénacle, à son départ, c'est-à-dire à sa passion et à sa mort sur la Croix.

Les paroles auxquelles nous nous référerons ici se trouvent dans l'Evangile de Jean. Chacune d'elles ajoute un contenu nouveau à cette annonce et à cette promesse. En même temps, elles sont étroitement reliées les unes aux autres, non seulement dans la perspective des mêmes événements, mais aussi dans la perspective du mystère du Père, du Fils et de l'Esprit Saint qui n'est sans doute exprimé avec autant de relief dans aucun autre passage de la Sainte Ecriture.

4. Peu après l'annonce rappelée ci-dessus, Jésus ajoute: «Mais le Paraclet, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit»19. L'Esprit Saint sera le Consolateur des Apôtres et de l'Eglise, toujours présent au milieu d'eux, même s'il demeure invisible, comme maître de la Bonne Nouvelle que le Christ a annoncée. «Il enseignera» et «il rappellera», cela signifie non seulement qu'il continuera, à sa manière qui lui est propre, à inspirer la proclamation de l'Evangile du salut, mais aussi qu'il aidera à comprendre le sens juste du contenu du message du Christ; qu'il en maintiendra la continuité et l'identité de sens alors que changent les conditions et les circonstances. L'Esprit Saint fera en sorte que dans l'Eglise demeure toujours la vérité même que les Apôtres ont entendue de leur Maître.

5. Pour transmettre la Bonne Nouvelle, les Apôtres seront associés à l'Esprit Saint d'une manière particulière. Voici comment Jésus poursuit: «Lorsque viendra le Paraclet, que je vous enverrai d'auprès du Père, l'Esprit de vérité, qui vient du Père, il me rendra témoignage. Mais vous aussi, vous témoignerez, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement»20.

Les Apôtres ont été les témoins directs, oculaires. Ils «ont entendu» et «ils ont vu de leurs yeux», «ils ont contemplé» et même «touché de leurs mains» le Christ, comme le dit le même évangéliste Jean dans un autre passage21. Leur témoignage humain, oculaire et «historique» sur le Christ est lié au témoignage de l'Esprit Saint: «Il me rendra témoignage». Dans le témoignage de l'Esprit de vérité, le témoignage humain des Apôtres trouvera son appui suprême. Et par la suite, il trouvera aussi en lui le fondement intérieur de sa continuation parmi les générations des disciples et des confesseurs du Christ qui se succéderont au cours des siècles.

Si Jésus Christ lui-même est la révélation suprême et la plus complète de Dieu à l'humanité, le témoignage de l'Esprit en inspire, en garantit et en confirme la transmission fidèle dans la prédication et dans les écrits apostoliques22, tandis que le témoignage des Apôtres en assure l'expression humaine dans l'Eglise et dans l'histoire de l'humanité.

6. Cela ressort aussi de l'étroite corrélation de contenu et d'intention avec l'annonce et la promesse qui viennent d'être mentionnées, corrélation exprimée par les paroles qui suivent dans le texte de Jean: «J'ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité tout entière; car il ne parlera pas de lui-même, mais ce qu'il entendra, il le dira et il vous dévoilera les choses à venir»23.

Par les paroles précédentes, Jésus présente le Paraclet, l'Esprit de vérité, comme celui qui «enseignera» et «rappellera», comme celui qui lui «rendra témoignage»; à présent il dit: «Il vous introduira dans la vérité tout entière». Ces mots «introduire dans la vérité tout entière», en rapport avec ce que les Apôtres «ne peuvent pas porter à présent», sont en lien direct avec le dépouillement du Christ par la passion et la mort en Croix qui étaient imminentes lorsqu'il prononçait ces paroles.

Cependant il deviendra clair, par la suite, que les mots «introduire dans la vérité tout entière» se rattachent également, au-delà du scandalum Crucis, à tout ce que le Christ «a fait et enseigné»24. En effet, le mysterium Christi dans son intégralité exige la foi, parce que c'est la foi qui introduit véritablement l'homme dans la réalité du mystère révélé. «Introduire dans la vérité tout entière», cela s'accomplit donc dans la foi et par la foi: c'est l'œuvre de l'Esprit de vérité et c'est le fruit de son action dans l'homme. En cela, l'Esprit Saint doit être le guide suprême de l'homme, la lumière de l'esprit humain. Cela vaut pour les Apôtres, témoins oculaires, qui doivent désormais porter à tous les hommes l'annonce de ce que le Christ «a fait et enseigné», et, spécialement, de sa Croix et de sa Résurrection. Dans une perspective plus large, cela vaut aussi pour toutes les générations des disciples et des confesseurs du Maître, car ils devront accueillir dans la foi et proclamer avec fermeté le mystère de Dieu agissant dans l'histoire de l'homme, le mystère révélé qui éclaire le sens ultime de cette histoire.

7. Il existe donc entre l'Estrie Saint et le Christ, dans l'économie du salut, un lien intime, par lequel l'Esprit agit dans l'histoire de l'homme comme «un autre Paraclet», assurant durablement la transmission et le rayonnement de la Bonne Nouvelle révélée par Jésus de Nazareth. C'est pourquoi la gloire du Christ resplendit dans l'Esprit Saint Paraclet qui, dans le mystère et dans l'action de l'Eglise, continue sans interruption la présence historique du Rédempteur sur la terre et son œuvre de salut; c'est ce qu'attestent les paroles de Jean qui viennent ensuite: «Lui (c'est-à-dire l'Esprit) me glorifiera, car c'est de mon bien qu'il recevra et il vous le dévoilera»25. Ces paroles confirment une fois encore tout ce qui a été dit précédemment: «Il enseignera..., il rappellera..., il rendra témoignage». La révélation suprême et complète que Dieu fait de lui-même, accomplie dans le Christ - la prédication des Apôtres lui rendant témoignage - continue à être manifestée dans l'Eglise par la mission du Paraclet invisible, l'Esprit de vérité. A quel point cette mission est intimement liée à la mission du Christ, à quel point elle découle entièrement de cette mission du Christ, en affermissant et en développant dans l'histoire ses fruits de salut, cela est exprimé dans le verbe «recevoir»: «C'est de mon bien qu'il recevra et il vous le dévoilera». Comme pour expliquer le mot «recevoir», et faire apparaître clairement l'unité divine et trinitaire de la source, Jésus ajoute: «Tout ce qu'a le Père est à moi. Voilà pourquoi j'ai dit que c'est de mon bien qu'il reçoit et qu'il vous le dévoilera»26. En recevant de «mon bien», par là même il puisera à «ce qu'a le Père».

Ainsi à la lumière de cette expression «il recevra», peuvent s'expliquer aussi les autres paroles sur l'Esprit Saint prononcées par Jésus au Cénacle avant la Pâque, paroles significatives: «C'est votre intérêt que je parte; car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous; mais si je pars, je vous l'enverrai. Et lui, une fois venu, il établira la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement»27. Il conviendra de revenir encore sur ces paroles dans une réflexion particulière.

2. Le Père, le Fils et l'Esprit Saint

8. Il est caractéristique du texte johannique que le Père, le Fils et l'Esprit Saint soient désignés clairement comme des Personnes, la première étant distincte de la deuxième et de la troisième, et aussi les trois entre elles. Jésus parle de l'Esprit-Paraclet utilisant à plusieurs reprises le pronom personnel «Il», et en même temps, dans tout le discours d'adieu, il dévoile les liens qui unissent dans la réciprocité le Père, le Fils et le Paraclet. Ainsi donc «L'Esprit ... vient du Père» 28 et le Père «donne» l'Esprit29. Le Père «envoie» l'Esprit au nom du Fils30, l'Esprit «rend témoignage» au Fils31. Le Fils demande au Père d'envoyer l'Esprit-Paraclet32, mais, par ailleurs, il déclare et promet, en rapport à son «départ» par la Croix: «Si je pars, je vous l'enverrai»33. Ainsi, le Père, par la puissance de sa paternité, envoie l'Esprit Saint comme il a envoyé le Fils34; mais en même temps il l'envoie en vertu de la puissance de la rédemption accomplie par le Christ - et, en ce sens, l'Esprit Saint est envoyé aussi par le Fils: «Je vous l'enverrai».

Il faut noter ici que, si toutes les autres promesses faites au Cénacle annonçaient la venue de l'Esprit Saint après le départ du Christ, celle du texte de Jean 16, 7-8 implique aussi et souligne clairement le rapport d'interdépendance, on pourrait dire de causalité, entre la manifestation de l'un et de l'autre: «Si je pars, je vous l'enverrai». L'Esprit Saint viendra en fonction du départ du Christ par la Croix: il viendra non seulement à la suite, mais à cause de la rédemption accomplie par le Christ, selon la volonté et l'œuvre du Père.

9. Ainsi, dans le discours pascal d'adieu on parvient, pouvons-nous dire, au sommet de la révélation trinitaire. Au même moment, nous nous trouvons au seuil des événements décisifs et des paroles suprêmes qui, à la fin, se traduiront par le grand envoi en mission adressé aux Apôtres et, par leur intermédiaire, à l'Eglise: «Allez donc, de toutes les nations faites des disciples», envoi en mission qui comprend, en un sens, la formule trinitaire du baptême: «... les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit»35. La formule reflète le mystère intime de Dieu, de la vie divine, qui est le Père, le Fils et l'Esprit Saint, unité divine de la Trinité. On peut lire le discours d'adieu comme une préparation particulière à cette formule trinitaire, où s'exprime la puissance vivifiante du sacrement qui réalise la participation à la vie de Dieu un et trine, parce qu'il donne à l'homme la grâce sanctifiante comme un don surnaturel. Par elle, l'homme est appelé à participer à l'insondable vie de Dieu et il en reçoit la «capacité».

10. Dans sa vie intime, Dieu «est amour»36, un amour essentiel, commun aux trois Personnes divines: l'Esprit Saint est l'amour personnel en tant qu'Esprit du Père et du Fils. C'est pourquoi il «sonde jusqu'aux profondeurs de Dieu»37, en tant qu'Amour-Don incréé. On peut dire que, dans l'Esprit Saint, la vie intime du Dieu un et trine se fait totalement don, échange d'amour réciproque entre les Personnes divines, et que, par l'Esprit Saint, Dieu «existe» sous le mode du don. C'est l'Esprit Saint qui est l'expression personnelle d'un tel don de soi, de cet être-amour38. Il est Personne-amour. Il est Personne-don. Cela nous montre, au sujet du concept de personne en Dieu, une richesse insondable de la réalité et un approfondissement dépassant ce qui se peut exprimer, tels que seule la Révélation peut nous les faire connaître.

En même temps, l'Esprit Saint, en tant que consubstantiel au Père et au Fils dans la divinité, est Amour et Don (incréé) d'où découle comme d'une source (fons vivus) tout don accordé aux créatures (don créé): le don de l'existence à toutes choses par la création; le don de la grâce aux hommes par toute l'économie du salut. Comme l'Apôtre Paul l'écrit: «L'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous fut donné»39.

3. Le don que Dieu fait de lui-même dans l'Esprit Saint pour le salut

11. Le discours d'adieu du Christ au cours du repas pascal se rattache particulièrement à ce «don» et à ce «don de soi» de l'Esprit Saint. Dans l'Evangile de Jean se dévoile, pour ainsi dire, la «logique» la plus profonde du mystère salvifique inclus dans le dessein éternel de Dieu, comme extension de la communion ineffable du Père, du Fils et de l'Esprit Saint. C'est la «logique» divine qui, à partir du mystère de la Trinité, conduit au mystère de la Rédemption du monde en Jésus Christ. La Rédemption accomplie par le Fils dans le cadre de l'histoire terrestre de l'homme, accomplie en son «départ» par la Croix et par la Résurrection, se trouve en même temps transmise, dans toute sa puissance salvifique, à l'Esprit Saint, celui qui «recevra de mon bien»40. Les paroles du texte johannique montrent que, selon le plan divin, le «départ» du Christ est une condition indispensable pour l'«envoi» et la venue de l'Esprit Saint, mais elles disent aussi que commence alors le nouveau don que Dieu fait de lui-même dans l'Esprit Saint pour le salut.

12. C'est un nouveau commencement par rapport au premier commencement, à l'origine du don que Dieu a fait de lui-même pour le salut, qui s'identifie avec le mystère même de la création. Voici ce que nous lisons dès les premiers mots du Livre de la Genèse: «Au commencement Dieu créa le ciel et la terre..., et l'esprit de Dieu (ruah Elohim) planait sur les eaux»41. Ce concept biblique de création comporte non seulement l'appel à l'existence de l'être même du cosmos, c'est-à-dire le don de l'existence, mais aussi la présence de l'Esprit de Dieu dans la création, c'est-à-dire le commencement du don que Dieu fait de lui-même pour leur salut aux choses qu'il a créées. Cela vaut avant tout pour l'homme, qui A été créé à l'image et à la ressemblance de Dieu: «Faisons l'homme à notre image, comme notre ressemblance»42. «Faisons»: peut-on considérer que le pluriel, employé ici par le Créateur en parlant de lui-même, suggère déjà en quelque façon le mystère trinitaire, la présence de la Trinité dans l'œuvre de la création de l'homme? Le lecteur chrétien qui connaît déjà la révélation de ce mystère peut aussi en reconnaître le reflet dans ces paroles. En tout cas, le contexte du Livre de la Genèse nous permet de voir dans la création de l'homme le premier commencement du don que Dieu fait de lui-même pour le salut dans la mesure où il a accordé à l'homme d'être à «l'image» et à «la ressemblance» de lui-même.

13. Il semble donc que les paroles prononcées par Jésus dans le discours d'adieu doivent aussi être relues en rapport avec ce «commencement» si lointain, mais fondamental, que nous connaissons par le Livre de la Genèse. «Si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous; mais si je pars, je vous l'enverrai». En présentant son «départ» comme une condition de la «venue» du Paraclet, le Christ fait le lien entre le nouveau commencement du don que Dieu fait de lui-même par l'Esprit Saint pour le salut, et le mystère de la Rédemption. C'est là un nouveau commencement, avant tout parce que, entre le premier commencement et toute l'histoire de l'homme, s'est interposé, à partir de la chute originelle, le péché qui s'oppose à la présence de l'Esprit de Dieu dans la création et qui, surtout, s'oppose au don que Dieu fait de lui-même à l'homme pour son salut. Saint Paul écrit que, précisément à cause du péché, «la création... fut assujettie à la vanité..., jusqu'à ce jour elle gémit en travail d'enfantement» et «elle attend avec impatience la révélation des fils de Dieu»43.

14. C'est pourquoi Jésus dit au Cénacle: «C'est votre intérêt que je parte»; «si je pars, je vous l'enverrai»44. Le «départ» du Christ par la Croix a la puissance de la Rédemption - et cela signifie aussi une nouvelle présence de l'Esprit de Dieu dans la création: le nouveau commencement du don que Dieu fait de lui-même à l'homme dans l'Esprit Saint. «Et la preuve que vous êtes des fils, c'est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l'Esprit de son Fils qui crie: Abba! Père!», écrit l'Apôtre Paul dans la Lettre aux Galates45. L'Esprit Saint est l'Esprit du Père, comme en témoignent les paroles du discours d'adieu au Cénacle. Il est, en même temps, l'Esprit du Fils: il est l'Esprit de Jésus Christ, comme en témoigneront les Apôtres et particulièrement Paul de Tarse46. Par l'envoi de cet Esprit «dans nos cœurs», commence à s'accomplir ce que «la création attend avec impatience», comme nous le lisons dans la Lettre aux Romains.

L'Esprit Saint vient au prix du «départ» du Christ. Si ce «départ» a provoqué la tristesse des Apôtres47, qui devait atteindre son point culminant dans la passion et dans la mort du Vendredi Saint, à son tour «cette tristesse se changera en joie» 48. Le Christ, en effet, marquera son «départ» rédempteur par la gloire de la résurrection et de l'ascension vers le Père. Ainsi donc, la tristesse à travers laquelle transparaît la joie, voilà ce qu'éprouvent les Apôtres dans la perspective du «départ» de leur Maître, un départ qui a lieu «dans leur intérêt», parce que, grâce à lui, viendra un autre «Paraclet»49. Au prix de la Croix où se réalise la Rédemption, par la puissance de tout le mystère pascal de Jésus Christ, l'Esprit Saint vient demeurer dès le jour de la Pentecôte avec les Apôtres, pour demeurer avec l'Eglise et dans l'Eglise et, grâce à elle, dans le monde.

De cette manière s'accomplit définitivement ce nouveau commencement du don que le Dieu un et trine fait de lui-même dans l'Esprit Saint par Jésus Christ, Rédempteur de l'homme et du monde.

4. Le Messie, Oint de l'Esprit Saint

15. La mission du Messie s'accomplit aussi jusqu'à son terme, car elle est la mission de celui qui a reçu la plénitude de l'Esprit Saint pour le Peuple élu de Dieu et pour l'humanité entière. Littéralement, «Messie» veut dire «Christ», c'est-à-dire «Oint», et, dans l'histoire du salut, le sens est «Oint de l'Esprit Saint». Telle était la tradition prophétique de l'Ancien Testament. En s'y conformant, Simon Pierre dira dans la maison de Corneille: «Vous savez ce qui s'est passé dans toute la Judée: Jésus de Nazareth... après le baptême proclamé par Jean; comment Dieu l'a consacré par l'Esprit Saint et rempli de sa force»50.

De ces paroles de Pierre et de beaucoup d'autres semblables51, il convient de remonter avant tout à la prophétie d'Isaïe, parfois appelée «le cinquième évangile» ou bien «l'évangile de l'Ancien Testament». Evoquant la venue d'un personnage mystérieux, que la révélation néo-testamentaire identifiera avec Jésus, Isaïe en associe la personne et la mission avec une action spéciale de l'Esprit de Dieu, l'Esprit du Seigneur. Voici les paroles du prophète:

«Un rejeton sortira de la souche de Jessé,
un surgeon poussera de ses racines.
Sur lui reposera l'Esprit du Seigneur
esprit de sagesse et d'intelligence,
esprit de conseil et de force,
esprit de connaissance et de crainte du Seigneur:
son inspiration est dans la crainte du Seigneur»52.

Ce texte est important pour toute la pneumatologie de l'Ancien Testament, car il constitue comme un pont entre le concept biblique ancien de l'«esprit», entendu avant tout comme un «souffle charismatique», et l'«Esprit» comme personne et comme don, don pour la personne. Le Messie de la lignée de David («de la souche de Jessé») est précisément la personne sur laquelle «reposera» l'Esprit du Seigneur. Il est évident que, dans ce cas, on ne peut pas encore parler de la révélation du Paraclet: cependant, avec cette allusion voilée à la figure du futur Messie s'ouvre, pour ainsi dire, la voie sur laquelle est préparée la pleine révélation de l'Esprit Saint dans l'unité du mystère trinitaire qui se manifestera finalement dans la Nouvelle Alliance.

16. Cette voie, c'est précisément le Messie. Dans l'Ancienne Alliance, l'onction était devenue le symbole extérieur du don de l'Esprit. Le Messie (plus que tout autre personnage oint dans l'Ancienne Alliance) est l'unique et grand Oint du Seigneur lui-même. Il est l'Oint en ce sens qu'il possède la plénitude de l'Esprit de Dieu. Et il sera lui-même le médiateur du don de cet Esprit au Peuple tout entier. Voici, en effet, d'autres paroles du prophète:

«L'esprit du Seigneur Dieu est sur moi,
car le Seigneur m'a consacré par l'onction;
il m'a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres,
panser les cœurs meurtris,
annoncer aux captifs la libération
et aux prisonniers la délivrance,
proclamer une année de grâce de la part du Seigneur»53.

L'Oint est aussi envoyé «avec l'Esprit du Seigneur»:
«Et maintenant le Seigneur Dieu
m'a envoyé avec son esprit»54.

Selon le Livre d'Isaïe, l'Oint, l'Envoyé avec l'Esprit du Seigneur, est aussi le Serviteur du Seigneur élu, sur qui repose l'Esprit de Dieu:
«Voici mon serviteur que je soutiens,
mon élu en qui mon âme se complait.
J'ai mis sur lui mon esprit»55.

On sait que le Serviteur du Seigneur est révélé dans le Livre d'Isaïe comme le véritable Homme des douleurs: le Messie souffrant pour les péchés du monde56. Et, simultanément, il est celui même qui reçoit la mission de porter de véritables fruits de salut pour toute l'humanité: «Il présentera aux nations le droit ...»57; et il deviendra «l'alliance du peuple, la lumière des nations ...»58; «pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre»59.

Car: «Mon esprit qui est sur toi,
et mes paroles que j'ai mises dans ta bouche
ne s'éloigneront pas de ta bouche,
ni de la bouche de ta descendance,
ni de la bouche de la descendance de ta descendance,
dit le Seigneur, dès maintenant et à jamais»60.

Les textes prophétiques cités ici, nous devons les lire àla lumière de l'Evangile, de même que, pour sa part, le Nouveau Testament reçoit de la lumière admirable de ces textes vétéro-testamentaires une clarté particulière. Le prophète présente le Messie comme celui qui vient dans l'Esprit Saint, comme celui qui possède la plénitude de cet Esprit en lui et, en même temps, pour les autres, pour Israël, pour toutes les nations, pour toute l'humanité. La plénitude de l'Esprit de Dieu s'accompagne de nombreux dons, les biens du salut, destinés spécialement aux pauvres et à ceux qui souffrent, à tous ceux qui ouvrent leur cœur à ces dons, parfois à travers l'expérience douloureuse de leur propre existence, mais avant tout dans la disponibilité intérieure qui provient de la foi. Cela, le vieillard Syméon, «homme juste et pieux» sur qui «reposait l'Esprit Saint», en eut l'intuition au moment de la présentation de Jésus au Temple, lorsqu'il vit en lui «le salut préparé à la face de tous les peuples» au prix de la grande souffrance, celle de la Croix, qu'il devait éprouver en même temps que sa Mère61. La Vierge Marie comprenait cela encore mieux, elle qui «avait conçu du Saint-Esprit»62, lorsqu'elle méditait en son cœur les «mystères» du Messie auxquels elle était associée63.

17. Il convient de souligner ici que l'«esprit du Seigneur», qui «repose» sur le futur Messie, est clairement et avant tout un don de Dieu pour la personne de ce Serviteur du Seigneur. Mais lui-même n'est pas une personne isolée et existant par elle-même, parce qu'il agit par la volonté du Seigneur, en vertu de sa décision ou de son choix. Même si, à la lumière des textes d'Isaïe, l'œuvre salvifique du Messie, Serviteur du Seigneur, implique l'action de l'Esprit accomplie à travers lui, dans leur contexte vétéro-testamentaire la distinction des sujets ou des Personnes divines - telles que ces Personnes subsistent dans le mystère trinitaire et seront révélées ensuite dans le Nouveau Testament - n'est cependant pas suggérée. Que ce soit en Isaïe ou dans tout l'Ancien Testament, la personnalité de l'Esprit Saint est complètement cachée: cachée dans la révélation du Dieu unique, comme aussi dans l'annonce prophétique du Messie à venir.

18. Au début de son activité messianique, Jesus Christ se réclamera de cette annonce que comprenaient les paroles d'Isaïe. Il le fera à Nazareth même où il avait passé trente années de sa vie dans la maison de Joseph le charpentier, aux côtés de Marie, la Vierge sa Mère. Quand il eut l'occasion de prendre la parole à la Synagogue, ouvrant le Livre d'Isaïe, il trouva le passage où il était écrit: «L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a consacré par l'onction» et, après avoir lu ce passage, il dit à l'assemblée: «Aujourd'hui, cette écriture est accomplie pour vous qui l'entendez»64. De cette manière, il confessait et il proclamait qu'il était celui qui «a reçu l'onction» du Père, qu'il était le Messie, c'est-a-dire celui en qui demeure l'Esprit Saint, le don de Dieu lui-même, celui qui possède la plénitude de cet Esprit, celui qui marque le «nouveau commencement» du don que Dieu fait à l'humanité dans l'Esprit.

5. Jésus de Nazareth, «manifesté» dans l'Esprit Saint

19. Même si dans sa propre ville de Nazareth Jésus n'est pas reconnu comme Messie, sa mission messianique dans l'Esprit Saint est cependant révélée au peuple par Jean-Baptiste aù commencement de son activité publique. Au bord du Jourdain, Jean, fils de Zacharie et d'Elisabeth, annonce la venue du Messie et administre le baptême de pénitence. Il dit: «Pour moi, je vous baptise avec de l'eau, mais vient le plus fort que moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de ses sandales: lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu»65.

Jean-Baptiste annonce le Messie-Christ non seulement comme celui qui «vient» dans l'Esprit Saint, mais aussi comme celui qui «porte» l'Esprit Saint, comme Jésus le révélera mieux au Cénacle. Jean se fait ici l'écho fidèle des paroles d'Isaïe, qui concernaient l'avenir chez le prophète ancien, tandis que dans son enseignement sur les rives du Jourdain, elles constituent l'introduction immédiate à la réalité messianique nouvelle. Jean n'est pas seulement prophète, il est aussi messager: il est le précurseur du Christ. Ce qu'il annonce se réalise aux yeux de tous. Jésus de Nazareth vient au Jourdain pour recevoir, lui aussi, le baptême de pénitence. En voyant celui qui arrive, Jean proclame: «Voici l'agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde»66. Il dit cela sous l'inspiration du Saint-Esprit67 et rend témoignage à l'accomplissement de la prophétie d'Isaïe. En même temps, il proclame la foi en la mission rédemptrice de Jésus de Nazareth. Sur les lèvres de Jean-Baptiste, «Agneau de Dieu» est une expression de la vérité sur le Rédempteur qui n'a pas moins de portée que celle de «Serviteur du Seigneur».

Ainsi, par le témoignage de Jean au Jourdain, Jésus de Nazareth, rejeté par ses compatriotes, se trouve manifesté aux yeux d'Israël comme le Messie, c'est-à-dire «l'Oint» de l'Esprit Saint. Et ce témoignage est confirmé par un autre témoignage supérieur, mentionné par les trois synoptiques. En effet, quand tout le peuple fut baptisé et tandis que Jésus, ayant reçu le baptême, se trouvait en prière, «le ciel s'ouvrit, et l'Esprit Saint descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe»68 et, en même temps, «voici qu'une voix venue des cieux disait: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur"»69.

C'est une théophanie trinitaire, qui est un témoignage rendu à la glorification du Christ à l'occasion de son baptême dans le Jourdain. Non seulement elle confirme le témoignage de Jean-Baptiste, mais elle dévoile une dimension encore plus profonde de la vérité sur Jésus de Nazareth comme Messie. Il est dit: le Messie est le Fils bien-aimé du Père. Son investiture solennelle ne se réduit pas à la mission messianique du «Serviteur du Seigneur». A la lumière de la théophanie du Jourdain, c'est le mystère de la Personne même du Messie qui est exalté. Il est glorifié parce qu'il est Fils de la complaisance divine. La voix d'en haut dit: «Mon Fils».

20. La théophanie du Jourdain n'éclaire que fugitivement le mystère de Jésus de Nazareth dont toute l'activité se déroulera en présence de l'Esprit Saint70. Ce mystère sera révélé par Jésus lui-même et peu à peu confirmé à travers tout ce qu'il «a fait et enseigné»71. Dans la ligne de cet enseignement et des signes messianiques que Jésus accomplit avant de parvenir au discours d'adieu du Cénacle, nous rencontrons des événements et des paroles qui représentent des moments particulièrement importants de cette révélation progressive. Ainsi l'évangéliste Luc, qui a déjà présenté Jésus «rempli d'Esprit Saint» et «mené par l'Esprit à travers le désert»72, nous apprend que, après le retour des soixante-douze disciples de la mission que le Maître leur avait confiée73, alors que, tout joyeux, ils décrivaient le fruit de leur travail, à cette heure même, Jésus «tressaillit de joie sous l'action de l'Esprit Saint et dit: "Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir"»74. Jésus exulte à cause de la paternité divine; il exulte parce qu'il lui est donné de révéler cette paternité; il exulte, enfin, parce qu'il y a comme un rayonnement particulier de cette paternité divine sur les «petits». Et l'évangéliste qualifie tout cela de «tressaillement de joie dans l'Esprit Saint».

Un tel tressaillement de joie, en un sens, entraîne Jésus à dire encore davantage. Ecoutons: «Tout m'a été remis par mon Père, et nul ne sait qui est le Fils si ce n'est le Père, ni qui est le Pere si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler»75.

21. Ce qui, au cours de la théophanie du Jourdain, est venu pour ainsi dire «de l'extérieur» d'en haut, provient ici «de l'intérieur», c'est-à-dire du plus profond de ce qu'est Jésus. C'est une autre révélation du Père et du Fils, unis dans l'Esprit Saint. Jésus parle seulement de la paternité de Dieu et de sa propre filiation; il ne parle pas explicitement de l'Esprit qui est Amour et, par là, union du Père et du Fils. Néanmoins, ce qu'il dit du Père et de lui-même comme Fils résulte de la plénitude de l'Esprit qui est en lui, qui remplit son cœur, pénètre son propre «Moi», inspire et vivifie en profondeur son action. De là, ce «tressaillement de joie dans l'Esprit Saint». L'union du Christ avec l'Esprit Saint, dont il a une parfaite conscience, s'exprime dans ce «tressaillement de joie» qui, en un sens, rend «perceptible» sa source secrète. Il en résulte une manifestation et une exaltation particulières qui sont propres au Fils de l'homme, au Christ-Messie dont l'humanité appartient à la personne du Fils de Dieu, substantiellement un avec l'Esprit Saint dans la divinité.

Dans sa magnifique confession de la paternité de Dieu, Jésus de Nazareth se manifeste aussi lui-même, il manifeste son «Moi» divin: il est en effet le Fils «de la même substance», c'est pourquoi «nul ne sait qui est le Fils si ce n'est le Père, ni qui est le Père si ce n'est le Fils», ce Fils qui «pour nous et pour notre salut» s'est fait homme par l'Esprit Saint et est né d'une Vierge dont le nom était Marie.

6. «Recevez l'Esprit Saint», dit le Christ ressuscité

22. Grâce à son récit, Luc nous conduit à un point extrêmement proche de la vérité comprise dans le discours au Cénacle. Jésus de Nazareth, «exalté» dans l'Esprit Saint, se présente au cours de ce discours et de cet entretien comme celui qui «porte» l'Esprit, comme celui qui doit le porter et le «donner» aux Apôtres et à l'Eglise au prix de son «départ» par la Croix.

Par le verbe «porter» on entend ici avant tout «révéler». L'Ancien Testament, depuis le Livre de la Genèse, a fait connaître en quelque sorte l'Esprit de Dieu d'abord comme le «souffle» de Dieu qui donne la vie, comme «un souffle vital» surnaturel. Dans le Livre d'Isaïe, il est présenté comme un «don» pour la personne du Messie, comme celui qui vient sur lui pour guider de l'intérieur toute son activité salvifique. Au bord du Jourdain, l'annonce d'Isaïe a revêtu une forme concrète: Jésus de Nazareth est celui qui vient dans l'Esprit Saint et le porte comme le don propre de sa Personne même, pour le répandre grâce à son humanité: «Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint»76. Dans l'évangile de Luc, cette révélation de l'Esprit Saint est confirmée et enrichie, présentée comme la source intime de la vie et de l'action messianique de Jésus Christ.

A la lumière de ce que Jésus dit dans le discours après la Cène, l'Esprit Saint est révélé d'une manière nouvelle et plus ample. Il n'est pas seulement le don à la personne (à la personne du Messie), mais il est une Personne-Don. Jésus annonce sa venue comme celle d'«un autre Paraclet» qui, étant l'Esprit de vérité, conduira les Apôtres et l'Eglise «à la vérité tout entière»77. Cela s'accomplira en raison de la communion particulière qui existe entre l'Esprit Saint et le Christ: «C'est de mon bien qu'il recevra et il vous le dévoilera»78. Cette communion a sa source première dans le Père: «Tout ce qu'a le Père est à moi. Voilà pourquoi j'ai dit que c'est de mon bien qu'il reçoit et qu'il vous le dévoilera»79. Venant du Père, l'Esprit Saint est envoyé d'auprès du Père80. L'Esprit Saint a d'abord été envoyé comme don au Fils qui s'est fait homme, pour accomplir les prophéties messianiques. Après le «départ» du Christ-Fils, suivant le texte johannique, l'Esprit Saint «viendra» directement- c'est sa mission nouvelle - pour achever l'œuvre du Fils. Ainsi, c'est lui qui mènera à son accomplissement l'ère nouvelle de l'histoire du salut.

23. Nous nous trouvons au seuil de l'événement pascal. La révélation nouvelle et définitive de l'Esprit Saint comme Personne qui est le Don s'accomplit précisément à ce moment. Les événements de Pâques- la passion, la mort et la résurrection du Christ - sont aussi le temps de la nouvelle venue de l'Esprit Saint comme Paraclet et Esprit de vérité. C'est le temps du «nouveau commencement» du don que le Dieu un et trine fait de lui-même à l'humanité dans l'Esprit Saint par l'action du Christ Rédempteur. Ce nouveau commencement est la rédemption du monde: «Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique»81. Déjà, dans le fait de «donner» le Fils, dans le don du Fils, s'exprime l'essence la plus profonde de Dieu qui, comme Amour, est une source inépuisable de libéralité. Dans le don fait par le Fils s'achèvent la révélation et la libéralité de l'Amour éternel: l'Esprit Saint, qui dans les profondeurs insondables de la divinité est une Personne-Don, par l'œuvre du Fils, c'est-à-dire par le mystère pascal, est donné d'une manière nouvelle aux Apôtres et à l'Eglise et, à travers eux, à l'humanité et au monde entier.

24. L'expression définitive de ce mystère apparaît le jour de la Résurrection. En ce jour, Jésus de Nazareth, «issu de la lignée de David selon la chair», comme l'écrit l'Apôtre Paul, est «établi Fils de Dieu avec puissance selon l'Esprit de sainteté, par sa résurrection des morts»82. On peut donc dire que l'«exaltation» messianique du Christ dans l'Esprit Saint atteint son sommet dans la Résurrection; il se révèle alors comme Fils de Dieu, «rempli de puissance». Et cette puissance, dont les sources jaillissent dans l'insondable communion trinitaire, se manifeste avant tout dans le fait que si, d'une part, le Christ ressuscité réalise la promesse de Dieu déjà exprimée par la voix du prophète: «Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, ... mon esprit»83, d'autre part, il accomplit sa propre promesse faite aux Apôtres par ces mots: «Si je pars, je vous l'enverrai»84. C'est lui, l'Esprit de vérité, le Paraclet envoyé par le Christ ressuscité pour nous transformer et faire de nous l'image même du ressuscité85.

Ecoutons: «Le soir, ce même jour, le premier de la semaine, et les portes étant closes, la où se trouvaient les disciples, par peur des juifs, Jésus vint et se tint au milieu et il leur dit: «Paix à vous!». Ayant dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur. Il leur dit alors, de nouveau: "Paix à vous! Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie". Ayant dit cela, il souffla sur eux et leur dit: "Recevez l'Esprit Saint"»86.

Tous les détails de ce texte clé de l'Evangile de Jean ont une réelle portée, spécialement si nous les relisons en relation avec les paroles prononcées dans le même Cénacle au début des événements de Pâques. Désormais, ces événements - le triduum sacrum de Jésus que le Père a consacré par l'onction et envoyé dans le monde - atteignent leur achèvement. Le Christ, qui «avait remis l'esprit» sur la Croix87 comme Fils de l'homme et Agneau de Dieu, une fois ressuscité, va vers les Apôtres pour «souffler sur eux» avec la puissance dont parle la Lettre aux Romains88. La venue du Seigneur remplit de joie ceux qui sont présents: «Leur tristesse se change en joie»89, comme il l'avait déjà promis lui-même avant sa passion. Et surtout l'annonce essentielle du discours d'adieu se réalise: le Christ ressuscité, comme inaugurant une création nouvelle, «porte» aux Apôtres l'Esprit Saint. Il le leur porte au prix de son «départ»; il leur donne cet Esprit en quelque sorte à travers les plaies de sa crucifixion: «Il leur montra ses mains et son côté». C'est en vertu de cette crucifixion qu'il leur dit: «Recevez l'Esprit Saint».

Un lien étroit s'établit ainsi entre l'envoi du Fils et celui de l'Esprit Saint. L'envoi de l'Esprit Saint (après le péché originel) ne peut avoir lieu sans la Croix et la Résurrection: «Si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous»90. Un lien étroit s'établit aussi entre la mission de l'Esprit Saint et celle du Fils dans la Rédemption. La mission du Fils, en un sens, trouve son «achèvement» dans la Rédemption. La mission de l'Esprit Saint «découle» de la Rédemption: «C'est de mon bien qu'il reçoit et il vous le dévoilera»91. La Rédemption est accomplie pleinement par le Fils comme l'Oint qui est venu et a agi par la puissance de l'Esprit Saint, s'offrant lui-même à la fin en sacrifice suprême sur le bois de la Croix. Et cette Rédemption est aussi accomplie continuellement dans les cœurs et les consciences des hommes - dans l'histoire du monde - par l'Esprit Saint qui est l'«autre Paraclet».

7. L'Esprit Saint et le temps de l'Eglise

25. «Une fois achevée l'œuvre que le Père avait chargé son Fils d'accomplir sur la terre (cf. Jn 17, 4), le jour de la Pentecôte, l'Esprit Saint fut envoyé qui devait sanctifier l'Eglise en permanence et procurer ainsi aux croyants, par le Christ, dans l'unique Esprit, l'accès auprès du Père (cf. Ep 2, 18). C'est lui, l'Esprit de vie, la source d'eau jaillissant pour la vie éternelle (cf. Jn 4, 14; 7, 38-39), par qui le Père donne la vie aux hommes que le péché avait fait mourir, en attendant de ressusciter dans le Christ leur corps mortel (cf. Rm 8, 10-11)»92.

C'est ainsi que le Concile Vatican II parle de la naissance de l'Eglise le jour de la Pentecôte. L'événement de la Pentecôte constitue la manifestation définitive de ce qui s'était accompli dans le même Cénacle dès le dimanche de Pâques. Le Christ ressuscité vint et «porta» aux Apôtres l'Esprit Saint. Il le leur donna en disant: «Recevez l'Esprit Saint». Ce qui s'était produit alors à l'intérieur du Cénacle, «les portes closes», plus tard, le jour de la Pentecôte, fut manifesté aussi à l'extérieur, devant les hommes. Les portes du Cénacle s'ouvrent et les Apôtres se dirigent vers les habitants et les pèlerins rassemblés à Jérusalem à l'occasion de la fête, pour rendre témoignage au Christ par la puissance de l'Esprit Saint. Ainsi se réalise la parole de Jésus: «Il me rendra témoignage; mais vous aussi, vous témoignerez, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement»93.

Nous lisons dans un autre document du Concile Vatican II: «Sans aucun doute, le Saint-Esprit était déjà à l'œuvre dans le monde avant la glorification du Christ. Pourtant, le jour de la Pentecôte, il descendit sur les disciples pour demeurer avec eux à jamais: l'Eglise se manifesta publiquement devant la multitude, la diffusion de l'Evangile commença avec la prédication parmi les païens»94.

Le temps de l'Eglise a commencé par la «venue», c'est-à-dire par la descente de l'Esprit Saint sur les Apôtres réunis au Cénacle de Jérusalem avec Marie, la Mère du Seigneur95. Le temps de l'Eglise a commencé au moment où les promesses et les prophéties qui se rapportaient de manière très explicite au Paraclet, à l'Esprit de vérité, ont commencé à se réaliser sur les Apôtres avec puissance et de toute évidence, déterminant ainsi la naissance de l'Eglise. Les Actes des Apôtres parlent de cela fréquemment, en de nombreux passages. Il en résulte que, suivant la conscience de la communauté primitive dont Luc exprime les certitudes, l'Esprit Saint a assuré la conduite, de manière invisible mais d'une certaine façon «perceptible», de ceux qui, après le départ du Seigneur Jésus, avaient profondément le sentiment d'être restés orphelins. Par la venue de l'Esprit Saint, ils se sont sentis aptes à accomplir la mission qui leur avait été confiée. Ils se sont sentis pleins de force. C'est là précisément l'action de l'Esprit Saint en eux, et c'est son action constante dans l'Eglise par leurs successeurs. En effet, la grâce de l'Esprit Saint, que les Apôtres ont donnée à leurs collaborateurs par l'imposition des mains, continue à être transmise par l'ordination épiscopale. Puis, par le sacrement de l'ordre, les évêques font participer les ministres sacrés à ce don spirituel, et ils font en sorte que tous ceux qui sont renés de l'eau et de l'Esprit en soient fortifiés par le sacrement de la confirmation; d'une certaine façon, la grâce de la Pentecôte est ainsi perpétuée dans l'Eglise.

Comme l'écrit le Concile, «l'Esprit demeure dans l'Eglise et dans le cœur des fidèles comme dans un temple (cf. 1 Co 3, 16; 6, 19), en eux il prie et atteste leur condition de fils de Dieu par adoption (cf. Ga 4, 6; Rm 8, 15-16. 26). Cette Eglise qu'il introduit dans la vérité tout entière (cf. Jn 16, 13), qu'il unifie par la communion et le ministère, l'Esprit lui fournit ses moyens d'action et la dirige par la diversité de ses dons hiérarchiques et charismatiques, et il l'embellit par ses fruits (cf. Ep 4, 11-12; 1 Co 12, 4; Ga 5, 22). Par la vertu de l'Evangile, il rajeunit l'Eglise et il la renouvelle sans cesse, l'acheminant à l'union parfaite avec son Epoux»96.

26. Les passages cités de la Constitution conciliaire Lumen gentium nous disent que, par la venue de l'Esprit Saint, commença le temps de l'Eglise. Ils nous disent aussi que ce temps, le temps de l'Eglise, continue. Il dure au cours des siècles et des générations. En notre siècle, où l'humanité est désormais proche de la fin du deuxième millénaire après le Christ, ce temps de l'Eglise a été particulièrement exprimé dans le Concile Vatican II , le concile de notre siècle. On sait, en effet, qu'il a été spécialement un concile «ecclésiologique»:un concile sur le thème de l'Eglise. En même temps, l'enseignement de ce Concile est essentiellement «pneumatologique», pénétré de la vérité sur l'Esprit Saint, âme de l'Eglise. Nous pouvons dire que, dans la richesse de son magistère, le Concile Vatican II contient à proprement parler tout ce «que l'Esprit dit aux Eglises»97 en fonction de la période actuelle de l'histoire du salut.

Guidé par l'Esprit de vérité et rendant témoignage avec lui, le Concile a donné une particulière confirmation de la présence de l'Esprit Saint-Paraclet. En un sens, il l'a rendu nouvellement «présent» dans notre époque difficile. On comprend mieux, à la lumière de cette conviction, la grande importance de toutes les initiatives tendant à la réalisation de Vatican II, de son magistère et de sa visée pastorale et œcuménique. Dans cette perspective, il convient de prendre en considération et d'apprécier les Assemblées du Synode des Evêques, réunies par la suite, qui ont eu pour but de permettre que les fruits de la Vérité et de l'Amour - les fruits authentiques de l'Esprit Saint - deviennent un bien durable du Peuple de Dieu dans son pèlerinage terrestre au cours des siècles. Ce travail de l'Eglise est indispensable, car il est destiné à vérifier et à consolider les fruits salvifiques de l'Esprit accordés au Concile. A cette fin, il est nécessaire de savoir les «discerner» attentivement par rapport à tout ce qui peut, au contraire, provenir en premier lieu du «Prince de ce monde»98. Ce discernement est d'autant plus nécessaire dans la réalisation de l'œuvre du Concile que celui-ci s'est largement ouvert au monde contemporain, comme on le voit clairement dans les Constitutions importantes Gaudium et spes et Lumen gentium.

Nous lisons dans la Constitution pastorale: «Leur communauté (celle des disciples du Christ) ... s'édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l'Esprit Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d'un message de salut qu'il leur faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire»99. «L'Eglise sait parfaitement que Dieu seul, dont elle est la servante, répond aux plus profonds désirs du cœur humain que jamais ne rassasient pleinement les nourritures terrestres»100. «L'Esprit de Dieu .... par une providence admirable, conduit le cours des temps et rénove la face de la terre»101.

DEUXIÈME PARTIE - L'ESPRIT QUI MET EN LUMIERE LE PECHE DU MONDE

1. Péché, justice et jugement

27. Jésus, pendant son discours au Cénacle, annonce la venue de l'Esprit Saint «au prix» de son propre départ, et il promet: «Si je pars, je vous l'enverrai». Mais, dans ce même contexte, il ajoute: «Et lui, une fois venu, il établira la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement»102. Le Paraclet lui-même, l'Esprit de vérité, promis comme celui qui «enseignera» et «rappellera», comme celui qui «rendra témoignage», comme celui qui «introduira dans la vérité tout entière», est maintenant annoncé, par les paroles que nous venons de citer, comme celui qui «établira la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement».

Le contexte semble déjà significatif. Jésus relie cette annonce de la venue de l'Esprit Saint aux paroles qui indiquent son «départ» par la Croix et qui en soulignent même la nécessité: «C'est votre intérêt que je parte; car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous»103.

Mais ce qui compte le plus, c'est l'explication que Jésus ajoute lui-même à ces trois mots: péché, justice, jugement. Il dit en effet: «Il établira la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement: de péché, parce qu'ils ne croient pas en moi; de justice, parce que je vais vers le Père et que vous ne me verrez plus; de jugement, parce que le Prince de ce monde est jugé»104. Dans la pensée de Jésus, le péché, la justice, le jugement ont un sens bien précis, différent de celui que l'on aurait peut-être tendance à attribuer à ces mots indépendamment de l'explication donnée par celui qui parle. Cette explication indique aussi comment il faut comprendre l'expression «établir la culpabilité du monde», qui est propre à l'action de l'Esprit Saint. Et ici, le sens de chaque mot importe, et aussi le fait que Jésus les a unis entre eux dans la même phrase.

«Le péché», dans ce texte, signifie l'incrédulité que Jésus rencontre parmi les «siens», à commencer par ses concitoyens de Nazareth. Il signifie le refus de sa mission, qui amènera les hommes à le condamner à mort. Lorsque, ensuite, il parle de «la justice», Jésus semble envisager la justice définitive que lui rendra le Père en l'entourant de la gloire de la résurrection et de l'ascension au ciel: «Je m'en vais vers le Père». A son tour, dans le contexte du «péché» et de la «justice» ainsi entendus, «le jugement» signifie que l'Esprit de vérité montrera, dans la condamnation de Jésus à la mort en Croix, le péché du «monde». Toutefois, le Christ n'est pas venu dans le monde uniquement pour le juger et le condamner: il est venu pour le sauver105. La mise en lumière du péché et de la justice a pour but le salut du monde, le salut des hommes. C'est bien cette vérité qui semble soulignée par l'affirmation que «le jugement» concerne seulement le «Prince de ce monde», à savoir Satan, celui qui, depuis le commencement, exploite l'œuvre de la création contre le salut, contre l'alliance et l'union de l'homme avec Dieu: il est «déjà jugé» depuis le commencement. Si l'Esprit-Paraclet doit confondre le monde en fait de jugement, c'est pour continuer en lui l'œuvre salvatrice du Christ.

28. Nous voulons ici concentrer principalement notre attention sur cette mission de «manifester le péché du monde», qui est celle de l'Esprit Saint, tout en respectant les paroles de Jésus dans l'ensemble du contexte. L'Esprit Saint, qui reçoit du Fils l'œuvre de la Rédemption du monde, assume par là même la tâche de «manifester le péché» pour sauver. Cela se fait en référence permanente à la «justice», c'est-à-dire au salut définitif en Dieu, à l'accomplissement de l'économie qui a pour centre le Christ crucifié et glorifié. Et cette économie salvifique de Dieu soustrait l'homme, en un sens, au «jugement», c'est-à-dire à la damnation, qui a frappé le péché de Satan, le «Prince de ce monde», celui qui, à cause de son péché, est devenu «régisseur de ce monde de ténèbres»106. Et voici qu'en vertu de cette référence au «jugement», s'ouvrent de vastes horizons pour la compréhension du «péché», et aussi de la «justice». Montrant le péché, sur l'arrière-plan de la Croix du Christ, dans l'économie du salut (on pourrait dire «le péché sauvé»), l'Esprit Saint fait comprendre que sa mission est de mettre en évidence même le péché qui a déjà été jugé définitivement («le péché condamné»).

29. Toutes les paroles prononcées par le Rédempteur au Cénacle, à la veille de sa passion, s'inscrivent dans le temps de l'Eglise, à commencer par celles qui concernent l'Esprit Saint comme Paraclet et comme Esprit de vérité. Elles s'y inscrivent d'une manière toujours nouvelle, à chaque génération, à chaque époque. Cela est confirmé, pour ce qui est de notre siècle, par l'ensemble de l'enseignement du Concile Vatican II, spécialement dans la Constitution pastorale «Gaudium et spes». De nombreux passages de ce document montrent clairement que le Concile, s'ouvrant à la lumière de l'Esprit de vérité, se présente comme le dépositaire authentique de tout ce qui a été annoncé et promis par le Christ aux Apôtres et à l'Eglise dans le discours d'adieu, en particulier de l'annonce selon laquelle l'Esprit Saint doit «établir la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement».

C'est ce qu'indique déjà le texte dans lequel le Concile explique ce qu'il entend par «monde»: «Le monde qu'il (le Concile lui-même) a ainsi en vue est celui des hommes, la famille humaine tout entière avec l'univers au sein duquel elle vit. C'est le théâtre où se joue l'histoire du genre humain, le monde marqué par l'effort de l'homme, ses défaites et ses victoires. Pour la foi des chrétiens, ce monde a été fondé et demeure conservé par l'amour du Créateur; il est tombé, certes, sous l'esclavage du péché, mais le Christ, par la Croix et la Résurrection, a brisé le pouvoir du Malin et l'a libéré pour qu'il soit transformé selon le dessein de Dieu et qu'il parvienne ainsi à son accomplissement»107. Il faut, en référence à ce texte très synthétique, lire les autres passages de la Constitution qui cherchent à montrer, avec tout le réalisme de la foi, la situation du péché dans le monde contemporain et aussi à expliquer son essence, en partant de divers points de vue108.

Lorsque Jésus, la veille de Pâques, parle de l'Eprit Saint comme de celui qui «mettra en lumière le péché du monde», il faut, d'un côté, donner à cette affirmation la portée la plus grande possible, en ce sens qu'elle comprend tout l'ensemble des péchés qui marquent l'histoire de l'humanité. Mais, d'un autre côté, quand Jésus explique que ce péché consiste dans le fait qu'«ils ne croient pas en lui», la portée de l'affirmation semble se restreindre à ceux qui ont refusé de reconnaître la mission messianique du Fils de l'homme, le condamnant à la mort sur la Croix. Il est cependant difficile de ne pas remarquer que cette portée plus «réduite» du sens du péché, située avec précision dans l'histoire, s'élargit jusqu'à prendre une ampleur universelle en raison de l'universalité de la Rédemption accomplie par la Croix. La révélation du mystère de la Rédemption ouvre la voie à une intelligence de ce mystère selon laquelle tout péché, quel que soit le lieu ou le temps où il a été commis, est mis en rapport avec la Croix du Christ - et donc aussi, indirectement, avec le péché de ceux qui «n'ont pas cru en lui» et ont condamné Jésus Christ à la mort sur la Croix.

De ce point de vue, il nous faut revenir à l'événement de la Pentecôte.

2. Le témoignage du jour de la Pentecôte

30. Le jour de la Pentecôte, tout ce que le Christ avait annoncé lors de son discours d'adieu fut confirmé de la manière la plus exacte et la plus directe, en particulier l'annonce dont nous parlons ici: «Le Paraclet ... établira la culpabilité du monde en fait de péché». Ce jour-là, l'Esprit Saint promis descendit sur les Apôtres réunis dans la prière avec Marie, Mère de Jésus, au Cénacle, comme nous le lisons dans les Actes des Apôtres: «Tous furent alors remplis de l'Esprit Saint et commencèrent a parler en d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer»109, «l'Esprit ramenant ainsi à l'unité les races séparées et offrant au Père les prémices de toutes les nations»110.

On voit clairement le rapport entre ce qu'avait annoncé le Christ et cet événement. Nous y distinguons l'accomplissement premier et fondamental de la promesse concernant le Paraclet. Envoyé par le Père, il vient «après» le départ du Christ, «au prix» de ce départ. Ce départ s'effectue d'abord par la mort sur la Croix, puis quarante jours après la résurrection, par l'ascension au ciel. Au moment de l'ascension, Jésus ordonne encore aux Apôtres «de ne pas s'éloigner de Jérusalem, mais d'y attendre ce que le Père avait promis»; «vous serez baptisés dans l'Esprit Saint sous peu de jours»; «vous allez recevoir une force, celle de l'Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre»111.

Ces dernières paroles contiennent un écho, ou un rappel, de l'annonce faite au Cénacle. Et le jour de la Pentecôte, cette annonce se réalise de façon très précise. Agissant sous l'influence de l'Esprit Saint reçu par les Apôtres pendant la prière au Cénacle, devant une multitude de personnes de langues différentes réunies pour la fête, Pierre se présente et parle. Il proclame ce qu'il n'aurait certainement pas eu le courage de dire auparavant: «Hommes d'Israël ..., Jésus le Nazaréen, cet homme que Dieu a accrédité auprès de vous par les miracles, prodiges et signes qu'il a opérés par lui au milieu de vous ..., cet homme qui avait été livré selon le dessein bien arrêté et la prescience de Dieu, vous l'avez pris et fait mourir en le clouant à la croix par la main des impies, mais Dieu l'a ressuscité, le délivrant des affres de la mort. Aussi bien n'était-il pas possible qu'il fût retenu en son pouvoir»112.

Jésus avait prédit et promis: «Il me rendra témoignage... Mais vous aussi, vous témoignerez». Ce «témoignage» trouve clairement son commencement dans le premier discours de Pierre à Jérusalem: c'est le témoignage sur le Christ crucifié et ressuscité. C'est le témoignage de l'Esprit-Paraclet et des Apôtres. Et selon le contenu même de ce premier témoignage, l'Esprit de vérité, par la bouche de Pierre, «met en lumière le péché du monde», à commencer par le péché qu'est le refus du Christ jusqu'à le faire condamner à mort, jusqu'à la Croix du Golgotha. Des proclamations de même contenu se répéteront, selon le texte des Actes des Apôtres, en d'autres occasions et en différents endroits113.

31. Depuis ce témoignage initial de la Pentecôte, l'action de l'Esprit de vérité, qui «manifeste le péché du monde», celui de refuser le Christ, est en relation organique avec le témoignage rendu au mystère pascal, au mystère du Crucifié et du Ressuscité. Et dans cette relation, l'expression «manifester le péché» révèle sa propre dimension salvifique. C'est en effet une «manifestation» qui n'a pas pour but le seul fait d'accuser le monde, encore moins de le condamner. Jésus Christ n'est pas venu dans le monde pour le juger et le condamner, mais pour le sauver114. Cela est souligné dès ce premier discours, lorsque Pierre s'écrie: «Que toute la maison d'Israël le sache donc avec certitude: Dieu l'a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous avez crucifié»115. Et par la suite, lorsque les personnes présentes demandent à Pierre et aux Apôtres: «Frères, que devons-nous faire?», voici la réponse: «Repentez-vous, et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ pour la rémission de ses péchés, et vous recevrez alors le don du Saint-Esprit»116.

De cette façon, la «manifestation du péché» devient en même temps manifestation de la rémission des péchés, par la puissance de l'Esprit Saint. Dans son discours de Jérusalem, Pierre exhorte à la conversion, comme Jésus exhortait ses auditeurs au début de son activité messianique117. La conversion requiert la mise en lumière du péché, elle contient en elle-même le jugement intérieur de la conscience. On peut y voir la preuve de l'action de l'Esprit de vérité au plus profond de l'homme, et cela devient en même temps le commencement d'un nouveau don de la grâce et de l'amour: «Recevez l'Esprit Saint»118. Ainsi, dans cette «mise en lumière du péché», nous découvrons un double don: le don de la vérité de la conscience et le don de la certitude de la rédemption. L'Esprit de vérité et le Paraclet.

La manifestation du péché, par le ministère de la prédication apostolique dans l'Eglise naissante, est mise en relation - sous l'impulsion de l'Esprit reçu à la Pentecôte - avec la puissance rédemptrice du Christ crucifié et ressuscité. Ainsi s'accomplit la promesse relative à l'Esprit Saint qui a été faite avant Pâques: «C'est de mon bien qu'il reçoit, et il vous le dévoilera». Lorsque, pendant l'événement de la Pentecôte, Pierre parle du péché de ceux qui «n'ont pas cru»119 et qui ont livré Jésus de Nazareth à une mort ignominieuse, il rend donc témoignage à la victoire sur le péché, victoire qui a été remportée, en un sens, à travers le péché le plus grand que l'homme ait pu commettre: le meurtre de Jésus, Fils de Dieu, de même nature que le Père! Pareillement, la mort du Fils de Dieu l'emporte sur la mort humaine: «Ero mors tua, o mors», «j'étais ta mort, ô mort»120, de même que le péché d'avoir crucifié le Fils de Dieu «l'emporte» sur le péché humain! Ce péché est celui qui a été consommé à Jérusalem le jour du Vendredi Saint, et aussi tout péché de l'homme. En effet, au plus grand des péchés commis par l'homme correspond, dans le cœur du Rédempteur, l'offrande de l'amour suprême qui surpasse le mal de tous les péchés des hommes. Se fondant sur cette certitude, l'Eglise n'hésite pas à répéter chaque année, dans la liturgie romaine de la veillée pascale, «O felix culpa! heureuse faute!», lors de l'annonce de la résurrection que fait le diacre par le chant de l'«Exsultet».

32. Mais de cette vérité ineffable, personne ne peut convaincre le monde, l'homme, la conscience humaine, sinon Lui-même, l'Esprit de vérité. Il est l'Esprit qui «sonde les profondeurs de Dieu»121. Face au mystère du péché, il faut sonder «les profondeurs de Dieu» jusqu'au bout. Il ne suffit pas de sonder la conscience humaine, en tant que mystère intime de l'homme; il est nécessaire de pénétrer dans le mystère intime de Dieu, dans ces «profondeurs de Dieu» que synthétise la formule: au Père, dans le Fils, par l'Esprit Saint. C'est précisément l'Esprit Saint qui «sonde» ces profondeurs, et qui en tire la réponse de Dieu au péché de l'homme. Avec cette réponse se conclut le processus de «mise en lumière du péché», comme le montre clairement l'événement de la Pentecôte.

En établissant la culpabilité du «monde» pour ce qui est du péché du Golgotha, de la mort de l'Agneau innocent, comme cela se produit le jour de la Pentecôte, l'Esprit Saint fait de même pour tout péché commis en quelque lieu ou moment que ce soit dans l'histoire de l'homme: il montre en effet son rapport avec la Croix du Christ. Etablir la culpabilité, c'est montrer le mal qu'est le péché, tout péché, par rapport à la Croix du Christ. Le péché, sous l'éclairage de ce rapport, est vu dans toute la dimension du mal qui lui est propre, en raison du mysterium iniquitatis122 qu'il contient et qu'il cache. L'homme ne connaît pas cette dimension, il ne la connaît absolument pas en dehors de la Croix du Christ. Il ne peut donc être «convaincu» de cela que par l'Esprit Saint, Esprit de vérité mais aussi Paraclet.

Car le péché, mis en relation avec la Croix du Christ, est en même temps identifié dans la pleine dimension du «mysterium pietatis»123, comme l'a montré l'Exhortation apostolique post-synodale Reconciliatio et paenitentia124. Cette autre dimension du péché, l'homme ne la connaît absolument pas non plus en dehors de la Croix du Christ. Et il ne peut en être convaincu que par l'Esprit Saint, par celui qui sonde les profondeurs de Dieu.

3. Le témoignage du commencement: la réalité originelle du péché

33. C'est la dimension du péché que nous trouvons dans le témoignage sur le commencement tel que le donne le Livre de la Genèse125. C'est le péché qui, selon la Parole de Dieu révélée, constitue le principe et la racine de tous les autres péchés. Nous nous trouvons en face de la réalité originelle du péché dans l'histoire de l'homme, et en même temps dans l'ensemble de l'économie du salut. On peut dire que le mysterium iniquitatis a son origine dans ce péché, mais que c'est aussi le péché à l'égard duquel la puissance rédemptrice du mysterium pietatis devient particulièrement transparente et efficace. C'est ce qu'exprime saint Paul lorsque, à la «désobéissance» du premier Adam, il oppose l'«obéissance» du Christ, second Adam: «L'obéissance jusqu'à la mort»126.

Selon le témoignage du commencement, le péché, dans sa réalité originelle, se produit dans la volonté - et dans la conscience - de l'homme, avant tout comme «désobéissance», c'est-à-dire comme opposition de la volonté de l'homme à la volonté de Dieu. Cette désobéissance originelle présuppose le refus, ou au moins l'éloignement, de la vérité contenue dans la Parole de Dieu qui crée le monde. Cette Parole est le Verbe lui-même, qui était «au commencement avec Dieu», qui «était Dieu» et sans qui «rien ne fut», car «le monde fut par lui»127. C'est le Verbe qui est aussi la Loi éternelle, la source de toute loi, qui régit le monde et spécialement les actions de l'homme. Lorsque, à la veille de sa passion, Jésus Christ parle du péché de ceux qui «ne croient pas en lui», il y a donc, dans ces paroles pleines de douleur, comme une allusion lointaine au péché qui s'inscrit obscurément sous sa forme originelle dans le mystère même de la création. Celui qui parle est, en effet, non seulement le Fils de l'homme, mais celui qui est aussi «le premier-né de toute créature», «car c'est en lui qu'ont été créées toutes choses...; tout a été créé par lui et pour lui»128. A la lumière de cette vérité, on comprend que la «désobéissance», dans le mystère du commencement, présuppose en un sens la même «non-foi», le même «ils n'ont pas cru» que l'on retrouvera face au mystère pascal. Il s'agit, nous l'avons dit, du refus, ou au moins de l'éloignement, de la vérité contenue dans la Parole du Père. Le refus s'exprime dans les faits comme une «désobéissance», un acte accompli comme un effet de la tentation qui provient du «père du mensonge»129. A la racine du péché humain, il y a donc le mensonge en tant que refus radical de la vérité qui est dans le Verbe du Père, par lequel s'exprime la toute-puissance aimante du Créateur: la toute-puissance et en même temps l'amour «de Dieu le Père, Créateur du ciel et de la terre».

34. «L'Esprit de Dieu», qui, selon la description biblique de la création, «planait sur les eaux»130, désigne le même «Esprit qui sonde les profondeurs de Dieu»: il sonde les profondeurs du Père et du Verbe-Fils dans le mystère de la création. Non seulement il est le témoin direct de leur amour réciproque, d'où est issue la création, mais il est lui-même cet Amour. Lui-même, comme Amour, est l'éternel don incréé. En lui se trouve la source et le commencement de tout don fait aux créatures. Le témoignage du commencement, que nous trouvons dans toute la Révélation, dès le Livre de la Genèse, est clair et ne varie pas sur ce point. Créer veut dire appeler à l'existence à partir du néant; créer signifie donc donner l'existence. Et si le monde visible est créé pour l'homme, c'est donc à l'homme que le monde est donné131. Simultanément, l'homme reçoit comme don, dans son humanité, une particulière «image et ressemblance» de Dieu. Cela signifie non seulement que la nature humaine possède d'une manière constitutive la rationalité et la liberté, mais aussi que, depuis le commencement, l'homme est capable d'un rapport personnel avec Dieu, comme «je» et «tu», et donc qu'il est capable d'une alliance, qui sera établie grâce à la communication salvifique que Dieu fait de lui-même à l'homme. Enfin, avec en arrière-plan l'«image et ressemblance» de Dieu, «le don de l'Esprit» signifie appel à l'amitié dans laquelle les transcendantes «profondeurs de Dieu» s'ouvrent, en quelque sorte, à la participation de l'homme. Le Concile Vatican II enseigne que «le Dieu invisible (cf. Col 1, 15; 1 Tm 1, 17) s'adresse aux hommes en son immense amour ainsi qu'à des amis (cf. Ex 33, 11; Jn 15, 14-15), il s'entretient avec eux (cf. Ba 3, 38) pour les inviter et les admettre à partager sa propre vie»132.

35. En conséquence, l'Esprit, «qui sonde tout, jusqu'aux profondeurs de Dieu», connaît depuis le commencement «ce qui concerne l'homme»133. C'est précisément pour cela que lui seul peut pleinement «mettre en lumière» le péché qui a existé au commencement, ce péché qui est la racine de tous les autres et le foyer de la perversité - qui ne disparaît jamais - de l'homme sur la terre. L'esprit de vérité connaît la réalité originelle du péché suscité dans la volonté de l'homme par l'œuvre du «père du mensonge», celui qui, déjà, «est jugé»134. L'Esprit Saint établit donc la culpabilité du monde en fait de péché par rapport à ce «jugement», mais en menant constamment vers la «justice» qui a été révélée à l'homme avec la Croix du Christ, par l'«obéissance jusqu'à la mort»135.

Seul l'Esprit Saint peut mettre en évidence le péché de l'origine de l'humanité, Lui qui est Amour du Père et du Fils, Lui qui est Don, alors que le péché des origines de l'homme consiste dans le mensonge et dans le refus du Don et de l'Amour qui déterminent le commencement du monde et de l'homme.

36. Selon le témoignage du commencement, que nous trouvons dans toute l'Ecriture et dans la Tradition, après la première (et aussi la plus complète) description figurant dans le Livre de la Genèse, le péché, dans sa forme originelle, est compris comme une «désobéissance», ce qui a le sens simple et direct de transgression d'une interdiction établie par Dieu136. Mais, à la lumière de tout le contexte, il est clair aussi que les racines de cette désobéissance doivent être cherchées en profondeur dans l'ensemble de la situation réelle de l'homme. Appelé à l'existence, l'être humain - homme et femme - est une créature. L'«image de Dieu», constituée par la rationalité et la liberté, indique la grandeur et la dignité du sujet humain, qui est une personne. Mais ce sujet personnel reste toujours une créature qui, dans son existence et dans son essence, dépend du Créateur. Selon la Genèse, «l'arbre de la connaissance du bien et du mal» devait exprimer et rappeler constamment à l'homme la «limite» infranchissable pour un être créé. C'est en ce sens que l'on entend l'interdiction posée par Dieu: le Créateur défend à l'homme et à la femme de manger les fruits de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Les paroles de l'incitation, c'est-à-dire de la tentation telle qu'elle est formulée dans le texte sacré, poussent à transgresser cette interdiction, c'est-à-dire à franchir cette «limite»: «Le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal»137.

La «désobéissance» signifie justement le dépassement de cette limite, qui reste infranchissable pour la volonté et la liberté de l'homme comme être créé. Le Dieu Créateur est en effet la source unique et définitive de l'ordre moral dans le monde qu'il a créé. L'homme ne peut par lui-même décider ce qui est bon et ce qui est mauvais, il ne peut « connaître le bien et le mal», comme Dieu. Oui, dans le monde créé, Dieu demeure la source première et suprême de la décision du bien et du mal, à travers la vérité intime de l'être, vérité qui est le reflet du Verbe, Fils éternel consubstantiel au Père. A l'homme créé à l'image de Dieu, l'Esprit Saint accorde le don de la conscience, afin qu'en elle l'image puisse refléter fidèlement son modèle, qui est en même temps la Sagesse et la Loi éternelles, source de l'ordre moral dans l'homme et dans le monde. La «désobéissance», comme dimension originelle du péché, signifie le refus de cette source, motivé par la prétention de l'homme de devenir source autonome et exclusive pour décider du bien et du mal. L'Esprit qui «sonde ... les profondeurs de Dieu», et qui, en même temps, est pour l'homme la lumière de la conscience et la source de l'ordre moral, connaît dans toute son ampleur cette dimension du péché, qui s'inscrit dans le mystère du commencement de l'humanité. Et il ne cesse d'en «convaincre le monde» en relation avec la Croix du Christ au Golgotha.

37. Selon le témoignage du commencement, Dieu, dans la création, s'est révélé lui-même comme toute-puissance qui est Amour. En même temps, il a révélé à l'homme que, en tant qu'«image et ressemblance» de son Créateur, il est appelé à participer à la vérité et à l'amour. Cette participation veut dire vivre en union avec Dieu, qui est la «vie éternelle»138. Mais l'homme, sous l'influence du «père du mensonge», s'est détaché de cette participation. Dans quelle mesure? Certes pas dans la mesure du péché d'un pur esprit, pas dans la mesure du péché de Satan. L'esprit humain est incapable d'atteindre une telle mesure139. Dans la description de la Genèse, on remarque aisément la différence de degré entre, d'un côté, le «souffle du mal» de la part de celui qui «est pécheur (c'est-à-dire demeure dans le péché) dès l'origine»140 et qui déjà «est jugé»141, et, d'un autre côté, le mal de la désobéissance de la part de l'homme.

Cependant, cette désobéissance signifie toujours que l'on tourne le dos à Dieu et, en un sens, que la liberté humaine se ferme à lui. Elle signifie aussi une certaine ouverture de cette liberté - de la connaissance et de la volonté humaine - vers celui qui est le «père du mensonge». Cet acte de choix conscient n'est pas seulement une «désobéissance» mais comporte aussi une certaine adhésion à la motivation contenue dans la première incitation au péché et constamment renouvelée durant toute l'histoire de l'homme sur la terre: «Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal».

Nous nous trouvons ici au centre même de ce que l'on pourrait appeler l'«anti-Verbe», c'est-à-dire l'«anti-vérité». Ainsi se trouve faussée la vérité de l'homme, à savoir: ce qu'est l'homme et quelles sont les limites infranchissables de son être et de sa liberté. Cette «antivérité» est possible car, en même temps, est complètement «faussée» la vérité sur ce qu'est Dieu. Le Dieu Créateur est mis en suspicion, et même en accusation, dans la conscience de la créature. Pour la première fois dans l'histoire de l'homme apparaît dans sa perversité le «génie du soupçon». Il cherche à «fausser» le Bien lui-même, le Bien absolu, qui s'est justement manifesté dans l'œuvre de la création comme le Bien qui donne d'une manière ineffable, comme bonum diffusivum sui, comme Amour créateur. Qui peut pleinement «manifester le péché», c'est-à-dire cette motivation de la désobéissance originelle de l'homme, sinon celui qui seul est le Don et la source de toute largesse, sinon l'Esprit, qui «sonde les profondeurs de Dieu» et qui est l'Amour du Père et du Fils?

38. En effet, malgré tout le témoignage de la création et de l'économie du salut qui s'y rattache, l'esprit des ténèbres142 est capable de montrer Dieu comme un ennemi de sa créature et, avant tout, comme un ennemi de l'homme, comme une source de danger et de menace pour l'homme. Ainsi, Satan introduit dans la psychologie de l'homme le germe de l'opposition à l'égard de celui qui, «depuis l'origine», doit être considéré comme ennemi de l'homme, et non comme Père. L'homme est poussé à devenir l'adversaire de Dieu!

L'analyse du péché dans sa dimension originelle montre que, de par le «père du mensonge», il y aura au cours de l'histoire de l'humanité une pression constante pour que l'homme refuse Dieu, jusqu'à le haïr: «L'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu», selon l'expression de saint Augustin143. L'homme sera enclin à voir en Dieu avant tout une limitation pour lui-même, et non la source de sa liberté et la plénitude du bien. Nous en voyons la confirmation à l'époque moderne où les idéologies athées tendent à extirper la religion en partant du présupposé qu'elle entraîne la radicale «aliénation» de l'homme, comme si l'homme était dépouillé de son humanité lorsque, après avoir accepté l'idée de Dieu, il attribue à ce dernier ce qui appartient à l'homme, et exclusivement à l'homme! D'où un processus de pensée et de comportement historique et sociologique où le refus de Dieu est allé jusqu'à déclarer sa «mort». C'est une absurdité, dans le concept et dans les termes! Mais l'idéologie de la «mort de Dieu» menace plutôt l'homme, comme le souligne Vatican II lorsque, se livrant à l'analyse de la question de l'«autonomie des réalités terrestres», il écrit: «La créature sans Créateur s'évanouit ... Et même, l'oubli de Dieu rend opaque la créature elle-même»144. L'idéologie de la «mort de Dieu» montre aisément par ses effets qu'elle est, sur le plan théorique comme sur le plan pratique, l'idéologie de la «mort de l'homme».

4. L'Esprit qui transforme la souffrance en amour sauveur

39. L'Esprit, qui sonde les profondeurs de Dieu, a été appelé par Jésus, dans son discours du Cénacle, le Paraclet. En effet, depuis le commencement, «il est invoqué»145 pour «manifester le péché du monde». Il est invoqué de façon définitive à travers la Croix du Christ. Manifester le péché veut dire montrer le mal qu'il comporte. Ce qui revient à révéler le mysterium iniquitatis. Il n'est pas possible de saisir le mal du péché dans toute sa douloureuse réalité sans «sonder les profondeurs de Dieu». Depuis les origines, le mystère obscur du péché s'est manifesté dans le monde avec en arrière-plan la référence au Créateur de la liberté humaine. Il s'est manifesté comme un acte de volonté de la créature-homme contraire à la volonté de Dieu, à la volonté salvifique de Dieu; bien plus, il s'est manifesté en opposition à la vérité, sur la base du mensonge désormais «jugé» définitivement, ce mensonge qui a mis en état d'accusation, en état de suspicion permanente, l'Amour créateur et sauveur lui-même. L'homme a suivi le «père du mensonge», en s'opposant au Père de la vie et à l'Esprit de vérité.

«Manifester le péché» ne devrait-il pas alors signifier également révéler la souffrance, révéler la douleur, inconcevable et inexprimable, que, à cause du péché, le Livre saint semble, dans sa vision anthropomorphique, entrevoir dans les «profondeurs de Dieu» et, en un sens, au cœur même de l'inexprimable Trinité? L'Eglise, s'inspirant de la Révélation, croit et professe que le péché est une offense faite à Dieu. Qu'est-ce qui correspond, dans l'insondable intimité du Père, du Verbe et de l'Esprit Saint, à cette «offense», à ce refus de l'Esprit qui est Amour et Don? La conception de Dieu comme être nécessairement très parfait exclut évidemment, en Dieu, toute souffrance provenant de carences ou de blessures; mais dans les «profondeurs de Dieu», il y a un amour de Père qui, face au péché de l'homme, réagit, selon le langage biblique, jusqu'à dire: «Je me repens d'avoir fait l'homme»146. «Le Seigneur vit que la méchanceté de l'homme était grande sur la terre... Le Seigneur se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre, et il s'affligea dans son cœur. Et le Seigneur dit... "je me repens de les avoir faits" »147. Mais plus souvent le Livre saint nous parle d'un Père qui éprouve de la compassion pour l'homme, comme s'il partageait sa souffrance. En définitive, cette insondable et indescriptible «douleur» de père donnera surtout naissance à l'admirable économie de l'amour rédempteur en Jésus Christ, afin que, par le mysterium pietatis, l'amour puisse, dans l'histoire de l'homme, se révéler plus fort que le péché. Afin que prévale le «Don»!

L'Esprit Saint, qui, selon les paroles de Jésus, «manifeste le péché», est l'Amour du Père et du Fils, et, comme tel, il est le Don trinitaire tout en étant la source éternelle de toute largesse divine aux créatures. En lui précisément, nous pouvons concevoir comme personnifiée et réalisée d'une manière transcendante la miséricorde que la tradition patristique et théologique, dans la ligne de l'Ancien et du Nouveau Testament, attribue à Dieu. En l'homme, la miséricorde inclut la douleur et la compassion pour les misères du prochain. En Dieu, l'Esprit qui est Amour fait que la considération du péché humain se traduit par de nouvelles libéralités de l'amour sauveur. De lui, dans l'unité avec le Père et le Fils, naît l'économie du salut, qui remplit l'histoire de l'homme des dons de la Rédemption. Si le péché, en refusant l'amour, a engendré la «souffrance» de l'homme qui s'est étendue d'une certaine manière à toute la création148, l'Esprit Saint entrera dans la souffrance humaine et cosmique avec une nouvelle effusion d'amour qui rachètera le monde. Et sur les lèvres de Jésus Rédempteur, dans l'humanité de qui se concrétise la «souffrance» de Dieu, reviendra un mot par lequel se manifeste l'Amour éternel plein de miséricorde: «Misereor», «j'ai pitié»149. Ainsi, pour l'Esprit Saint, «mettre en lumière le péché» revient à manifester, devant la création «assujettie à la vanité» et surtout au plus profond des consciences humaines, que le péché est vaincu par le sacrifice de l'Agneau de Dieu, lequel est devenu «jusqu'à la mort» le serviteur obéissant qui, remédiant à la désobéissance de l'homme, opère la rédemption du monde. C'est de cette façon que l'Esprit de vérité, le Paraclet, «met en lumière le péché».

40. La valeur rédemptrice du sacrifice du Christ est exprimée en des phrases très significatives par l'auteur de la Lettre aux Hébreux. Celui-ci, après avoir rappelé les sacrifices de l'Ancienne Alliance, dans lesquels «le sang des boucs et des jeunes taureaux... procurait la pureté de la chair», ajoute: «Combien plus le sang du Christ, qui, par un Esprit éternel, s'est offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera-t-il notre conscience des œuvres mortes pour que nous rendions un culte au Dieu vivant!»150. Certes, d'autres interprétations sont possibles, mais nos considérations sur la présence de l'Esprit Saint dans toute la vie du Christ nous portent à reconnaître dans ce texte comme une invitation à réfléchir sur la présence de ce même Esprit Saint également dans le sacrifice rédempteur du Verbe incarné.

Revenons donc d'abord sur les paroles initiales qui traitent de ce sacrifice, puis, séparément, sur la «purification de la conscience» qu'il opère. Il s'agit en effet d'un sacrifice offert «par (= par l'œuvre de) un Esprit éternel», qui «reçoit» de lui la force de «manifester le péché» pour le salut. C'est ce même Esprit Saint que, selon la promesse faite au Cénacle, Jésus Christ «portera» aux Apôtres le jour de sa résurrection, en se présentant à eux avec les plaies de la crucifixion, et qu'il leur «donnera pour la rémission des péchés»: «Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis»151.

Nous savons que «Dieu a oint de l'Esprit Saint et de puissance Jésus de Nazareth», comme le disait Simon Pierre dans la maison du centurion Corneille152. Nous connaissons le mystère pascal de son «départ», selon l'Evangile de Jean. Les paroles de la Lettre aux Hébreux nous expliquent maintenant de quelle façon le Christ «s'est offert lui-même sans tache à Dieu», et nous disent qu'il l'a fait «par un Esprit éternel». Dans le sacrifice du Fils de l'homme, l'Esprit Saint est présent et agit de la même manière qu'il agissait dans sa conception, dans sa venue au monde, dans sa vie cachée et dans son ministère public. Selon la Lettre aux Hébreux, en route vers son «départ» à travers Gethsémani et le Golgotha, ce même Jésus Christ s'est ouvert totalement, dans son humanité, à l'action de l'Esprit-Paraclet qui, dans la souffrance, fait apparaître l'amour éternel source de salut. Il a donc été «exaucé en raison de sa piété; tout Fils qu'il était, il apprit, de ce qu'il souffrit, l'obéissance»153. Ainsi cette Lettre montre que l'humanité, soumise au péché dans les descendants du premier Adam, est devenue en Jésus Christ parfaitement soumise à Dieu et unie à lui, tout en étant remplie de miséricorde à l'égard des hommes. Apparaît alors une nouvelle humanité qui, en Jésus Christ, par la souffrance de la Croix, est revenue à l'amour trahi par le péché d'Adam. Cette nouvelle humanité s'est retrouvée dans la même source divine du don originel: dans l'Esprit, qui «sonde les profondeurs de Dieu» et qui est lui-même Amour et Don.

Le Fils de Dieu, Jésus Christ, en tant qu'homme, dans la prière ardente de sa passion, a permis à l'Esprit Saint, qui avait déjà pénétré jusqu'au fond son humanité, de la transformer en un sacrifice parfait par l'acte de sa mort, comme victime d'amour sur la Croix. C'est seul qu'il a présenté cette offrande. Prêtre unique, il «s'est offert lui-même sans tache à Dieu»154. Dans son humanité, il était digne de devenir un tel sacrifice car lui seul était «sans tache». Mais il l'a offert «par un Esprit éternel»: cela signifie que l'Esprit Saint a agi d'une manière spéciale dans ce don absolu de lui-même réalisé par le Fils de l'homme pour transformer la souffrance en amour rédempteur.

41. Dans l'Ancien Testament, on parle souvent du «feu du ciel» qui brûlait les offrandes présentées par les hommes155. Par analogie, on peut dire que l'Esprit Saint est le «feu du ciel» qui agit au plus profond du mystère de la Croix. Venant du Père, il tourne vers le Père le sacrifice du Fils, le faisant entrer dans la divine réalité de la communion trinitaire. Si le péché a engendré la souffrance, maintenant la douleur de Dieu dans le Christ crucifié acquiert, par l'Esprit Saint, toute son expression humaine. On se trouve ainsi devant un mystère paradoxal d'amour: dans le Christ souffre un Dieu repoussé par sa propre créature: «Ils ne croient pas en moi!»; mais en même temps, devant la profondeur de cette souffrance - et, indirectement, la profondeur du péché même «de ne pas avoir cru» -, l'Esprit fait croître à un degré nouveau le don fait à l'homme et à la création depuis le commencement. Dans les profondeurs du mystère de la Croix, l'Amour agit, et cet Amour amène l'homme à participer de nouveau à la vie qui est en Dieu même.

L'Esprit Saint, en tant qu'Amour et Don, descend, en un sens, au cœur même du sacrifice offert sur la Croix. En nous référant à la tradition biblique, nous pouvons dire qu'il consomme ce sacrifice par le feu de l'Amour qui unit le Fils au Père dans la communion trinitaire. Et comme le sacrifice de la Croix est un acte propre du Christ, dans ce sacrifice aussi il «reçoit» l'Esprit Saint. Il le reçoit d'une manière telle qu'il peut ensuite lui-même - et lui seul avec Dieu le Père - «le donner» aux Apôtres, à l'Eglise, à l'humanité. Lui seul «l'envoie» d'auprès du Père156. Lui seul se présente devant les Apôtres réunis au Cénacle, «souffle sur eux» et dit: «Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis»157, ainsi que l'avait annoncé Jean-Baptiste: «Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu»158. Par ces paroles de Jésus, l'Esprit Saint est révélé et en même temps rendu présent comme l'Amour qui agit au plus profond du mystère pascal, comme source de la puissance salvifique de la Croix du Christ, comme Don de la vie nouvelle et éternelle.

Cette vérité sur l'Esprit Saint est exprimée quotidiennement dans la liturgie romaine, lorsque le prêtre, avant la communion, prononce ces paroles significatives: «Seigneur Jésus Christ, Fils du Dieu vivant, selon la volonté du Père et avec la puissance du Saint-Esprit, tu as donné, par ta mort, la vie au monde ...». Et dans la troisième Prière eucharistique, se référant à cette même économie du salut, le prêtre demande à Dieu que l'Esprit Saint «fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire».

5. Le sang qui purifie la conscience

42. Nous avons dit qu'au point culminant du mystère pascal, l'Esprit Saint est définitivement révélé et rendu présent d'une façon nouvelle. Le Christ ressuscité dit aux Apôtres: «Recevez l'Esprit Saint». Ainsi est révélé l'Esprit Saint, car les paroles du Christ constituent la confirmation des promesses et des annonces du discours du Cénacle. Et par là même, le Paraclet est rendu présent d'une manière nouvelle. En réalité, il agissait depuis le commencement dans le mystère de la création et tout au long de l'histoire de l'Ancienne Alliance de Dieu avec l'homme. Son action a été pleinement confirmée par la mission du Fils de l'homme, le Messie venu dans la puissance de l'Esprit Saint. Au sommet de la mission messianique de Jésus, l'Esprit Saint se rend présent au sein du mystère pascal dans sa qualité de sujet divin: il est celui qui doit maintenant continuer l'œuvre salvifique enracinée dans le sacrifice de la Croix. Cette œuvre, bien sûr, est confiée par Jésus à des hommes: aux Apôtres, à l'Eglise. Toutefois, en ces hommes et par eux, l'Esprit Saint demeure le sujet transcendant de la réalisation de cette œuvre dans l'esprit de l'homme et dans l'histoire du monde: lui, le Paraclet invisible tout en étant omniprésent! L'Esprit qui «souffle où il veut» 159.

Les paroles prononcées par le Christ ressuscité le «premier jour après le sabbat» mettent particulièrement en relief la présence du Paraclet-Consolateur, celui qui «établit la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement». C'est seulement dans ce rapport, en effet, que s'expliquent les paroles que Jésus met en relation directe avec le «don» de l'Esprit Saint aux Apôtres. Il dit: «Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus»160. Jésus confère aux Apôtres le pouvoir de remettre les péchés, pour qu'ils le transmettent à leurs successeurs dans l'Eglise. Toutefois, ce pouvoir, accordé aux hommes, présuppose et inclut l'action salvifique de l'Esprit Saint. En devenant la «lumière des cœurs»161, c'est-à-dire des consciences, l'Esprit Saint «manifeste le péché», c'est-à-dire fait connaître à l'homme son mal et en même temps l'oriente vers le bien. Grâce à la multiplicité de ses dons - on l'invoque comme le «Porteur des sept dons» -, la puissance salvifique de Dieu peut atteindre tout péché, de quelque genre qu'il soit. En réalité, comme le dit saint Bonaventure, «en vertu des sept dons de l'Esprit Saint, tous les maux sont détruits tandis que sont réalisés tous les biens»162.

Sous l'influence du Paraclet s'accomplit donc cette conversion du cœur humain qui est la condition indispensable du pardon des péchés. Sans une vraie conversion, qui suppose une contrition intérieure, et en l'absence d'une résolution ferme et sincère de changement, les péchés restent «non remis», comme le dit Jésus, et avec lui la Tradition de l'Ancienne et de la Nouvelle Alliance. En effet, les premières paroles prononcées par Jésus au début de son ministère, selon l'Evangile de Marc, sont les suivantes: «Convertissez-vous et croyez à l'Evangile»163. Nous avons une confirmation de cette exhortation dans la «mise en lumière du péché» que l'Esprit Saint entreprend d'une manière nouvelle en vertu de la Rédemption opérée par le Sang du Fils de l'homme. C'est pourquoi la Lettre aux Hébreux dit que ce «sang purifie la conscience»164. Et donc celui-ci, pour ainsi dire, ouvre à l'Esprit Saint la route qui conduit au cœur de l'homme, c'est-à-dire au sanctuaire des consciences humaines.

43. Le Concile Vatican II a rappelé l'enseignement catholique sur la conscience, en parlant de la vocation de l'homme et en particulier de la dignité de la personne humaine. C'est précisément la conscience qui détermine d'une manière spécifique cette dignité. Elle est en effet «le centre le plus secret de l'homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre». C'est clairement qu'elle «dit dans l'intimité de son cœur: "Fais ceci, évite cela"». Cette capacité de commander le bien et d'interdire le mal, inscrite dans l'homme par le Créateur, est la propriété caractéristique du sujet personnel. Mais en même temps, au fond de sa conscience, l'homme découvre la présence d'une loi qu'il ne se donne pas lui-même, mais à laquelle il est tenu d'obéir»165. La conscience n'est donc pas une source autonome et exclusive pour décider ce qui est bon et ce qui est mauvais; au contraire, en elle est profondément inscrit un principe d'obéissance à l'égard de la norme objective qui fonde et conditionne la conformité de ses décisions aux commandements et aux interdits qui sont à la base du comportement humain, comme il apparaît dès la page du Livre de la Genèse déjà évoquée166. En ce sens précis, la conscience est le «sanctuaire secret» où «la voix de Dieu se fait entendre». Et c'est la «voix de Dieu», même quand l'homme reconnaît exclusivement en elle le principe de l'ordre moral dont on ne peut douter humainement, fût-ce sans référence directe au Créateur: la conscience trouve toujours son fondement et sa justification dans cette référence.

La «mise en lumière du péché» sous l'influence de l'Esprit de vérité, dont parle l'Evangile, ne peut se réaliser dans l'homme autrement que par le chemin de la conscience. Si la conscience est droite, elle sert à trouver «selon la vérité la solution de tant de problèmes moraux que soulèvent aussi bien la vie privée que la vie sociale»; et alors, «les personnes et les groupes s'éloignent d'une décision aveugle et tendent à se conformer aux normes objectives de la moralité»167.

Le premier fruit d'une conscience droite est d'appeler par leur nom le bien et le mal, comme le fait, par exemple, la même Constitution pastorale de Vatican II: «Tout ce qui s'oppose à la vie elle-même, comme toute espèce d'homicide, le génocide, l'avortement, l'euthanasie et même le suicide délibéré; tout ce qui constitue une violation de l'intégrité de la personne humaine, comme les mutilations, la torture physique ou morale, les contraintes psychologiques; tout ce qui est offense à la dignité de l'homme, comme les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations; l'esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes; ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable»; et, après avoir appelé par leur nom les multiples péchés si fréquents et si répandus en notre temps, la Constitution ajoute: «Toutes ces pratiques et d'autres analogues sont, en vérité, infâmes. Tandis qu'elles corrompent la civilisation, elles déshonorent ceux qui s'y livrent plus encore que ceux qui les subissent et insultent gravement à l'honneur du Créateur»168.

En appelant par leur nom les péchés les plus déshonorants pour l'homme, et en démontrant qu'ils sont un mal moral qui s'inscrit au passif de tout bilan du progrès de l'humanité, le Concile caractérise tout cela comme une étape «de la lutte, combien dramatique, entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres», qui caractérise «toute la vie des hommes, individuelle et collective»169. L'assemblée du Synode des Evêques de 1983 sur la réconciliation et la pénitence a précisé davantage encore la signification personnelle et sociale du péché de l'homme170.

44. Au Cénacle, la veille de sa Passion puis le soir de Pâques, Jésus Christ a fait appel à l'Esprit Saint comme à celui qui témoigne que, dans l'histoire de l'humanité, le péché continue à exister. Toutefois, le péché est soumis à la puissance salvifique de la Rédemption. La «manifestation du péché du monde» ne s'arrête pas au simple fait d'appeler celui-ci par son nom et de l'identifier pour ce qu'il est dans toute l'étendue de sa nature. Dans la manifestation du péché du monde, l'Esprit de vérité rencontre la voix des consciences humaines.

De cette façon, on en arrive à mettre en évidence les racines du péché, qui se trouvent au cœur de l'homme, comme le souligne la même Constitution pastorale: «En vérité, les déséquilibres qui travaillent le monde moderne sont liés à un déséquilibre plus fondamental, qui prend racine dans le cœur de l'homme. C'est en l'homme lui-même, en effet, que de nombreux éléments se combattent. D'une part, comme créature, il fait l'expérience de ses multiples limites; d'autre part, il se sent illimité dans ses désirs et appelé à une vie supérieure. Sollicité de tant de façons, il est sans cesse contraint de choisir et de renoncer. Pire: faible et pécheur, il accomplit souvent ce qu'il ne veut pas et n'accomplit point ce qu'il voudrait»171. Le texte conciliaire se réfère ici aux paroles bien connues de saint Paul172.

La «mise en lumière du péché», qui accompagne la conscience humaine chaque fois qu'elle réfléchit en profondeur sur elle-même, conduit donc à la découverte des racines du péché dans l'homme, et aussi des conditionnements de la conscience elle-même au cours de l'histoire. Nous retrouvons de cette façon la réalité originelle du péché dont nous avons déjà parlé. L'Esprit Saint «met en lumière le péché» par rapport au mystère du commencement, en indiquant le fait que l'homme est un être créé et qu'il est donc en totale dépendance ontologique et éthique du Créateur, tout en rappelant la condition pécheresse héréditaire de la nature humaine. Mais c'est toujours en relation avec la Croix du Christ que l'Esprit Saint-Paraclet «met en lumière le péché». Dans cette relation, le christianisme exclut toute «fatalité» du péché. «Un dur combat contre les puissances des ténèbres passe à travers toute l'histoire des hommes; commencé dès les origines, il durera, le Seigneur nous l'a dit, jusqu'au dernier jour», ainsi s'exprime le Concile173. «Mais le Seigneur en personne est venu pour restaurer l'homme dans sa liberté et sa force»174. Loin de se laisser prendre au piège de sa condition de pécheur, l'homme, s'appuyant sur la voix de sa propre conscience, doit donc «sans cesse combattre pour s'attacher au bien; et ce n'est qu'au prix de grands efforts, avec la grâce de Dieu, qu'il parvient à réaliser son unité intérieure»175. A juste titre, le Concile voit dans le péché le responsable de la rupture qui pèse sur la vie personnelle comme sur la vie sociale de l'homme; mais en même temps il rappelle inlassablement la possibilité de la victoire.

45. L'Esprit de vérité, qui «met en évidence le péché du monde», rencontre les efforts de la conscience humaine, dont les textes conciliaires parlent d'une manière très suggestive. Ces efforts de la conscience déterminent aussi les voies de la conversion humaine: tourner le dos au péché pour rebâtir la vérité et l'amour au cœur même de l'homme. On sait que parfois il en coûte beaucoup de reconnaître le mal en soi-même. On sait que non seulement la conscience commande ou interdit, mais qu'elle juge à la lumière des ordres et des défenses intérieurs. Elle est aussi la source des remords: l'homme souffre intérieurement à cause du mal qu'il a commis. Cette souffrance n'est-elle pas comme un écho lointain de ce «regret d'avoir créé l'homme» que le Livre saint, dans un langage anthropomorphique, attribue à Dieu, de cette «réprobation» qui, s'inscrivant au «cœur» de la Trinité, se traduit par la douleur de la Croix, par l'obéissance du Christ jusqu'à la mort en vertu de l'amour éternel? Quand l'Esprit de vérité permet à la conscience humaine de participer à cette douleur, la souffrance de la conscience devient particulièrement profonde, mais aussi particulièrement salvifique. Par un acte de contrition parfaite s'opère alors la conversion authentique du cœur: c'est la «metanoia» évangélique.

Les efforts du cœur humain, les efforts de la conscience, grâce auxquels s'opère cette «metanoia» ou conversion, sont le reflet du processus par lequel la réprobation est transformée en amour salvifique qui accepte de souffrir. L'auteur caché de cette force salvatrice est l'Esprit Saint: Lui qui est appelé par l'Eglise «lumière des consciences» pénètre et remplit «jusqu'à l'intime les cœurs» humains176. Par une telle conversion dans l'Esprit Saint, l'homme s'ouvre au pardon, à la rémission des péchés. Et tout cet admirable dynamisme de la conversion-rémission confirme la vérité de ce qu'écrit saint Augustin sur le mystère de l'homme en commentant les paroles du psaume: «L'abîme appelle l'abîme»177. C'est précisément à l'égard de cette «profondeur abyssale» de l'homme, de la conscience humaine, que s'accomplit la mission du Fils et de l'Esprit Saint. L'Esprit Saint «vient» en vertu du «départ» du Christ dans le mystère pascal: il vient dans tout cas concret de conversion-rémission, en vertu du sacrifice de la Croix: en lui, en effet, «le sang du Christ ... purifie notre conscience des œuvres mortes pour que nous rendions un culte au Dieu vivant»178. Ainsi s'accomplissent continuellement les paroles sur l'Esprit Saint présenté comme «un autre Paraclet», paroles qui, au Cénacle, furent adressées aux Apôtres et indirectement à tous: «Vous, vous le connaissez, parce qu'il demeure auprès de vous et qu'il sera en vous»179.

6. Le péché contre l'Esprit Saint

46. Compte tenu de ce que nous avons dit jusqu'à maintenant, certaines autres paroles impressionnantes et saisissantes de Jésus deviennent plus compréhensibles. On pourrait les appeler les paroles du «non-pardon». Elles nous sont rapportées par les synoptiques, à propos d'un péché particulier qui est appelé «blasphème contre l'Esprit Saint». Voici comment elles ont été rapportées dans les trois rédactions:

Matthieu: «Tout péché et blasphème sera remis aux hommes, mais le blasphème contre l'Esprit ne sera pas remis. Et quiconque aura dit une parole contre le Fils de l'homme, cela lui sera remis; mais quiconque aura parlé contre l'Esprit Saint, cela ne lui sera remis ni en ce monde ni dans l'autre»180.

Marc: «Tout sera remis aux enfants des hommes, les péchés et les blasphèmes tant qu'ils en auront proférés; mais quiconque aura blasphémé contre l'Esprit Saint n'aura jamais de rémission: il est coupable d'une faute éternelle»181.

Luc: «Quiconque dira une parole contre le Fils de l'homme, cela lui sera remis, mais à qui aura blasphémé contre le Saint-Esprit, cela ne sera pas remis»182.

Pourquoi le blasphème contre l'Esprit Saint est-il impardonnable? En quel sens entendre ce blasphème? Saint Thomas d'Aquin répond qu'il s'agit d'un péché «irrémissible de par sa nature, parce qu'il exclut les éléments grâce auxquels est accordée la rémission des péchés»183.

Selon une telle exégèse, le «blasphème» ne consiste pas à proprement parler à offenser en paroles l'Esprit Saint; mais il consiste à refuser de recevoir le salut que Dieu offre à l'homme par l'Esprit Saint agissant en vertu du sacrifice de la Croix. Si l'homme refuse la «manifestation du péché», qui vient de l'Esprit Saint et qui a un caractère salvifique, il refuse en même temps la «venue» du Paraclet, cette «venue» qui s'est effectuée dans le mystère de Pâques, en union avec la puissance rédemptrice du Sang du Christ, le Sang qui «purifie la conscience des œuvres mortes».

Nous savons que le fruit d'une telle purification est la rémission des péchés. En conséquence, celui qui refuse l'Esprit et le Sang demeure dans les «œuvres mortes», dans le péché. Et le blasphème contre l'Esprit Saint consiste précisément dans le refus radical de cette rémission dont Il est le dispensateur intime et qui présuppose la conversion véritable qu'il opère dans la conscience. Si Jésus dit que le péché contre l'Esprit Saint ne peut être remis ni en ce monde ni dans l'autre, c'est parce que cette «non-rémission» est liée, comme à sa cause, à la «non-pénitence», c'est-à-dire au refus radical de se convertir. Cela signifie le refus de se tourner vers les sources de la Rédemption, qui restent cependant «toujours» ouvertes dans l'économie du salut, dans laquelle s'accomplit la mission de l'Esprit Saint. Celui-ci a le pouvoir infini de puiser à ces sources: «C'est de mon bien qu'il reçoit», a dit Jésus. Il complète ainsi dans les âmes humaines l'œuvre de la Rédemption accomplie par le Christ, en leur partageant ses fruits. Or le blasphème contre l'Esprit Saint est le péché commis par l'homme qui présume et revendique le «droit» de persévérer dans le mal - dans le péché quel qu'il soit - et refuse par là même la Rédemption. L'homme reste enfermé dans le péché, rendant donc impossible, pour sa part, sa conversion et aussi, par conséquent, la rémission des péchés, qu'il ne juge pas essentielle ni importante pour sa vie. Il y a là une situation de ruine spirituelle, car le blasphème contre l'Esprit Saint ne permet pas à l'homme de sortir de la prison où il s'est lui-même enfermé et de s'ouvrir aux sources divines de la purification des consciences et de la rémission des péchés.

47. L'action de l'Esprit de vérité, qui tend à la «mise en lumière du péché» pour le salut, se heurte, dans l'homme qui se trouve en une telle situation, à une résistance intérieure, presque une impénétrabilité de la conscience, un état d'âme que l'on dirait durci en raison d'un libre choix: c'est ce que la Sainte Ecriture appelle «l'endurcissement du cœur»184. De nos jours, à cette attitude de l'esprit et du cœur fait peut-être écho la perte du sens du péché, à laquelle l'Exhortation apostolique Reconciliatio et paenitentia a consacré de nombreuses pages185. Déjà, le Pape Pie XII avait affirmé que «le péché de ce siècle est la perte du sens du péché»186, et cela va de pair avec la «perte du sens de Dieu». Dans l'Exhortation mentionnée ci-dessus, nous lisons: «En réalité, Dieu est l'origine et la fin suprême de l'homme, et celui-ci porte en lui un germe divin. C'est pourquoi, c'est le mystère de Dieu qui dévoile et éclaire le mystère de l'homme. Il est donc vain d'espérer qu'un sens du péché puisse prendre consistance par rapport à l'homme et aux valeurs humaines si fait défaut le sens de l'offense commise contre Dieu, c'est-à-dire le véritable sens du péché»187.

C'est pourquoi l'Eglise ne cesse de demander à Dieu que la rectitude ne fasse jamais défaut dans les consciences humaines, et que ne s'atténue pas leur saine sensibilité face au bien et au mal. Cette rectitude et cette sensibilité sont intimement liées à l'action de l'Esprit de vérité. Cet éclairage rend particulièrement éloquentes les exhortations de l'Apôtre: «N'éteignez pas l'Esprit»; «ne contristez pas l'Esprit Saint»188. Mais surtout, l'Eglise ne cesse de prier intensément pour que n'augmente pas dans le monde le péché appelé par l'Evangile «blasphème contre l'Esprit Saint», et, plus encore, pour qu'il régresse dans les âmes - et par contrecoup dans les divers milieux et les différentes formes de la société -, cédant la place à l'ouverture des consciences indispensable à l'action salvifique de l'Esprit Saint. L'Eglise demande que le dangereux péché contre l'Esprit laisse la place à une sainte disponibilité à accepter sa mission de Paraclet, lorsqu'il vient «manifester la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement».

48. Dans son discours d'adieu, Jésus a lié ces trois domaines de «la manifestation», qui sont les composantes de la mission du Paraclet: le péché, la justice et le jugement. Ils indiquent la place de ce mysterium pietatis qui, dans l'histoire de l'homme, s'oppose au péché, au mysterium iniquitatis189. D'un côté, comme le dit saint Augustin, il y a l'«amour de soi jusqu'au mépris de Dieu», et de l'autre, il y a l'«amour de Dieu jusqu'au mépris de soi»190. L'Eglise fait continuellement monter sa prière et accomplit sa tâche pour que l'histoire des consciences et l'histoire des sociétés, dans la grande famille humaine, ne s'abaissent pas vers le pôle du péché par le refus des commandements de Dieu «jusqu'au mépris de Dieu», mais bien plutôt s'élèvent vers l'amour dans lequel se révèle l'Esprit qui donne la vie.

Ceux qui acceptent la «mise en évidence du péché» par l'Esprit Saint l'acceptent également pour «la justice et le jugement». L'Esprit de vérité, qui aide les hommes, les consciences humaines, à connaître la vérité du péché, fait en sorte, par là même, qu'ils connaissent la vérité de la justice qui est entrée dans l'histoire de l'homme avec la venue de Jésus Christ. Ainsi, ceux qui, convaincus qu'ils sont pécheurs, se convertissent sous l'action du Paraclet, sont en un sens conduits hors du cercle du «jugement», de ce «jugement» par lequel «le Prince de ce monde est déjà jugé»191. La conversion, dans la profondeur de son mystère divin et humain, signifie la rupture de tout lien par lequel le péché unit l'homme à l'ensemble du mysterium iniquitatis. Donc, ceux qui se convertissent sont conduits par l'Esprit Saint hors du cercle du «jugement» et introduits dans la justice qui se trouve dans le Christ Jésus, et qui s'y trouve parce qu'il la reçoit du Père192, comme un reflet de la sainteté trinitaire. Telle est la justice de l'Evangile et de la Rédemption, la justice du Discours sur la montagne et de la Croix, qui opère la purification de la conscience par le sang de l'Agneau. C'est la justice que le Père rend au Fils et à tous ceux qui lui sont unis dans la vérité et dans l'amour.

Dans cette justice, l'Esprit Saint, Esprit du Père et du Fils, qui «manifeste le péché du monde», se révèle et se rend présent dans l'homme comme Esprit de vie éternelle.

TROISIÈME PARTIE - L'ESPRIT QUI DONNE LA VIE

1. Motif du Jubilé de l'An 2000: le Christ, qui a été conçu du Saint-Esprit

49. C'est vers l'Esprit Saint que se tournent la pensée et le cœur de l'Eglise en cette fin du vingtième siècle et dans la perspective du troisième millénaire depuis la venue au monde de Jésus Christ, tandis que nous portons notre regard vers le grand Jubilé par lequel l'Eglise célébrera l'événement. Cette venue prend place en effet, dans l'ordre du temps humain, comme un événement qui appartient à l'histoire de l'homme sur la terre. La mesure du temps habituellement adoptée situe les années, les siècles, les millénaires selon qu'ils s'écoulent avant ou après la naissance du Christ. Mais il faut aussi avoir conscience que cet événement signifie pour nous chrétiens, selon l'Apôtre, la «plénitude du temps»193, car, par lui, c'est la «mesure» de Dieu lui-même qui a totalement marqué l'histoire de l'homme: une présence transcendante dans le «nunc», l'Aujourd'hui éternel. «Celui qui est, qui était et qui vient»; celui qui est «L'Alpha et l'Oméga, le Premier et le Dernier, le Principe et la Fin»194. «Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle»195. «Quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d'une femme ... afin de nous conférer l'adoption filiale»196. Et cette Incarnation du Fils-Verbe est advenue par l'Esprit Saint.

Les deux évangélistes auxquels nous devons le récit de la naissance et de l'enfance de Jésus de Nazareth s'expriment sur cette question de la même manière. Selon Luc, lors de l'annonciation de la naissance de Jésus, Marie demande: «Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d'homme?», et elle reçoit cette réponse: «L'Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre; c'est pourquoi l'être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu»197.

Matthieu raconte directement: «Telle fut la genèse de Jésus Christ. Marie, sa mère, était Sancée à Joseph: or, avant qu'ils eussent mené vie commune, elle se trouva enceinte par le fait de l'Esprit Saint»198. Troublé par cet état de choses, Joseph reçut, durant son sommeil, l'explication suivante: «Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme: car ce qui a été engendré en elle vient de l'Esprit Saint; elle enfantera un fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus: car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés»199.

Aussi l'Eglise, depuis les origines, professe-t-elle le mystère de l'Incarnation, ce mystère central de la foi, en se référant à l'Esprit Saint. Ainsi s'exprime le Symbole des Apôtres: «Il a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie». Ce n'est pas autrement que le Symbole de Nicée-Constantinople atteste: «Par l'Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie, et s'est fait homme».

«Par l'Esprit Saint» s'est fait homme celui dont l'Eglise proclame, selon les termes du même Symbole, qu'il est le Fils de même nature que le Père: «Dieu, né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré, non pas créé». Il s'est fait homme «en prenant chair de la Vierge Marie». Voilà ce qui s'accomplit «quand vint la plénitude du temps».

50. Le grand Jubilé, qui conclura le second millénaire et auquel l'Eglise se prépare déjà, a directement un profil christologique: il s'agit en effet de célébrer la naissance de Jésus Christ. En même temps, il a un profil pneumatologique, puisque le mystère de l'Incarnation s'est accompli «par le Saint-Esprit». Ce fut l'œuvre de cet Esprit qui, consubstantiel au Père et au Fils, est, dans le mystère absolu de Dieu un et trine, la Personne-Amour, le Don incréé, source éternelle de tout don qui provient de Dieu dans l'ordre de la création, le principe direct et, en un sens, le sujet de la communication que Dieu fait de lui-même dans l'ordre de la grâce. De ce don, de cette communication que Dieu fait de lui-même, le mystère de l'Incarnation constitue le sommet.

En effet, la conception et la naissance de Jésus Christ sont l'œuvre la plus grande accomplie par l'Esprit Saint dans l'histoire de la création et du salut, c'est-à-dire la grâce suprême - «la grâce d'union» -, source de toute autre grâce, comme l'explique saint Thomas200. Le grand Jubilé se rapporte à cette œuvre et se rapporte aussi, si nous approfondissons son sens, à l'artisan de cette œuvre, à la Personne de l'Esprit Saint.

A la «plénitude du temps» correspond, en effet, une particulière plénitude de la communication que le Dieu un et trine fait de lui-même dans l'Esprit Saint. «Par le Saint-Esprit» s'accomplit le mystère de l'«union hypostatique», c'est-à-dire de l'union de la nature divine avec la nature humaine, de la divinité avec l'humanité dans l'unique Personne du Verbe-Fils. Quand Marie, au moment de l'annonciation, prononce son «fiat»: «Qu'il m'advienne selon ta parole»201, elle conçoit de façon virginale un homme, le Fils de l'homme, qui est le Fils de Dieu. Grâce à une telle «humanisation» du Verbe Fils, la communication que Dieu fait de lui-même atteint sa plénitude définitive dans l'histoire de la création et du salut. Cette plénitude acquiert une densité particulière et une éloquence très expressive dans le texte de l'Evangile de Jean: «Le Verbe s'est fait chair»202. L'Incarnation de Dieu-Fils signifie que la nature humaine est élevée à l'unité avec Dieu, mais aussi, en elle, en un sens, tout ce qui est «chair»: toute l'humanité, tout le monde visible et matériel. L'Incarnation a donc aussi un sens cosmique, une dimension cosmique. Le «premier-né de toute créature»203, en s'incarnant dans l'humanité individuelle du Christ, s'unit en quelque sorte avec toute la réalité de l'homme, qui est aussi «chair»204, et, en elle, avec toute «chair» avec toute la création.

51. Tout cela s'accomplit par l'Esprit Saint, et appartient par conséquent au contenu du futur grand Jubilé. L'Eglise ne peut se préparer à ce Jubilé autrement que dans l'Esprit Saint. Ce qui, «dans la plénitude du temps», s'est accompli par l'Esprit Saint, ne peut maintenant ressortir dans la mémoire de l'Eglise que par lui. C'est par lui que cela peut être rendu présent dans la nouvelle phase de l'histoire de l'homme sur la terre: l'An 2000 après la naissance du Christ.

L'Esprit Saint qui, par sa puissance, prit sous son ombre le corps virginal de Marie, réalisant en elle le début de la maternité divine, rendit en même temps son cœur parfaitement obéissant à l'égard de cette communication que Dieu fit de lui-même et qui surpassait toute pensée et toute capacité de l'homme. «Bienheureuse celle qui a cru!»205: voilà la salutation que reçoit Marie de la part de sa parente Elisabeth, elle aussi «remplie de l'Esprit Saint»206. Dans les paroles qui saluent «celle qui a cru», il semble que l'on puisse voir un contraste lointain (mais en réalité très proche) avec tous ceux dont le Christ dira qu'«ils n'ont pas cru»207. Marie est entrée dans l'histoire du salut du monde par l'obéissance de la foi. Et la foi, dans sa nature la plus profonde, est l'ouverture du cœur humain devant le Don, devant la communication que Dieu fait de lui-même dans l'Esprit Saint. Saint Paul écrit: «Le Seigneur, c'est l'Esprit, et où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté»208. Quand le Dieu un et trine s'ouvre à l'homme dans l'Esprit Saint, cette «ouverture» révèle et, en même temps, donne à la créature-homme la plénitude de la liberté. Cette plénitude s'est manifestée de façon sublime précisément dans la foi de Marie, par «l'obéissance de la foi»209: oui, «bienheureuse celle qui a cru!».

2. Motif du Jubilé: la grâce s'est manifestée

52. Dans le mystère de l'Incarnation, l'œuvre de l'Esprit, «qui donne la vie», atteint son sommet. Il n'est possible de donner la vie, dont la plénitude est en Dieu, qu'en en faisant la vie d'un Homme, à savoir le Christ dans son humanité personnifiée par le Verbe dans l'union hypostatique. Et en même temps, par le mystère de l'Incarnation, jaillit d'une nouvelle manière la source de cette vie divine dans l'histoire de l'humanité: l'Esprit Saint. Le Verbe, «premier-né de toute créature», devient «l'aîné d'une multitude de frères»210 et il devient ainsi la tête du corps qu'est l'Eglise, laquelle naîtra de la Croix et sera manifestée le jour de la Pentecôte, et, dans l'Eglise, il sera la tête de l'humanité, des hommes de toute nation, de toute race, de tout pays et de toute culture, de toute langue et de tout continent, tous appelés au salut. «Le Verbe s'est fait chair», lui en qui «était la vie et la vie était la lumière des hommes ... A tous ceux qui l'ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu»211. Mais tout cela s'est accompli et s'accomplit sans cesse «par l'Esprit Saint».

Ils sont en effet «enfants de Dieu», d'après l'enseignement de l'Apôtre, «tous ceux qu'anime l'Esprit de Dieu»212. La filiation de l'adoption divine naît dans les hommes à partir du mystère de l'Incarnation, donc grâce au Christ, le Fils éternel. Mais la naissance, ou la renaissance, se réalise lorsque Dieu le Père «envoie dans nos cœurs l'Esprit de son Fils»213. Car nous recevons alors «un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier: "Abba! Père! "»214. Ainsi donc, cette filiation de Dieu, greffée dans l'âme humaine par la grâce sanctifiante, est l'œuvre de l'Esprit Saint. «L'Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu. Enfants, et donc héritiers; héritiers de Dieu, et cohéritiers du Christ»215. La grâce sanctifiante est dans l'homme le principe et la source de la vie nouvelle: vie divine, surnaturelle.

Le don de cette vie nouvelle est comme la réponse définitive de Dieu aux paroles du psalmiste, dans lesquelles, en quelque sorte, la voix de toutes les créatures trouve un écho: «Tu envoies ton souffle, ils sont créés, tu renouvelles la face de la terre»216. Celui qui, dans le mystère de la création, donne à l'homme et au cosmos la vie sous ses multiples formes visibles et invisibles, la renouvelle encore par le mystère de l'Incarnation. La création est ainsi complétée par l'Incarnation et pénétrée dès lors par les forces de la Rédemption qui envahissent l'humanité et toute la création. C'est ce que dit saint Paul; sa vision cosmique et théologique semble reprendre les termes du psaume ancien: «La création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu»217, c'est-à-dire de ceux que Dieu a «d'avance discernés», et aussi «prédestinés à reproduire l'image de son Fils»218. Les hommes connaissent ainsi une «adoption filiale» surnaturelle, et le Saint-Esprit, Amour et Don, en est l'origine. Comme tel, il est donné aux hommes. Et de la surabondance du Don incréé, chaque homme reçoit dans son cœur le don créé particulier par lequel les hommes «deviennent participants de la nature divine»219. Ainsi, la vie humaine est pénétrée de la vie divine à laquelle elle participe, et elle acquiert, elle aussi, une dimension divine, surnaturelle. Ainsi naît la vie nouvelle, par laquelle, en participant au mystère de l'Incarnation, «les hommes... accèdent, dans l'Esprit Saint, auprès du Père»220. Il y a donc une étroite dépendance de causalité entre l'Esprit qui donne la vie, la grâce sanctifiante, et la vitalité surnaturelle multiforme qui en découle dans l'homme: entre l'Esprit incréé et l'esprit humain créé.

53. On peut dire que tout cela rentre dans le cadre du grand Jubilé déjà évoqué. Car il faut dépasser la dimension historique du fait, considéré superficiellement. Il faut joindre au contenu christologique de l'événement la dimension pneumatologique, en regardant dans la foi l'ensemble des deux millénaires où s'est exercée l'action de l'Esprit de vérité: celui-ci, au cours des siècles, a puisé au trésor de la Rédemption du Christ, donnant aux hommes la vie nouvelle, réalisant en eux l'adoption dans le Fils unique, les sanctifiant, en sorte qu'ils peuvent redire à la suite de saint Paul: « Nous avons reçu l'Esprit de Dieu»221.

Mais, en considérant ce motif du Jubilé, il n'est pas possible de se limiter aux deux mille ans écoulés depuis la naissance du Christ. Il faut remonter en arrière, embrasser aussi toute l'action de l'Esprit Saint avant le Christ - depuis le commencement - dans le monde entier et spécialement dans l'économie de l'Ancienne Alliance. Cette action, en effet, en tout lieu et en tout temps, même en tout homme, s'est accomplie selon l'éternel dessein de salut, dans lequel elle est étroitement unie au mystère de l'Incarnation et de la Rédemption; ce mystère avait lui-même exercé son influence sur ceux qui croyaient au Christ à venir. La Lettre aux Ephésiens l'atteste de façon particulière222. Ainsi la grâce comporte en même temps un caractère christologique et un caractère pneumatologique, qui se retrouvent surtout en ceux qui adhèrent explicitement au Christ: «En lui (dans le Christ) ... vous avez été marqués d'un sceau par l'Esprit de la Promesse, cet Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s'est acquis»223.

Mais, toujours dans la perspective du grand Jubilé, nous devons aussi porter plus loin notre regard et avancer «vers le large», en sachant que «le vent soufile où il veut», selon l'image employée par Jésus dans la conversation avec Nicodème224. Le Concile Vatican II, centré principalement sur le thème de l'Eglise, nous rappelle que l'Esprit Saint agit aussi «à l'extérieur» du corps visible de l'Eglise. Il parle justement de «tous les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l'homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l'Esprit Saint offre à tous, d'une façon que Dieu connaît, la possibilité d'être associés au mystère pascal»225.

54. «Dieu est esprit, et ceux qui adorent, c'est dans l'esprit et la vérité qu'ils doivent adorer»226. Ces paroles, Jésus les a dites à la Samaritaine dans un autre de ses dialogues. Le grand Jubilé, qui sera célébré au terme de ce millénaire et au début du suivant, doit être un puissant appel adressé à tous ceux qui «adorent Dieu dans l'esprit et la vérité». Il doit être pour tous une occasion particulière de méditer le mystère de Dieu un et trine, qui, en lui-même, est absolument transcendant par rapport au monde, spécialement par rapport au monde visible; il est en effet Esprit au sens absolu, «Dieu est esprit»227; et, en même temps, d'une façon admirable, il est non seulement proche de ce monde, mais il y est présent et, en un sens, immanent, il le pénètre et le vivifie de l'intérieur. Cela vaut d'une manière spéciale pour l'homme: Dieu est présent dans la profondeur de son être, de sa pensée, de sa conscience, de son cœur; réalité psychologique et ontologique, qui faisait dire à saint Augustin, en parlant de Dieu: «interior intimo meo»228. Ces paroles nous aident à mieux comprendre celles que Jésus adressait à la Samaritaine: «Dieu est esprit». Seul l'Esprit peut être interior intimo meo - plus intime à moi que moi-même -, au niveau de l'être ou au niveau de l'expérience spirituelle; seul l'Esprit peut être à ce point immanent à l'homme et au monde, en demeurant inviolable et sans changement dans son absolue transcendance.

Mais, en Jésus Christ, la présence divine dans le monde et dans l'homme s'est manifestée de façon nouvelle et sous forme visible. En lui véritablement «la grâce s'est manifestée»229. L'amour de Dieu le Père, Don, grâce infinie, principe de vie, est devenu visible dans le Christ, et, par l'humanité du Christ, il est devenu «partie» de l'univers, du genre humain, de l'histoire. Cette «manifestation» de la grâce dans l'histoire de l'homme, en Jésus Christ, s'est accomplie par l'Esprit Saint, qui est le principe de toute action salvifique de Dieu dans le monde, lui, le «Dieu caché»230 qui, comme Amour et Don, «remplit l'univers»231. Toute la vie de l'Eglise, telle qu'elle se manifestera dans le grand Jubilé, signifie aller à la rencontre du Dieu invisible, à la rencontre de l'Esprit qui donne la vie.

3. L'Esprit Saint dans le conflit interne de l'homme: La chair, en ses désirs, s'oppose à l'esprit et l'esprit à la chair

55. Hélas, l'histoire du salut le montre, cette proximité et cette présence de Dieu à l'homme et au monde, cette admirable «condescendance» de l'Esprit, rencontre dans notre réalité humaine résistance et opposition. Quelle éloquence revêtent, de ce point de vue, les paroles prophétiques du vieillard Syméon qui, «poussé par l'Esprit», vint au Temple de Jérusalem, pour annoncer devant le nouveau-né de Bethléem qu'il devait «amener la chute et le relèvement d'un grand nombre en Israël, signe en butte à la contradiction»!232 L'opposition à Dieu, qui est Esprit invisible, naît déjà, dans une certaine mesure, sur le terrain de la différence radicale du monde par rapport à Lui, c'est-à-dire de sa «visibilité» et de sa «matérialité» par rapport à Lui qui est «invisible» et «Esprit au sens absolu»; elle naît de son imperfection naturelle et inévitable par rapport à Lui, l'être absolument parfait. Mais l'opposition devient conflit, rébellion, sur le plan éthique, à cause du péché qui prend possession du cœur humain, dans lequel «la chair s'oppose à l'esprit et l'esprit à la chair»233. Ce péché, l'Esprit Saint doit le «mettre en lumière» dans le monde, comme nous l'avons dit.

Saint Paul est celui qui décrit avec une particulière éloquence la tension et la lutte qui agitent le cœur humain. «Ecoutez-moi - lisons-nous dans la Lettre aux Galates -: marchez sous l'impulsion de l'Esprit et vous n'accomplirez plus ce que la chair désire. Car la chair, en ses désirs, s'oppose à l'esprit et l'esprit à la chair; entre eux, c'est l'antagonisme; aussi ne faites-vous pas ce que vous voulez»234. Déjà dans l'homme, parce qu'il est un être composé, esprit et corps, il existe une certaine tension, il se déroule une certaine lutte de tendances entre l'«esprit» et la «chair». Mais cette lutte, en fait, appartient à l'héritage du péché, elle en est une conséquence et, en même temps, une confirmation. Elle fait partie de l'expérience quotidienne. Comme l'écrit l'Apôtre: «On sait bien tout ce que produit la chair: fornication, impureté, débauche, ... orgies, ripailles et choses semblables». Il s'agit là des péchés qu'on pourrait qualifier de «charnels». L'Apôtre en ajoute d'autres encore: «Haines, discorde, jalousie, ... dissensions, divisions, scissions, sentiments d'envie ...»235. Tout cela constitue «les œuvres de la chair».

Mais à ces œuvres qui sont indubitablement mauvaises, Paul oppose «le fruit de l'Esprit», qui est «charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi»236. Du contexte, il ressort clairement que, pour l'Apôtre, il ne s'agit pas de mépriser et de condamner le corps qui, avec l'âme spirituelle, constitue la nature de l'homme et sa personnalité de sujet; il traite, par contre, des œuvres ou plutôt des dispositions stables - vertus et vices - moralement bonnes ou mauvaises, qui sont le fruit de la soumission (dans le premier cas) ou au contraire de la résistance (dans le second cas) à l'action salvatrice de l'Esprit Saint. C'est pourquoi l'Apôtre écrit: «Puisque l'Esprit est notre vie, que l'Esprit nous fasse aussi agir»237. Et dans d'autres passages: «Ceux en effet qui vivent selon la chair désirent ce qui est charnel; ceux qui vivent selon l'esprit, ce qui est spirituel». «Vous êtes sous l'emprise de l'Esprit, puisque l'Esprit de Dieu habite en vous»238. L'opposition que saint Paul montre entre la vie «selon l'Esprit» et la vie «selon la chair» entraîne une autre opposition: celle de la «vie» et celle de la «mort». «Le désir de la chair, c'est la mort, tandis que le désir de l'esprit, c'est la vie et la paix»; d'où l'avertissement: «Si vous vivez selon la chair, vous mourrez. Mais si par l'Esprit vous faites mourir les œuvres du corps, vous vivrez»239.

Tout bien considéré, il y a là une exhortation à vivre dans la vérité, c'est-à-dire selon les exigences de la conscience droite, et il s'agit, en même temps, d'une profession de foi dans l'Esprit de vérité, celui qui donne la vie. Le corps, en effet, «est mort en raison du péché, mais l'Esprit est vie en raison de la justice»; «ainsi donc ... nous sommes débiteurs, mais non point envers la chair pour vivre selon la chair»240. Nous sommes plutôt débiteurs envers le Christ qui, dans le mystère pascal, a accompli notre justification, en nous obtenant l'Esprit Saint: «Quelqu'un a payé le prix de votre rachat»241.

Dans les textes de saint Paul se superposent et s'imbriquent la dimension ontologique (la chair et l'esprit), la dimension éthique (le bien et le mal moral), la dimension pneumatologique (l'action de l'Esprit Saint dans l'ordre de la grâce). Ses paroles (spécialement dans les Lettres aux Romains et aux Galates) nous font connaître et ressentir vivement la vigueur de la tension et de la lutte qui se déroulent dans l'homme entre, d'un côté, l'ouverture à l'action de l'Esprit Saint, et, de l'autre, la résistance et l'opposition à son égard, à son don salvifique. Les termes ou les pôles opposés sont, de la part de l'homme, ses limitations et son caractère pécheur, points névralgiques de sa réalité psychologique et éthique; et, de la part de Dieu, le mystère du Don, ce don incessant de la vie divine dans l'Esprit Saint. Qui sera victorieux? Celui qui aura su accueillir le Don.

56. Malheureusement, la résistance à l'Esprit Saint, que saint Paul souligne dans sa dimension intérieure et subjective comme une tension, une lutte, une rébellion survenant dans le cœur humain, trouve, aux diverses époques de l'histoire, et spécialement à l'époque moderne, sa dimension extérieure, concrétisée, dans le contenu de la culture et de la civilisation, par les systèmes philosophiques, les idéologies, les programmes d'action et de formation des comportements humains. Elle trouve son expression la plus importante dans le matérialisme, aussi bien sous sa forme théorique, comme système de pensée, que sous sa forme pratique, comme méthode de lecture et d'évaluation des faits et aussi comme programme pour des comportements correspondants. Le système qui a donné le plus grand développement à cette forme de pensée, d'idéologie et de praxis, et qui l'a portée aux plus extrêmes conséquences sur le plan de l'action, est le matérialisme dialectique et historique, encore reconnu comme le noyau substantiel du marxisme.

Par principe et en fait, le matérialisme exclut radicalement la présence et l'action de Dieu, qui est esprit, dans le monde et par-dessus tout dans l'homme, pour la raison fondamentale qu'il n'accepte pas son existence, puisqu'il est, en soi et dans son programme, un système athée. L'athéisme est le phénomène impressionnant de notre temps: le Concile Vatican II lui a consacré quelques pages significatives242. Même si l'on ne peut parler de l'athéisme de manière univoque, et si l'on ne peut le réduire exclusivement à la philosophie matérialiste, étant donné qu'il existe diverses formes d'athéisme et que l'on peut dire sans doute que ce mot est souvent employé dans un sens équivoque, il est toutefois certain qu'un matérialisme véritable, au sens propre du terme, a un caractère athée, lorsqu'on l'entend comme une théorie qui explique la réalité et lorsqu'on l'adopte pour premier principe de l'action personnelle et sociale. L'horizon des valeurs et des fins de l'agir que le matérialisme détermine est étroitement lié à l'interprétation de la totalité de la réalité comme «matière». Si, parfois, il parle encore de l'«esprit» et des «questions de l'esprit», par exemple dans le domaine de la culture ou de la morale, il le fait seulement en considérant certains faits comme dérivés (épiphénomènes) de la matière, qui est, selon ce système, la forme unique et exclusive de l'être. Il s'ensuit que, selon cette interprétation, la religion ne peut se comprendre que comme une sorte d'«illusion idéaliste», à combattre selon les manières et les méthodes les plus appropriées aux lieux et aux circonstances historiques, pour l'éliminer de la société et du cœur même de l'homme.

On peut donc dire que le matérialisme est le développement systématique et cohérent de la «résistance» et de l'opposition dénoncées par saint Paul lorsqu'il dit: «La chair ... s'oppose à l'esprit». Cette réalité conflictuelle est cependant réciproque, comme le souligne l'Apôtre dans la seconde partie de son aphorisme: «L'esprit s'oppose à la chair». Celui qui veut vivre selon l'Esprit, en acceptant son action salvifique et en s'y conformant, ne peut pas ne pas repousser les tendances et les prétentions de la «chair», qu'elles soient intérieures ou extérieures, y compris dans leur expression idéologique et historique de «matérialisme» antireligieux. Sur cette toile de fond si caractéristique de notre temps, il faut souligner les «désirs de l'esprit» dans la préparation du grand Jubilé: ils sont des appels qui résonnent dans la nuit d'une nouvelle période d'Avent, au terme de laquelle, comme il y a deux mille ans, «toute chair verra le salut de Dieu»243. Voilà une possibilité et une espérance que l'Eglise confie aux hommes d'aujourd'hui. Elle sait que la rencontre, l'affrontement entre, d'une part, les «désirs contraires à l'Esprit», qui caractérisent tant d'aspects de la civilisation contemporaine spécialement en certains domaines, et, d'autre part, les «désirs contraires à la chair» - avec le fait que Dieu s'est rendu proche de nous, avec son Incarnation, avec la communication toujours nouvelle qu'il fait de lui-même dans l'Esprit Saint -, peut présenter en certains cas un caractère dramatique et aboutir peut-être à de nouvelles défaites humaines. Mais l'Eglise croit fermement que, pour sa part, Dieu ne cesse de se donner lui-même pour le salut, de venir pour le salut, et, au besoin, de «manifester le péché» pour le salut, par l'Esprit.

57. Dans l'opposition paulinienne entre l'«Esprit» et la «chair» s'inscrit aussi l'opposition entre la «vie» et la «mort». Il s'agit là d'un grave problème, et il faut dire aussitôt à ce propos que le matérialisme, comme système de pensée, dans toutes ses versions, signifie l'acceptation de la mort comme terme définitif de l'existence humaine. Tout ce qui est matériel est corruptible et, par conséquent, le corps humain (en tant qu'«animal») est mortel. Si l'homme, dans son essence, n'est que «chair», la mort demeure pour lui une frontière et un terme infranchissables. On comprend alors comment on arrive à dire que la vie humaine n'est rien d'autre qu'un «exister pour mourir».

Il faut ajouter que, à l'horizon de la civilisation contemporaine - spécialement là où elle s'est le plus développée du point de vue technique et scientifique -, les signes et les signaux de mort sont devenus particulièrement présents et fréquents. Il suffit de penser à la course aux armements et au danger qu'elle comporte d'une autodestruction nucléaire. D'autre part, tous peuvent constater de plus en plus la situation grave de vastes régions de notre planète, affectées par l'indigence et la faim porteuses de mort. Il ne s'agit pas seulement de problèmes économiques, mais aussi et avant tout de problèmes éthiques. Cependant, à l'horizon de notre époque s'accumulent des «signes de mort» encore plus sombres: l'usage s'est répandu - et en certains lieux il risque de devenir presque une institution - d'ôter la vie aux êtres humains avant même leur naissance, ou avant qu'ils ne soient arrivés au seuil naturel de la mort. Il faut ajouter que, malgré tant de nobles efforts en faveur de la paix, de nouvelles guerres ont éclaté et sont en cours: elles privent de la vie ou de la santé des centaines de milliers d'êtres humains. Et comment ne pas rappeler les attentats contre la vie humaine qui viennent du terrorisme, organisé même à l'échelle internationale?

Hélas, ce n'est là qu'une esquisse partielle et incomplète du tableau de mort qu'on est en train de composer à notre époque, alors que nous sommes de plus en plus proches de la fin du deuxième millénaire du christianisme. Est-ce que, des sombres couleurs de la civilisation matérialiste et en particulier de ces signes de mort qui se multiplient dans le cadre sociologique et historique où elle s'est développée, ne monte pas, plus ou moins consciente, une nouvelle invocation à l'Esprit qui donne la vie? En tout cas, même indépendamment de l'ampleur des espoirs ou des désespoirs humains, comme des illusions ou des duperies, qui résultent du développement des systèmes matérialistes de pensée et de vie, la certitude chrétienne demeure que l'Esprit souffle où il veut et que nous possédons «les prémices de l'Esprit», que, par conséquent, nous pouvons sans doute endurer les souffrances du temps qui passe, mais «nous gémissons... intérieurement dans l'attente de la rédemption de notre corps»244, c'est-à-dire de tout notre être humain qui est corporel et spirituel. Oui, nous gémissons, mais dans une attente chargée d'une espérance indéfectible, justement parce que Dieu, qui est Esprit, s'est rendu proche de cet être humain que nous sommes. Dieu le Père, «en envoyant son propre Fils avec une chair semblable à celle du péché et en vue du péché, a condamné le péché»245. Au sommet du mystère pascal, le Fils de Dieu, fait homme et crucifié pour les péchés du monde, s'est présenté au milieu de ses Apôtres après la résurrection, il a envoyé sur eux son souffle et il a dit: «Recevez l'Esprit Saint». Ce «souffle» continue toujours. Et voici que «l'Esprit vient au secours de notre faiblesse»246.

4. L'Esprit Saint vient affermir l'«homme intérieur»

58. Le mystère de la Résurrection et de la Pentecôte est annoncé et vécu par l'Eglise, qui reçoit et continue le témoignage des Apôtres sur la Résurrection de Jésus Christ. Elle est le témoin permanent de cette victoire sur la mort, qui a révélé la puissance de l'Esprit Saint et qui a déterminé sa nouvelle venue, sa nouvelle présence dans les hommes et dans le monde. En effet, à la Résurrection du Christ, l'Esprit Saint-Paraclet s'est révélé surtout comme celui qui donne la vie: «Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous»247. Au nom de la Résurrection du Christ, l'Eglise annonce la vie qui s'est manifestée au-delà des limites de la mort, la vie qui est plus forte que la mort. En même temps, elle annonce Celui qui donne cette vie: l'Esprit qui fait vivre; elle l'annonce et elle coopère avec lui pour donner la vie. En effet, «bien que le corps soit déjà mort en raison du péché, l'Esprit est vie en raison de la justice»248 obtenue par le Christ crucifié et ressuscité. Et au nom de la Résurrection du Christ, l'Eglise sert la vie qui provient de Dieu lui-même, en étroite union avec l'Esprit, et humblement à son service.

Par ce service, justement, l'homme devient de façon toujours nouvelle la «route de l'Eglise»: je l'ai déjà dit dans l'encyclique sur le Christ Rédempteur249 et je le redis aujourd'hui dans celle sur l'Esprit Saint. Unie à l'Esprit, l'Eglise est consciente, plus que quiconque, de la réalité de l'homme intérieur, des traits de l'homme les plus profonds et les plus essentiels, parce que spirituels et incorruptibles. A ce niveau, l'Esprit implante en lui la «racine de l'immortalité»250, d'où jaillit la vie nouvelle, c'est-à-dire la vie de l'homme en Dieu, qui, comme fruit du don salvifique que Dieu fait de lui-même dans l'Esprit Saint, ne peut se développer et se consolider que par l'action de l'Esprit. C'est pourquoi l'Apôtre s'adresse à Dieu en faveur des croyants, auxquels il déclare: «Je fléchis les genoux en présence du Père... Qu'il daigne... vous armer de puissance par son Esprit pour que se fortifie en vous l'homme intérieur»251.

Sous l'influence de l'Esprit Saint, cet homme intérieur, c'est-à-dire «spirituel», mûrit et devient plus fort. Grâce à cette communication divine, l'esprit humain qui «connaît ce qui concerne l'homme» rencontre «l'Esprit qui sonde tout jusqu'aux profondeurs de Dieu»252. Dans cet Esprit, qui est le Don éternel, le Dieu un et trine s'ouvre à l'homme, à l'esprit humain. Le souffle caché de l'Esprit divin fait que l'esprit humain s'ouvre à son tour en face de Dieu qui s'ouvre à lui pour le sauver et le sanctifier. Par le don de la grâce efficace qui vient de l'Esprit, l'homme entre dans «une vie nouvelle», il est introduit dans la réalité surnaturelle de la vie divine elle-même et il devient «une demeure de l'Esprit Saint», un «temple vivant de Dieu»253.

Par l'Esprit Saint, en effet, le Père et le Fils viennent vers lui et établissent une demeure chez lui254. Dans la communion de grâce avec la Trinité s'élargit «l'espace vital» de l'homme, élevé au niveau surnaturel de la vie divine. L'homme vit en Dieu et de Dieu: il vit «selon l'Esprit» et «désire ce qui est spirituel».

59. Grâce à la relation d'intimité avec Dieu dans l'Esprit Saint, l'homme se comprend également lui-même d'une façon nouvelle, il comprend sa propre humanité. L'image, la ressemblance de Dieu qu'est l'homme depuis le commencement est ainsi pleinement réalisée255. Cette vérité intime de l'être humain doit être continuellement redécouverte à la lumière du Christ qui est le modèle du rapport avec Dieu, et en lui doit être également redécouverte la raison pour laquelle l'homme «ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même» en union avec les autres hommes, comme l'écrit le Concile Vatican II, justement en raison de la ressemblance avec Dieu qui «montre bien que l'homme ... (est) l'unique créature que Dieu a voulue pour elle-même» dans sa dignité de personne, mais aussi dans son ouverture à l'intégration et à la communion avec les autres256. La connaissance effective et la réalisation plénière de cette vérité de l'être adviennent seulement par l'Esprit Saint. L'homme apprend cette vérité de Jésus Christ, et il la met en œuvre dans sa propre vie, par l'Esprit que lui-même nous a donné.

Sur ce chemin - sur le chemin d'une telle maturation intérieure qui comporte la pleine découverte du sens de l'humanité -, Dieu se rend intime à l'homme, il pénètre toujours plus à fond dans tout le monde humain. Dieu un et trine, qui «existe» en lui-même comme réalité transcendante du Don interpersonnel, en se communiquant dans l'Esprit Saint comme Don à l'homme, transforme le monde humain de l'intérieur, dans les cœurs et dans les consciences. Sur ce chemin, le monde, rendu participant du Don divin, devient, comme l'enseigne le Concile, «toujours plus humain, toujours plus profondément humain»257, tandis qu'en lui, à travers les cœurs et les consciences des hommes, se développe le Règne dans lequel Dieu sera définitivement «tout en tous»258, comme Don et Amour. Don et Amour: telle est l'éternelle puissance du Dieu un et trine qui s'ouvre lui-même à l'homme et au monde dans l'Esprit Saint.

Dans la perspective de l'An 2000 après la naissance du Christ, il s'agit de parvenir à ce qu'un nombre toujours plus grand d'hommes «puissent se trouver pleinement à travers le don désintéressé d'eux-mêmes». Il s'agit de parvenir à la réalisation en notre monde, sous l'action de l'Esprit-Paraclet, d'un processus de vraie maturation dans l'humanité, dans la vie individuelle comme dans la vie communautaire: c'est à ce propos que Jésus lui-même, «quand il prie le Père pour que "tous soient un..., comme nous sommes un" (Jn 17, 21-22), ... nous suggère qu'il y a une certaine ressemblance entre l'union des personnes divines et celle des fils de Dieu dans la vérité et dans l'amour»259. Le Concile redit cette vérité sur l'homme, et l'Eglise voit en elle une indication particulièrement forte et déterminante de ses tâches apostoliques. Si, en effet, l'homme est la route de l'Eglise, cette route pase à travers tout le mystère du Christ, modèle divin de l'homme. Sur cette route, l'Esprit Saint, en affermissant en chacun de nous «l'homme intérieur», fait que l'homme, toujours plus, «se trouve pleinement à travers le don désintéressé de lui-même». On peut dire que, dans ces paroles de la Constitution pastorale du Concile, est résumée toute l'anthropologie chrétienne, la théorie et la pratique fondées sur l'Evangile, où l'homme découvre en lui-même son appartenance au Christ et, en lui, son élévation à la dignité de fils de Dieu; il comprend mieux aussi sa dignité d'homme, précisément parce qu'il est le sujet de la présence de Dieu qui se rapproche de lui, le sujet de la bienveillance divine, dans laquelle se trouvent la perspective et même la racine de la glorification définitive. Alors on peut vraiment redire que «la gloire de Dieu, c'est l'homme vivant, et la vie de l'homme, c'est la vision de Dieu»260: l'homme, en vivant une vie divine, est la gloire de Dieu; l'Esprit Saint est le dispensateur caché de cette vie et de cette gloire. Selon Basile le Grand, «simple par son essence, mais se manifestant par des actions variées, ... il se donne en partage, mais garde son intégrité; ... présent à chacun de ceux qui peuvent le recevoir comme si celui-ci était unique, il répand sur tous la grâce en plénitude»261.

60. Lorsque, sous l'influence du Paraclet, les hommes découvrent cette dimension divine de leur être et de leur vie, comme personnes ou comme communautés, ils sont en mesure de se libérer des divers déterminismes qui résultent principalement des fondements matérialistes de la pensée, de la praxis et de ses méthodes. A notre époque, ces éléments ont réussi à pénétrer jusqu'au cœur de l'homme, dans le sanctuaire de la conscience où sans cesse l'Esprit Saint fait entrer la lumière et la force de la nouvelle vie selon la «liberté des enfants de Dieu». La maturité de l'homme dans cette vie est entravée par les conditionnements et par les pressions qu'exercent sur lui les structures et les mécanismes dominants dans les divers secteurs de la société. On peut dire que, dans bien des cas, les facteurs sociaux, loin de favoriser le développement et l'expansion de l'esprit humain, finissent par l'arracher à la vérité authentique de son être et de sa vie - sur laquelle veille l'Esprit Saint - et par le soumettre au «Prince de ce monde».

Le grand Jubilé de l'An 2000 contient donc un message de libération par l'action de l'Esprit: seul celui-ci peut aider les personnes et les communautés à se libérer des déterminismes anciens et nouveaux, en les guidant par la «loi de l'Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus»262, en agissant dans la plénitude de la vraie liberté de l'homme ainsi découverte. En effet, comme l'écrit saint Paul, là «où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté»263. Cette révélation de la liberté et donc de la véritable dignité de l'homme acquiert une particulière éloquence pour les chrétiens et pour l'Eglise persécutés, soit dans les temps anciens soit actuellement, car les témoins de la Vérité divine deviennent alors une preuve vivante de l'action de l'Esprit de vérité, présent dans le cœur et dans la conscience des fidèles, et il n'est pas rare qu'ils signent de leur martyre l'exaltation suprême de la dignité humaine.

C'est aussi dans les conditions ordinaires de la société que les chrétiens, témoins de l'authentique dignité de l'homme, par leur obéissance à l'Esprit Saint, contribuent de bien des manières au «renouvellement de la face de la terre»: ils collaborent avec leurs frères pour réaliser et mettre en valeur tout ce qui est bon, noble et beau dans le progrès actuel de la civilisation, de la culture, de la science, de la technique et des autres secteurs de la pensée et de l'activité humaine264. Ils le font comme disciples du Christ qui, selon les mots du Concile, «constitué Seigneur par sa Résurrection ... agit désormais dans le cœur des hommes par la puissance de son Esprit; il n'y suscite pas seulement le désir du siècle à venir, mais par là même anime aussi, purifie et fortifie ces aspirations généreuses qui poussent la famille humaine à améliorer ses conditions de vie et à soumettre à cette fin la terre entière»265. Ainsi, ils affirment davantage encore la grandeur de l'homme fait à l'image et à la ressemblance de Dieu, grandeur que le mystère de l'Incarnation du Fils de Dieu met en pleine lumière, car, dans la «plénitude du temps», il est entré dans l'histoire par l'Esprit Saint et il s'est manifesté homme véritable, lui qui est le premier-né de toute créature, lui «par qui tout existe et par qui nous sommes»266.

5. L'Eglise, sacrement de l'union intime avec Dieu

61. A l'approche de la conclusion du deuxième millénaire qui doit rappeler à tous et en quelque sorte réactualiser l'avènement du Verbe dans la «plénitude du temps», l'Eglise désire encore une fois saisir l'essence même de sa constitution divine et humaine et de la mission qui la fait participer à la mission messianique du Christ, selon l'enseignement et le projet, toujours valables, du Concile Vatican II. Dans la même ligne, nous pouvons remonter jusqu'au Cénacle, où Jésus Christ révèle l'Esprit Saint comme Paraclet, comme Esprit de vérité, et parle de son «départ» par la Croix comme condition nécessaire de la «venue» de l'Esprit: «C'est votre intérêt que je parte; car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous; mais si je pars, je vous l'enverrai»267. Nous avons vu que cette annonce a connu sa première réalisation dès le soir de Pâques et ensuite durant la célébration de la Pentecôte à Jérusalem; depuis lors, elle s'accomplit par l'Eglise dans l'histoire de l'humanité.

A la lumière de cette annonce, ce que Jésus dit de sa nouvelle «venue», toujours durant la dernière Cène, prend tout son sens. Il est en effet significatif que, dans le même discours d'adieu, il annonce non seulement son «départ», mais aussi sa nouvelle «venue». Il dit précisément: «Je ne vous laisserai pas orphelins. Je viendrai vers vous»268. Et au moment de la séparation définitive avant de monter au ciel, il redira encore plus explicitement: «Et voici que je suis avec vous», et je le suis, «pour toujours jusqu'à la fin du monde»269. La nouvelle «venue» du Christ, sa «venue» continuelle, pour être avec les Apôtres et avec l'Eglise, sa parole: «Je suis avec vous jusqu'à la fin du monde», ne changent certes pas le fait de son «départ». A la suite de ce «départ», après la conclusion de l'activité messianique du Christ sur la terre, sa nouvelle «venue» a lieu dans le cadre de l'envoi de l'Esprit Saint qui a été annoncé, et, pour ainsi dire, elle s'inscrit à l'intérieur de la mission même de l'Esprit. Et pourtant, elle s'accomplit par l'œuvre de l'Esprit Saint, grâce auquel le Christ, qui s'en est allé, vient maintenant et toujours de façon nouvelle. La nouvelle «venue» du Christ par l'œuvre de l'Esprit Saint, sa présence et son action constantes dans la vie spirituelle s'actualisent dans la réalité sacramentelle. En elle, le Christ, qui, dans son humanité visible, s'en est allé, vient, est présent et agit d'une manière si intime dans l'Eglise qu'il en fait son Corps. C'est ainsi que l'Eglise vit, œuvre et croît «jusqu'à la fin du monde». Tout cela se réalise par l'Esprit Saint.

62. L'expression sacramentelle la plus complète du «départ» du Christ par le mystère de la Croix et de la Résurrection est l'Eucharistie.

En elle, sa venue et sa présence salvifiques se réalisent chaque fois sacramentellement: dans le Sacrifice et dans la Communion. C'est là une œuvre de l'Esprit Saint, dans le cadre de sa mission270. Par l'Eucharistie, l'Esprit Saint «fortifie l'homme intérieur», comme le dit la Lettre aux Ephésiens271. Par l'Eucharistie, les personnes et les communautés, sous l'action du Paraclet-Consolateur, apprennent à découvrir le sens divin de la vie humaine, rappelé par le Concile, sens selon lequel Jésus Christ «révèle pleinement l'homme à l'homme», en suggérant «une certaine ressemblance entre l'union des Personnes divines et celle des fils de Dieu dans la vérité et dans l'amour»272. Une telle union s'exprime et se réalise d'une façon particulière par l'Eucharistie où l'homme, participant au sacrifice de la Croix que cette célébration rend présent, apprend à «se trouver ... par le don ... de lui-même»273, dans la communion avec Dieu et avec les autres hommes, ses frères.

C'est pour cela que les premiers chrétiens, dès les jours qui ont suivi la descente de l'Esprit Saint, «se montraient assidus ... à la fraction du pain et aux prières», formant ainsi une communauté unie par l'enseignement des Apôtres274. De cette façon, ils «reconnaissaient» que leur Seigneur ressuscité et déjà monté au ciel revenait au milieu d'eux dans la communauté eucharistique de l'Eglise et grâce à elle. Depuis son origine, l'Eglise, guidée par l'Esprit Saint, s'est exprimée et s'est affermie par l'Eucharistie. Il en a toujours été ainsi, dans toutes les générations chrétiennes, jusqu'à notre temps, jusqu'à cette veille de l'achèvement du second millénaire chrétien. Certes, nous devons, hélas, constater que ce millénaire, désormais écoulé, a été celui des grandes séparations entre les chrétiens. Tous ceux qui croient dans le Christ devront donc, à l'exemple des Apôtres, consacrer tous leurs efforts à accorder leur pensée et leur action à la volonté de l'Esprit Saint, «principe de l'unité de l'Eglise»275, afin que tous ceux qui ont été baptisés dans un seul Esprit pour être un seul corps se retrouvent en frères unis dans la célébration de la même Eucharistie, «sacrement de l'amour, signe de l'unité, lien de la charité»276.

63. La présence eucharistique du Christ - son «je suis avec vous» de portée sacramentelle - permet à l'Eglise de découvrir toujours plus profondément son propre mystère, comme l'atteste toute l'ecclésiologie du Concile Vatican II: pour celui-ci, «l'Eglise (est), dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c'est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain»277. Comme sacrement, l'Eglise se développe à partir du mystère pascal du «départ» du Christ, en vivant sa «venue» toujours nouvelle par l'Esprit Saint qui accomplit sa mission même de Paraclet, Esprit de vérité. C'est précisément là le mystère essentiel de l'Eglise, tel que le proclame le Concile.

Si, en vertu de la création, Dieu est celui en qui tous «nous avons la vie, le mouvement et l'être»278, pour sa part la puissance de la Rédemption continue et se développe dans l'histoire de l'homme et du monde comme en un double «mouvement» dont la source se trouve dans le Père éternel. D'un côté, c'est le mouvement de la mission du Fils, qui est venu dans le monde en naissant de la Vierge Marie par l'Esprit Saint; et, de l'autre, c'est aussi le mouvement de la mission de l'Esprit Saint, qui a été révélé définitivement par le Christ. A cause du «départ» du Fils, l'Esprit Saint est venu et vient continuellement comme Paraclet et Esprit de vérité. Dans le cadre de sa mission, en quelque sorte dans l'intimité de la présence invisible de l'Esprit, le Fils, qui «s'en était allé» dans le mystère pascal, «vient» et est continuellement présent dans le mystère de l'Eglise; tantôt il reste caché, tantôt il se manifeste dans son histoire, sans cesser d'en conduire le cours. Tout cela advient sous forme sacramentelle, par l'action de l'Esprit Saint qui, puisant dans les richesses de la Rédemption du Christ, sans cesse donne la vie. En prenant une conscience toujours plus vive de ce mystère, l'Eglise saisit mieux son identité, surtout sacramentelle.

Cela se réalise aussi parce que, par la volonté de son Seigneur, au moyen des divers sacrements, l'Eglise assure son ministère de salut. Chaque fois que le ministère des sacrements est accompli, il porte en soi le mystère du «départ» du Christ par la Croix et la Résurrection, en vertu duquel l'Esprit Saint vient. Il vient et il agit: «Il donne la vie». Les sacrements, en effet, signifient la grâce et ils confèrent la grâce: ils expriment la vie et ils donnent la vie. L'Eglise est la dispensatrice visible des signes sacrés, tandis que l'Esprit Saint agit en eux comme le dispensateur invisible de la vie qu'ils signifient. En union avec l'Esprit Saint, le Christ Jésus y est présent et il y agit.

64. Si l'Eglise est le sacrement de l'union intime avec Dieu, elle l'est en Jésus Christ, en qui cette union s'accomplit comme réalité salvifique. Elle l'est en Jésus Christ, par l'action de l'Esprit Saint. La plénitude de la réalité salvifique, qu'est le Christ dans l'histoire, se communique sous le mode sacramentel par la puissance de l'Esprit-Paraclet. En ce sens l'Esprit Saint est «l'autre Paraclet» ou le nouveau Paraclet, car, par son action, la Bonne Nouvelle pénètre dans les consciences et dans les cœurs humains et se diffuse dans l'histoire. En tout cela, l'Esprit donne la vie.

Lorsque nous employons le mot «sacrement» mis en rapport avec l'Eglise, nous devons tenir compte de ce que, dans le texte conciliaire, la sacramentalité de l'Eglise apparait distincte de celle qui est, au sens précis du terme, propre aux sacrements. Nous lisons en effet: «L'Eglise (est) ... en quelque sorte le sacrement, c'est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu». Mais ce qui compte et ce qui ressort du sens analogique dans lequel le mot est employé dans les deux cas, c'est le rapport de l'Eglise avec la puissance de l'Esprit Saint, celui qui seul donne la vie: l'Eglise est le signe et l'instrument de la présence et de l'action de l'Esprit vivifiant.

Vatican II ajoute que l'Eglise est «le sacrement ... de l'unité de tout le genre humain». Il s'agit évidemment, pour le genre humain - lui-même différencié de multiples façons -, de l'unité qu'il tient de Dieu et qu'il a en Dieu. Elle s'enracine dans le mystère de la création et elle acquiert une dimension nouvelle dans le mystère de la Rédemption, en vue du salut universel. Puisque Dieu «veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité»279, la Rédemption concerne tous les hommes et, d'une certaine façon, toute la création. Dans cette même dimension universelle de la Rédemption, l'Esprit Saint agit en vertu du «départ» du Christ. C'est pourquoi l'Eglise, enracinée par son propre mystère dans l'économie trinitaire du salut, se comprend elle-même à juste titre comme le «sacrement de l'unité de tout le genre humain». Elle a conscience de l'être par la puissance de l'Esprit Saint dont elle est signe et instrument dans la réalisation du plan salvifique de Dieu.

Ainsi se réalise la «condescendance» de l'Amour infini de la Trinité par lequel Dieu, Esprit invisible, se rend proche du monde visible. Dieu un et trine se communique à l'homme dans l'Esprit Saint depuis le commencement, grâce à son «image et ressemblance». Sous l'action du même Esprit, l'homme et, par son entremise, le monde créé, racheté par le Christ, avancent vers leur destinée définitive en Dieu. L'Eglise est «le sacrement, c'est-à-dire le signe et l'instrument» du rapprochement des deux pôles de la création et de la Rédemption, Dieu et l'homme. Elle œuvre pour rétablir et renforcer l'unité du genre humain à ses racines mêmes, dans le rapport de communion entre l'homme et Dieu, son Créateur, son Seigneur et son Rédempteur. Il y a là une vérité, fondée sur l'enseignement du Concile, que nous pouvons méditer, expliquer et appliquer dans toute l'ampleur de son sens, en cette période de passage du deuxième au troisième millénaire chrétien. Et il nous est bon de prendre une conscience toujours plus vive du fait que, à l'intérieur de l'action accomplie par l'Eglise dans l'histoire du salut, inscrite dans l'histoire de l'humanité, l'Esprit Saint est présent et agissant, lui qui anime par le souffle de la vie divine le pèlerinage terrestre de l'homme et fait converger toute la création, toute l'histoire, jusqu'à son terme ultime, dans l'océan infini de Dieu.

6. L'Esprit et l'Epouse disent: «Viens!»

65. La manière la plus simple et la plus commune dont l'Esprit Saint, le souffle de la vie divine, s'exprime et entre dans l'expérience, c'est la prière. Il est beau et salutaire de penser que, partout où l'on prie dans le monde, l'Esprit Saint, souffle vital de la prière, est présent. Il est beau et salutaire de reconnaître que, si la prière est répandue dans tout l'univers, hier, aujourd'hui et demain, la présence et l'action de l'Esprit Saint sont tout autant répandus, car l'Esprit «inspire» la prière au cœur de l'homme, dans la diversité illimitée des situations et des conditions favorables ou contraires à la vie spirituelle et religieuse. Maintes fois, sous l'action de l'Esprit Saint, la prière monte du cœur de l'homme malgré les interdictions et les persécutions, et même malgré les proclamations officielles affirmant le caractère areligieux ou franchement athée de la vie publique. La prière demeure toujours la voix de tous ceux qui apparemment n'ont pas de voix, et dans cette voix résonne toujours la «violente clameur» attribuée au Christ par la Lettre aux Hébreux280. La prière est aussi la révélation de cet abîme qu'est le cœur de l'homme, une profondeur qui vient de Dieu et que Dieu seul peut combler, précisément par l'Esprit Saint. Nous lisons dans Luc: «Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l'Esprit Saint à ceux qui l'en prient!»281.

L'Esprit Saint est le Don qui vient dans le cœur de l'homme en même temps que la prière. Dans la prière, il se manifeste avant tout et par-dessus tout comme le Don qui «vient au secours de notre faiblesse». C'est l'admirable pensée développée par saint Paul dans la Lettre aux Romains, lorsqu'il écrit: «Nous ne savons pas que demander pour prier comme il faut; mais l'Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements inexprimables»282. Ainsi non seulement l'Esprit Saint nous amène à prier, mais il nous guide «de l'intérieur» dans la prière, compensant notre insuffisance, remédiant à notre incapacité de prier; il est présent dans notre prière et il lui donne une dimension divine283. «Celui qui sonde les cœurs sait quel est le désir de l'Esprit et que son intercession pour les saints correspond aux vues de Dieu»284. La prière, grâce à l'Esprit Saint, devient l'expression toujours plus mûre de l'homme nouveau qui, par elle, participe à la vie divine.

Notre époque difficile a particulièrement besoin de la prière. Si au cours de l'histoire, hier comme aujourd'hui, des hommes et des femmes en grand nombre ont témoigné de l'importance de la prière en se consacrant à la louange de Dieu et à la vie d'oraison surtout dans les monastères, avec un grand profit pour l'Eglise, il y a aussi, depuis quelques années, un nombre croissant de personnes qui, dans des mouvements ou des groupes toujours plus développés, mettent la prière au premier plan et y cherchent le renouveau de la vie spirituelle. C'est là un fait significatif et réconfortant, puisque cette expérience apporte une contribution réelle à la reprise de la prière parmi les fidèles, aidés à mieux considérer l'Esprit Saint comme celui qui suscite dans les cœurs une profonde aspiration à la sainteté.

Beaucoup de personnes et beaucoup de communautés prennent davantage conscience de ce que, malgré tout le progrès vertigineux de la civilisation technico-scientifique, et quels que soient les conquêtes effectives et les objectifs réalisés, l'homme est menacé, l'humanité est menacée. Face à ce péril, et plus encore en éprouvant de l'inquiétude devant une réelle décadence spirituelle de l'homme, des individus et des communautés entières, comme guidés par un sens intérieur de la foi, cherchent la force capable de relever l'homme, de le sauver de lui-même, de ses erreurs et de ses illusions, qui souvent rendent nocives ses propres conquêtes. Et ainsi ils découvrent la prière, dans laquelle se manifeste l'«Esprit qui vient au secours de notre faiblesse». C'est ainsi que les temps que nous vivons rapprochent de l'Esprit Saint de nombreuses personnes qui reviennent à la prière. Et je suis sûr que toutes trouveront dans l'enseignement de la présente Encyclique une nourriture pour leur vie intérieure et qu'elles sauront, sous l'action de l'Esprit, affermir leur engagement dans la prière en plein accord avec l'Eglise et avec son Magistère.

66. Au milieu des problèmes, des déceptions et des espoirs, des abandons et des retours que connaît notre époque, l'Eglise demeure fidèle au mystère de sa naissance. Si c'est un fait historique que l'Eglise est sortie du Cénacle le jour de la Pentecôte, on peut dire qu'en un sens elle ne l'a jamais quitté. Spirituellement, l'événement de la Pentecôte n'appartient pas seulement au passé: l'Eglise est toujours au Cénacle, qui reste présent dans son cœur. L'Eglise persévère dans la prière, comme les Apôtres, avec Marie, Mère du Christ, et avec ceux qui, à Jérusalem, constituaient le premier noyau de la communauté chrétienne et attendaient en priant la venue de l'Esprit Saint.

L'Eglise persévère dans la prière avec Marie. Cette union de l'Eglise en prière avec la Mère du Christ fait partie du mystère de l'Eglise depuis son origine: nous voyons Marie présente en ce mystère comme elle est présente dans le mystère de son Fils. Le Concile le dit: «La bienheureuse Vierge..., enveloppée par l'Esprit Saint..., engendra le Fils, dont Dieu a fait le premier-né parmi beaucoup de frères (cf. Rm 8, 29), c'est-à-dire parmi les croyants, à la naissance et à l'éducation desquels elle apporte la coopération de son amour maternel»; elle se trouve, «de par les grâces et les fonctions singulières qui sont les siennes..., en intime union avec l'Eglise: de l'Eglise (elle) est le modèle...»285. «En contemplant la sainteté mystérieuse de la Vierge et en imitant sa charité..., l'Eglise devient à son tour une Mère» et, «imitant la Mère de son Seigneur, elle conserve par la vertu du Saint-Esprit, dans leur pureté virginale, une foi intègre, une ferme espérance, une charité sincère... Elle est aussi vierge, ayant donné à son Epoux sa foi»286.

On comprend ainsi le sens profond du motif pour lequel, en union avec la Vierge-Mère, l'Eglise, comme l'Epouse, se tourne continuellement vers son divin Epoux, ainsi que l'attestent les paroles de l'Apocalypse citées par le Concile: «L'Esprit et l'Epouse disent au Seigneur Jésus: Viens!»287. La prière de l'Eglise est cette invocation incessante dans laquelle «l'Esprit lui-même intercède pour nous»; en un sens, lui-même prononce la prière avec l'Eglise et dans l'Eglise. L'Esprit, en effet, est donné à l'Eglise afin que, par sa puissance, toute la communauté du Peuple de Dieu, dans sa diversité et ses multiples manifestations, persévère dans l'Espérance, «car notre salut est objet d'espérance»288. C'est l'espérance eschatologique, l'espérance de l'accomplissement définitif en Dieu, l'espérance du Règne éternel, qui se réalise dans la participation à la vie trinitaire. L'Esprit Saint, donné aux Apôtres comme Paraclet, est le gardien et l'animateur de cette espérance dans le cœur de l'Eglise.

Dans la perspective du troisième millénaire après le Christ, tandis que «l'Esprit et l'Epouse disent au Seigneur Jésus: Viens!», cette prière est chargée, comme toujours, d'une portée eschatologique destinée à donner aussi sa plénitude de sens à la célébration du grand Jubilé. C'est une prière tournée vers le salut à venir, auquel l'Esprit Saint ouvre les cœurs par son action au cours de toute l'histoire de l'homme sur la terre. En même temps, cependant, cette prière s'oriente vers une étape précise de l'histoire marquée par l'An 2000, dans laquelle est mise en relief la «plénitude du temps». L'Eglise désire se préparer à ce Jubilé dans l'Esprit Saint, de même que c'est l'Esprit Saint qui prépara la Vierge de Nazareth, en laquelle le Verbe s'est fait chair.

CONCLUSION

67. Nous voulons conclure ces réflexions en nous plaçant au cœur de l'Eglise et dans le cœur de l'homme. La route de l'Eglise passe à travers le cœur de l'homme, car c'est le lieu intime de la rencontre salvifique avec l'Esprit Saint, avec le Dieu caché, et c'est bien là que l'Esprit Saint devient une «source d'eau jaillissant en vie éternelle»289. C'est jusque-là qu'il vient, comme l'Esprit de vérité et le Paraclet promis par le Christ. De là il agit comme Consolateur, Intercesseur, Défenseur, spécialement lorsque l'homme, lorsque l'humanité se trouve affrontée au jugement de condamnation de l'«accusateur», dont l'Apocalypse dit qu'il «accuse nos frères jour et nuit devant notre Dieu»290. L'Esprit Saint ne cesse d'être le gardien de l'espérance dans le cœur de l'homme: de l'espérance de toutes les créatures humaines et spécialement de celles qui «possèdent les prémices de l'Esprit» et qui «attendent la rédemption de leur corps»291.

L'Esprit Saint, dans son lien mystérieux de divine communion avec le Rédempteur de l'homme, est celui qui assure la continuité de son œuvre: il reçoit ce qui est du Christ et le transmet à tous, il entre sans cesse dans l'histoire du monde en venant dans le cœur de l'homme. Il devient là, comme le proclame la Séquence liturgique de la solennité de la Pentecôte, le véritable «père des pauvres, dispensateur des dons, lumière de nos cœurs»; il y devient l'«hôte très doux de nos âmes» que l'Eglise salue sans cesse au seuil de l'intériorité de tout homme. Il apporte, en effet, «repos et réconfort» au milieu des fatigues, du travail des bras et du travail de l'esprit humain; il apporte «repos» et «soulagement» au milieu de la chaleur du jour, au milieu des préoccupations, des luttes et des dangers de toute époque; il apporte enfin la «consolation», lorsque le cœur humain pleure et connaît la tentation du désespoir.

C'est le sens de la Séquence qui proclame: «Sans ta puissance divine il n'est rien en aucun homme, rien qui ne soit perverti». Seul l'Esprit Saint, en effet, «met en lumière le péché», le mal, dans le but de rétablir le bien dans l'homme et dans le monde humain, pour «renouveler la face de la terre». C'est pourquoi il purifie tout ce qui «souille» l'homme, «ce qui est sordide» il soigne les blessures, même les plus profondes de l'existence humaine; il change l'aridité intérieure des âmes et les transforme en champs fertiles de grâce et de sainteté. Ce qui est «rigide», il «l'assouplit», ce qui est «froid», il le «réchauffe», ce qui est «faussé», il le «rend droit» sur les chemins du salut292.

En priant ainsi, sans cesse l'Eglise professe sa foi: il y a dans notre monde créé un Esprit qui est un Don incréé. C'est l'Esprit du Père et du Fils: comme le Père et le Fils, il est incréé, immense, éternel, tout-puissant, Dieu, Seigneur293. L'Esprit de Dieu «remplit l'univers», et tout ce qui est créé reconnaît en lui la source de sa propre identité, découvre en lui son expression transcendante, se tourne vers lui et l'attend, l'invoque de tout son être. Vers lui, Paraclet, Esprit de vérité et d'amour, se tourne l'homme qui vit de vérité et d'amour, et qui, sans la source de la vérité et de l'amour, ne peut pas vivre. Vers lui se tourne l'Eglise, qui est au cœur de l'humanité, afin d'implorer pour tous et de dispenser à tous les dons de l'Amour qui, par lui, «a été répandu dans nos cœurs»294. Vers lui se tourne l'Eglise sur les chemins escarpés du pèlerinage de l'homme sur la terre; et elle demande, elle demande sans se lasser, la rectitude des actes humains, car elle est son œuvre; elle demande la joie et la consolation que lui seul, le vrai Consolateur, peut apporter en descendant au plus profond des cœurs humains295; elle demande la grâce des vertus qui méritent la gloire céleste; elle demande, par la communication plénière de la vie divine, le salut éternel auquel le Père a éternellement «prédestiné» les hommes, créés par amour à l'image et à la ressemblance de la très Sainte Trinité.

L'Eglise, qui inclut en son cœur tous les cœurs humains, demande à l'Esprit Saint la béatitude qui trouve en Dieu seul sa réalisation totale: la joie que «nul n'enlèvera»296, la joie qui est le fruit de l'amour et donc fruit de Dieu qui est Amour; elle demande «la justice, la paix et la joie dans l'Esprit Saint», qui constituent, selon saint Paul, «le Règne de Dieu»297.

La paix est aussi le fruit de l'amour, la paix intérieure que l'homme accablé cherche dans la profondeur de son être; la paix désirée par l'humanité, par la famille humaine, par les peuples, par les nations, par les continents, avec l'espérance ardente de l'obtenir lorsque l'on passera du deuxième au troisième millénaire chrétien. Puisque le chemin de la paix passe en définitive par l'amour et tend à créer la civilisation de l'amour, l'Eglise tient son regard fixé vers celui qui est l'Amour du Père et du Fils et, malgré les menaces croissantes, elle ne cesse d'avoir confiance, elle ne cesse d'implorer et de servir la paix de l'homme sur la terre. Sa confiance se fonde sur celui qui, étant l'Esprit d'Amour, est aussi l'Esprit de la paix et qui ne cesse d'être présent dans notre monde humain, à l'horizon des consciences et des cœurs, pour «remplir l'univers» d'amour et de paix.

Devant lui je fléchis les genoux au terme de cette méditation: je le supplie, comme Esprit du Père et du Fils, de nous accorder, à nous tous, la bénédiction et la grâce que je désire transmettre, au nom de la très Sainte Trinité, aux fils et aux filles de l'Eglise et à la famille humaine tout entière.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 18 mai 1986, solennité de la Pentecôte, en la huitième année de mon pontificat.

1 Jn 7, 37-38

2 Jn 7, 39

3 Jn 4, 14; Cf. CONC. ŒCUM. VAT. II, Const. dogm. sur l'Eglise Lumen gentium, n. 4.

4 Cf. Jn 3, 5.

5 Cf. LÉON XIII, Encycl. Divinium illud munus (9 mai 1897): Acta Leonis, 17 (1898), PP. 125-148; PIE XII, Encycl. Mystici Corporis (29 juin 1943): AAS 35 (1943), PP. 193-248.

6 Audience générale du 6 juin 1973: Insegnamenti di Paolo VI, XI (1973), P. 477.

7 Missel romain; cf. 2 Co 13, 13.

8 Jn 3, 17.

9 Ph 2, 11.

10 Cf. CONC. ŒCUM VAT. II, Const. dogm. sur l'Eglise Lumen gentium, n. 4; JEAN-PAUL II, Discours aux participants du Congrès international de pneumatologie (26 mars 1982), n. 1: Insegnamenti V/1 (1982), p. 1004.

11 Cf. Jn 4, 24.

12 Cf. Rm 8, 22; Ga 6, 15.

13 Cf. Mt 24, 35.

14 Jn 4:14.

15 CONC. ŒCUM. VAT. II, Const. dogm. sur l'Eglise Lumen gentium, n. 17.

16 allon paracleton: Jn 14, 16.

17 Jn 14, 13. 16-17.

18 Cf 1 Jn 2, 1.

19 Jn 14, 26

20 Jn 15, 26-27

21 Cf. 1 Jn 1, 1-3; 4, 14

22 «La vérité divinement révélée, que contiennent et présentent les livres de la Sainte Ecriture, y a été consignée sous l'inspiration de l'Esprit Saint », et par conséquent « la Sainte Ecriture doit être lue et interprétée à la lumière du même Esprit qui la fit rédiger » CONC. ŒCUM. VAT. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, nn. 11. 12.

23 Jn 16, 12-13.

24 Ac 1, 1.

25 Jn 16, 24

26 Jn 16, 15

27 Jn 16, 7-8

28 Jn 15, 26

29 Jn 14, 16

30 Jn 14, 26

31 Jn 15, 26

32 Jn 14, 16

33 Jn 16, 7

34 Cf. Jn 3, 16-17. 34; 6, 57; 17, 3. 18. 23.

35 Mt 28, 19

36 Cf. 1 Jn 4, 8. 16.

37 Cf. 1 Co 2, 10

38 Cf. S. THOMAS D AQUIN, Somme théol., Ia qq 37-38.

39 Rm 5, 5.

40 Jn 16, 14.

41 Gn 1, 1-2

42 Gn 1, 26.

43 Rm 8, 19-22.

44 Jn 16, 7.

45 Ga 4, 6; cf. Rm 8, 15.

46 Cf. Ga 4, 6; Pb 1, 19; Rm 8, 11.

47 Cf. Jn 16, 6.

48 Cf. Jn 16, 20.

49 Cf. Jn 16, 7.

50 Ac 10, 37-38

51 Cf. Lc 4, 16-21; 3, 16; 4, 14; Mc 1, 10

52 Is 11, 1-3

53 Is 61, 1-2

54 Is 48, 16

55 Is 42, 1

56 Cf. Is 53, 5-6. 8

57 Is 42, 1

58 Is 42, 6

59 Is 49, 6

60 Is 59, 21

61 Cf. Lc 2, 25-35

62 Cf. Lc 1, 35

63 Cf. Lc 2, 19. 51.

64 Cf. Lc 4, 16-21; Is 61, 1-2

65 Lc 3, 16; cf. Mt 3,11; Mc 1, 7-8; Jn 1, 33

66 Jn 1, 29

67 Cf Jn 1, 33-34

68 Lc 3, 21-22; cf. Mt 3, 16; Mc 1, 10

69 Mt 3, 17

70 Cf. S. BASILE, DE Spiritu Sancto, XVI, 39; PG 32, 139.

71 Ac 1, 1

72 Cf. Lc 4, 1

73 Cf. Lc 10, 17-20

74 Lc 10, 21; cf. Mt 11, 25-26

75 Lc 10, 22; cf Mt 11, 27

76 Mt 3, 11; Lc 3, 16

77 Jn 16, 13

78 Jn 16, 14

79 Jn 16, 15

80 Cf. Jn 14, 26; 15, 26.

81 Jn 3, 16

82 Rm 1, 3-4

83 Ez 36, 26-27; cf. Jn 7, 37-39; 19, 34

84 Jn 16, 7

85 Cf. S. CYRYLLE D'ALEXANDRIE, In Ioannis Evangelium, livre V, chap. II: PG 73, 755

86 Jn 20, 1-22

87 Cf. Jn 19, 30

88 Cf. Rm 1, 4

89 Cf. Jn 16, 20

90 Jn 16, 7

91 Jn 16, 15

92 CONC. ŒCUM. CAT. II, Const. dogm. sur l'Eglise Lumen gentium, n. 4

93 Œ 15, 26-27

94 Décret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes, n. 4

95 Cf. Ac 1, 14

96 Const. dogm. sur l'Eglise Lumen gentium, n. 4. I1 y a toute une tradition patristique et théologique en ce qui Concerne l'union intime entre l'Esprit Saint et l'Eglise, union présentée parfois en analogie avec le rapport entre l'âme et le corps dans l'homme: cf. S. IRÉNÉE, Adversus haereses, III, 24, 1: SC 211, pp. 470-474, S. AUGUSTIN, Sermo 267, 4, 4: PL 38, 1231; Sermo 268, 2: PL 38,1232; In Iohannis evangelium tractatus, XXV, 13; XXVII, 6: CCL 36, 266, 272-273; S. GRÉGOIRE LE GRAND, In septem psalmos poenitentiales expositio, psal V, 1: PL 79, 602; DIDYME D ALEXANDRIE, De Trinitate, II, 1: PG 39, 449-450; S. ATHANASE, Oratio III contra Arianos, 22, 23, 24: PG 26, 368369, 372-373; S. JEAN-CHRYSOSTOME, In Epistolam ad Ephesios, Homil. IX, 3: PG 62, 72-73. SAINT THOMAS D AQUIN a synthétisé la tradition patristique et théologique qui le précédait en présentant l'Esprit Saint Comme le « cœur » et l'« âme » de l'Eglise: cf. Somme théol., III, q. 8, a. 1, ad 3; In symbolum Apostolorum Expositio, a. IX; In Tertium Librum Sententiarum, Dist. XIII, q. 2, a. 2, quaestiuncula 3.

97 Cf. Ap 2, 29; 3, 6. 13. 22.

98 Cf. Jn 12, 31; 14, 30; 16, 11

99 Gaudium et spes, n. 1

100 Ibid., n. 41

101 Ibid., n. 26

102 Jn 16, 7-8

103 Jn 16, 7

104 Jn 16, 8-11

105 Cf. Jn 3, 17; 12, 47

106 Cf. Ep 6, 12

107 Const. past. sur l'Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 2.

108 Cf. ibid, nn. 10, 13, 27, 37, 63, 73, 79, 80.

109 Ac 2, 4

110 Cf. S. IRÉNÉE, Adversus haereses, III, 17, 2: SC 211, pp. 330-332

111 Ac 1, 4. 5. 8.

112 Ac 2, 22-24

113 Cf. Ac 3, 14-15; 4, 10. 27-28; 7, 52; 10, 39; 13, 28-29; etc.

114 Cf. Jn 113, 17; 12, 47

115 Ac 2, 36

116 Ac 2, 37-38

117 Cf. Mc 1, 15

118 Jn 20, 22

119 Cf. Jn 16, 9

120 Os 13, 14 (Vulgate); cf. 1 Co 15, 55

121 Cf 1 Co 2, 10

122 Cf. 2 l h 2, 7.

123 Cf. 1 Tm 3, 16.

124 Cf. Reconciliatio et paenitentia (2 décembre 1984), nn. 1922: AAS 77 (1985), pp. 229-233.

125 Cf. Gn 1-3.

126 Cf. Rm 5, 19; Ph 2, 8

127 Cf. Jn 1, 1. 2. 3. 10.

128 Cf. Col 1, 15-18

129 Cf. Jn 8, 44

130 Cf. Gn 1, 2

131 Cf. Gn 1, 26. 28. 29.

132 Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 2

133 Cf. 1 Co 2, 10-11

134 Cf. Jn 16, 11

135 Cf. Ph 2, 8

136 Cf. Gn 2, 16-17

137 Gn 3, 5

138 Cf. Gn 3, 22 à propos de l'« arbre de vie »; Cf. aussi Jn 3, 36, 4, 14; 5, 24; 6, 40. 47; 10, 28; 12, 50; 14, 6; Ac 13, 48; Rm 6, 23; Ga 6, 8; 1 Tm 1, 16; Tt 1, 2; 3, 7; 1 P 3, 22; 1 Jn 1, 2; 2, 25; 5, 11. 13; Ap 2, 7.

139 Cf. S. THOMAS D AQUIN, Somme théol., Ia-IIae, q. 80, a. 4, ad 3.

140 1 Jn 3, 8.

141 In 16, 11

142 Cf. Ep 6, 12; Lc 22, 53

143 Cf. De Civitade Dei, XIV, 28: CCL 48, 451.

144 Const. past. sur l'Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 36.

145 En grec, le verbe est parakalein = invoquer, appeler à soi.

146 Cf. Gn 6, 7

147 Gn 6, 5-7

148 Cf. Rm 8, 20-22

149 Cf. Mt 15, 32; Mc 8, 2

150 He 9, 13-14

151 Jn 20, 22-23

152 Ac 10, 38

153 He 5, 7-8

154 He 9, 14

155 Cf. Lv 9, 24; 1 R 18; 2 Ch 7, 1

156 Cf. Jn 15, 26

157 Jn 20, 22-23

158 Mt 3, 11

159 Cf. Jn 3, 8

160 Jn 20, 22-23

161 Cf. séquence Veni, Sancte Spiritus.

162 S. BONAVENTURE, De septem donis Spiritus Sancti, Collatio II, 3: Ad Claras Aquas, V, 463.

163 Mc 1, 15.

164 Cf. He 9, 14.

165 Cf. Const. past. sur l'Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 16.

166 Cf. Gn 2, 9. 17.

167 CONC. ŒCUM. VAT. II, Const. past. sur l'Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 16.

168 Ibid., n. 27.

169 Cf. ibid., n. 13.

170 Cf. JEAN-PAUL II, Exhort. apost. post-synodale Reconciliatio et paenitentia (2 décembre 1984), n. 16: AAS 77 (1985), PP. 213-217.

171 Const. past. sur l'Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 10.

172 Cf. Rm 7, 14-15. 19.

173 Const. past. sur l'Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 37.

174 Ibid., n. 13.

175 Ibid., n. 37

176 Cf. séquence de la Pentecôte: « Reple cordis intima ».

177 Cf. S. AUGUSTIN, Enarr. in Ps. XLI, 13: CCL 38, 470: « Quel est cet abîme que l'abîme invoque? Si abîme veut dire profondeur, ne pensons-nous pas que le cœur de l'homme est un abîme? Quoi de plus profond que cet abîme? Les hommes peuvent parler, on peut les voir agir avec leurs membres, on peut les entendre parler; mais de qui peut-on pénétrer la pensée, de qui peut-on sonder le cœur? ».

178 Cf. He 9, 14.

179 Jn 14, 17.

180 Mt 12, 31-32.

181 Mc 3, 28-29.

182 Lc 12, 10.

183 S. THOMAS D'AQUIN, Somme théol., IIa-IIae-, q. 14, a. 3; cf S. AUGUSTIN, Epist. 185, 11, 48-49: PL 33, 814-815; S. BONAVENTURE, Comment. in Evang. S. Lucae, chap. XIV, 15-16: Ad Claras Aquas, VII, 314-315.

184 Cf. Ps 81 [80], 13; Jr 7, 24; Mc 3, 5.

185 JEAN-PAUL II, Exhort. apost. post-synodale Reconciliatio et paenitentia (2 décembre 1984), n. 18: AAS 77 (1985), PP. 224228.

186 PIE XII, Radiomessage au Congrès catéchétique national des Etats-Unis d'Amérique à Boston (26 octobre 1946): Discorsi e Radiomessaggi, VIII (1946), 288.

187 JEAN-PAUL II, Exhort. apost. post-synodale Reconciliatio et paenitentia (2 décembre 1984), n. 18: AAS 77 (1985),

188 1 Th 5, 19; Ep 4, 30.

189 Cf. JEAN-PAUL II, Exhort. apost. post-synodale Reconciliatio et paenitentia (2 décembre 1984), nn. 14-22: AAS 77 (1985) pp. 211-233

190 Cf. S AUGUSTIN De Civitate Dei, XIV, 28: CCL 48, 451.

191 Cf. Jn 16, 11.

192 Cf. Jn 16, 15

193 Cf. Ga 4, 4

194 Ap 1, 8; 22, 13

195 Jn 3, 16

196 Ga 4, 4-5

197 Lc 1, 34-35

198 Mt 1, 18

199 Mt 1, 20-21

200 Cf. S. THOMAS D'AQUIN, Somme théol., IIIa, q. 2, aa. 1012; q. 6, a. 6; q. 7, a. 13.

201 Lc 1, 38.

202 Jn 1, 14.

203 Col 1, 15

204 Cf, Par exemple Gn 9, 11; Dt 5, 26; Jb 34, 15; Is 40, 6; 52, 10; Ps 145 [144], 21; Lc 3, 6; 1 P 1, 24.

205 Lc 1, 45

206 Cf. Lc 1, 41

207 Cf. Jn 16, 9

208 2 Co 3, 17

209 Cf. Rm 1, 5

210 Rm 8, 29

211 Cf. Jn 1, 14. 4. 12-13

212 Cf. Rm 8, 14

213 Cf. Ga 4, 6; Rm 5, 5; 2 Co 1, 22

214 Rm 8, 15

215 Rm 8, 16-17

216 Cf. Ps 104 [103], 30

217 Rm 8, 19

218 Rm 8, 29

219 Cf. 2 P 1, 4

220 Cf. Ep 2, 18; Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 2

221 Cf. 1 Co 2, 12

222 Cf. Ep 1, 3-14

223 Ep 1, 13-14

224 Cf. Jn 3, 8.

225 Const. past. sur l'Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 22; cf. Const. dogm. sur l'Eglise Lumen gentium, n. 16.

226 Jn 4, 24.

227 Ibid.

228 Cf S. AUGUSTIN, Confessions, III, 6, 11: CCL 27, 33.

229 Cf Tt 2, 11

230 Cf. Is 45, 15.

231 Cf. Sg 1, 7.

232 LC 2, 27 34.

233 Ga 5, 17

234 Ga 5, 16-17

235 Cf. Ga 5, 19-21

236 Ga 5, 22-23

237 Ga 5, 25

238 Cf. Rm 8, 5. 9.

239 Rm 8, 6. 13.

240 Rm 8, 10. 12

241 Cf. 1 Co 6, 20

242 Cf. Const. past. sur l'Eglise dans le monde de ce temps Gadium et spes, nn. 19. 20. 21.

243 Lc 3, 6; cf. Is 40, 5

244 Cf. Rm 8, 23

245 Rm 8, 3

246 Rm 8, 26

247 Rm 8, 11

248 Rm 8, 10

249 Cf. Encycl. Remptor hominis (4 mars 1979) n. 14: AAS 71 (1979), pp. 284-285

250 Cf. Sg 15, 3.

251 Cf. Ep 3, 14-16.

252 Cf. 1 Co 2, 10-11.

253 Cf Rm 8, 9; 1 Co 6, 19.

254 Cf. Jn 14, 23; S. IRÉNÉE, Adversus haereses, V, 6, 1: SC 153, PP. 72-80; S. HILAIRE, De Trinitate, VIII, 19. 21: PL 10, 250. 252, S. AMBROISE, De Spiritu Sancto, I, 6, 8: PL 16, 752-753; S. AUGUSTIN, Enarr. in Ps XLIX, 2: CCL 38, 575-576; S. CYRILLE D ALEXANDRIE, In Ioannis Evangelium, lib. I; II: PG 73, 154-158, 246; lib. IX: PG 74, 262; S. ATHANASE, Oratio III contra Arianos, 24: PG 26, 374-375; Epist. I ad Serapionem, 24: PG 26, 586-587; DIDYME D ALEXANDRIE, De Trinitate, II, 6-7: PG 39, 523-530; S. JEAN-CHRYSOSTOME, In epist. ad Romanos homilia XIII, 8: PG 60, 519; S. THOMAS D'AQUIN, Somme théol., Ia q. 43, aa. 1, 3-6.

255 Cf. Gn 1, 26-27; S. THOMAS D'AQUIN, Somme théol., Ia, q. 93, aa. 4. 5. 8.

256 Cf. Const. past. sur l'Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 24; cf. aussi n. 25.

257 Cf ibid., nn. 38. 40

258 Cf. 1 Co 15, 28.

259 Cf. Const. past. sur l'Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 24.

260 Cf. S. IRÉNÉE, Adversus haereses, IV, 20, 7: SC 100/2, P. 648

261 S. BASILE, De Spiritu Sancto, IX, 22: PG 32, 110.

262 Rm 8, 2.

263 2 Co 3, 17.

264 Cf. CONC. ŒCUM. VAT. II, Const. past. sur l'Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, nn. 53-59.

265 Ibid., n. 38.

266 1 Co 8, 6.

267 Jn 16, 7.

268 Jn 14, 18.

269 Mt 28, 20.

270 C'est ce qu'exprime 1'« épiclèse » avant la consécration: « Sanctifie ces offrandes en répandant sur elles ton Esprit; qu'elles deviennent pour nous le corps et le sang de Jésus, le Christ, notre Seigneur » (Prière eucharistique II).

271 Cf. Ep 3, 16

272 Const. past. sur l'Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 24.

273 Ibid.

274 Cf. Ac 2, 42

275 CONC. ŒCUM. VAT. II, Décret sur l'œcuménisme Unitatis redintegratio, n. 2.

276 S. AUGUSTIN, In Iohannis Evangelium Tractatus XXVI, 13: CCL 36, 266. Cf. CONC. ŒCUM. VAT. II, Const. sur la sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, n. 47.

277 Const. dogm. sur l'Eglise Lumen gentium, n. 1.

278 Ac 17, 28.

279 1 Tm 2, 4

280 Cf. He 5, 7

281 Lc 11, 13.

282 Rm 8, 26

283 Cf ORIGÈNE De oratione, 2: PG 11, 419-423.

284 Rm 8, 27.

285 Const. dogm. sur l'Eglise Lumen gentium, n. 63.

286 Ibid., n. 64.

287 Const. dogm. sur l'Eglise Lumen gentium, n. 4; cf. Ap 22, 17

288 Cf. Rm 8, 24.

289 Cf. Jn 4, 14; Const. dogm. sur l'Eglise Lumer gentium, n. 4.

290 Cf Ap 12, 10

291 Cf. Rm 8, 23

292 Cf. séquence Veni, Sancte Spiritus.

293 Cf. symbole Quicumque: DS 75.

294 Cf. Rm 5, 5.

295 Il convient de rappeler l'importante Exhortation apostolique Gaudete in Domino publiée par le Pape Paul VI, de vénérée mémoire, le 9 mai de l'Année Sainte 1975, car elle vaut toujours, l'invitation qui y était exprimée à « implorer de l'Esprit Saint ce don de la joie » et aussi à « goûter la joie proprement spirituelle, qui est un fruit de l'Esprit Saint »: AAS 67 (1975), pp. 289, 302.

296 Cf. Jn 16 22.

297 Cf. Rm 14, 17; Ga 5, 22

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SOURCE : https://www.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/encyclicals/documents/hf_jp-ii_enc_18051986_dominum-et-vivificantem.html

Dirc van Delf  (1365–1404), Seven Gifts of the Holy Spirit, folio from Walters manuscript W.171, 1400-1404, encre et pigments sur parchemin, 18,8 x 13,7, Walters Art Museum


Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Les Commentaires de Dom Guéranger sur la Pentecôte forment un véritable traité du Saint-Esprit.

Outre le mystère même de la fête expliqué ici pour le jour de la Pentecôte, on trouvera : 

 Le Saint-Esprit pour faire connaître au monde le Christ Sauveur : Lundi de la Pentecôte

 Le Saint-Esprit âme de l’Église, Épouse du Christ : Mardi de la Pentecôte

 Le Saint-Esprit âme de l’Église unique, notre Mère : Mercredi de la Pentecôte

 Le Saint-Esprit âme de l’Église, Vérité du Christ et Sainte : Jeudi de la Pentecôte

 Le Saint-Esprit dans le cœur du chrétien : Vendredi de la Pentecôte

 Les opérations du Saint-Esprit dans l’âme, le Saint-Esprit et Marie : Samedi de la Pentecôte

 Les dons du Saint-Esprit, expliqués chaque jour de l’Octave

La grande journée qui consomme l’œuvre divine sur la race humaine a lui enfin sur le monde. « Les jours de la Pentecôte, comme parle saint Luc, sont accomplis » [1]. Depuis la Pâque, nous avons vu se dérouler sept semaines ; voici le jour qui fait suite et amène le nombre mystérieux de cinquante. Ce jour est le Dimanche, consacré par les augustes souvenirs de la création de la lumière et de la résurrection du Christ ; son dernier caractère lui va être imposé, et par lui nous allons recevoir « la plénitude de Dieu » [2].

Sous le règne des figures, le Seigneur marqua déjà la gloire future du cinquantième jour. Israël avait opéré, sous les auspices de l’agneau de la Pâque, son passage à travers les eaux de la mer Rouge. Sept semaines s’écoulèrent dans ce désert qui devait conduire à la terre promise, et le jour qui suivit les sept semaines fut celui où l’alliance fut scellée entre Dieu et son peuple. La Pentecôte (le cinquantième jour) fut marquée par la promulgation des dix préceptes de la loi divine, et ce grand souvenir resta dans Israël avec la commémoration annuelle d’un tel événement. Mais ainsi que la Pâque, la Pentecôte était prophétique : il devait y avoir une seconde Pentecôte pour tous les peuples, de même qu’une seconde Pâque pour le rachat du genre humain. Au Fils de Dieu, vainqueur de la mort, la Pâque avec tous ses triomphes ; à l’Esprit-Saint, la Pentecôte, qui le voit entrer comme législateur dans le monde placé désormais sous sa loi.

Mais quelle dissemblance entre les deux Pentecôtes ! La première sur les rochers sauvages de l’Arabie, au milieu des éclairs et des tonnerres, intimant une loi gravée sur des tables de pierre ; la seconde en Jérusalem, sur laquelle la malédiction n’a pas éclaté encore, parce qu’elle contient dans son sein jusqu’à cette heure les prémices du peuple nouveau sur lequel doit s’exercer l’empire de l’Esprit d’amour. En cette seconde Pentecôte, le ciel ne s’assombrit pas, on n’entend pas le roulement de la foudre ; les cœurs des hommes ne sont pas glacés d’effroi comme autour du Sinaï ; ils battent sous l’impression du repentir et de la reconnaissance. Un feu divin s’est emparé d’eux, et ce feu embrasera la terre entière. Jésus avait dit : « Je suis venu apporter le feu sur la terre, « et quel est mon vœu, sinon de le voir s’éprendre [3] ? » L’heure est venue, et celui qui en Dieu est l’Amour, la flamme éternelle et incréée, descend du ciel pour remplir l’intention miséricordieuse de l’Emmanuel.

En ce moment où le recueillement plane sur le Cénacle tout entier, Jérusalem est remplie de pèlerins accourus de toutes les régions de la gentilité, et quelque chose d’inconnu se remue au fond du cœur de ces hommes. Ce sont des Juifs venus pour les fêtes de la Pâque et de la Pentecôte de tous les lieux où Israël est allé établir ses synagogues. L’Asie, l’Afrique, Rome elle-même, ont fourni leur contingent. Mêlés à ces Juifs de pure race, on aperçoit des gentils qu’un mouvement de piété a portés à embrasser la loi de Moïse et ses pratiques : on les appelle Prosélytes. Cette population mobile qui doit se disperser sous peu de jours, et que le seul désir d’accomplir la loi a rassemblée dans Jérusalem, représente, par la diversité des langages, la confusion de Babel ; mais ceux qui la composent sont moins influencés que les habitants de la Judée par l’orgueil et les préjugés. Arrivés d’hier, ils n’ont pas, comme ces derniers, connu et repoussé le Messie, ni blasphémé ses œuvres qui rendaient témoignage de lui. S’ils ont crié devant Pilate avec les autres Juifs pour demander que le Juste fût crucifié, c’est qu’ils étaient entraînés par l’ascendant des prêtres et des magistrats de cette Jérusalem vers laquelle leur piété et leur docilité à la loi les avaient amenés.

Mais l’heure est venue, l’heure de Tierce, l’heure prédestinée de toute éternité, et le dessein des trois divines personnes conçu et arrêté avant tous les temps se déclare et s’accomplit. De même que le Père, sur l’heure de minuit, envoya en ce monde pour y prendre chair au sein de Marie, son propre Fils qu’il engendre éternellement : ainsi, le Père et le Fils envoient à cette heure de Tierce sur la terre l’Esprit-Saint qui procède de tous deux, pour y remplir jusqu’à la fin des temps la mission de former l’Église épouse et empire du Christ, de l’assister, de la maintenir, de sauver et de sanctifier les âmes.

Soudain un vent violent qui venait du ciel se fait entendre ; il mugit au dehors et remplit le Cénacle de son souffle puissant. Au dehors il convoque autour de l’auguste édifice que porte la montagne de Sion une foule d’habitants de Jérusalem et d’étrangers ; au dedans il ébranle tout, il soulève les cent vingt disciples du Sauveur, et montre que rien ne lui résiste. Jésus avait dit de lui : « C’est un vent qui souffle où il veut, et vous entendez retentir sa voix » [4] ; puissance invisible qui creuse jusqu’aux abîmes dans les profondeurs de la mer, et lance les vagues jusqu’aux nues. Désormais ce vent parcourra la terre en tous sens, et rien ne pourra l’arrêter dans son domaine.

Cependant l’assemblée sainte qui était assise tout entière dans l’extase de l’attente, a conservé la même attitude. Passive sous l’effort du divin envoyé, elle s’abandonne à lui. Mais le souffle n’a été qu’une préparation pour le dedans du Cénacle, en même temps qu’il est un appel pour le dehors. Tout à coup une pluie silencieuse se répand dans l’intérieur de l’édifice ; pluie de feu, dit la sainte Église, « qui éclaire sans brûler, qui luit sans consumer » [5] ; des flocons enflammés avant la forme de langues, viennent se poser sur la tête de chacun des cent vingt disciples. C’est l’Esprit divin qui prend possession de l’assemblée dans chacun de ses membres. L’Église n’est plus seulement en Marie ; elle est aussi dans les cent vingt disciples. Tous sont maintenant à l’Esprit qui est descendu sur eux ; son règne est ouvert, il est déclaré, et de nouvelles conquêtes se préparent.

Mais admirons le symbole sous lequel une si divine révolution s’opère. Celui qui naguère se montra au Jourdain sous la forme gracieuse d’une colombe, apparaît aujourd’hui sous celle du feu. Dans l’essence divine il est amour ; or, l’amour n’est pas tout entier dans la douceur et la tendresse ; il est ardent comme le feu. Maintenant donc que le monde est livré à l’Esprit-Saint, il faut qu’il brûle, et l’incendie ne s’arrêtera plus. Et pourquoi cette forme de langues ? Sinon parce que la parole sera le moyen par lequel se propagera le divin incendie. Ces cent vingt disciples n’auront qu’à parler du Fils de Dieu fait homme et rédempteur de tous, de l’Esprit-Saint qui renouvelle les âmes, du Père céleste qui les aime et les adopte : leur parole sera accueillie d’un grand nombre. Tous ceux qui l’auront reçue seront unis dans une même foi, et l’ensemble qu’ils formeront s’appellera l’Église catholique, universelle, répandue en tous les temps et en tous les lieux. Le Seigneur Jésus avait dit : « Allez, enseignez toutes les nations ; » l’Esprit divin apporte du ciel sur la terre et la langue qui fera retentir cette parole, et l’amour de Dieu et des hommes qui l’inspirera. Cette langue et cet amour se sont arrêtés sur ces hommes, et par le secours de l’Esprit divin, ces hommes les transmettront à d’autres jusqu’à la fin des siècles.

Un obstacle cependant semble se dresser à l’encontre d’une telle mission. Depuis Babel, le langage humain est divisé, et la parole ne circule pas d’un peuple à l’autre. Comment donc la parole pourra-t elle être l’instrument de la conquête de tant de nations, et réunir en une seule famille tant de races qui s’ignorent ? Ne craignez pas : le tout-puissant Esprit y a pourvu. Dans l’ivresse sacrée qu’il inspire aux cent vingt disciples, il leur a conféré le don d’entendre toutes langues et de se faire entendre eux-mêmes en toute langue. A l’instant même, dans un transport sublime, ils s’essayent à parler tous les idiomes de la terre, et leur langue, comme leur oreille, se prête non seulement sans effort, mais avec délices, à cette plénitude de la parole qui va rétablir la communion des hommes entre eux. L’Esprit d’amour a fait cesser en un moment la séparation de Babel, et la fraternité première reparaît dans l’unité du langage. Que vous êtes belle, ô Église de Dieu, rendue sensible dans cet auguste prodige de l’Esprit divin qui agit désormais sans limites ! Vous nous retracez le magnifique spectacle qu’offrait la terre, lorsque la race humaine ne parlait qu’un seul langage. Et cette merveille ne sera pas seulement pour la journée de la Pentecôte, et elle ne durera pas seulement la vie de ceux en qui elle éclate en ce moment. Après la prédication des Apôtres, la forme première du prodige s’effacera peu à peu, parce qu’elle cessera d’être nécessaire ; mais jusqu’à la fin des siècles, ô Église, vous continuerez de parler toutes les langues ; car vous ne serez pas confinée dans un seul pays, mais vous habiterez tous les pays du monde. Partout on entendra exprimer une même foi dans la langue de chaque peuple, et ainsi le miracle de la Pentecôte, renouvelé et transformé, vous accompagnera toujours, ô Église ! et demeurera l’un de vos principaux caractères. C’est ce qui fait dire au grand docteur saint Augustin parlant aux fidèles, ces paroles admirables : « L’Église répandue parmi les nations parle toutes les langues. Qu’est cette Église, sinon le corps du Christ ? Dans ce corps vous êtes un membre. Étant donc membre d’un corps qui parle toutes les langues, vous avez droit de vous considérer vous-même comme participant au même don » [6]. Durant les siècles de foi, la sainte Église, source unique de tout véritable progrès dans l’humanité, avait fait plus encore ; elle était parvenue à réunir dans une même forme de langage les peuples qu’elle avait conquis. La langue latine fut longtemps le lien du monde civilisé. En dépit des distances, les relations de peuple à peuple, les communications de la science, les affaires même des particuliers lui étaient confiées ; l’homme qui parlait cette langue n’était étranger nulle part dans tout l’Occident et au delà. La grande hérésie du XVIe siècle émancipa les nations de ce bienfait comme de tant d’autres, et l’Europe, scindée pour longtemps, cherche, sans le trouver, ce centre commun que l’Église seule et sa langue pouvaient lui offrir. Mais retournons au Cénacle dont les portes ne se sont pas encore ouvertes, et continuons à y contempler les merveilles du divin Esprit.

Nos yeux tout d’abord cherchent respectueusement Marie, Marie plus que jamais « pleine de grâce ». Il eût semblé qu’après les dons immenses qui lui furent prodigués dans sa conception immaculée, après les trésors de sainteté que versa en elle la présence du Verbe incarné durant les neuf mois qu’elle le posséda dans son sein, après les secours spéciaux quelle reçut pour agir et souffrir en union avec son fils dans l’œuvre de la Rédemption, après les faveurs dont Jésus la combla au milieu des splendeurs de la résurrection, le Ciel avait épuisé la mesure des dons qu’il avait à répandre sur une simple créature, si élevée qu’elle pût être dans le plan éternel. Il n’en est pas ainsi. Une nouvelle mission s’ouvre pour Marie : à cette heure, la sainte Église est enfantée par elle ; Marie vient de mettre au jour l’Épouse de son Fils, et de nouveaux devoirs l’appellent. Jésus est monté seul dans les cieux ; il l’a laissée sur la terre, afin qu’elle prodigue à son tendre fruit ses soins maternels. Qu’elle est touchante, mais aussi qu’elle est glorieuse cette enfance de notre Église bien-aimée, reçue dans les bras de Marie, allaitée par elle, soutenue de son appui dès les premiers pas de sa carrière en ce monde ! Il faut donc à la nouvelle Ève, à la véritable « Mère des vivants », un surcroît de grâces pour répondre à une telle mission : aussi est-elle l’objet premier des faveurs de l’Esprit-Saint. Il la féconda autrefois pour être la mère du Fils de Dieu ; en ce moment il forme en elle la mère des chrétiens. « Le fleuve de la grâce, comme parle le Roi-prophète, submerge de ses eaux cette Cité de Dieu qui les reçoit avec délices » [7] ; l’Esprit d’amour accomplit à ce moment l’oracle divin du Rédempteur mourant sur la croix. Il avait dit, en désignant l’homme : « Femme, voilà votre fils » ; l’heure est arrivée, et Marie a reçu avec une plénitude merveilleuse cette grâce maternelle qu’elle commence à appliquer dès aujourd’hui, et qui l’accompagnera jusque sur son trône de reine, lorsqu’enfin la sainte Église ayant pris un accroissement suffisant, sa céleste nourrice pourra quitter la terre, monter aux cieux et ceindre le diadème qui l’attend.

Contemplons cette nouvelle beauté qui éclate dans les traits de celle en qui le Seigneur vient de déclarer une seconde maternité : cette beauté est le chef-d’œuvre de l’Esprit-Saint en cette journée. Un feu divin transporte Marie, un amour nouveau s’est allumé dans son cœur ; elle est tout entière à cette autre mission pour laquelle elle avait été laissée ici-bas. La grâce apostolique est descendue en elle. La langue de feu qu’elle a reçue ne parlera pas dans les prédications publiques ; mais elle parlera aux Apôtres, les dirigera, les consolera dans leurs labeurs. Elle s’énoncera, cette langue bénie, avec autant de douceur que de force, à l’oreille des fidèles qui sentiront l’attraction vers celle en qui le Seigneur a fait l’essai de toutes ses merveilles. Comme un lait généreux, la parole irrésistible de cette mère universelle donnera aux premiers enfants de l’Église la vigueur qui les fera triompher des assauts de l’enfer ; et c’est en partant d’auprès d’elle qu’Etienne ira ouvrir la noble carrière des martyrs.

Regardons maintenant le collège apostolique. Ces hommes que quarante jours de relations avec leur Maître ressuscité avaient relevés, et que nous trouvions déjà si différents d’eux-mêmes, que sont-ils devenus depuis l’instant où l’Esprit divin les a saisis ? Ne sentez-vous pas qu’ils sont transformés, qu’un feu divin éclate dans leur poitrine, et que dans un moment ils vont s’élancer à la conquête du monde ? Tout ce que le Maître leur avait annoncé est accompli en eux ; et c’est véritablement la Vertu d’en haut qui est descendue pour les armer au combat. Où sont-ils ceux qui tremblaient devant les ennemis de Jésus, ceux qui doutaient de sa résurrection î La vérité que le Maître leur a enseignée brille aux regards de leur intelligence ; ils voient tout, ils comprennent tout. L’Esprit-Saint leur a infus le don de la foi dans un degré sublime, et leur cœur brûle du désir de répandre au plus tôt cette foi dans le monde entier. Loin de craindre désormais, ils n’aspirent qu’à affronter tous les périls en prêchant, comme Jésus le leur a commandé, à toutes les nations son nom et sa gloire.

Contemplez Pierre. Vous le reconnaissez aisément à cette majesté douce que tempère une ineffable humilité. Hier son aspect était imposant mais tranquille ; aujourd’hui, sans rien perdre de leur dignité, ses traits ont pris une expression d’enthousiasme que nul n’avait encore vue en lui. L’Esprit divin s’est emparé puissamment du Vicaire de Jésus ; car Pierre est le prince de la parole et le maître de la doctrine. Près de Pierre, c’est André son frère aîné, qui conçoit en ce moment cette passion ardente pour la croix qui sera son type à jamais glorieux ; c’est Jean dont les traits semblaient naguère ne respirer que la douceur, et qui subitement ont pris l’expression forte et inspirée du prophète de Pathmos ; à ses côtés, c’est Jacques son frère, l’autre « fils du tonnerre », se dressant avec toute la vigueur du vaillant chevalier qui s’élancera bientôt à la conquête de l’Ibérie. Le second Jacques, celui qui est aimé sous le nom de « frère du Seigneur », puise dans la vertu du divin Esprit qui le transporte, un nouveau degré de charme et de béatitude. Matthieu est illuminé d’une splendeur qui fait pressentir en lui le premier des écrivains du nouveau Testament. Thomas sent en son cœur la foi qu’il a reçue au contact des membres de son Maître ressuscité, prendre un accroissement sans mesure : il est prêt à partir pour ses laborieuses missions dans l’extrême Orient ; tous, en un mot, sont un hymne vivant à la gloire de l’Esprit tout-puissant, qui s’annonce avec un tel empire dès les premiers instants de son arrivée.

Dans un rang inférieur apparaissent les disciples, moins favorisés dans cette visite que les douze princes du collège apostolique, mais pénétrés du même feu ; car eux aussi marcheront à la conquête du monde et fonderont de nombreuses chrétientés. Le groupe des saintes femmes n’a pas moins ressenti que le reste de l’assemblée la descente du Dieu qui s’annonce sous l’emblème du feu. L’amour qui les retint au pied de la croix de Jésus et qui les conduisit les premières à son sépulcre au matin de la Pâque, s’est enflammé d’une ardeur nouvelle. La langue de feu s’est arrêtée sur chacune d’elles, et elles seront éloquentes à parler de leur Maître aux Juifs et aux gentils. En vain la synagogue expulsera Madeleine et ses compagnes ; la Gaule méridionale les écoutera à son tour, et ne sera pas rebelle à leur parole.

Cependant, la foule des Juifs qui avait entendu le bruit de la tempête annonçant la venue de l’Esprit divin, s’est amassée en grand nombre autour du mystérieux Cénacle. Ce même Esprit qui agit au dedans avec tant de magnificence, les pousse à faire le siège de cette maison qui contient dans ses murs l’Église du Christ dont la naissance vient d’éclater. Leurs clameurs retentissent, et bientôt le zèle apostolique qui vient de naître pour ne plus s’éteindre, ne peut plus tenir dans de si étroites limites. En un moment l’assemblée inspirée se précipite aux portes du Cénacle, et se met en rapport avec cette multitude avide de connaître le nouveau prodige que vient d’opérer le Dieu d’Israël.

Mais, ô merveille ! La foule composée de toutes les nations, qui s’attendait à entendre le parler grossier des Galiléens, est tout à coup saisie de stupeur. Ces Galiléens n’ont fait encore que s’énoncer en paroles confuses et inarticulées, et chacun les entend parler dans sa propre langue. Le symbole de l’unité apparaît dans toute sa splendeur. L’Église chrétienne est montrée à tous les peuples représentés dans cette multitude. Elle sera une, cette Église ; car les barrières que Dieu plaça autrefois, dans sa justice, pour isoler les nations, viennent de s’écrouler. Voici les messagers de la foi du Christ ; ils sont prêts, ils vont partir, leur parole fera le tour de la terre.

Dans la foule cependant, quelques hommes, insensibles au prodige, se scandalisent de l’ivresse divine dans laquelle ils voient les Apôtres : « Ces hommes, disent-ils, sont pleins de vin. » C’est le langage du rationalisme qui veut tout expliquer par des raisons humaines. Et pourtant ces Galiléens prétendus ivres abattront à leurs pieds le monde entier, et l’Esprit divin qui est en eux, ils le communiqueront avec son ivresse à toutes les races du genre humain. Les saints Apôtres sentent que le moment est venu ; il faut que la seconde Pentecôte soit proclamée en ce jour anniversaire de la première. Mais dans cette proclamation de la loi de miséricorde et d’amour qui vient remplacer la loi de la justice et de la crainte, quel sera le Moïse ?

L’Emmanuel, avant de monter au ciel, l’avait désigné : c’est Pierre, le fondement de l’Église. Il est temps que tout ce peuple le voie et l’entende ; le troupeau va se former, il est temps que le pasteur se montre. Écoutons l’Esprit-Saint qui va s’énoncer par son principal organe, en présence de cette multitude ravie et silencieuse ; chaque mot que va dire l’Apôtre qui ne parle qu’une seule langue est compris de chacun des auditeurs, à quelque idiome, à quelque pays de la terre qu’il appartienne. Un tel discours est à lui seul la démonstration de la vérité et de la divinité de la loi nouvelle.

« Hommes juifs, s’écrie dans la plus haute éloquence le pêcheur du lac de Génésareth, hommes juifs et vous tous qui habitez en ce moment Jérusalem, apprenez ceci et prêtez l’oreille à mes paroles. Non, ces hommes que vous voyez ne sont pas ivres comme vous l’avez pensé ; car il n’est encore que l’heure de tierce ; mais en ce moment s’accomplit ce qu’avait prédit le prophète Joël : « Dans les derniers temps, dit le Seigneur, je répandrai mon Esprit sur toute chair, et vos fils et vos filles prophétiseront, et vos jeunes gens seront favorisés de visions, et vos vieillards auront des songes prophétiques. Et dans ces jours, je répandrai mon Esprit sur mes serviteurs et sur mes servantes, et ils prophétiseront ». Hommes Israélites, écoutez ceci. Vous vous rappelez Jésus de Nazareth, que Dieu même avait accrédité au milieu de vous par les prodiges au moyen desquels il opérait par lui, ainsi que vous le savez vous-mêmes. Or, ce Jésus, selon le décret divin résolu à l’avance, a été livré à ses ennemis, et vous-mêmes vous l’avez fait mourir par la main des impies. Mais Dieu l’a ressuscite, en l’arrachant à l’humiliation du tombeau qui ne pouvait le retenir. David n’avait-il pas dit de lui : « Ma chair reposera dans l’espérance ; car vous ne permettrez pas, Seigneur, que celui qui est votre Saint éprouve la corruption du tombeau » ? Ce n’était pas en son propre nom que David parlait ; car il est mort, et son sépulcre est encore sous nos yeux ; mais il annonçait la résurrection du Christ qui n’a point été laissé dans le tombeau, et dont la chair n’a pas connu la corruption. Ce Jésus, Dieu lui-même l’a ressuscité, et nous en sommes tous témoins. Élevé à la droite de Dieu, il a, selon la promesse qu’en avait faite le Père, répandu sur la terre le Saint-Esprit, ainsi que vous le voyez et l’entendez. Sachez donc, maison d’Israël, et sachez-le avec toute certitude, que ce Jésus crucifié par vous, Dieu en a fait le Seigneur et le Christ. » [8]

Ainsi fut accomplie la promulgation de la loi nouvelle par la bouche du nouveau Moïse. Comment les auditeurs n’eussent-ils pas accueilli le don inestimable de cette seconde Pentecôte, qui venait dissiper les ombres de l’ancienne et produire au grand jour les divines réalités ? Dieu se révélait, et, comme toujours, il le faisait par les miracles. Pierre rappelle les prodiges de Jésus dont la Synagogue n’a pas voulu tenir compte, et qui rendaient témoignage de lui. Il annonce la descente de l’Esprit-Saint, et en preuve il allègue le prodige inouï que les auditeurs ont sous les yeux, dans le don des langues départi aux habitants du Cénacle.

Poursuivant son œuvre sublime, l’Esprit-Saint qui planait sur cette foule, féconde par son action divine ces cœurs prédestinés. La foi naît et se développe tout d’un coup dans ces disciples du Sinaï accourus de tous les points du monde pour une Pâque et une Pentecôte désormais stériles. Saisis de crainte et de regret d’avoir demandé la mort du Juste, dont ils confessent la résurrection et l’ascension au ciel, ces Juifs de toute nation poussent un cri pénétrant vers Pierre et ses compagnons : « Qu’avons-nous donc à faire, ô vous qui êtes nos frères [9] ? » Admirable disposition pour recevoir la foi ! Le désir de croire, et le dessein arrêté de conformer ses actes à sa croyance. Pierre reprend son discours : « Repentez-vous, leur dit-il, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, et vous aurez part, vous aussi, au don du Saint-Esprit. La promesse a été faite pour vous et pour vos fils et également pour ceux qui sont loin, c’est-à-dire les gentils : en un mot, pour tous ceux qu’appelle le Seigneur notre Dieu » [10].

A chaque parole du nouveau Moïse, la Pentecôte judaïque s’efface, et la Pentecôte chrétienne resplendit d’une lumière toujours plus splendide à l’horizon. Le règne de l’Esprit divin est inauguré dans Jérusalem, à la face du temple condamné à s’écrouler sur lui-même. Pierre parla encore ; mais le livre sacré des Actes n’a recueilli que ces paroles qui retentirent comme le dernier appel au salut : « Sauvez-vous, enfants d’Israël, sauvez-vous de cette génération perverse » [11].

Il fallait rompre, en effet, avec les siens, mériter par le sacrifice les faveurs de la nouvelle Pentecôte, passer de la Synagogue dans l’Église. Plus d’un combat se livra dans les cœurs de ces hommes ; mais le triomphe de l’Esprit-Saint fut complet en ce premier jour. Trois mille personnes se déclarèrent disciples de Jésus, et furent marquées aujourd’hui même du sceau de l’adoption. O Église du Dieu vivant, qu’ils sont beaux vos progrès sous le souffle du divin Esprit ! D’abord vous avez résidé en Marie l’immaculée, pleine de grâce et mère de Dieu ; votre second pas vous a donné les cent vingt disciples du Cénacle ; et voici que le troisième vous dote de trois mille écus, nos ancêtres, qui vont bientôt quitter Jérusalem la répudiée, et porter dans les pays d’où ils sont partis les prémices du peuple nouveau. Demain c’est au temple même que Pierre parlera, et à sa voix cinq mille personnes se déchireront à leur tour disciples de Jésus de Nazareth. Salut donc, ô Église, noble et dernière création de l’Esprit-Saint, société immortelle qui militez ici-bas, en même temps que vous triomphez dans les cieux. O Pentecôte, jour sacré de notre naissance, vous ouvrez avec gloire la série des siècles que doit parcourir en ce monde l’Épouse de l’Emmanuel. Vous nous donnez l’Esprit divin qui vient écrire, non plus sur la pierre, mais dans nos cœurs, la loi qui régira les disciples de Jésus. O Pentecôte promulguée dans Jérusalem, mais qui devez étendre vos bienfaits à ceux « qui sont au loin », c’est-à-dire aux peuples de la gentilité, vous venez remplir les espérances que nous fit concevoir le touchant mystère de l’Épiphanie. Les mages venaient de l’Orient ; nous les suivîmes au berceau de l’Entant divin, et nous savions que notre tour viendrait. Votre grâce, ô Esprit-Saint, les avait secrètement attirés à Bethléhem ; mais dans cette Pentecôte qui déclare votre souverain empire avec tant d’énergie, vous nous appelez tous ; l’étoile est transformée en langues de feu, et la face de la terre va être renouvelée. Puissent nos cœurs conserver les dons que vous nous apportez, ces dons que le Père et le Fils qui vous envoient nous ont destinés !

L’importance du mystère de la Pentecôte étant si principale dans l’économie du christianisme, on ne doit pas s’étonner que l’Église lui ait assigné dans la sainte Liturgie un rang aussi distingué que celui qu’elle attribue à la Pâque elle-même. La Pâque est le rachat de l’homme par la victoire du Christ : dans la Pentecôte l’Esprit-Saint prend possession de l’homme racheté ; l’Ascension est le mystère intermédiaire. D’un côté, elle consomme la Pâque en établissant l’Homme-Dieu, vainqueur de la mort et chef de ses fidèles, à la droite du Père ; de l’autre, elle détermine l’envoi de l’Esprit-Saint sur la terre. Cet envoi ne pouvait avoir lieu avant la glorification de Jésus, comme nous dit saint Jean [12], et de nombreuses raisons alléguées par les Pères nous aident à le comprendre. Il fallait que le Fils de Dieu, qui avec le Père est le principe de la procession du Saint-Esprit dans l’essence divine, envoyât personnellement aussi cet Esprit sur la terre. La mission extérieure de l’une des divines personnes n’est qu’une suite et une manifestation de la production mystérieuse et éternelle qui a lieu au sein de la divinité. Ainsi le Père n’est envoyé ni par le Fils ni par le Saint-Esprit, parce qu’il n’est pas produit par eux. Le Fils a été envoyé aux hommes par le Père, étant engendré par lui éternellement. Le Saint-Esprit est envoyé par le Père et par le Fils, parce qu’il procède de l’un et de l’autre. Mais pour que la mission du Saint-Esprit s’accomplit de manière à donner plus de gloire au Fils, il était juste qu’elle n’eût lieu qu’après l’intronisation du Verbe incarné à la droite du Père, et il était souverainement glorieux pour la nature humaine qu’au moment de cette mission elle fût indissolublement unie à la nature divine dans la personne du Fils de Dieu, en sorte qu’il fût vrai de dire que l’Homme-Dieu a envoyé le Saint-Esprit sur la terre.

Cette auguste mission ne devait être donnée à L’Esprit divin que lorsque les hommes auraient perdu la vue de l’humanité de Jésus. Ainsi que nous l’avons dit, il fallait désormais que les yeux et les cœurs des fidèles poursuivissent le divin absent d’un amour plus pur et tout spirituel. Or, à qui appartenait-il d’apporter aux hommes cet amour nouveau, sinon à l’Esprit tout-puissant qui est le lien du Père et du Fils dans un amour éternel ? Cet Esprit qui embrase et qui unit est appelé dans les saintes Écritures le « don de Dieu » ; et c’est aujourd’hui que le Père et le Fils nous envoient ce don ineffable. Rappelons-nous la parole de notre Emmanuel à la femme de Samarie, au bord du puits de Sichar : « Oh ! Si tu connaissais le don de Dieu [13] ! » Il n’était pas descendu encore ; il ne se manifestait jusqu’alors aux hommes que par des bienfaits partiels. A partir d’aujourd’hui, c’est une inondation de feu qui couvre la terre : l’Esprit divin anime tout, agit en tous lieux. Nous connaissons le don de Dieu ; nous n’avons plus qu’à l’accepter, qu’à lui ouvrir l’entrée de nos cœurs, comme les trois mille auditeurs fidèles que vient de rencontrer la parole de Pierre.

Mais voyez à quel moment de l’année l’Esprit divin vient prendre possession de son domaine. Nous avons vu notre Emmanuel, Soleil de justice, s’élever timidement du sein des ombres du solstice d’hiver et monter d’une course lente à son zénith. Dans un sublime contraste, l’Esprit du Père et du Fils a cherche d’autres harmonies. Il est feu, feu qui consume [14] ; il éclate sur le monde au moment où le soleil brille de toute sa splendeur, où cet astre contemple couverte de fleurs et de fruits naissants la terre qu’il caresse de ses rayons. Accueillons de même la chaleur vivifiante du divin Esprit, et demandons humblement qu’elle ne se ralentisse plus en nous. A ce moment de l’Année liturgique, nous sommes en pleine possession de la vérité par le Verbe incarné ; veillons à entretenir fidèlement l’amour que l’Esprit-Saint vient nous apportera son tour.

Fondée sur un passé de quatre mille ans quant aux figures, la Pentecôte chrétienne, le vrai quinquagénaire, est du nombre des fêtes instituées par les Apôtres eux-mêmes. Nous avons vu qu’elle partagea avec la Pâque, dans l’antiquité, l’honneur de conduire les catéchumènes à la fontaine sacrée, et de les en ramener néophytes et régénérés. Son Octave, comme celle de Pâques, ne dépasse pas le samedi par une raison identique. Le baptême se conférait dans la nuit du samedi au dimanche, et pour les néophytes la solennité de la Pentecôte s’ouvrait au moment même de leur baptême. Comme ceux de la Pâque, ils revêtaient alors les habits blancs, et ils les déposaient le samedi suivant, qui était compté pour le huitième jour.

Le moyen âge donna à la fête de la Pentecôte le gracieux nom de Pâque des roses ; nous avons vu celui de Dimanche des roses imposé dans les mêmes siècles de foi au Dimanche dans l’Octave de l’Ascension. La couleur vermeille de la rose et son parfum rappelaient à nos pères ces langues enflammées qui descendirent dans le Cénacle sur chacun des cent vingt disciples, comme les pétales effeuillés de la rose divine qui répandait l’amour et la plénitude de la grâce sur l’Église naissante. La sainte Liturgie est entrée dans la même pensée en choisissant la couleur rouge pour le saint Sacrifice durant toute l’Octave. Durand de Mende, dans son rational si précieux pour la connaissance des usages liturgiques du moyen âge, nous apprend qu’au treizième siècle, dans nos églises, à la Messe de la Pentecôte, on lâchait des colombes qui voltigeaient au-dessus des fidèles en souvenir de la première manifestation de l’Esprit-Saint au Jourdain, et que l’on répandait de la voûte des étoupes enflammées et des fleurs en souvenir de la seconde au Cénacle.

A Rome, la Station est dans la Basilique de Saint-Pierre. Il était juste de rendre hommage au prince des Apôtres en ce jour où son éloquence inspirée par l’Esprit-Saint conquit à l’Église les trois mille chrétiens dont nous sommes les descendants. Actuellement, la Station demeure toujours fixée à Saint-Pierre avec les indulgences qui s’y rapportent ; mais le Souverain Pontife et le sacré Collège se rendent pour la Fonction à la Basilique du Latran, Mère et Chef de toutes les églises de la ville et du monde.

A TIERCE.

La sainte Église célèbre aujourd’hui l’heure de Tierce avec une solennité particulière, afin de se maintenir dans un rapport plus intime avec les heureux habitants du Cénacle. Elle a même choisi cette heure, dans tout le cours de l’année, comme la plus propice pour l’offrande du saint Sacrifice, auquel préside l’Esprit-Saint dans toute la puissance de son opération. Cette heure de Tierce, qui répond à neuf heures du matin selon notre manière de compter, est remarquable chaque jour par une invocation au Saint-Esprit formulée dans une Hymne de saint Ambroise ; mais aujourd’hui ce n’est pas l’Hymne ordinaire de Tierce que l’Église adresse au divin Paraclet ; c’est le cantique si mystérieux et si grandiose que le IXe siècle nous a légué, en nous transmettant la tradition qui donne Charlemagne pour auteur de cette œuvre sublime. La pensée d’en enrichir l’Office de Tierce au jour de la Pentecôte appartient à saint Hugues, abbé de Cluny au XIe siècle ; et cette pratique a semblé si belle, que l’Église Romaine a fini par l’adopter dans sa Liturgie. De là est venu que dans les Églises même où l’on ne célèbre pas l’Office canonial, on chante du moins le Veni creator avant la Messe du jour de la Pentecôte. A cette heure si solennelle, aux accents inspirés de cette Hymne si tendre à la fois et si imposante, l’assemblée des fidèles se recueille ; elle adore et appelle l’Esprit divin. A ce moment, il plane sur tous les temples de la chrétienté, et descend invisiblement dans tous les cœurs qui l’attendent avec ferveur. Exprimons-lui le besoin que nous éprouvons de sa présence, le suppliant de demeurer en nous, et de ne jamais s’en éloigner. Montrons-lui notre âme marquée de son sceau ineffaçable dans le Baptême et dans la Confirmation ; prions-le de veiller sur son œuvre. Nous sommes sa propriété ; qu’il daigne faire en nous ce que nous le prions d’y accomplir ; mais que notre bouche parle avec sincérité, et souvenons-nous que pour recevoir et conserver l’Esprit-Saint, il faut renoncer à l’esprit du monde ; car le Seigneur a dit : « Nul ne peut servir deux maîtres » [15].

La première strophe de cette Hymne vénérable se chante toujours à genoux ; on se lève ensuite, et l’on chante debout les strophes suivantes.

A LA MESSE.

Le moment de célébrer le saint Sacrifice est arrivé. Remplie de l’Esprit divin, l’Église va payer le tribut auguste de sa reconnaissance en offrant la victime qui nous a mérité un tel don par son immolation. Déjà l’Introït retentit avec un éclat et une mélodie non pareils. Le chant grégorien s’élève rarement à un tel enthousiasme. Les paroles contiennent un oracle du livre de la Sagesse, qui reçoit son accomplissement aujourd’hui. C’est l’Esprit divin se répandant sur le monde, et comme gage de sa présence donnant aux saints Apôtres la science de la parole dont il est la source.

La Collecte nous fournit l’expression de nos vœux pour un si grand jour. Elle nous avertit en même temps que l’Esprit divin nous apporte deux dons principaux : le goût des choses divines et la consolation du cœur ; demandons que l’un et l’autre demeurent en nous, afin que nous devenions parfaits chrétiens.

ÉPÎTRE.

Quatre grands événements signalent l’existence de la race humaine sur la terre, et tous les quatre témoignent de la bonté infinie de Dieu envers nous. Le premier est la création de l’homme et sa vocation à l’état surnaturel, qui lui donne pour fin dernière la vision et la possession éternelle de Dieu. Le second est l’incarnation du Verbe divin qui, unissant la nature humaine à la nature divine dans le Christ, élevé l’être créé à la participation de la divinité, et fournit en même temps la victime nécessaire pour racheter Adam et sa race de leur prévarication. Le troisième événement est la descente du Saint-Esprit, dont nous célébrons l’anniversaire en ce jour. Enfin le quatrième est le second avènement du Fils de Dieu qui viendra délivrer l’Église son épouse, et l’emmènera au ciel pour célébrer avec elle les noces éternelles. Ces quatre opérations divines, dont la dernière n’est pas accomplie encore, sont la clef de l’histoire humaine ; rien n’est en dehors d’elles ; mais l’homme animal ne les voit même pas, il n’y songe pas. « La lumière a lui dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas comprise » [16].

Béni soit donc le Dieu de miséricorde qui « nous a appelés des ténèbres à l’admirable lumière de la foi » [17]. Il nous a faits enfants de cette génération « qui n’est ni de la chair et du sang, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu » [18]. Par cette grâce, nous voici aujourd’hui attentifs à la troisième des opérations divines sur ce monde, à la descente de l’Esprit-Saint, et nous avons entendu le récit émouvant de sa venue. Cette tempête mystérieuse, ce feu, ces langues, cette ivresse sacrée, tout nous transporte au centre même des divins conseils, et nous nous écrions : « Dieu a-t-il donc tant aimé ce monde ? » Jésus, quand il était avec nous sur la terre, nous le disait : « Oui, Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique » [19]. Aujourd’hui il nous faut compléter cette sublime parole et dire : « Le Père et le Fils ont tant aimé le monde, qu’ils lui ont donné leur Esprit-Saint. »

Acceptons un tel don, et comprenons enfin ce qu’est l’homme. Le rationalisme, le naturalisme, prétendent le grandir en s’efforçant de le captiver sous le joug de l’orgueil et de la sensualité ; la foi chrétienne nous impose l’humilité et le renoncement ; mais pour prix elle nous montre Dieu lui-même se donnant à nous.

Le premier Verset alléluiatique est formé des paroles de David où L’Esprit-Saint est montré comme l’auteur d’une création nouvelle, comme le rénovateur de la terre. Le second est la touchante prière par laquelle la sainte Église appelle sur ses enfants l’Esprit d’amour. On la chante toujours à genoux.

Vient ensuite la Séquence, œuvre d’enthousiasme et en même temps d’une ineffable tendresse pour celui qui vit et règne éternellement dans la société du Père et du Fils, et qui va désormais établir son empire dans nos cœurs. Cette pièce est de la fin du XIIe siècle, et on l’attribue, avec vraisemblance, au grand Pape Innocent III.

ÉVANGILE.

La venue de l’Esprit-Saint n’est pas seulement un événement qui intéresse la race humaine considérée en général ; chaque homme est appelé à recevoir cette même visite qui aujourd’hui « renouvelle la face de la terre entière » [20]. Le dessein miséricordieux du souverain Seigneur de toutes choses s’étend jusqu’à vouloir contracter une alliance individuelle avec chacun de nous. Jésus ne demande de nous qu’une seule chose : il veut que nous l’aimions et que nous gardions sa parole. A cette condition, il nous promet que son Père nous aimera, et viendra avec lui habiter notre âme. Mais ce n’est pas tout encore. Il nous annonce la venue de l’Esprit-Saint, qui par sa présence complétera l’habitation de Dieu en nous. L’auguste Trinité tout entière se fera comme un nouveau ciel de cette humble demeure, en attendant que nous soyons transportés après cette vie au séjour même où nous contemplerons l’hôte divin, Père, Fils et Saint-Esprit, qui a tant aimé sa créature humaine.

Jésus nous enseigne encore dans ce passage, tiré du discours qu’il adressa à ses disciples après la Cène, que le divin Esprit qui descend sur nous aujourd’hui est envoyé par le Père, mais par le Père « au nom du Fils » ; de même que dans un autre endroit Jésus dit que « c’est lui-même qui enverra l’Esprit-Saint » [21]. Ces diverses manières de s’exprimer ont pour but de nous révéler les relations qui existent dans la Trinité divine entre les deux premières personnes et le Saint-Esprit. Ce divin Esprit est du Père, mais il est aussi du Fils ; c’est le Père qui l’envoie ; mais le Fils l’envoie aussi ; car il procède de l’un et de l’autre comme d’un même principe. En ce grand jour de la Pentecôte, notre reconnaissance doit donc être la même envers le Père qui est la Puissance, et envers le Fils qui est la Sagesse ; car le don qui nous arrive du ciel vient de tous les deux. Éternellement le Père a engendré son Fils, et quand la plénitude des temps fut venue, il l’a donné aux hommes pour être dans la nature humaine leur médiateur et leur sauveur ; éternellement le Père et le Fils ont produit l’Esprit-Saint, et, à l’heure marquée, ils l’ont envoyé ici-bas pour être dans les hommes le principe d’amour, comme il l’est entre le Père et le Fils. Jésus nous enseigne que la mission de l’Esprit est postérieure à la sienne, parce qu’il a fallu que les hommes fussent d’abord initiés à la vérité par celui qui est la Sagesse. En effet, ils n’auraient pu aimer ce qu’ils ne connaissaient pas. Mais lorsque Jésus a consommé son œuvre tout entière, qu’il a fait asseoir son humanité sur le trône de Dieu son Père, de concert avec le Père il envoie l’Esprit divin pour conserver en nous cette parole qui est « esprit et vie » [22], et qui est en nous la préparation de l’amour.

L’Offertoire est formé des paroles du Psaume LXVII, où David prophétise l’arrivée de l’Esprit dont la mission est de confirmer ce que Jésus a opéré. Le Cénacle efface toutes les splendeurs du temple de Jérusalem : désormais il n’y a plus que l’Église catholique qui recevra bientôt dans son sein les rois et les peuples.

En présence des dons sacrés qui vont être offerts et qui reposent sur l’autel, l’Église, dans la Secrète, demande que la venue du divin Esprit soit pour les fidèles un feu qui consume leurs souillures, et une lumière qui éclaire leur esprit par une plus complète intelligence des enseignements du Fils de Dieu.

L’Antienne de la Communion célèbre par les paroles du texte sacré le moment de l’avènement de l’Esprit divin. Le Seigneur Jésus s’est donné à ses fidèles dans l’aliment eucharistique ; mais c’est l’Esprit qui les a préparés à une telle faveur, lui qui a change sur l’autel le pain et le vin en le corps et le sang de la victime sainte, lui qui les aidera à conserver en eux l’aliment sacré qui garde les âmes pour la vie éternelle.

Mise en possession de son Époux par le sacré Mystère, l’Église, dans la Postcommunion, implore pour ses fidèles la permanence de l’Esprit-Saint dans leurs âmes, en même temps qu’elle nous révèle une des prérogatives de ce divin Esprit, qui, trouvant nos âmes arides et incapables de fructifier par elles-mêmes, se transforme en rosée pour les féconder.

A VÊPRES.

La grande journée avance dans son cours, et remplis du Saint-Esprit comme nous l’avons été à l’heure de Tierce, nous ne pouvons nous détacher du sublime spectacle dont Jérusalem est témoin Du cœur des saints Apôtres le feu divin a passé dans la foule qui les entoure. Le regret d’avoir crucifié « le Seigneur de gloire » [23] a dompté l’orgueil juif dans ces hommes qui avaient accompagné la victime de leurs clameurs et de leurs malédictions sur la Voie douloureuse. Que leur manque-t-il maintenant pour être chrétiens ? Connaître et croire, puis être baptisés. Du milieu du tourbillon de l’Esprit-Saint qui les enveloppe, la voix de Pierre et de ses frères retentit : « Celui qui a souffert sur la croix et qui est ressuscité d’entre les morts est le propre Fils de Dieu engendre éternellement du Père ; l’Esprit qui se manifeste en ce moment est la troisième personne dans l’unique et divine essence. » La Trinité, l’Incarnation, la Rédemption, resplendissent aux yeux de ces disciples de Moïse, les ombres s’effacent et font place au jour radieux de la nouvelle alliance. Il est temps que s’accomplisse la parole de Jean-Baptiste au bord du Jourdain, cette parole dont plusieurs des assistants ont gardé mémoire, « Au milieu de vous est quelqu’un que vous ne connaissez pas, dont je ne suis pas même digne de délier la chaussure. Moi, je vous baptise dans l’eau ; mais lui vous baptisera dans le Saint-Esprit et dans le feu » [24].

Toutefois ce baptême de feu, c’est par l’eau qu’il doit s’administrer. L’Esprit qui est feu opère par l’eau, et il est appelé lui-même « la fontaine d’eau vive ». L’antique prophète Ézéchiel avait salué de loin cette heure solennelle, lorsqu’il rendait en ces termes l’oracle divin : « Voici que je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez lavés de toutes vos souillures, et je vous purifierai de toutes vos idoles. Et je vous donnerai un « cœur nouveau, et je placerai au milieu de vous un esprit nouveau. Et j’ôterai de votre poitrine votre cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. Et je placerai mon Esprit au milieu de vous, et je vous ferai marcher dans la voie de mes commandements. Et vous garderez ma loi sainte ; et vous serez mon peuple, et je serai votre Dieu » [25].

La prophétie était claire, et l’heure à laquelle l’Esprit arrivait était la même où l’eau allait couler. Cet élément sur lequel planait l’Esprit divin à la première origine de ce monde, nous l’avons vu, dans l’Épiphanie, recevoir au Jourdain le contact de la chair sacrée du Verbe incarné, et la céleste colombe unir son action sanctifiante à celle du Fils de Dieu. Récemment nous vîmes la main du Pontife, au Samedi saint, dans la consécration de la fontaine baptismale, plonger le cierge, type du Christ, dans les eaux, et nous l’entendîmes faire cette prière : « Qu’elle descende dans cette fontaine, la grâce et la vertu de l’Esprit-Saint ! »

Aujourd’hui la source purifiante répand ses eaux dans Jérusalem ; la main de Pierre et celles de ses frères plongent dans l’élément sacré ces fils d’Israël, et trois mille hommes ont relevé un front chrétien et régénéré. Qu’ils sont beaux, ces ancêtres de notre foi, en qui nous vénérons les prémices de l’accomplissement des prophéties ! Plus beaux encore que les trois Mages que nous vîmes autrefois avec tant de joie descendre de leurs chameaux et pénétrer dans l’étable, pour déposer aux pieds du divin Roi des Juifs les offrandes mystiques de l’Orient. Maintenant toute la série des mystères est accomplie ; nous sommes rachetés, Jésus est assis à la droite de son Père, et l’Esprit divin, envoyé par lui, vient de nous arriver, et il doit demeurer avec nous jusqu’à la fin des siècles. Voilà pourquoi les sources des Sacrements sont ouvertes. A cette heure, l’Esprit du Père et du Fils a levé le premier des sceaux, et l’eau baptismale coule pour ne plus s’arrêter dans son cours, jusqu’à ce qu’elle ait régénéré le dernier des chrétiens qui doit passer sur cette terre. Mais le divin Esprit est le « Don du Dieu Très-Haut » ; les saints Apôtres sont en possession de ce don fait aux hommes : ils ne doivent pas le retenir pour eux. Un second sceau est donc levé, et le sacrement de Confirmation fait descendre sur les néophytes l’Esprit qui a éclaté dans le Cénacle. Par la vertu qui est en eux, Pierre et ses frères, pontifes de la loi nouvelle, communiquent à ces hommes, dans le Saint-Esprit, la force divine qui leur sera désormais nécessaire pour confesser ce Jésus de Nazareth dont ils sont pour jamais les heureux membres.

Mais ils ne sont pas assez divinisés encore, ces nouveau-nés à la grâce céleste, marqués déjà d’un double caractère ; il leur reste à communier au Christ, au divin instituteur des Sacrements, au médiateur et rédempteur qui a réuni Dieu et l’homme. Il faut qu’un troisième sceau soit levé, que le sacerdoce nouveau agissant pour la première fois par les Apôtres, produise Jésus, le Pain de vie, et que cette multitude saintement affamée goûte cette manne qui ne nourrit pas seulement le corps comme celle du désert, « mais qui donne la vie au monde » [26]. L’auguste Cénacle, tout embaumé encore du souvenir de la merveille que le Christ y opéra la veille de sa Passion, revoit le sublime prodige dont il fut témoin. Entouré de ses frères, Pierre consacre le pain et le vin par les paroles divines que sa bouche n’avait pas prononcées encore, et l’opération de l’Esprit d’amour produit entre ses mains le corps et le sang de Jésus. Le Sacrifice nouveau est inauguré, et désormais il sera offert chaque jour jusqu’à la consommation des siècles. Les néophytes s’approchent, et par les mains des saints Apôtres ils entrent en possession de l’aliment céleste qui consomme leur union avec Dieu, par Jésus Pontife éternel selon l’ordre de Melchisédech.

Mais n’oublions pas en ce grand jour, à ce premier Sacrifice offert par Pierre, assisté de ses collègues dans l’apostolat, la participation de Marie à cette chair divine dont son sein virginal a été la source. Embrasée des feux de l’Esprit-Saint qui est venu confirmer en elle cette maternité à l’égard des hommes que Jésus lui confia sur la croix, elle s’unit dans le mystère d’amour à ce fils bien-aimé qui s’en est allé aux cieux, et qui l’a chargée de veiller sur son Église naissante. Désormais le Pain de vie lui rendra son fils chaque jour, jusqu’à ce qu’elle-même soit enlevée à son tour dans les cieux pour jouir éternellement de sa vue, recevoir ses caresses et lui prodiguer les siennes.

Quel ne fut pas le bonheur de ceux des néophytes auxquels il fut donné, en cette heureuse journée, d’approcher d’une si auguste reine, de la Vierge-Mère, à qui il avait été donné de porter dans ses chastes flancs celui qui était l’espérance d’Israël ! Ils contemplèrent les traits de la nouvelle Ève, ils entendirent sa voix, ils éprouvèrent le sentiment filial qu’elle inspire à tous les disciples de Jésus. Dans une autre saison, la sainte Liturgie nous parlera de ces hommes fortunés ; nous ne rappelons en ce moment leur bonheur que pour montrer combien fut grande et complète cette journée qui vit le commencement de la sainte Église. La hiérarchie sacrée apparut dans Pierre, Vicaire du Christ, dans les Apôtres ses frères, dans les disciples choisis par Jésus lui-même. La semence de la parole divine fut jetée dans la bonne terre, l’eau baptismale régénéra l’élite des enfants d’Israël, l’Esprit-Saint leur fut communiqué dans sa force, le Verbe divin les nourrit de sa chair qui est vraiment une nourriture et de son sang qui est vraiment un breuvage [27], et Marie les reçut à leur nouvelle naissance dans ses bras maternels.

Unissons-nous maintenant à la sainte Église, et chantons avec elle les louanges du divin Esprit qui, descendu à l’heure de Tierce, a rempli de tant de merveilles ce premier jour où il débute dans sa divine mission.

L’Office des Vêpres s’ouvre par la proclamation du nombre quinquagénaire qui réunit les deux Pentecôtes. L’Antienne nous montre en même temps les disciples au Cénacle dans l’attente de l’arrivée du Don promis.

Le Psaume CIX que l’Église chante sous cette Antienne représente le triomphe du Christ dans son Ascension. Il s’assied à la droite du Père, et c’est de là que, Dieu et homme, il consolide son règne sur la terre, en envoyant aujourd’hui son Esprit pour habiter avec nous jusqu’à ce que lui-même redescende, vengeur de son Église, qu’il affranchira du joug de ses ennemis, et emmènera avec lui dans la gloire éternelle.

L’attente des disciples a été comblée, l’Esprit divin est descendu sur eux, mais il ne s’est pas borné à visiter leurs âmes ; dès aujourd’hui, c’est le monde tout entier qu’il vient conquérir.

Le second Psaume, CX, célèbre les bienfaits de Dieu envers son peuple : l’alliance promise, qui se consomme aujourd’hui, la rédemption de l’homme et la fidélité du Seigneur à ses promesses. La mission du Saint-Esprit avait été annoncée par les Prophètes et par Jésus lui-même : le Seigneur a daigné dégager sa parole en ce jour.

L’Esprit divin s’empare des disciples, il les rend aptes à parler ; car c’est par la parole qu’ils feront la conquête du monde.

Le troisième Psaume, CXI, chante la félicité de l’homme juste et ses espérances. La lumière qui s’élance du sein des ténèbres, c’est Jésus, le Fils éternel de Dieu ; c’est ensuite l’Esprit-Saint qui éclate tout à coup aujourd’hui. Le pécheur qui s’irrite à la vue des dons de Dieu, c’est le Juif incrédule qui ferme les yeux à la lumière et repousse le divin Esprit, comme il avait repoussé le Fils du Père céleste.

Dans son allégresse la pensée des trois mille néophytes de ce jour, la sainte Église chante la fontaine d’eau vive que l’Esprit divin a fait jaillir pour leur régénération ; elle nous les montre comme d’heureux poissons qui s’agitent dans les ondes du salut.

Le quatrième Psaume, CXII, est un chant de louange au Seigneur qui, du haut du ciel, a pris pitié de la nature humaine, et qui, pour la relever de l’abaissement où elle languissait, lui a d’abord envoyé son propre Fils, et aujourd’hui fait descendre vers elle son divin Esprit.

En ce grand jour, l’Esprit-Saint a conquis le monde ; mais c’est par la parole des Apôtres qu’il s’en est rendu le maître, cette parole d’une éloquence miraculeuse qu’il a formée en eux, et à laquelle il a joint sa toute-puissance.

Le cinquième Psaume, CXIII, rappelle d’abord la première Pâque, la sortie de l’Égypte et les prodiges qui l’accompagnèrent et la suivirent. On y voit ensuite les nations devenues esclaves de leurs idoles ; mais aujourd’hui le divin Esprit suscite des conquérants qui abattront ces vains simulacres. La maison d’Israël et la maison d’Aaron ne se vanteront plus d’être les seules à servir le vrai Dieu. Instruits par les hommes à la langue de l’eu, tous les peuples acquerront la crainte du Seigneur et espéreront en lui. Nous ne sommes plus au nombre de ces morts qui ne louent pas Dieu ; mais nous vivons de la vie surnaturelle que le Fils de Dieu a conquise pour nous par sa Passion et par sa Résurrection, et que l’Esprit-Saint fait pénétrer en nous par le divin mystère de ce jour.

L’Hymne est celle que nous avons déjà chantée à Tierce, à l’heure même où le divin Esprit descendit dans le Cénacle. La grandeur des pensées et l’onction du sentiment forment le caractère de ce sublime cantique, toujours nouveau et toujours inépuisable.

Vient ensuite le Cantique de Marie, partie essentielle de l’Office du soir, accompagné du solennel encensement de l’autel. L’accent de cet hymne divin s’est enrichi encore. Ce n’est plus seulement la Vierge portant en elle le Fils éternel du Père que l’on entend épancher les émotions de son âme ; c’est la Mère de Dieu inondée des feux de l’Esprit-Saint, et préparée pour le nouveau ministère qui l’attend. Le cantique est harmonisé pour la fête au moyen de la magnifique Antienne qui le précède : « Aujourd’hui sont accomplis les jours de la Pentecôte, alléluia. Aujourd’hui l’Esprit-Saint a apparu aux disciples sous la forme du feu, et il a répandu en eux les dons de ses grâces. Il les a envoyés dans le monde entier prêcher et rendre témoignage. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, alléluia. »

Selon notre usage, nous achèverons une si sainte journée en réunissant, comme dans un concert, les voix de toutes les Églises célébrant le glorieux mystère de la Pentecôte chrétienne. Nous nous sommes unis à la sainte Église Romaine dans tous les cantiques de ce jour ; il nous faut entendre maintenant la voix de l’Église grecque. Saint Jean Damascène est autour de l’Hymne qui suit, et que nous empruntons au Pentecostarion.

HYMNE.

Au sortir du nuage divin, le prophète dont la langue était tardive promulgua la loi écrite par le doigt de Dieu ; guéri de son infirmité, il avait contemplé de l’œil de l’âme celui qui est, et il célébra dans de sacres cantiques la science de l’Esprit qu’il avait reçu.

Le grave et auguste Maître avait dit à ses disciples : « Ne vous séparez point, ô mes amis ! Lorsque je serai assis sur le trône sublime de mon Père, je répandrai la grâce infinie de l’Esprit dans tout son éclat sur vous qui désirez la connaître. »

Sa carrière étant terminée, le Verbe, fidèle à sa promesse, remplit leurs cœurs d’un doux recueillement. Ayant achevé son œuvre, il répand sur ses amis d’abord un souffle violent, bientôt des langues enflammées ; lui le Christ, il leur donne l’Esprit et dégage ainsi sa parole.

Le pouvoir divin dépasse toute borne ; de gens illettrés il fait des orateurs, leur parole réduira les sophistes au silence, et semblable à un éclair éblouissant, l’Esprit enlèvera à leur nuit profonde des peuples innombrables.

Cet Esprit tout-puissant, splendide, incorruptible, procédait de la lumière incréée, de la substance que le Père transmet au Fils ; aujourd’hui, langue de feu dans Sion, il manifeste aux nations cette lumière qu’il puise dans la divinité.

Et toi, ô Fils de Dieu qui as réuni deux natures, tu prépares le bain divin de la régénération ; l’eau d’un tel bain s’est épanchée de ton côté, ô Verbe, et l’ardeur puissante de l’Esprit en est le sceau.

Vous êtes les vrais serviteurs du Dieu souverain, vous qui adorez l’essence trois lois lumineuse. Le Christ met aujourd’hui la dernière main à son bienfait surnaturel, envoyant pour notre salut celui qu’exprime le feu, versant sur nous la grâce universelle de l’Esprit.

Enfants de l’Église, fils de la lumière, recevez la rosée enflammée de l’Esprit, et par elle la rémission et l’affranchissement de vos péchés ; car aujourd’hui la loi est sortie de Sion, la grâce du Saint-Esprit, sous a forme d’une langue de feu.

Autrefois on entendit un concert d’instruments qui conviait les hommes à adorer la statue d’or inanimée ; maintenant, c’est la grâce lumineuse du Paraclet qui les rend dignes de s’écrier : O Trinité unique, égale en pouvoir, sans commencement, nous te bénissons.

Oubliant l’oracle du Prophète, des insensés disaient que l’ivresse des Apôtres était produite par le vin ; on entendait retentir tous les langages étrangers ; pour nous, nous n’avons qu’un cri : Toi qui renouvelles divinement l’univers, sois béni.

L’heure de Tierce fut choisie pour l’effusion d’une telle grâce ; elle signifiait que l’on devait adorer trois personnes dans l’unité de puissance ; en ce jour du Dimanche, le premier des jours, ô Père, o Fils, ô Esprit, soyez béni.

L’Église arménienne mérite d’être écoutée à son tour. Les strophes suivantes si majestueuses et si remplies de mystère remontent au cinquième siècle. La tradition les attribue à Moïse de Khorène, ou à Jean Matagouni.

CANON PRIMAE DIEI.

La colombe envoyée aux hommes est descendue des cieux, annoncée par un grand bruit ; voilée sous l’emblème d’une lumière éclatante, elle a couvert d’une armure de feu, sans qu’ils en fussent brûlés, les disciples qui étaient encore assis dans le sacré cénacle.

C’est la colombe immatérielle, insondable, qui pénètre les profondeurs de Dieu, qui annonce le second et terrible avènement, qui procède du Père, et que l’on nous enseigne lui être consubstantielle.

Gloire au plus haut des cieux, à l’Esprit-Saint qui procède du Père ! Les Apôtres ont été enivrés à son calice immortel, et ils ont invité la terre à s’unir au ciel.

Esprit divin et vivifiant, rempli de bonté pour les hommes, tu as éclairé par les langues de feu ceux qui étaient rassemblés par le lien d’un mutuel amour ; c’est pourquoi nous célébrons aujourd’hui ton avènement sacré.

Les saints Apôtres ont été comblés de délices à ton arrivée ; en parlant diverses langues ils ont attiré des disciples qu’aucun lien n’aurait réunis ; c’est pourquoi nous célébrons aujourd’hui ton avènement sacré.

Tu t’es servi d’eux pour embellir, par le saint et spirituel baptême, la terre entière ; tu l’as couverte de vêtements nouveaux d’une blancheur éclatante ; c’est pourquoi nous célébrons aujourd’hui ton avènement sacré.

Toi qui reposes sur le char des chérubins, Esprit-Saint, tu es descendu aujourd’hui des cieux sur le chœur apostolique : sois béni, roi immortel !

Toi qui t’avances sur l’aile des vents, Esprit-Saint, tu t’es partagé en langues de feu, et tu t’es reposé sur les Apôtres : sois béni, roi immortel !

Toi qui prends soin de toutes les créatures dans ta providence, Esprit-Saint, tu es venu aujourd’hui pour affermir ton Église : sois béni, roi immortel !

La Liturgie ambrosienne nous donne cette belle Préface qui, dans sa concision, réunit tous les mystères de la Pentecôte.

PRÉFACE.

Æquum et salutare, nos in hac præcipua festivitate gaudere, qua sacratissimum Pascha quinquaginta dierum mysteriis tegitur, et mysticus numerus adimpletur, et dispersio linguarum, quæ dudum per superbiam in confusione facta fuerat, nunc per Spiritum Sanctum adunatur. Hodie enim de cœlis repente sonum audientes Apostoli unius fidei symbolum exceperunt, et linguis variis Evangelii tui gloriam cunctis gentibus tradiderunt. Per Christum Dominum nostrum.

Il est juste et salutaire que nous nous laissions aller à la joie, en cette illustre solennité qui vient ajouter à la Pâque sacrée le mystère des cinquante jours et compléter ainsi le nombre mystique. C’est pareillement en ce jour que la division des langues, qui avait été opérée autrefois pour humilier l’orgueil, fait place maintenant à leur réunion par le Saint-Esprit. C’est aujourd’hui que les Apôtres, après avoir entendu soudain un bruit qui venait du ciel, ont reçu le symbole de la foi unique, et parlant diverses langues, ont révélé à toutes les nations la gloire de votre Évangile. Par le Christ notre Seigneur.

L’Église gothique d’Espagne procède avec son abondance et son enthousiasme accoutumés, dans cette magnifique Illation que nous fournit son Missel mozarabe.

ILLATIO.

Dignum et justum est, omnipotens Deus, pro possibilitate carnali munerum tuorum beneficia confiteri, et indultum hodierno die donum salutis æternæ anniversaria semper commemoratione celebrare. Etenim pro adventu Spiritus tui Sancti tacere quis audeat ? cum omnis per Apostolos tuos etiam gentium barbararum lingua non taceat. Quis enim enarrare valet hujus hodierno die ignis illapsum, sic distributa discipulis genera universa linguarum ; ut nec Latinus Hebræo, nec Græcus Ægyptio, nec Scytha Indo, propria dum quisque et peregrina audiens loquitur lingua, detrimentum vel alienigeni fecerit, vel sui senserit intellectus ? Quaque virtute sit actum, quod dicentis veritatis præconibus per spatia immensa terrarum unius atque indivisibilis donum doctrinæ cœlestis pro potestate voluntaria partiretur ? Nihil agens unitati fidei dissonum, quamvis multiplicis scientia ; distributione pulcherrimum, et multimoda mirificum exstiterit varietate sermonum. Ostendens quod confessioni dominicæ non impedit diversitas linguas, nec interest quod vario quis sermone fateatur, dummodo unus sit ille qui creditur.

Obsecramus igitur, Domine, ut hæc nostra confessio de cordibus filiorum promissionis emissa, tibi Pater gloriæ, semper accepta sit, et ad speranda ac promerenda ea quæ tuis fidelibus promisisti, sensus nostros divini Spiritus infusione benedicas atque sanctifices. Effusa etenim ad nostram indulgentiam tuæ glorias largitate inter innumera dona atque opera Sancti Spiritus, nihil sublimius Ecclesiæ exordiis collatum fuisse cognoscimus, quam ut præconium Evangelii tui ora linguis universarum gentium loquerentur. Et hoc non nisi Sancti Spiritus tui gratia revelante, qui nobis post Resurrectionis Filii tui gloriam, transactis septem hebdomadibus venit : ostendens quod etsi septiformis est, tamen in uno gradu omnium concordantium sibi virtutum summa consistit. Ac sicut septem unum in numeris est, sic septem inveniuntur in singulis. Hi sunt sine dubio septem gradus templi tui, per quos ad cœlorum regna conscenditur. Hic est quinquagesimus remissionis annus olim in legis tropologiis prædicatus. Hic est fructus messis novæ, qui hodie mandatur offerri. Qui licet ante omnia sæcula semper æternus sit : tamen nobis quum innotuit, tunc novus effectus est.

Nec illud sine mysterio esse significans, quod post Ascensionem Filii tui decima nobis die hoc munus infunditur, ostendens quod cultoribus vineæ hic esset a patrefamilias denarius repromissus. Magnum autem et præ omnibus necessarium fuit hoc tibi divini muneris signum, quod quum super capita discipulorum ignea conscendisset forma linguarum, de cordibus credentium nec dissonum aliquid faceret prodire nec tepidum ; sed prædicatores Verbi tui et intelligentia essent unanimes, et charitate ferventes. O ignis exurendo fœcundans ! Hunc igitur omnipotentem esse Dominum omnis intellectualis creatura vivificatione fatetur, cujus etiam Cherubin et Seraphin, ferventes copiosius igne, speciali ejus vocabulo sanctitatis divinæ magnificantes æqualitatem atque omnipotentiam Trinitatis, requiem non habentes, nec tali unquam officio lassescentes, cœlestium exercituum præcinentibus choris, perenni jubilatione decantant, adorant atque magnificant, ita dicentes : Sanctus ! Sanctus ! Sanctus’

Il est juste et raisonnable ô Dieu tout-puissant, que nous célébrions, dans la faiblesse de notre nature, vos dons et vos bienfaits, et que chaque année nous honorions particulièrement la mémoire de celui que vous avez daigné nous faire aujourd’hui pour notre éternel salut. Qui oserait garder le silence sur l’arrivée de votre Esprit-Saint, en ce jour où pas une seule langue des nations barbares n’est oubliée par vos Apôtres ? Mais qui pourrait raconter dignement le mystère de ce feu qui descend aujourd’hui, et les idiomes de tous les peuples inspirés aux disciples, en sorte que le Latin et l’Hébreu, le Grec et l’Égyptien, le Scythe et l’Indien, s’exprimant dans une langue qui leur était inconnue, n’altèrent en rien l’idiome qui leur est étranger, et entendent parler sans altération celui qui leur est propre ? Qui pourrait décrire le divin pouvoir qui vient à son gré répandre sur ceux qui devront prêcher la vérité parlante par toute la terre, le don d une doctrine céleste, une et indivisible ? Ni la science ainsi distribuée dans la plus riche variété, ni la diversité merveilleuse des langages, n’enlèvent rien à l’unité de la foi. Nous apprenons ici que la dissemblance des idiomes n’arrête en rien la louange du Seigneur, et que peu importe la langue dont on se sert, si le même Dieu est l’objet d’une même foi.

Nous vous supplions donc, Seigneur, Père de la gloire, d’agréer notre confession qui s’élève vers vous du cœur des enfants de la promesse. Daignez par l’infusion du divin Esprit, bénir et sanctifier nos âmes, les rendant capables d’espérer et de mériter la récompense que vous avez promise à vos fidèles. Dans l’effusion que votre munificence pleine de gloire a faite pour notre salut, entre les œuvres et les dons de votre Esprit-Saint, nous ne voyons rien déplus sublime, à l’origine de l’Église, que la prédication de votre Évangile accomplie par des bouches qui parlaient les langues de toutes les nations Un tel prodige ne pouvait être produit que par la grâce de l’Esprit-Saint, qui est venu à nous sept semaines après la glorieuse Résurrection de votre Fils, montrant ainsi que s’il est septiforme, toutes ses puissances se concentrent dans une harmonieuse unité, et que de même que sept est à part dans les nombres, ainsi sept se retrouve en chacun d’eux. De là les sept degrés de votre temple par lesquels nous entrons au royaume des deux. De là la cinquantième année, celle de la rémission si célèbre dans les mystères de la loi. C’est le fruit de la moisson nouvelle qu’il nous est commandé d’offrir aujourd’hui. Il est avant tous les siècles, il est éternel ; mais pour nous il est devenu nouveau, quand il nous a apparu.

Ce n’est pas non plus sans mystère qu’un tel don est répandu sur nous le dixième jour après l’Ascension de votre Fils ; nous y reconnaissons ce denier promis par le Père de famille aux ouvriers de la vigne. Il nous fallait ce signe imposant de votre divine bonté qui s’est montrée lorsque la forme des langues apparaissant en feu sur es têtes des disciples, elle fit produire aux cœurs des croyants ces nouveaux accents dans lesquels ne paraissait rien de dissonant ni de tiède. Prédicateurs de votre Verbe, on les vit unanimes dans l’intelligence et embrasés de charité. O feu qui brûles et fécondes en même temps ! Toute créature éclairée par le principe de vie confesse que ce feu est le Seigneur tout-puissant. C’est lui dont l’ardeur embrase les Chérubins et les ardents Séraphins désignés par son nom, et qui glorifiant avec transport l’égalité de la sainteté divine et la toute-puissance de la Trinité, n’ont pas de repos, et sans jamais se lasser chantent, adorent et glorifient dans une jubilation éternelle, disant en commun avec les chœurs des armées célestes : Saint ! Saint ! Saint !

 Le moyen âge des Églises latines a célébré le mystère de la Pentecôte dans de magnifiques Séquences. Nous en insérons quelques-unes dans le cours de l’Octave. Aujourd’hui nous reproduisons celle qui fut longtemps attribuée au pieux roi Robert. Cette pièce intéressante, dont Notker est le véritable auteur, a disparu des Missels romains-français au XVIIe siècle, et on l’y a remplacée par la Séquence romaine, Veni, Sancte Spiritus. Nous avons pensé que l’on ne devait pas laisser périr ce noble cantique dont parlent nos anciens chroniqueurs, et que tous les historiens modernes confondent à l’envi avec la Séquence du Missel romain, qui n’a dans sa composition et dans son rythme aucun rapport avec les Séquences du XIe siècle.

SÉQUENCE.

Sancti Spiritus 

Adsit nobis gratia.

Quæ corda nostra 

Sibi faciat 
Habitaculum,

Expulsis inde 

Cunctis vitiis 
Spiritualibus.

Spiritus alme, 

Horridas 
Nostræ mentis 
Purga tenebras.

Amator sancte 

Sensatorum 
Semper cogitatuum.

Infunde unctionem tuam 

Clemens nostris sensibus.

Tu, purificator 

Omnium flagitiorum, 
Spiritus.

Purifica nostri oculum 

Interioris hominis.

Ut videri 

Supremus Genitor 
Possit a nobis.

Mundi cordis 

Quem soli cernere 
Possunt oculi.

Prophetas tu inspirasti, 

Ut præconia Christi 
Præcinuissent inclyta.

Apostolos confortasti, 

Ut trophæum Christi 
Per totum mundum veherent.

Quando machinam 

Per Verbum suum 
Fecit Deus 
Cœli, terræ, marium,

Tu, super aquas 

Foturus eas, 
Numen Tuum expandisti, 
Spiritus

Tu animabus 
Vivificandis 
Aquas fœcundas.

Tu aspirando 

Das spiritales 
Esse homines.

Tu divisum 

Per linguas mundum et ritus 
Adunasti, Domine.

Idololatras 
Ad cultum Dei revocas. 
Magistrorum optime.

Ergo nos 

Supplicantes tibi 
Exaudi propitius, 

Sancte Spiritus.

Sine quo preces omnes 

Cassæ creduntur 
Et indignæ Dei auribus

Tu qui 

Omnium sæculorum sanctos 
Tui numinis docuisti instinctu, 
Amplectendo Spiritus.

Ipse hodie 

Apostolos Christi 
Donans munere insolito 
Et cunctis inaudito sæculis,

Hunc diem gloriosum fecisti. 

Amen

Que la grâce de l’Esprit-Saint daigne nous assister 

Qu’elle fasse de nos cœurs son habitation,

Qu’elle en expulse les vices de notre esprit.

O vous qui éclairez les hommes, Esprit plein de bonté,

Chassez les sombres ténèbres qui attristent notre âme.

Vous qui êtes l’ami des sages pensées, bon et saint,

Répandez votre onction dans nos âmes.

O Esprit, c’est vous qui nous purifiez de tous nos péchés.

Purifiez en nous l’œil de l’homme intérieur,

Afin que nous puissions un jour contempler le Père suprême,

Qu’il n’est donné de voir qu’à ceux qui ont le cœur pur.

C’est vous qui avez inspiré les Prophètes, et leur avez fait célébrer d’avance les louanges du Christ.

Vous avez fortifié les Apôtres pour élever le trophée du Christ par le monde entier.

Lorsque Dieu, par son Verbe, créa le ciel, la terre et la mer,

Vous fîtes planer votre divinité sur les eaux pour les féconder, ô Esprit !

Maintenant vous donnez à ces eaux la vertu de vivifier les âmes.

Votre souffle rend les hommes spirituels.

Le monde divisé en diverses langues et en divers cultes, vous l’avez réuni en un seul, ô Seigneur !

O Docteur rempli de bonté, c’est vous qui avez rappelé les idolâtres au culte du vrai Dieu.

Daignez donc, Esprit-Saint, exaucer nos supplications.

Sans vous toutes nos prières seraient vaines et indignes de monter jusqu’à l’oreille de Dieu.

C’est vous qui, par vos divines caresses, avez instruit et dirigé les saints dans tous les siècles, ô Esprit !

Décorant aujourd’hui les Apôtres de dons nouveaux et inconnus aux âges précédents,

Vous avez rendu ce jour glorieux à jamais. Amen

 [1] Act II, 1.

[2] Ephes. III, 19.

[3] Luc. XII, 49.

[4] Johan III, 8.

[5] 1er Répons du Jeudi de la Pentecôte.

[6] In Johan. Tract. XXII.

[7] Psalm. XLV.

[8] Act. II.

[9] Act. II, 37.

[10] Act. II, 38-39.

[11] Act. II, 40.

[12] Johan. VII, 39.

[13] Johan. IV, 10.

[14] Deut. IV, 24.

[15] Matth. VI, 24.

[16] Johan. I, 5.

[17] I Petr. II, 9.

[18] Johan. I, 13.

[19] Ibid. III, 16.

[20] Psalm. CIII, 30.

[21] Johan. XV, 26.

[22] Ibid. VI, 64.

[23] I Cor. II, 8.

[24] Johan. I, 26.

[25] Ézech. XXXVI, 25-28.

[26] Johan. VI, 33.

[27] Johan. VI, 56.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Station à Saint-Pierre.

En ce jour, moyennant l’effusion de l’Esprit Saint, Jésus, ressuscité des morts et assis à la droite du Père, communique aux membres de son corps mystique sa vie divine. Ainsi l’Église qui, jusqu’à présent, vagissait comme en un berceau entre les murs étroits du Cénacle, ayant atteint son entière perfection, toute rayonnante de sainteté et de vérité, fait sa première apparition au monde. Le Saint-Esprit qui pénètre aujourd’hui ses membres vierges lui communique la vie de Jésus, l’associant à son idéal et à son œuvre rédemptrice ; aussi saint Paul a-t-il pu dire que les labeurs apostoliques des ouvriers de l’Évangile font partie de l’œuvre de la Rédemption ; bien plus, le Sauveur sur le chemin de Damas a déclaré au même Apôtre qu’il était persécuté lui-même et souffrait dans les membres de son Église.

Le protagoniste de la première Pentecôte chrétienne est Pierre, autour de qui se serre le petit troupeau de Sion : il commence aujourd’hui l’exercice de la primauté pontificale en annonçant le premier la nouvelle évangélique aux représentants des diverses nations sans distinction de patrie ni d’origine, sans différence de frontières, de royaumes ou de cités ; au nom de l’Église entière, c’est également Pierre qui proteste contre la vulgaire calomnie d’ébriété lancée contre les apôtres ; c’est lui enfin qui, dans cette première prédication, convertit et baptise les trois mille premiers néophytes qui augmentent la famille du Nazaréen.

C’est pourquoi la station de ce jour, à la différence de celle de Pâques, est dans la basilique vaticane, où, autrefois, le Pape célébrait les premières vêpres, les vigiles nocturnes et la messe. Selon le rit romain des plus grandes solennités de l’année, cette nuit l’office vigilial était double : d’abord on en célébrait un dans l’hypogée où l’on vénérait la châsse sépulcrale de l’Apôtre, puis un second à l’autel majeur. En ce dernier office qui était le plus solennel, les chanoines chantaient la première leçon, les cardinaux la seconde et le Pape lui-même la troisième. Après la messe, le Pontife était couronné du regnum et retournait processionnellement au Latran.

L’introït, emprunté à la Sagesse (I, 7), demande à être goûté à travers la mélodie à la fois majestueuse et joyeuse dont l’orna l’antique génie musical grégorien. On sait que tous les textes actuels du Missel et du Bréviaire sont revêtus de riches mélodies. De même que celui qui veut goûter une œuvre théâtrale ne se borne pas à-lire le livret du poète, mais doit entendre la musique et voir la mise en scène de l’œuvre, ainsi, pour bien saisir la beauté, le génie de la sainte liturgie, sa puissance d’action sur le peuple chrétien, faut-il la voir intégralement reproduite dans toute la splendeur que lui donnent l’édifice, les ministres sacrés, leurs vêtements, les chants, les harmonies et les rites, et ne pas se contenter d’en juger d’après quelque réduction amoindrie.

« L’esprit de Dieu a rempli la terre, et ce cosmos qui contient tout dit des paroles de sagesse. » Cela fut dit d’abord de la sagesse et de la bonté dont Dieu a laissé de profondes traces dans la création, mais convient beaucoup plus encore à l’ordre surnaturel auquel Dieu nous a élevés. Le Seigneur a répandu son Paraclet sur tous les chrétiens ; la prédication évangélique, moyennant laquelle le Saint-Esprit initie les croyants aux intimes secrets de la Divinité, a retenti dans tous les royaumes, jusqu’aux derniers confins du monde ; et aujourd’hui, grâce à son catéchisme, une pauvre vieille femme de village en sait plus sur Dieu et sur sa propre fin dernière que tous les anciens sages d’Athènes et de Rome.

Le beau psaume 67 suit l’antienne : « Que Dieu se lève et que ses adversaires soient mis en déroute ; que ceux qui l’ont haï fuient devant lui. » Cet hymne de guerre convient fort bien à la manifestation sur terre du Paraclet. Il est venu venger l’innocence de Jésus, et il le fait en comblant l’Église d’une telle transcendance de sainteté, qu’elle forme comme un feu préludant au jugement final des ennemis de Dieu. Celui qui ne croit pas et n’aime pas a déjà été jugé par le Paraclet. Il s’est mis de lui-même hors de la voie du salut.

La collecte est la suivante : « O Dieu qui, en ce jour, avez enseigné les cœurs de vos disciples par les lumières du Paraclet, accordez-nous, grâce à son assistance, de penser avec rectitude, et ainsi d’avoir part également à ses consolations. » L’Église demande ici deux grâces : la première est le sens des choses de Dieu, ce qui dénote une certaine santé spirituelle et est la conséquence de la vie intérieure que le Paraclet alimente dans notre âme. La seconde est de recevoir le réconfort de l’Esprit Saint qui s’appelle précisément Paraclet parce que Jésus nous l’a donné pour nous encourager à soutenir les luttes de la vie chrétienne, par ses consolations spirituelles, et nous détourner de chercher celles de la nature corrompue, lesquelles nous seraient nuisibles.

Dans la lecture tirée des Actes des Apôtres (II, 1-11) il est question du miracle de la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres. Il faut en remarquer les circonstances. Les Onze s’y étaient préparés par leur retraite de dix jours dans la compagnie et sous les auspices de la Très Sainte Vierge. Ils vivaient en commun, dans la paix et l’harmonie, sous l’obéissance de Pierre. Ils vaquaient à la prière durant l’heure de Tierce. L’Esprit Saint descendit sur eux sous la forme de langues de feu. Que doit nous enseigner tout cet ensemble de circonstances, sinon l’esprit de recueillement, une tendre dévotion à la sainte Vierge, une soumission absolue au Vicaire du Christ, un grand amour pour la concorde et pour la charité fraternelle, même au prix de notre trop susceptible personnalité, et enfin une ardeur infatigable pour la prière ?

Ce sont là les meilleures conditions pour obtenir le don de l’amour de Dieu. C’est aussi ce qui nous est demandé, afin que l’Esprit Saint nous transforme en apôtres, ce dont bénéficiera notre prochain également.

Le verset alléluiatique est tiré du psaume 103, précisément comme l’offertoire de cette nuit. Le Saint-Esprit change l’aspect de la terre, puisque, de fils d’Adam pécheur il nous élève à la hauteur vertigineuse de fils de Dieu. Le règne du péché et le régime de la douloureuse servitude étant détruits, l’ère messianique commence dans le monde. La nature elle-même semble se hâter de devancer par ses vœux ce jour où elle sera vengée de la honte où maintenant elle est retenue captive par le pécheur, alors que celui-ci se sert d’elle pour des fins déréglées, et, malgré elle, la déflore et la prostitue à ses propres passions. C’est saint Paul qui, dans une pensée pleine d’énergie, nous représente cette création regardant au loin, dans l’attente de son libérateur : Exspectatio enim creaturae revelationem filiorum Dei exspectat [28]. Enfin viendra le jour de la revanche, quand la nature tout entière se lèvera en armes avec son Créateur pour tirer vengeance de son injuste oppresseur : Et armabit creaturam ad ultionem inimicorum, et pugnabit pro illo or bis terrarum contra insensatos [29]. Toutefois cette réhabilitation de la créature commence déjà, puisque, comme l’Église le dit au Martyrologe le jour de Noël, Jésus mundum volens adventu suo piissimo consecrare [30], a décidé que la terre serait le théâtre des mystères de sa vie, de sa passion et de sa mort. En outre, par les sacrements et les sacramentaux, il a élevé la matière à la dignité de véhicule par quoi est transmise aux fidèles la grâce cm Saint-Esprit.

Ainsi cette nature qui, au commencement, par ses attraits, séduisit et égara l’homme, et fut enveloppée dans sa malédiction, est bénie par le Paraclet dans le Nouveau Testament, et concourt ainsi à la sanctification de ceux qui s’en servent loyalement avec foi et avec une âme reconnaissante envers Dieu qui nous l’a concédée.

Le verset précédant l’Évangile est, par le texte et par la mélodie, parmi les plus inspirés de tout l’Antiphonaire Grégorien. La liturgie le répète à l’occasion de la consécration des nouveaux autels, lorsque, sur la table encore humide de saint Chrême, on fait brûler cinq petits cierges posés, en forme de croix, chacun sur un grain d’encens. Tout l’autel apparaît alors enveloppé de flammes rappelant le feu céleste qui dans l’Ancien Testament consumait parfois les victimes. « Alléluia. Venez, ô divin Esprit, remplissez les cœurs de vos fidèles, et tous les chrétiens le sont, parce que le baptême dans la Trinité les consacre définitivement à la gloire et à la sainteté du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Allumez en eux la flamme du divin amour, ou mieux, soyez vous-même cette flamme inextinguible qui détruise dans notre cœur toutes les scories, toute la paille, tout ce qui n’est pas métal élu et ne sert pas, comme dit saint Paul, à la construction de l’édifice spirituel du temple divin qui doit s’élever en nous. » Il est prescrit par la rubrique que cette invocation à l’Esprit Saint, pleine de tendresse, soit chantée à genoux.

La séquence qui figure aujourd’hui au Missel est attribuée par quelques-uns à Innocent III ; en tout cas, elle en remplace une autre qui était fort belle : Sancti Spiritus adsit nobis gratia, mentionnée dans les Ordines Romani du XVe siècle et dont l’auteur est le fameux moine Notker. On raconte que, lorsqu’on 1215, Innocent III entendit cette composition mélodique pleine d’une si grande dévotion, il s’étonna que son auteur n’ait pas encore été canonisé. Voici ce texte célèbre qui, à une époque trouva place, lui aussi, dans le Missel de Rome. Il faut remarquer que c’est une prose musicale et rythmique, à l’imitation des compositions du même genre d’origine byzantine. Le texte seul ne dit pas grand’chose, il faut tenir compte de son revêtement mélodique [31] :

Sancti Spiritus

Adsit nobis gratia,

Quæ corda nostra sibi

Faciat habitaculum,

Expulsis inde cunctis

Vitiis spiritualibus.

Spiritus alme, illustrator hominum,

Horridas nostræ mentis

Purga tenebras.

Amator sancte sensatorum

Semper cogitatuum,

Infunde unctionem tuam

Clemens nostris sensibus.

Tu, purificator omnium

Flagitiorum, Spiritus,

Purifica nostri oculum

Interioris hominis.

Ut videri supremus

Genitor possit a nobis,

Mundi cordis quem soli

Cernere possunt oculi.

Prophetas tu inspirasti, ut præconia

Christi præcinuissent inclita.

Apostolos confortasti, ut trophæum

Christi per totum mundum veherent.

Quando machinam per Verbum suum

Fecit Deus cœli, terræ, maris,

Tu, super aquas foturus eas, numen

Tuum expandisti, Spiritus.

Tu animabus vivificandis

Aquas fœcundas.

Tu adspirando da spiritales

Esse homines,

Tu divisum per linguas mundum

Et ritus adunasti, Spiritus.

Idololatras ad cultum Dei revocas.

Magistrorum optime,

Ergo nos supplicantes tibi

Exaudi propitius, sancte Spiritus,

Sine quo preces omnes cassæ

Creduntur et indignæ Dei auribus.

Tu qui omnium sæculorum sanctos

Tui numinis docuisti instinctu,

Amplectendo spiritus,

Ipse hodie Apostolos Christi

Donans munere insolito

Et cunctis inaudito sæculis

Hunc diem gloriosum fecisti.

De l’Esprit Saint

Que nous assiste la grâce

Pour que nos cœurs

Deviennent son habitation,

Étant d’elle tous expulsés

Les vices spirituels.

Esprit Saint, lumière des hommes.

Chassez de notre âme

Les horribles ténèbres.

Vous qui aimez toujours

Les pensées judicieuses,

Répandez votre onction

Avec clémence dans nos sens.

Vous Esprit purificateur

De toutes les hontes,

Purifiez l’œil

De notre homme intérieur.

Afin que puisse être vu

Par nous, le Père

Que seuls peuvent voir

Les yeux des cœurs purs.

Vous avez inspiré les Prophètes afin qu’ils célébrassent

Les louanges illustres du Christ.

Vous avez réconforté les Apôtres,

Afin qu’ils portent à travers tout le monde le trophée du Christ.

Quand Dieu fit par son Verbe

Le ciel, la terre, la mer,

Vous, planant sur les eaux,

Vous avez étendu votre puissance ô Esprit.

Pour vivifier les êtres,

Vous fécondez les eaux.

Par votre souffle vous donnez

Aux hommes d’être spirituels.

Le monde divisé par les langues

Et par les mœurs, vous l’avez réuni, ô Esprit.

Vous appelez au culte de Dieu les idolâtres.

O le meilleur des maîtres,

Nous vous supplions donc,

Exaucez-nous favorablement, Esprit Saint,

Sans qui toutes les prières sont vaines,

Et indignes des oreilles de Dieu, nous le croyons.

Vous qui, dans tous les siècles, avez enseigné les saints

Par une impulsion de votre volonté,

Les entourant de l’Esprit ;

Aujourd’hui, aux Apôtres du Christ

Donnant un présent inaccoutumé

Et inouï à travers les siècles,

Vous avez fait ce jour glorieux

Voici le texte de la pieuse séquence qui a été accueillie dans le Missel Romain réformé par saint Pie V :

Veni, Sancte Spíritus, 

et emítte cǽlitus 
lucis tuæ rádium.

Veni, pater páuperum ; 

veni, dator múnerum ; 
veni, lumen córdium

Consolátor óptime, 

dulcis hospes ánimæ, 
dulce refrigérium.

In labóre réquies, 

in æstu tempéries, 
in fletu solácium.

O lux beatíssima, 

reple cordis íntima 
tuórum fidélium.

Sine tuo númine 

nihil est in hómine, 
nihil est innóxium.

Lava quod est sórdidum, 

riga quod est áridum, 
sana quod est sáucium.

Flecte quod est rígidum, 

fove quod est frígidum, 
rege quod est dévium.

Da tuis fidélibus, 

in te confidéntibus, 
sacrum septenárium

Da virtútis méritum, 

da salútis éxitum, 
da perénne gáudium. 
Amen. Allelúia

Venez ô Saint-Esprit, 

Et envoyez du ciel 
Un rayon de votre lumière

Venez, Père des pauvres, 

Venez, distributeur des dons, 
Venez, lumière des cœurs.

Très bon Consolateur, 

Doux hôte de l’âme, 
Doux rafraîchissement.

Vous êtes le repos dans le labeur, 

Abri dans les ardeurs brûlantes. 
Consolation dans les pleurs.

O lumière bienheureuse, 

Remplissez jusqu’au plus intime les cœurs 
De vos fidèles.

Sans votre volonté, 

Il n’est rien dans l’homme, 
Rien d’innocent.

Purifiez ce qui est souillé, 

Arrosez ce qui est aride, 
Guérissez ce qui est blessé.

Ployez ce qui est rigide, 

Réchauffez ce qui est froid, 
Ramenez ce qui est égaré.

Donnez à vos fidèles, 

Qui se confient en vous, 
Vos sept dons sacrés.

Donnez le mérite de la vertu, 

Donnez l’issue du salut, 
Donnez la joie éternelle. 
Ainsi soit-il. Alléluia. On répète cette séquence pendant toute l’octave.

La lecture évangélique est empruntée à saint Jean (XIV, 23-31). Si quelqu’un aime vraiment Jésus, si bien qu’en lui ce feu sacré de la charité ait dévoré tout autre élément terrestre désordonné, alors le règne de Dieu arrive dans son cœur à son plein et stable développement. C’est la divine Trinité qui vient établir en lui sa mystique demeure, grâce à une union très forte et très intime de l’âme avec Dieu. Le nœud de cette union entre l’âme, fiancée à Jésus, et son virginal Époux, c’est l’Esprit Saint, qui, avec une surabondance de ses charismes, dispose l’heureuse créature au jour fortuné de ses noces définitives avec Dieu. Un tel état, observent les mystiques, est très élevé, et rares sont les âmes qui y arrivent, faute de générosité pour se donner tout entières à Dieu et se laisser emporter par son Esprit dans des régions plus hautes que la pauvre nature.

Jésus continue dans le saint Évangile à décrire la mission ordinaire du Paraclet au milieu des fidèles. Il doit compléter la formation des Apôtres et, moyennant l’indéfectible assistance qu’il prête à l’Église enseignante, il doit ainsi conférer un caractère d’éternité à cette joyeuse annonce de l’Évangile du Royaume, ordonné au salut des âmes.

Les Apôtres s’attristent du départ imminent de Jésus. Ils considèrent ce fait selon le jugement de la raison humaine, sans s’élever jusqu’aux régions supérieures de la foi, où l’on entrevoit la sainte humanité de Jésus glorifiée par le Père. Cette glorification du Chef commence aussi celle des membres, en sorte que les Apôtres, au lieu de se lamenter, devraient se réjouir du départ du divin Maître.

Il n’est pas nécessaire d’insister sur les circonstances qui accompagnent ce départ, c’est-à-dire la haine de Satan, qui incite ses adeptes à mettre Jésus à mort. Une feuille ne tombe pas sans que Dieu le veuille. Jésus ne succombe pas à la colère du démon, qui effectivement n’a sur lui aucun droit ni aucun pouvoir. Si Jésus mourut, ce ne fut pas par la volonté des juifs et du diable leur père, mais plutôt parce que, librement, il daigna prendre sur lui les péchés du genre humain, s’offrant à Dieu sur l’autel de la Croix, Victime agréable et volontaire, hostie d’adoration glorifiant la sainteté du Père.

L’antienne pour l’offertoire est tirée du psaume 67. La scène survenue dans le Cénacle de Jérusalem — le premier temple chrétien — n’a pas un caractère transitoire ; elle inaugure une économie stable d’amour et de salut, puisque, au moyen des Apôtres, Dieu donne encore aux fidèles cette brillante σφραγίς, c’est-à-dire ce sceau spirituel et précieux qui est le gage indéfectible de notre adoption comme fils de Dieu. Le peuple chrétien devient donc une famille de rois. Il offre au Seigneur les dons mêmes qui lui conviennent — nous sommes au moment de l’offertoire. Ces dons sont justement symbolisés par les oblations qu’on présente à l’autel, grâce auxquelles le sacrifice du peuple est uni à celui du Christ, tout comme dans le calice sacré l’eau est mélangée avec le suc de la vigne.

La collecte sur les oblations est identique à celle de cette nuit. On y demande deux choses au Seigneur : que le feu du Paraclet consume le sacrifice de notre cœur qui, grâce au don de la piété, se consacre tout à Dieu et commence à vibrer, holocauste perpétuel, uniquement pour lui ; et aussi que ce même Paraclet descende sur l’offrande que nous venons de déposer sur le saint autel, afin que les sentiments d’intense dévotion qu’il nous inspire fassent de l’Eucharistie un sacrement utile et efficace pour notre sanctification.

Durant toute l’octave de la Pentecôte on insère dans le Canon consécratoire les commémoraisons du Saint-Esprit que nous avons déjà reproduites en parlant de la messe de la vigile. Cette fois, de telles évocations de la primitive Pentecôte chrétienne dans le Cénacle sur la colline de Sion sont d’autant plus émouvantes qu’on pense à la fonction spéciale accomplie par le Saint-Esprit sur le Calvaire. Dans les ardeurs de son ineffable sainteté, il consuma alors la divine Victime qui, per Spiritum Sanctum semetipsum obtulit immaculatum Deo [32]. Aussi les Pères, invoquant le Paraclet dans les antiques épiclèses eucharistiques, l’invitaient-ils à descendre sur l’autel et à couvrir de son ombre les oblations sacrées, à titre de testis passionum Christi tui [33]. C’est toujours la fonction du Saint-Esprit : Ille testimonium perhibebit de me [34]. Lui qui connaissait bien l’ineffable martyre du Crucifié, puisqu’il l’avait sanctifié de ses ardeurs, doit maintenant en rendre témoignage au monde. Et de quelle manière ? En assurant dans les âmes les effets de la rédemption au moyen de l’effusion des dons charismatiques.

L’antienne pour la Communion est tirée de la lecture des Actes des Apôtres. On entendit une rumeur, comme le bruit d’un ouragan impétueux. Les disciples furent remplis du Saint-Esprit et commencèrent à publier les grandeurs de Dieu. Le vent impétueux est là pour indiquer la force et en même temps la suavité de la motion de l’Esprit Saint. La force, car qui peut résister à Dieu ? La suavité, parce que cette motion n’entraîne avec soi aucune violation de la liberté de l’arbitre humain, mais c’est Dieu même qui le forme et le dirige selon son bon plaisir. Il ne nous meut pas contre notre vouloir — ce serait nous faire violence — mais il nous donne de vouloir le bien.

La collecte eucharistique est celle de la messe de la vigile. L’Esprit Saint est comparé à une rosée délicieuse qui, tout en effaçant les taches de notre cœur, le rend fécond pour faire le bien.

Sans cette rosée, notre pauvre cœur est comme un terrain brûlé par le soleil. Le feu impur de la concupiscence le dessèche et en fait une masse pierreuse où ne peut germer aucune herbe. L’Esprit Saint survient et éteint ces profanes ardeurs ; la terre desséchée du cœur reçoit alors la bienfaisante rosée céleste et le Saint-Esprit y dépose les germes des vertus les meilleures.

Tertullien a défini le Chrétien : un composé de corps, d’âme et d’Esprit Saint. Cette phrase semble paradoxale, mais elle doit être expliquée dans le sens où l’entendait son auteur. C’est l’Esprit Saint qui, par sa grâce, élève intérieurement l’âme à l’être surnaturel de fille adoptive de Dieu. La motion du Paraclet est donc ce qui détermine tous nos actes méritoires ; en sorte que, quand nous invoquons Jésus, quand nous gémissons à ses pieds, quand nous souffrons, quand nous agissons pour Dieu, c’est toujours le Saint-Esprit qui prie, gémit, opère en nous. En outre c’est lui qui testimonium reddit spiritui nostro quod sumus filii Dei [35] ; bien plus, c’est précisément le Spiritum Filii sui [36], que Dieu a répandu en nous pour nous donner part, avec Jésus, au caractère de fils de prédilection. Ce même Esprit qui, durant notre vie, habite en nous et nous imprime l’impulsion vers le ciel, ne termine pas son œuvre à notre mort. Au dernier jour, il exige la réédification du temple mystique qu’il s’est formé dans l’âme croyante, et cela propter inhabitantem Spiritum eius in nobis [37].

[28] « Aussi la créature attend-elle d’une vive attente la manifestation des enfants de Dieu. » Rom. 8, 19.

[29] « Il armera les créatures pour se venger de ses ennemis, et tout l’univers combattra avec Lui contre les insensés. » Sap. 5, 18 & 21.

[30] « Voulant consacrer le monde par sa très sainte venue. »

[31] Dom Guéranger donne aussi ce texte dans son commentaire plus haut : mais il y a quelques variantes et dans le texte latin et dans la traduction dans la version donnée par le Bhx Schuster.

[32] « Par l’Esprit-Saint s’est offert Lui-même sans tache à Dieu » » Heb. 9, 14.

[33] « Témoin des souffrances de votre Christ. » Cf. I Petr. 5, 1.

[34] « Il rendra témoignage de moi. » Jn. 15, 26.

[35] « L’Esprit Lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. » Rom. 8, 16.

[36] « L’Esprit de son Fils. » Gal. 4, 6.

[37] « Par son Esprit qui habite en nous. » Cf. Rom. 8, 11.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

LA GRANDE FÊTE DE LA PENTECÔTE

La Pentecôte (d’un mot grec qui veut dire le cinquantième jour) est l’octave double et jubilaire de la fête de Pâques (7 X 7 + 1). C’est en même temps le second point culminant du cycle festival de Pâques. La Pentecôte n’est donc pas une fête indépendante ; c’est l’achèvement et la conclusion de la fête de Pâques. Nous pourrions peut-être dire que la Pentecôte est pour Pâques ce que l’Épiphanie est pour Noël. Il faut cependant tenir compte de la différence essentielle [38].

Si nous voulions établir un parallèle, nous pourrions dire : A Pâques, le Christ, le divin Soleil, s’est levé ; à la Pentecôte, il est à son zénith, il chauffe, mûrit et apporte la vie.

Ou bien une autre comparaison. A Pâques, le jardin de l’Église est dans sa plus riche floraison avec les nouveaux baptisés et les chrétiens renouvelés. A la Pentecôte, les fleurs sont devenues des fruits qui chargent les branches des arbres. Le jardinier est le Sauveur Jésus-Christ qui fait pousser les jeunes plantes ; le soleil qui a fait mûrir les fruits, c’est le Saint-Esprit.

Encore une troisième comparaison. A Pâques, nous sommes nés de nouveau, comme enfants de Dieu. Comme des enfants nouveau-nés, nous ne demandions que le lait maternel de l’Eucharistie, nous grandissions dans la maison natale de l’Église, heureux et insouciants comme des enfants. Mais nous avons grandi. L’Église notre Mère, n’a pas tardé à nous avertir que cet heureux temps passe, que nous sommes ici-bas des pèlerins et des étrangers, qu’il nous faudra souffrir et endurer des peines (elle nous a donné cet avertissement, le troisième dimanche après Pâques). A la Pentecôte, nous sommes déclarés majeurs. C’est ce que signifie aussi le sacrement de la maturité, la Confirmation.

L’Ancien Testament avait déjà sa fête de la Pentecôte qu’on appelait aussi la fête des semaines. C’était une fête d’action de grâces pour la moisson, c’était le mémorial de la promulgation de la loi sur le mont Sinaï, dans le désert. C’était une figure de la fête chrétienne de la Pentecôte. C’est maintenant aussi que commence la moisson, la moisson des âmes. Avec la Pentecôte, commencent aussi le travail et l’action du Saint-Esprit. Le Sauveur a promis, avant de nous quitter, qu’il ne nous laisserait pas orphelins, mais qu’il nous enverrait un autre Paraclet ou consolateur qui nous enseignerait tout et nous rappellerait tout. C’est pourquoi la Pentecôte est la fête du Saint-Esprit. Il importe de nous rappeler, de nouveau, son action dans l’Église et dans les âmes. Pensons donc davantage au Saint-Esprit que nous rencontrons partout. Il demeure dans notre âme et, depuis le baptême, il fait de notre corps et de notre âme son temple, la maison de Dieu ; « Ne savez-vous pas que vos corps sont les temples du Saint-Esprit qui demeure en vous ? Portez donc et honorez Dieu dans votre corps ». Quelle vie sainte nous mènerions si nous avions toujours conscience que le Saint-Esprit demeure en nous !

Dans l’Église, son action embrasse tout. Il nous sanctifie par les sacrements, surtout par la sainte Eucharistie.

Le Christ est au ciel. Il y participe au gouvernement du monde, il y est notre médiateur auprès du Père. Mais son Église sur la terre est dirigée et conduite par le Saint Esprit. Dans l’Eucharistie, le Christ est assurément présent, mais il ne veut pas y continuer son action telle qu’il l’exerça en Judée. Dans l’Eucharistie, il veut seulement être notre victime et notre nourriture. Bien plus, l’Eucharistie est un instrument dont se sert l’Esprit-Saint pour nous sanctifier et nous glorifier.

Le Saint-Esprit est l’âme de l’Église. Nous avons souvent entendu dire que l’Église est le corps mystique du Christ ; mais ce corps est vivant et la vie suppose une âme. Cette âme, c’est le Saint-Esprit. Si nous pouvions bien saisir cette vérité ! Quelle est l’importance de l’âme dans le corps ? Elle est le principe vital. Dès que l’âme se sépare du corps, le corps est mort, incapable de sensation, de pensée, de vouloir ; bref, le corps sans âme se dissout. Or le Saint-Esprit est l’âme du grand corps de l’Église. Il est le principe de vie pour l’Église et pour l’âme ; c’est lui qui nous donne et nous conserve la vie divine. Ce n’est que par lui que nous pouvons prier, ce n’est que par lui que nous pouvons faire quelque chose de bien.

Il y a trois lieux dans l’Église où le Saint-Esprit agit particulièrement : le confessionnal, la chaire et l’autel. Au-dessus de ces trois lieux, le Saint-Esprit plane invisiblement. C’est par le Saint-Esprit qu’est conféré aux prêtres le pouvoir de remettre les péchés : « Recevez le Saint-Esprit, les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez », dit le Sauveur au soir de sa Résurrection. La rémission des péchés par le prêtre est une œuvre du Saint-Esprit. La prédication aussi est une œuvre du Saint-Esprit. Nous savons que la prédication n’est pas le discours ordinaire d’un homme ; c’est la parole de Dieu. Le prédicateur prête à Dieu sa langue et sa bouche. Mais c’est le Saint-Esprit qui donne au magistère de l’Église l’infaillibilité.

Enfin, c’est surtout la sainte messe qui est une œuvre du Saint-Esprit. De même qu’autrefois la sainte humanité du Christ fut formée par le Saint-Esprit (« il a été conçu du Saint-Esprit »), de même c’est le Saint-Esprit qui change le pain et le vin au corps et au sang de Jésus-Christ. Aussi, au moment de l’Offertoire, on implore la descente du Saint-Esprit sur les oblats.

Célébrons donc la grande fête de la Pentecôte avec un triple sentiment. D’abord dans un sentiment de joie. Dans aucune autre fête, nous n’entendons des paroles comme celles de la préface d’aujourd’hui : « C’est pourquoi, dans une abondance de joies, le monde entier tressaille sur la surface de la terre ». Comme le chrétien est donc heureux ! Ayons ensuite une foi forte et ferme à la présence et à l’action puissante du Saint-Esprit dans l’Église et dans l’âme. Nous devons sentir formellement l’action du Saint-Esprit dans l’Église et dans notre âme. Parce que l’Église et notre âme ne sont pas encore parfaites, nous devons éprouver un troisième sentiment, un désir ardent de la venue du Saint-Esprit qui nous portera à implorer cette venue : « Viens, Saint-Esprit, remplis les cœurs de tes fidèles. »

Si nous voulons célébrer comme il faut la Pentecôte, remplissons-nous de cette persuasion. Aujourd’hui se renouvelle mystiquement dans nos âmes le miracle de la première Pentecôte chrétienne. Au Saint-Sacrifice, le Saint-Esprit est « versé sur les enfants de miséricorde ». C’est ainsi que nous célèbrerons une belle et sainte fête de Pentecôte.

DIMANCHE DE LA PENTECÔTE

STATION A SAINT PIERRE

« Aujourd’hui est venu le jour de la Pentecôte. Alléluia ; Aujourd’hui le Saint-Esprit est apparu aux disciples dans le feu, et leur a communiqué ses dons de grâce : Il les a envoyés dans le monde entier pour prêcher et rendre témoignage : celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, Alléluia » (Ant. Magn., IImes Vêpres). « Le Jour de la Pentecôte, dans lequel, à Jérusalem, le Saint-Esprit descendit sur les disciples sous la forme de langues de feu » (Martyrologe.).

Les grandes fêtes doivent être célébrées entièrement avec l’Église ; la journée doit être sanctifiée par la prière des Heures qui est divisée selon le temps, mais le point culminant doit être la messe. (Je suppose que les lecteurs possèdent l’office de la Pentecôte).

1. L’office des Heures. — La Pentecôte, comme toutes les grandes fêtes, est encadrée par deux vêpres, les premières, au commencement, et les secondes la fin. Elles sont l’introduction et la conclusion de la fête.

Aux premières vêpres, nous entendons déjà tous les thèmes de la Pentecôte. Nous célébrons l’action du Saint-Esprit ; on entend même le thème du baptême (4e antienne), mais nous chantons surtout l’Esprit Créateur qui répand la vie (hymne). Au magnificat, nous célébrons joyeusement le retour du Christ dans son Église par le Saint-Esprit.

Ce qui n’est qu’indiqué d’une manière thématique est développé et exposé dans les matines de la fête. Les matines sont le drame de prière d’une fête. Les matines de la Pentecôte, comme celles de Pâques, n’ont qu’un nocturne. En effet, dans la nuit de la Pentecôte comme dans la nuit de Pâques, avaient lieu les cérémonies du baptême et il ne restait plus qu’une veille de nuit pour la prière nocturne. Les trois psaumes peuvent être comparés à un triptyque qui montre trois images : 

 Ière image : le fait historique et l’importance du miracle de la Pentecôte : sous le voile du Psaume 47 , nous voyons l’action puissante de l’ouragan de la Pentecôte. 

 2e image : L’action du Saint-Esprit dans son Église. Si difficile que soit le Psaume 67 (c’est un des plus obscurs du psautier), il est cependant clair qu’il s’agit de la marche victorieuse de Dieu par l’arche d’alliance, de l’Égypte à travers le désert jusqu’à la terre promise et à la-colline de Sion, d’où le Dieu d’alliance étend son empire sur le monde. Cet empire universel se développe dans le Christ et son Église — sous l’action du Saint-Esprit. 

 3e image : La nouvelle création par le Saint-Esprit, Le Psaume 103 est une description très poétique de l’œuvre des six jours. La magnificence de la Création visible est une image et un symbole de ta Création spirituelle et invisible, qui est l’œuvre du Saint-Esprit dans l’âme et dans l’Église.

Les leçons de Matines sont tirées d’un sermon de saint Grégoire 1er, que ce grand pape prononça, il y a plus de 1300 ans, dans une cérémonie liturgique de la Pentecôte, à Saint-Pierre de Rome. (Ces leçons nous indiquent qu’à cette époque (vers 600) et certainement aussi, longtemps avant, les deux lectures de la messe étaient les mêmes).

« Et mon Père l’aimera et nous viendrons à lui et nous établirons notre demeure chez lui. Considérez, très chers frères, quelle dignité c’est que de donner l’hospitalité à Dieu dans son cœur ! Si un ami riche ou puissant venait dans notre maison, est-ce qu’on ne nettoierait pas en toute hâte la maison, afin qu’il ne s’y trouvât rien qui pût déplaire à l’ami au moment de son entrée ? Qu’il écarte donc les souillures des mauvaises œuvres, celui qui prépare la maison de son cœur pour Dieu ! Mais observez bien ce que dit la divine vérité : « Nous viendrons et nous établirons notre demeure chez lui ». Dieu vient sans doute dans le cœur de certains hommes, mais il ne prend pas demeure en eux, car bien qu’ils cherchent Dieu au temps de la componction, au temps de la tentation ils oublient tout ce qui les avait amenés à la componction et ils reviennent à leur ancienne vie de péché, comme s’ils n’avaient jamais pleuré leurs péchés ».

Les Laudes sont la prière du matin, dans laquelle nous unissons la louange matinale de la Création à la célébration de la nouvelle Création spirituelle opérée par le Saint-Esprit. Parmi les petites Heures (prières du jour), l’Heure de tierce (qui se récite vers 9 heures) a une importance particulière, parce que c’est justement à cette heure-là que le Saint-Esprit descendit, le jour de la Pentecôte C’est pourquoi Tierce est consacrée, toute l’année, au Saint-Esprit (chaque jour, dans l’hymne, on implore sa descente). Pendant toute l’Octave, cette petite Heure est caractérisée par ce fait qu’on y chante la belle hymne : Veni Creator.

2. La messe (Spiritus Domini). — L’Église s’adapte encore d’une manière précise à la succession du temps. Cinquante jours après Pâques, l’Église se réunit dans le « Cénacle » de la maison de Dieu. Elle se réunit vers la « troisième heure » (l’heure de tierce — 9 heures — est consacrée au Saint-Esprit ; c’est aussi, les jours de fêtes, l’heure où l’Église désire que l’on célèbre la messe), et attend la plénitude du Saint-Esprit dans le sacrifice eucharistique.

La messe de la fête est donc la célébration du mystère de la descente du Saint-Esprit. Nous sommes à Saint-Pierre, l’église des peuples, comme jadis, le jour de la première Pentecôte, les peuples de toutes langues se rassemblaient autour du Cénacle.

Introït : L’Esprit vit désormais dans les cœurs des hommes de tous les peuples ; il unit les langues alors que le péché les avait brouillées. Dans le psaume 67, nous chantons le triomphe de l’Église à travers les temps. La leçon décrit le miracle historique de la Pentecôte. Ce miracle se renouvelle et, même, se réalise d’une manière plus complète qu’alors. Et pourtant, le miracle de la Pentecôte est loin d’être achevé en nous. Tant que nous vivons et tant que l’Église demeure sur la terre, il faut que les langues de feu descendent sur nous.

C’est pourquoi les textes contiennent de si instantes implorations : « Veni — Viens. Saint-Esprit... » (Alléluia et Séquence) Ce Veni Sancte Spiritus n’est pas une parole de l’Écriture ; c’est un texte composé par l’Église. Mais il lui est si cher : qu’elle le chante et le récite à genoux. Il a quelque chose du Maranatha de la primitive Église. La Séquence n’est qu’une méditation sur cet impérissable « Veni Sancte Spiritus ».

Dans l’Évangile, (le dernier passage du discours d’adieu qui parle du Saint-Esprit), le Seigneur lui-même décrit l’action du Saint-Esprit : il fait de nous le temple de la Trinité (pensée chère à saint Paul et à la primitive Église), il est notre docteur et notre inspirateur, il nous confère le don de la paix, il nous insuffle l’esprit du martyre. Ce don, nous le recevons, aujourd’hui et chaque jour, dans le sacrifice eucharistique.

Une pièce d’une particulière beauté est l’Offertoire. En tant que rois (nous avons été remplis de l’esprit des princes), nous faisons notre procession d’offrande vers Jérusalem (c’est notre autel) ; nous portons nos présents et nous demandons le renouvellement de la Confirmation (confirma) et l’affermissement de l’œuvre pascale en nous (la Pentecôte est l’achèvement de Pâques).

La communion est le renouvellement de l’envoi du Saint-Esprit et le miracle de la Pentecôte s’accomplit en nous (Comm.).

3. Le miracle de la Pentecôte. — Racontons maintenant comment le Saint-Esprit descendit sur les Apôtres. Comme on le sait, après l’Ascension du Seigneur les Apôtres et les disciples retournèrent à Jérusalem. Ils demeurèrent ensemble dans la salle du Cénacle, dans ce lieu sacré où le Sauveur était si souvent apparu, dans ce lieu qui fut la première église chrétienne. Ils étaient rassemblés, là, environ 120 personnes. C’est là qu’ils élurent Matthias Apôtre à la place du malheureux Judas ; c’est là qu’ils prièrent et qu’ils attendirent le Saint-Esprit.

Dix jours étaient passés depuis l’Ascension du Seigneur. C’était un dimanche, un jour de Résurrection ; vers 9 heures du matin, ils se trouvaient réunis et ils priaient avec ferveur. C’est alors que le Saint-Esprit descendit sur eux. Remarquons bien que tous les grands événements, dans la vie du Christ, se produisirent pendant qu’il priait. Au moment où le Sauveur, après son baptême, priait, le ciel s’ouvrit et le Saint-Esprit apparut sous la forme d’une colombe ; de même, c’est pendant qu’il priait sur le mont Thabor que le Seigneur fut transfiguré. Sans doute, c’est pendant qu’elle priait que la Sainte Vierge reçut le message de l’ange et fut couverte de l’ombre du Saint-Esprit. Il en est de même ici. C’est par la prière que la petite communauté prépara la voie à l’Esprit qui descendit sur elle. Il en est de même aujourd’hui à la messe et, en définitive, dans toutes les messes. Par la prière, nous rendons notre âme apte à recevoir le Saint-Esprit.

La descente du Saint-Esprit sur les Apôtres fut, il est vrai, intérieure et invisible, mais elle fut accompagnée de manifestations extérieures. Ces manifestations furent les suivantes : Il se fit un grand bruit, comme si avait soufflé un vent violent. Ce bruit vint soudain du ciel ; ce n’était pas une tempête qui faisait rage autour de la maison, mais ce bruit remplit toute la maison ; le Cénacle où ils étaient assis. Ce n’était donc pas un vent naturel, mais un miracle de Pentecôte.

La seconde manifestation consista en des langues de feu qui se reposèrent sur chacun des Apôtres et des disciples. Ces langues étaient le signe visible qui indiquait la venue du Saint-Esprit en eux. Quand nous célébrons aujourd’hui la sainte messe, surtout au moment de la Communion, la force du Saint-Esprit descend aussi sur nous. Sans doute nous ne voyons pas de langues de feu, mais nous recevons tout ce qu’indiquent les langues de feu.

On nous parle encore d’un troisième effet extérieur de la descente du Saint-Esprit. Les Apôtres et les disciples purent parler en plusieurs langues. L’Écriture nous raconte encore qu’en entendant le grand bruit, de nombreux pèlerins, venus pour la fête, se hâtèrent vers le Cénacle. La Pentecôte, en effet, était une des trois grandes fêtes juives pour lesquelles les Juifs devaient se rendre à Jérusalem. A ces fêtes, venaient aussi, volontiers, des Juifs des pays étrangers, et aussi des païens qui avaient adopté la religion juive. Il y avait donc là une multitude variée de gens qui parlaient toutes sortes de langue. Ce furent ces gens qui vinrent. Alors, s’avancèrent les Apôtres. Ces hommes, jusque-là si timides et qui se renfermaient par peur, sortirent de la maison et chacun se mit à parler dans une langue différente. Les étrangers furent frappés de stupeur. Les Apôtres n’étaient pourtant que de simples Galiléens qui ne savaient que leur langue maternelle, et voilà qu’ils parlaient dans toutes les langues du monde. Comment cela pouvait-il se faire ? Mais les juifs malveillants ne tardèrent pas à arriver à leur tour. Ils voulurent détruire l’effet du miracle de la Pentecôte. Tous ces Galiléens, dirent-ils, sont ivres et c’est dans l’ivresse qu’ils prononcent ces paroles. Mais Pierre fut prompt à la riposte. Il dit immédiatement : Non, frères, ce n’est pas cela ; nous ne sommes pas ivres. Il n’est que 9 heures du matin et les hommes ne sont pas ivres à cette heure-là. Mais ce que vous voyez est l’accomplissement de la prophétie de Joël qui dit : Aux jours du Messie, Dieu répandra son Esprit sur les hommes et ils prophétiseront... Puis, Pierre reproche aux Juifs d’avoir mis Jésus à mort en le suspendant à la Croix. Cependant, Dieu l’a ressuscité. Remonté au ciel, il a envoyé le Saint-Esprit sur les Apôtres. — Quand les nombreux pèlerins eurent entendu le premier sermon de Pentecôte, ils rentrèrent en eux-mêmes et demandèrent à Pierre : Que devons-nous faire ? Pierre répondit : Convertissez-vous, faites-vous baptiser, alors vous recevrez le don du Saint-Esprit. En ce même jour, 3.000 personnes reçurent le baptême.

Nous nous demanderons peut-être : quelle est l’importance du miracle des langues ? Rappelons-nous la tour de Babel. Les hommes, alors, voulurent, dans leur orgueil, élever une tour jusqu’au ciel. Dieu, pour les punir, brouilla leurs langages. Le péché sépara et désunit les hommes. Mais le Christ est venu pour rassembler tous les hommes dans une seule Église et les unir avec lui. Il faut qu’il n’y ait plus désormais qu’une seule famille de peuples. C’est ce que veut indiquer le miracle des langues. Nous aussi, chrétiens, nous avons reçu un don des langues qui fait que tous les hommes nous comprennent. Ce don des langues, c’est la charité qui a été répandue en nous par le Saint-Esprit. La charité unit tous les peuples ; par la charité, on peut se faire entendre de tous les hommes.

[38] Cf. Tome Ier : « Les deux cycles festivaux de l’année liturgique sont construits de la même manière : il y a d’abord une montée qui est la préparation, ensuite un cheminement sur les hauteurs pendant le temps des fêtes, puis une descente dans la plaine pendant le temps où s’achève le cycle. Le temps de préparation du cycle d’hiver est l’Avent que nous venons d’achever. Maintenant que ce temps est achevé, nous restons étonnés devant les richesses de poésie symbolique et dramatique que l’Église a réunies. Intentionnellement nous avons laissé la liturgie elle-même parler dans ses chants et ses leçons, afin de pouvoir admirer cette richesse. Nous pouvons affirmer qu’aucun temps de l’année liturgique ne possède une telle surabondance de cantiques, de versets, de chants. Comme d’une corne d’abondance la liturgie nous verse la profusion variée de ses chants.

Maintenant suit, sans solution de continuité, comme une émanation naturelle de l’Avent, la fête de Noël. Le temps festival des deux cycles a encore ceci de commun qu’il comprend, dans l’un et l’autre cas, deux grandes fêtes, qui sont comme les piles du pont qui supportent tout le temps festival. Dans le cycle d’hiver, nous avons Noël et l’Épiphanie ; dans le cycle d’été, Pâques et la Pentecôte. Il y a cependant une différence entre ces deux couples de fêtes. Pâques et la Pentecôte représentent un développement organique de la même pensée de salut, Noël et l’Épiphanie sont la répétition de la même pensée. La célébration de ces deux fêtes ne s’explique que par des raisons historiques. Noël est la fête de la Nativité de l’Occident et l’Épiphanie celle de l’Orient. L’Occident a adopté l’Épiphanie et l’Orient Noël. Ces deux fêtes de l’Orient et de l’Occident sont un monument vénérable de l’union qui régnait autrefois entre les deux Églises, union que nous voudrions voir renaître, après une séparation millénaire. L’union malgré toute la différence d’idées et de sentiments !

Les circonstances historiques qui ont fait de ces deux fêtes des doublets nous aideront à comprendre bien des particularités et à résoudre bien des difficultés qui résultent de ce double emploi. Pour nous autres Occidentaux, la fête de Noël paraîtra toujours plus importante que celle de l’Épiphanie, malgré le rang plus élevé de cette dernière. Noël est et demeure notre fête, l’Épiphanie nous touche de moins près. Après quatre semaines où le désir a tendu fortement notre esprit, Noël est le véritable accomplissement de l’Avent. Il faut cependant avouer qu’entre l’Avent et l’Épiphanie la parenté de pensées est plus étroite. Noël est cependant bien la clôture de l’Avent. Il suffit de parcourir les textes de la Vigile. Nous reprenons toujours ce chant : Demain le péché originel sera détruit. Noël est la fête de la Rédemption. Par contre, il nous faut attendre jusqu’à l’Épiphanie pour voir se réaliser la glorieuse visite du Roi dont la pensée domine l’Avent.

D’ailleurs Noël et l’Épiphanie ne sont pas de simples doublets. L’Église Occidentale a reçu de l’Église Orientale sa fête de la Nativité avec son contenu spirituel oriental et elle l’a développée selon son génie propre. Elle l’a magnifiquement fécondée et enrichie. Son regard s’est élevé du cercle historique étroit de la naissance du Seigneur jusqu’à la perspective de la royauté du Christ qui domine les temps. L’Avent de l’Occident et sa fête de Noël ont bénéficié de cet élargissement de vues. Finalement les deux fêtes de la Nativité sont devenues deux solennités distinctes avec un objet indépendant et une progression intérieure.

Nous avons désormais quelque chose d’analogue à ce que nous voyons dans le cycle de Pâques. A Pâques le soleil de la Résurrection se lève et éclaire le monde de ses rayons brillants. A la Pentecôte, ce soleil est à son midi et sa chaude lumière crée la vie et la fécondité. A Noël, le soleil de la Nativité se lève sur les plaines de Bethléem, à l’Épiphanie « la gloire du Seigneur » rayonne sur Jérusalem. A Noël nous naissons et renaissons avec le Christ notre frère, à l’Épiphanie le Christ célèbre avec l’Église et l’âme ses noces mystiques. A Noël « le Christ nous est né » ; c’est comme une fête intime de famille à laquelle ne participent que quelques privilégiés avec Marie et les bergers ; à l’Épiphanie, « le Christ nous est apparu », c’est-à-dire il a manifesté son apparition au monde ».

SOURCE : http://www.introibo.fr/Commentaires-liturgiques-du-Jour,951#nh1


BENEDICT XVI

GENERAL AUDIENCE

Saint Peter's Square
Wednesday, 16 May 2012

Dear Brothers and Sisters,

In recent catecheses we reflected on prayer in the Acts of the Apostles, today I would like to begin to speak about prayer in the Letters of St Paul, the Apostle to the Gentiles. First of all, I would like to note that it is by no accident that his Letters open and close with expressions of prayer: at the beginning thanksgiving and praise, and at the end the hope that the grace of God may guide the path of the community to whom the Letter is addressed. Between the opening formula: “I thank my God through Jesus Christ” (Rom 1:8), and his final wish: “The grace of the Lord Jesus be with you all” (1 Cor 16:23), the Apostle’s letters unfold. St Paul’s prayer is one which manifests itself in a great many ways that move from thanksgiving to blessing, from praise to petitions and intercessions, from hymns to supplication. He uses a variety of expressions which demonstrate how prayer concerns and penetrates every one of life’s situations, whether they be personal or of the communities, whom he is addressing.

One element that the Apostle would have us understand is that prayer should not be seen simply as a good deed done by us to God, our own action. It is, above all, a gift, the fruit of the living presence, the life-giving presence of the Father and of Jesus Christ in us. In the Letter to the Romans, he writes: “Likewise the Spirit helps us in our weakness; for we do not know how to pray as we ought, but the Spirit himself intercedes for us with sighs too deep for words” (8:26). And we know how true it is when the Apostle says: “we do not know how to pray as we ought”. We want to pray, but God is far, we do not have the words, the language, to speak with God, not even the thought. We can only open ourselves, set our time at the disposal of God, waiting for him to help us enter into true dialogue. The Apostle says: this very lack of words, this absence of words, even the desire to enter into contact with God is a prayer that the Holy Spirit not only understands, but carries, interprets, to God. It is precisely our weakness which becomes, through the Holy Spirit, true prayer, true contact with God. The Holy Spirit is almost the interpreter who makes God and us ourselves understand what we want to say.

In prayer we experience, more so than in other dimensions of life, our weakness, our poverty, our being created, because we stand before the omnipotence and the transcendence of God. And the more we progress in listening to and dialoguing with God, for prayer becomes the daily breathe of our soul, the more we perceive the meaning of our limits, not just before the concrete situations of every day but in our relationship with the Lord too. Growing within us is the need to trust, to trust ever more in him; we understand that “we do not know how to pray as we ought” (Rom 8:26). And it is the Holy Spirit who helps us in our incapacity, who illuminates our minds and warms our hearts, guiding us to turn to God. For St Paul prayer is above all the work of the Spirit in our humanity, taking charge of our weakness and transforming us from men attached to the material world into spiritual men. In the First Letter to the Corinthians he writes: “Now we have received not the spirit of the world, but the Spirit which is from God, that we might understand the gifts bestowed on us by God. And we impart this in words not taught by human wisdom but taught by the Spirit, interpreting spiritual truths to those who possess the Spirit” (2:12-13). With his dwelling in our human frailty, the Holy Spirit changes us, intercedes for us, leads us toward the heights of God (cf. Rom 8:26).

With this presence of the Holy Spirit our union with Christ is realized, for it is the Spirit of the Son of God in whom we are made children. St Paul speaks of the Spirit of Christ (cf. Rom 8:9), and not only the Spirit of God. Clearly: if Christ is the Son of God, his Spirit is also the Spirit of God, and thus if the Spirit of God, the Spirit of Christ, had already become very close to us in the Son of God and the Son of man, the Spirit of God too becomes human spirit and touches us; we can enter into the communion of the Spirit.

It was as if he had said that not only God the Father was made visible in the Incarnation of the Son, but also the Spirit of God is manifest in the life and action of Jesus, of Jesus Christ who lived, was crucified, died and rose again. The Apostle reminds us that “No one can say ‘Jesus is Lord’ except by the Holy Spirit” (1 Cor 12:3). Therefore, the Spirit directs our heart towards Jesus Christ, in such a way that “it is no longer we who live, but Christ who lives in us” (cf. Gal 2:20). In his De sacramentis, reflecting on the Eucharist, St Ambrose says: “Whoever is drunk of the Spirit is rooted in Christ” (5, 3, 12: PL 16, 450).

And now I would like to underline three consequences in Christian life when we let work within us not the spirit of the world but the Spirit of Christ as the interior principle of our entire action.

First, with prayer animated by the Spirit we are enabled to abandon and overcome every form of fear and slavery, living the authentic freedom of the children of God. Without prayer which every day nourishes our being in Christ, in an intimacy which progressively grows, we find ourselves in the state described by St Paul in his Letter to the Romans: we do not do the good we want, but the evil we do not want (cf. Rom 7:19). And this is the expression of the alienation of human beings, of the destruction of our freedom, the circumstances of our being because of original sin: we want the good that we do not do and we do what we do not want to do: evil. The Apostle wants to make us understand that it is not primarily our will that frees us from these conditions, nor even the law, but the Holy Spirit. And since “where the Spirit of the Lord is, there is freedom” (2 Cor 3:17), in prayer we experience the freedom given by the Spirit: an authentic freedom, which is freedom from evil and sin for the good and for life, for God. The freedom of the Spirit, St Paul continues, is never identified with licentiousness, nor with the possibility to choose evil, but rather with “the fruit of the Spirit is love, joy, peace, patience, kindness, goodness, faithfulness, gentleness, self control” (Gal 5:22). This is true freedom: actually to be able to follow our desire for good, for true joy, for communion with God and to be free from the oppression of circumstances that pull us in other directions.

A second consequence occurs in our life when we let work within us the Spirit of Christ and when the very relationship with God becomes so profound that no other reality or situation affects it. We understand that with prayer we are not liberated from trials and suffering, but we can live through them in union with Christ, with his suffering, in the hope of also participating in his glory (cf. Rom 8:17). Many times, in our prayer, we ask God to be freed from physical and spiritual evil, and we do it with great trust. However, often we have the impression of not being heard and we may well feel discouraged and fail to persevere. In reality, there is no human cry that is not heard by God and it is precisely in constant and faithful prayer that we comprehend with St Paul that “the sufferings of this present time are not worth comparing with the glory that is to be revealed to us” (Rom 8:18). Prayer does not exempt us from trial and suffering, indeed — St Paul says — we “groan inwardly as we wait for adoption as sons, the redemption of our bodies” (Rom 8:23). He says that prayer does not exempt us from suffering but prayer does permit us to live through it and face it with a new strength, with the confidence of Jesus, who — according to the Letter to the Hebrews — “In the days of his flesh, Jesus offered up prayers and supplications, with loud cries and tears, to him [God] who was able to save him from death, and he was heard for his godly fear” (5:7). The answer of God the Father to the Son, to his loud cries and tears, was not freedom from suffering, from the cross, from death, but a much greater fulfillment, an answer much more profound; through the cross and death God responded with the Resurrection of the Son, with new life. Prayer animated by the Holy Spirit leads us too to live every day a journey of life with its trials and sufferings, with the fullness of hope, with trust in God who answers us as he answered the Son.

And, the third, the prayer of the believer opens also to the dimensions of humanity and of all creation, in the expectation that “creation waits with eager longing for the revealing of the sons of God” (Rom 8:19). This means that prayer, sustained by the Spirit of Christ speaking in the depths of each one of us, does not stay closed in on itself. It is never just prayer for me, but opens itself to sharing the suffering of our time, of others. It becomes intercession for others, and like this deliverance from me, a channel of hope for all creation, the expression of that love of God that is poured into our hearts through the Spirit whom he has given to us (cf. Rom 5:5). And precisely this is a sign of true prayer, which does not end in us, but opens itself to others and like this delivers me, and thus helps in the redemption of the world.

Dear brothers and sisters, St Paul teaches us that in our prayer we must open ourselves to the presence of the Holy Spirit, who prays in us with sighs too deep for words, to lead us to adhere to God with all our heart and with all our being. The Spirit of Christ becomes the strength of our “weak” prayers, the light of our “darkened” prayer, the fire of our “barren” prayer, giving us true inner freedom, teaching us to live facing the trials of existence, in the certainty of not being alone, opening us to the horizons of humanity and of creation which “has been groaning in travail” (Rom 8:22). Thank you.


To special groups:

I greet all the English-speaking visitors present at today’s Audience, including those from, Ireland, India, Indonesia, Japan, the Philippines, Canada and the United States. I welcome in particular the pilgrimage groups from Australia. Upon you and your families I cordially invoke the joy and peace of the Risen Lord.

I am pleased to greet Cardinal Oscar Rodríguez Maradiaga, President of Caritas Internationalis, together with Members of the Executive Board and Representative Council. Your presence here today expresses your communion with the Successor of Peter and your readiness to welcome the new juridical framework of your organization. I thank you for this and I am certain that the new structures will support and encourage your important service to those most in need.

My thoughts now turn to young people, the sick and newly weds. The Solemnity of the Ascension of the Lord, which we will celebrate tomorrow, invites us to look to Jesus who, by ascending to Heaven, entrusts to the Apostles the mandate to carry his message of salvation throughout the world. Dear young people, commit yourselves to setting your enthusiasm at the service of the Gospel. You, dear sick people, live out your suffering united to the Lord, to offer your own precious contribution to the spreading of the Kingdom of God. And you, dear newlyweds, witness to the love of Christ with your marital love.

© Copyright 2012 - Libreria Editrice Vaticana

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SOURCE : https://www.vatican.va/content/benedict-xvi/en/audiences/2012/documents/hf_ben-xvi_aud_20120516.html

Jean Fouquet  (–1478), L'illumination des fidèles par le Saint-Esprit, miniature extraite des Heures d’Étienne Chevalier, vers 1452-1460, miniature sur parchemin, 16,5 x 12, musée Condé


Holy Ghost

Synopsis of the dogma

The doctrine of the Catholic Church concerning the Holy Ghost forms an integral part of her teaching on themystery of the Holy Trinity, of which St. Augustine (On the Holy Trinity I.3.5), speaking with diffidence, says: "In no other subject is the danger of erring so great, or the progress so difficult, or the fruit of a careful study so appreciable". The essential points of the dogma may be resumed in the following propositions:

The Holy Ghost is the Third Person of the Blessed Trinity.

Though really distinct, as a Person, from the Father and the Son, He is consubstantial with Them; being Godlike Them, He possesses with Them one and the same Divine Essence or Nature.

He proceeds, not by way of generation, but by way of spiration, from the Father and the Son together, as from a single principle.

Such is the belief the Catholic faith demands.

Chief errors

All the theories and all the Christian sects that have contradicted or impugned, in any way, the dogma of theTrinity, have, as a logical consequence, threatened likewise the faith in the Holy Ghost. Among these, historymentions the following:

In the second and third centuries, the dynamic or modalistic Monarchians (certain Ebionites, it is said, Theodotus of Byzantium, Paul of SamosataPraxeas, Noëtus, Sabellius, and the Patripassians generally) held that the same Divine Person, according to His different operations or manifestations, is in turn called the Father, the Son, and the Holy Ghost; so they recognized a purely nominal Trinity.

In the fourth century and later, the Arians and their numerous heretical offspring: Anomans or Eunomians,Semi-AriansAcacians, etc., while admitting the triple personality, denied the consubstantialityArianismhad been preceded by the Subordination theory of some ante-Nicene writers, who affirmed a difference and a gradation between the Divine Persons other than those that arise from their relations in point of origin.

In the sixteenth century, the Socinians explicitly rejected, in the name of reason, along with all themysteries of Christianity, the doctrine of Three Persons in One God.

Mention may also be made of the teachings of Johannes Philoponus (sixth century), RoscellinusGilbert de la PorréeJoachim of Flora (eleventh and twelfth centuries), and, in modern times, Günther, who, by denying or obscuring the doctrine of the numerical unity of the Divine Nature, in reality set up a triple deity.

In addition to these systems and these writers, who came in conflict with the true doctrine about the Holy Ghost only indirectly and as a logical result of previous errors, there were others who attacked the truth directly:

Towards the middle of the fourth century, MacedoniusBishop of Constantinople, and, after him a number ofSemi-Arians, while apparently admitting the Divinity of the Word, denied that of the Holy Ghost. They placed Him among the spirits, inferior ministers of God, but higher than the angels. They were, under the name ofPneumatomachians, condemned by the Council of Constantinople, in 381 (Mansi, III, col. 560).

Since the days of Photius, the schismatic Greeks maintain that the Holy Ghost, true God like the Father and the Son, proceeds from the former alone.

The Third Person of the Blessed Trinity

This heading implies two truths:

The Holy Ghost is a Person really distinct as such from the Father and the Son;

He is God and consubstantial with the Father and the Son.

The first statement is directly opposed to Monarchianism and to Socinianism; the second to Subordinationism, to the different forms of Arianism, and to Macedonianism in particular. The same arguments drawn from Scriptureand Tradition may be used generally to prove either assertion. We will, therefore, bring forward the proofs of the two truths together, but first call particular attention to some passages that demonstrate more explicitly the distinction of personality.

Scripture

In the New Testament the word spirit and, perhaps, even the expression spirit of God signify at times the soul orman himself, inasmuch as he is under the influence of God and aspires to things above; more frequently, especially in St. Paul, they signify God acting in man; but they are used, besides, to designate not only a working of God in general, but a Divine Person, Who is neither the Father nor the Son, Who is named together with the Father, or the Son, or with Both, without the context allowing them to be identified. A few instances are given here. We read in John 14:16-17: "And I will ask the Father, and he shall give you another Paraclete, that he may abide with, you for ever. The spirit of truth, whom the world cannot receive"; and in John 15:26: "But when theParaclete cometh, whom I will send you from the Father, the Spirit of truth, who proceedeth from the Father, he shall give testimony of me." St. Peter addresses his first epistle, 1:1-2, "to the strangers dispersed . . . elect, according to the foreknowledge of God the Father, unto the sanctification of the Spirit, unto obedience and sprinkling of the blood of Jesus Christ". The Spirit of consolation and of truth is also clearly distinguished in John 16:7, 13-15, from the Son, from Whom He receives all He is to teach the Apostles, and from the Father, who has nothing that the Son also does not possess. Both send Him, but He is not separated from Them, for the Father and the Son come with Him when He descends into our souls (John 14:23).

Many other texts declare quite as clearly that the Holy Ghost is a Person, a Person distinct from the Father and the Son, and yet One God with Them. In several places St. Paul speaks of Him as if speaking of God. In Acts 28:25, he says to the Jews: "Well did the Holy Ghost speak to our fathers by Isaias the prophet"; now theprophecy contained in the next two verses is taken from Isaiah 6:9-10, where it is put in the mouth of the "King the Lord of hosts". In other places he uses the words God and Holy Ghost as plainly synonymous. Thus he writes (1 Corinthians 3:16): "Know you not, that you are the temple of God, and that the Spirit of God dwelleth in you?" and in 6:19: "Or know you not, that your members are the temple of the Holy Ghost, who is in you . . . ?" St. Peter asserts the same identity when he thus remonstrates with Ananias (Acts 5:3-4): "Why hath Satan temptedthy heart, that thou shouldst lie to the Holy Ghost . . . ? Thou hast not lied to men, but to God." The sacred writers attribute to the Holy Ghost all the works characteristic of Divine power. It is in His name, as in the name of the Father and of the Son, that baptism is to be given (Matthew 28:19). It is by His operation that the greatest of Divine mysteries, the Incarnation of the Word, is accomplished (Matthew 1:18, 20Luke 1:35). It is also in His name and by His power that sins are forgiven and souls sanctified: "Receive ye the Holy Ghost. Whose sins you shall forgive, they are forgiven them" (John 20:22-23); "But you are washed, but you are sanctified, but you arejustified in the name of our Lord Jesus Christ, and the Spirit of our God" (1 Corinthians 6:11); "The charity of Godis poured forth in our hearts, by the Holy Ghost, who is given to us" (Romans 5:5). He is essentially the Spirit oftruth (John 14:16-1715:26), Whose office it is to strengthen faith (Acts 6:5), to bestow wisdom (Acts 6:3), to give testimony of Christ, that is to say, to confirm His teaching inwardly (John 15:26), and to teach the Apostlesthe full meaning of it (John 14:2616:13). With these Apostles He will abide for ever (John 14:16). Having descended on them at Pentecost, He will guide them in their work (Acts 8:29), for He will inspire the newprophets (Acts 11:2813:9), as He inspired the Prophets of the Old Law (Acts 7:51). He is the source of gracesand gifts (1 Corinthians 12:3-11); He, in particular, grants the gift of tongues (Acts 2:410:44-47). And as he dwells in our bodies sanctifies them (1 Corinthians 3:166:19), so will and them he raise them again, one day, from the dead (Romans 8:11). But he operates especially in the soul, giving it a new life (Romans 8:9 sq.), being the pledge that God has given us that we are his children (Romans 8:14-162 Corinthians 1:225:5Galatians 4:6). He is the Spirit of God, and at the same time the Spirit of Christ (Romans 8:9); because He is in God, Heknows the deepest mysteries of God (1 Corinthians 2:10-11), and He possesses all knowledgeSt. Paul ends hisSecond Epistle to the Corinthians (13:13) with this formula of benediction, which might be called a blessing of theTrinity: "The grace of our Lord Jesus Christ, and the charity of God, and the communication of the Holy Ghost be with you all." — Cf. Tixeront, "Hist. des dogmes", Paris, 1905, I, 80, 89, 90, 100, 101.

Tradition

While corroborating and explaining the testimony of ScriptureTradition brings more clearly before us the various stages of the evolution of this doctrine.

As early as the first century, St. Clement of Rome gives us important teaching about the Holy Ghost. His "Epistle to the Corinthians" not only tells us that the Spirit inspired and guided the holy writers (8.145.2); that He is the voice of Jesus Christ speaking to us in the Old Testament (22.1 sq.); but it contains further, two very explicit statements about the Trinity. In 46.6 (Funk, "Patres apostolici", 2nd ed., I,158), we read that "we have only oneGod, one Christ, one only Spirit of grace within us, one same vocation in Christ". In 58.2 (Funk, ibid., 172), the author makes this solemn affirmation; zo gar ho theos, kai zo ho kyrios Iesous Christos kai to pneuma to hagion, he te pistis kai he elpis ton eklekton, oti . . . which we may compare with the formula so frequently met with in the Old Testament: zo kyrios. From this it follows that, in Clement's view, kyrios was equally applicable to ho theos (the Father), ho kyrios Iesous Christos, and to pneuma to hagion; and that we have three witnesses of equal authority, whose Trinity, moreover, is the foundation of Christian faith and hope.

The same doctrine is declared, in the second and third centuries, by the lips of the martyrs, and is found in the writings of the Fathers. St. Polycarp (d. 155), in his torments, thus professed his faith in the Three Adorable Persons ("Martyrium sancti Polycarpi" in Funk, op. cit., I, 330): "Lord God Almighty, Father of Thy blessed and well beloved Son, Jesus Christ . . . in everything I praise Thee, I bless Thee, I glorify Thee by the eternal and celestial pontiff Jesus Christ, Thy well beloved Son, by whom, to Thee, with Him and with the Holy Ghost, glorynow and for ever!"

St. Epipodius spoke more distinctly still (Ruinart, "Acta mart.", Verona edition, p. 65): "I confess that Christ isGod with the Father and the Holy Ghost, and it is fitting that I should give back my soul to Him Who is my Creator and my Redeemer."

Among the apologistsAthenagoras mentions the Holy Ghost along with, and on the same plane as, the Father and the Son. "Who would not be astonished", says he (A Plea for the Christians 10), "to hear us called atheists, us who confess God the FatherGod the Son and the Holy Ghost, and hold them one in power and distinct in order [. . . ten en te henosei dynamin, kai ten en te taxei diairesin]?"

Theophilus of Antioch, who sometimes gives to the Holy Ghost, as to the Son, the name of Wisdom (sophia), mentions besides (To Autolycus I.7 and II.18) the three terms theos, logos, sophia and, being the first to apply the characteristic word that was afterwards adopted, says expressly (II.15) that they form a trinity (trias).

Irenæus looks upon the Holy Ghost as eternal (Against Heresies V.12.2), existing in God ante omnem constitutionem, and produced by him at the beginning of His ways (IV.20.3). Considered with regard to the Father, the Holy Ghost is his wisdom (IV.20.3); the Son and He are the "two hands" by which God created man(IV.Preface.4IV.20.20 and V.6.1). Considered with regard to the Church, the same Spirit is truth, grace, a pledge of immortality, a principle of union with God; intimately united to the Church, He gives the sacramentstheir efficacy and virtue (III.17.2III.24.1IV.33.7 and V.8.1).

St. Hippolytus, though he does not speak at all clearly of the Holy Ghost regarded as a distinct person, supposes him, however, to be God, as well as the Father and the Son (Against Noetus 8, 12).

Tertullian is one of the writers of this age whose tendency to Subordinationism is most apparent, and that in spite of his being the author of the definitive formula: "Three persons, one substance". And yet his teaching on theHoly Ghost is in every way remarkable. He seems to have been the first among the Fathers to affirm His Divinity in a clear and absolutely precise manner. In his work "Adversus Praxean" he dwells at length on the greatness of the Paraclete. The Holy Ghost, he says, is God (13); of the substance of the Father (3 and 4); one and the sameGod with the Father and the Son (2); proceeding from the Father through the Son (48); teaching all truth (2).

St. Gregory Thaumaturgus, or at least the Ekthesis tes pisteos, which is commonly attributed to him, and which dates from the period 260-270, gives us this remarkable passage (P.G., X, 933 sqq.): "One is God, Father of theliving Word, of the subsisting Wisdom. . . . One the Lord, one of one, God of God, invisible of invisible. . .One theHoly Ghost, having His subsistence from God. . . . Perfect Trinity, which in eternityglory, and power, is neither divided, nor separated. . . . Unchanging and immutable Trinity."

In 304, the martyr St. Vincent said (Ruinart, op. cit., 325): "I confess the Lord Jesus Christ, Son of the Father most High, one of one; I recognize Him as one God with the Father and the Holy Ghost."

But we must come down towards the year 360 to find the doctrine on the Holy Ghost explained both fully and clearly. It is St. Athanasius who does so in his "Letters to Serapion" (P.G., XXVI, col. 525 sq.). He had been informed that certain Christians held that the Third Person of the Blessed Trinity was a creature. To refute them he questions the Scriptures, and they furnish him with arguments as solid as they are numerous. They tell him, in particular, that the Holy Ghost is united to the Son by relations just like those existing between the Son and the Father; that He is sent by the Son; that He is His mouth-piece and glorifies Him; that, unlike creatures, He has not been made out of nothing, but comes forth from God; that He performs a sanctifying work among men, of which no creature is capable; that in possessing Him we possess God; that the Father created everything by Him; that, in fine, He is immutable, has the attributes of immensity, oneness, and has a right to all the appellations that are used to express the dignity of the Son. Most of these conclusions he supports by means of Scripturaltexts, a few from amongst which are given above. But the writer lays special stress on what is read in Matthew 28:19. "The Lord", he writes (Ad Serap., III, n. 6, in P.G., XXVI, 633 sq.), "founded the Faith of the Church on the Trinity, when He said to His Apostles: 'Going therefore, teach ye all nations; baptizing them in the name of the Father, and of the Son, and of the Holy Ghost.' If the Holy Ghost were a creature, Christ would not have associated Him with the Father; He would have avoided making a heterogeneous Trinity, composed of unlike elements. What did God stand in need of? Did He need to join to Himself a being of different nature? . . . No, theTrinity is not composed of the Creator and the creature."

A little later, St. BasilDidymus of AlexandriaSt. EpiphaniusSt. Gregory of NazianzusSt. Ambrose, and St. Gregory of Nyssa took up the same thesis ex professo, supporting it for the most part with the same proofs. All these writings had prepared the way for the Council of Constantinople which, in 381, condemned thePneumatomachians and solemnly proclaimed the true doctrine. This teaching forms part of the Creed of Constantinople, as it is called, where the symbol refers to the Holy Ghost, "Who is also our Lord and Who gives life; Who proceeds from the Father, Who is adored and glorified together with the Father and the Son; Who spoke by the prophets". Was this creed, with these particular words, approved by the council of 381? Formerly that was the common opinion, and even in recent times it has been held by authorities like HefeleHergenröther, andFunk; other historians, amongst whom are Harnack and Duchesne, are of the contrary opinion; but all agree in admitting that the creed of which we are speaking was received and approved by the Council of Chalcedon, in 451, and that, at least from that time, it became the official formula of Catholic orthodoxy.

Procession of the Holy Ghost

We need not dwell at length on the precise meaning of the Procession in God. (See TRINITY.) It will suffice here to remark that by this word we mean the relation of origin that exists between one Divine Person and another, or between one and the two others as its principle of origin. The Son proceeds from the Father; the Holy Ghost proceeds from the Father and the Son. The latter truth will be specially treated here.

A

That the Holy Ghost proceeds from the Father has always been admitted by all Christians; the truth is expressly stated in John 15:26. But the Greeks, after Photius, deny that He proceeds from the Son. And yet such is manifestly the teaching of Holy Scripture and the Fathers.

In the New Testament

(a) The Holy Ghost is called the Spirit of Christ (Romans 8:9), the Spirit of the Son (Galatians 4:6), the Spirit ofJesus (Acts 16:7). These terms imply a relation of the Spirit to the Son, which can only be a relation of origin. This conclusion is so much the more indisputable as all admit the similar argument to explain why the Holy Ghost is called the Spirit of the Father. Thus St. Augustine argues (Tractate 99 on the Gospel of John, nos. 6-7): "You hear the Lord himself declare: 'It is not you that speak, but the Spirit of your Father that speaketh in you'. Likewise you hear the Apostle declare: 'God hath sent the Spirit of His Son into your hearts. Could there then be two spirits, one the spirit of the Father, the other the spirit of the Son? Certainly not. Just as there is only one Father, just as there is only one Lord or one Son, so there is only one Spirit, Who is, consequently, the Spirit of both. . . Why then should you refuse to believe that He proceeds also from the Son, since He is also the Spirit of the Son? If He did not proceed from Him, Jesus, when He appeared to His disciples after His Resurrection, would not have breathed on them, saying: 'Receive ye the Holy Ghost'. What, indeed, does this breathing signify, but that the Spirit proceeds also from Him?" St. Athanasius had argued in exactly the same way (De Trinit. et Spir. S., n. 19, in P.G., XXVI, 1212), and concluded: "We say that the Son of God is also the source of the Spirit."

(b) The Holy Ghost receives from the Son, according to John 16:13-15: "When he, the Spirit of truth, is come he will teach you all truth. For he shall not speak of himself; but what things soever he shall hear, he shall speak; and the things that are to come, he shall shew you. He shall glorify me; because he shall receive of mine, and shall shew it to you. All things whatsoever the Father hath, are mine. Therefore I said, that he shall receive of mine, and shew it to you." Now, one Divine Person can receive from another only by Procession, being related to that other as to a principle. What the Paraclete will receive from the Son is immanent knowledge, which He will afterwards manifest exteriorly. But this immanent knowledge is the very essence of the Holy Ghost. The latter, therefore, has His origin in the Son, the Holy Ghost proceeds from the Son. "He shall not speak of Himself", saysSt. Augustine (Tractate 99 on the Gospel of John, no. 4), "because He is not from Himself, but He shall tell you all He shall have heard. He shall hear from him from whom He proceeds. In His case, to hear is to know, and toknow is to be. He derives His knowledge from Him from Whom He derives His essence." St. Cyril of Alexandriaremarks that the words: "He shall receive of mine" signify "the nature" which the Holy Ghost has from the Son, as the Son has His from the Father (De Trinit., dialog. vi, in P.G., LXXV, 1011). Besides, Jesus gives this reason of His assertion: "He shall receive of mine": "All things whatsoever the Father hath, are mine Now, since the Father has with regard to the Holy Ghost the relation we term Active Spiration, the Son has it also; and in theHoly Ghost there exists, consequently, with regard to both, Passive Spiration or Procession.

The same truth has been constantly held by the Fathers

This fact is undisputed as far as the Western Fathers are concerned; but the Greeks deny it in the case of theEasterns. We will cite, therefore, a few witnesses from among the latter. The testimony of St. Athanasius has been quoted above, to the effect that "the Son is the source of the Spirit", and the statement of Cyril of Alexandria that the Holy Ghost has His "nature" from the Son. The latter saint further asserts (Thesaur., assert. xxxiv in P.G., LXXV, 585); "When the Holy Ghost comes into our hearts, He makes us like to God, because He proceeds from the Father and the Son"; and again (Epist., xvii, Ad Nestorium, De excommunicatione in P.G., LXXVII, 117): "The Holy Ghost is not unconnected with the Son, for He is called the Spirit of Truth, and Christ is the Truth; so He proceeds from Him as well as from God the Father." St. Basil (On the Holy Spirit 18) wishes us not to depart from the traditional order in mentioning the Three Divine Persons, because "as the Son is to the Father, so is the Spirit to the Son, in accordance with the ancient order of the names in the formula of baptism".St. Epiphanius writes (Ancor., viii, in P.G., XLIII, 29, 30) that the Paraclete "is not to be considered as unconnected with the Father and the Son, for He is with Them one in substance and divinity", and states that "He is from the Father and the Son"; a little further, he adds (op. cit., xi, in P.G., XLIII, 35): "No one knows theSpirit, besides the Father, except the Son, from Whom He proceeds and of Whom He receives." Lastly, a councilheld at Seleucia in 410 proclaims its faith "in the Holy Living Spirit, the Holy Living Paraclete, Who proceeds from the Father and the Son" (Lamy, "Concilium Seleuciæ", Louvain, 1868).

However, when we compare the Latin writers, as a body, with the Eastern writers, we notice a difference in language: while the former almost unanimously affirm that the Holy Ghost proceeds from the Father and from theSon, the latter generally say that He proceeds from the Father through the Son. In reality the thought expressed by both Greeks and Latins is one and the same, only the manner of expressing it is slightly different: the Greekformula ek tou patros dia tou ouiou expresses directly the order according to which the Father and the Son are the principle of the Holy Ghost, and implies their equality as principle; the Latin formula expresses directly this equality, and implies the order. As the Son Himself proceeds from the Father, it is from the Father that He receives, with everything else, the virtue that makes Him the principle of the Holy Ghost. Thus, the Father alone is principium absque principio, aitia anarchos prokatarktike, and, comparatively, the Son is an intermediate principle. The distinct use of the two prepositions, ek (from) and dia (through), implies nothing else. In the thirteenth and fourteenth centuries, the Greek theologians BlemmidusBeccus, Calecas, and Bessarion called attention to this, explaining that the two particles have the same signification, but that from is better suited to the First Person, Who is the source of the others, and through to the Second Person, Who comes from the Father. Long before their time St. Basil had written (On the Holy Spirit 8.21): "The expression di ou expresses acknowledgment of the primordial principle [ tes prokatarktikes aitias]"; and St. Chrysostom (Homily 5 on the Gospel of John, no. 2): "If it be said through Him, it is said solely in order that no one may imagine that the Sonis not generated": It may be added that the terminology used by the Eastern and Western writers, respectively, to express the idea is far from being invariable. Just as Cyril, Epiphanius, and other Greeks affirm the Processionex utroque, so several Latin writers did not consider they were departing from the teaching of their Church in expressing themselves like the Greeks. Thus Tertullian (Against Praxeas 4): "Spiritum non aliunde puto quam a Patre per Filium"; and St. Hilary (On the Holy Trinity XII.57), addressing himself to the Father, protests that he wishes to adore, with Him and the Son "Thy Holy Spirit, Who comes from Thee through thy only Son". And yet the same writer had said, a little higher (op. cit., lib. II, 29, in P.L., X, 69), "that we must confess the Holy Ghost coming from the Father and the Son", a clear proof that the two formulæ were regarded as substantially equivalent.

B

Proceeding both from the Father and the Son, the Holy Ghost, nevertheless, proceeds from Them as from a single principle. This truth is, at the very least insinuated in the passage of John 16:15 (cited above), where Christestablishes a necessary connection between His own sharing in all the Father has and the Procession of the Holy Ghost. Hence it follows, indeed, that the Holy Ghost proceeds from the two other Persons, not in so far as They are distinct, but inasmuch as Their Divine perfection is numerically one. Besides, such is the explicit teaching ofecclesiastical tradition, which is concisely put by St. Augustine (On the Holy Trinity V.14): "As the Father and theSon are only one God and, relatively to the creature, only one Creator and one Lord, so, relatively to the Holy Ghost, They are only one principle." This doctrine was defined in the following words by the Second Ecumenical Council of Lyons [Denzinger, "Enchiridion" (1908), n. 460]: "We confess that the Holy Ghost proceeds eternallyfrom the Father and the Son, not as from two principles, but as from one principle, not by two spirations, but by one single spiration." The teaching was again laid down by the Council of Florence (ibid., n. 691), and by Eugene IV in his Bull "Cantate Domino" (ibid., n. 703 sq.).

C

It is likewise an article of faith that the Holy Ghost does not proceed, like the Second Person of the Trinity, by way of generation. Not only is the Second Person alone called Son in the Scriptures, not only is He alone said to be begotten, but He is also called the only Son of God; the ancient symbol that bears the name of Saint Athanasius states expressly that "the Holy Ghost comes from the Father and from the Son not made, not created, not generated, but proceeding". As we are utterly incapable of otherwise fixing the meaning of the mysteriousmode affecting this relation of origin, we apply to it the name spiration, the signification of which is principally negative and by way of contrast, in the sense that it affirms a Procession peculiar to the Holy Ghost and exclusive of filiation. But though we distinguish absolutely and essentially between generation and spiration, it is a very delicate and difficult task to say what the difference is. St. Thomas (I.27), following St. Augustine (On the Holy Trinity XV.27), finds the explanation and, as it the were, the epitome, of the doctrine in principle that, in God, theSon proceeds through the Intellect and the Holy Ghost through the Will. The Son is, in the language of Scripture, the image of the Invisible God, His Word, His uncreated wisdom. God contemplates Himself and knows Himself from all eternity, and, knowing Himself, He forms within Himself a substantial idea of Himself, and this substantialthought is His Word. Now every act of knowledge is accomplished by the production in the intellect of a representation of the object known; from this head, then the process offers a certain analogy with generation, which is the production by a living being of a being partaking of the same nature; and the analogy is only so much the more striking when there is question of this act of Divine knowledge, the eternal term of which is asubstantial being, consubstantial within the knowing subject. As to the Holy Ghost, according to the commondoctrine of theologians, He proceeds through the will. The Holy Spirit, as His name indicates, is Holy in virtue of His origin, His spiration; He comes therefore from a holy principle; now holiness resides in the will, as wisdom is in the intellect. That is also the reason why He is so often called par excellence, in the writings of the Fathers,Love and Charity. The Father and the Son love one another from all eternity, with a perfect ineffable love; the term of this infinite fruitful mutual love is Their Spirit Who is co-eternal and con-substantial with Them. Only, theHoly Ghost is not indebted to the manner of His Procession precisely for this perfect resemblance to His principle, in other words for His consubstantiality; for to will or love an object does not formally imply the production of itsimmanent image in the soul that loves, but rather a tendency, a movement of the will towards the thing loved, to be united to it and enjoy it. So, making every allowance for the feebleness of our intellects in knowing, and the unsuitability of our words for expressing the mysteries of the Divine life, if we can grasp how the wordgeneration, freed from all the imperfections of the material order may be applied by analogy to the Procession of the Word, so we may see that the term can in no way befittingly applied to the Procession of the Holy Ghost.

Filioque

Having treated of the part taken by the Son in the Procession of the Holy Ghost, we come next to consider the introduction of the expression Filioque into the Creed of Constantinople. The author of the addition is unknown, but the first trace of it is found in Spain. The Filioque was successively introduced into the Symbol of the Councilof Toledo in 447, then, in pursuance of an order of another synod held in the same place (589), it was inserted in the Niceno-Constantinopolitan Creed. Admitted likewise into the Symbol Quicumque, it began to appear in Francein the eighth century. It was chanted in 767, in Charlemagne's chapel at Gentilly, where it was heard by ambassadors from Constantine Copronymnus. The Greeks were astonished and protested, explanations were given by the Latins, and many discussions followed. The Archbishop of AquileiaPaulinus, defended the addition at the Council of Friuli, in 796. It was afterwards accepted by a council held at Aachen, in 809. However, as it proved a stumbling-block to the Greeks Pope Leo III disapproved of it; and, though he entirely agreed with theFranks on the question of the doctrine, he advised them to omit the new word. He himself caused two large silver tablets, on which the creed with the disputed expression omitted was engraved to be erected in St. Peter's. His advice was unheeded by the Franks; and, as the conduct and schism of Photius seemed to justify the Westerns in paying no more regard to the feelings of the Greeks, the addition of the words was accepted by the Roman Church under Benedict VIII (cf. Funk, "Kirchengeschichte", Paderborn, 1902, p. 243).

The Greeks have always blamed the Latins for making the addition. They considered that, quite apart from the question of doctrine involved by the expression, the insertion was made in violation of a decree of the Council of Ephesus, forbidding anyone "to produce, write, or compose a confession of faith other than the one defined by the Fathers of Nicæa". Such a reason will not bear examination. Supposing the truth of the dogma (established above), it is inadmissible that the Church could or would have deprived herself of the right to mention it in thesymbol. If the opinion be adhered to, and it has strong arguments to support it, which considers that the developments of the Creed in what concerns the Holy Ghost were approved by the Council of Constantinople (381), at once it might be laid down that the bishops at Ephesus (431) certainly did not think of condemning or blaming those of Constantinople. But, from the fact that the disputed expression was authorized by the Council of Chalcedon, in 451, we conclude that the prohibition of the Council of Ephesus was never understood, and ought not to be understood, in an absolute sense. It may be considered either as a doctrinal, or as a merely disciplinary pronouncement. In the first case it would exclude any addition or modification opposed to, or at variance with, the deposit of Revelation; and such seems to be its historic import, for it was proposed and accepted by theFathers to oppose a formula tainted with Nestorianism. In the second case considered as a disciplinary measure, it can bind only those who are not the depositaries of the supreme power in the Church. The latter, as it is theirduty to teach the revealed truth and to preserve it from error, possess, by Divine authority, the power and rightto draw up and propose to the faithful such confessions of faith as circumstances may demand. This right is as unconfinable as it is inalienable.

Gifts of the Holy Ghost

This title and the theory connected with it, like the theory of the fruits of the Holy Ghost and that of the sinsagainst the Holy Ghost, imply what theologians call appropriation. By this term is meant attributing especially to one Divine Person perfections and exterior works which seem to us more clearly or more immediately to be connected with Him, when we consider His personal characteristics, but which in reality are common to the ThreePersons. It is in this sense that we attribute to the Father the perfection of omnipotence, with its most striking manifestations, e.g. the Creation, because He is the principle of the two other Persons; to the Son we attribute wisdom and the works of wisdom, because He proceeds from the Father by the Intellect; to the Holy Ghost we attribute the operations of grace and the sanctification of souls, and in particular spiritual gifts and fruits, because He proceeds from the Father and the Son as Their mutual love and is called in Holy Writ the goodness and thecharity of God.

The gifts of the Holy Ghost are of two kinds: the first are specially intended for the sanctification of the personwho receives them; the second, more properly called charismata, are extraordinary favours granted for the help of another, favours, too, which do not sanctify by themselves, and may even be separated from sanctifying grace. Those of the first class are accounted seven in number, as enumerated by Isaias (11:2-3), where theprophet sees and describes them in the Messias. They are the gifts of wisdom, understanding, counsel, fortitude,knowledgepiety (godliness), and fear of the Lord.

The gift of wisdom, by detaching us from the world, makes us relish and love only the things of heaven.

The gift of understanding helps us to grasp the truths of religion as far as is necessary.

The gift of counsel springs from supernatural prudence, and enables us to see and choose correctly what will help most to the glory of God and our own salvation.

By the gift of fortitude we receive courage to overcome the obstacles and difficulties that arise in the practice of our religious duties.

The gift of knowledge points out to us the path to follow and the dangers to avoid in order to reach heaven.

The gift of piety, by inspiring us with a tender and filial confidence in God, makes us joyfully embrace all that pertains to His service.

Lastly, the gift of fear fills us with a sovereign respect for God, and makes us dread, above all things, to offend Him.

As to the inner nature of these giftstheologians consider them to be supernatural and permanent qualities, which make us attentive to the voice of God, which render us susceptible to the workings of actual grace, which make us love the things of God, and, consequently, render us more obedient and docile to the inspirations of the Holy Ghost.

But how do they differ from the virtues? Some writers think they are not really distinct from them, that they are the virtues inasmuch as the latter are free gifts of God, and that they are identified essentially with grace,charity, and the virtues. That opinion has the particular merit of avoiding a multiplication of the entities infused into the soul. Other writers look upon the gifts as perfections of a higher order than the virtues; the latter, they say, dispose us to follow the impulse and guidance of reason; the former are functionally intended to render thewill obedient and docile to the inspirations of the Holy Ghost. For the former opinion, see Bellevüe, "L'uvre du Saint-Esprit" (Paris, 1902), 99 sq.; and for the latter, see St. ThomasI-II.68.1, and Froget, "De l'habitation du Saint-Esprit dans les âmes justes" (Paris, 1900), 378 sq.

The gifts of the second class, or charismata, are known to us partly from St. Paul, and partly from the history of the primitive Church, in the bosom of which God plentifully bestowed them. Of these "manifestations of the Spirit", "all these things [that] one and the same Spirit worketh, dividing to every one according as he will", the Apostle speaks to us, particularly in 1 Corinthians 12:6-11 and 12:28-31; and Romans 12:6-8.

In the first of these three passages we find nine charismata mentioned: the gift of speaking with wisdom, the giftof speaking with knowledgefaith, the grace of healing, the gift of miracles, the gift of prophecy, the gift of discerning spirits, the gift of tongues, the gift of interpreting speeches. To this list we must at least add, as being found in the other two passages indicated, the gift of government, the gift of helps, and perhaps what Paul callsdistributio and misericordia. However, exegetes are not all agreed as to the number of the charismata, or thenature of each one of them; long ago, St. Chrysostom and St. Augustine had pointed out the obscurity of the question. Adhering to the most probable views on the subject, we may at once classify the charismata and explain the meaning of most of them as follows. They form four natural groups:

Two charismata which regard the teaching of Divine things: sermo sapientiæ, sermo scientiæ, the former relating to the exposition of the higher mysteries, the latter to the body of Christian truths.

Three charismata that lend support to this teaching: fides, gratia sanitatum, operatio virtutum. The faithhere spoken of is faith in the sense used by Matthew 17:19: that which works wonders; so it is, as it were, acondition and a part of the two gifts mentioned with it.

Four charismata that served to edify, exhort, and encourage the faithful, and to confound the unbelievers:prophetia, discretio spirituum, genera linguarum, interpretatio sermonum. These four seem to fall logicallyinto two groups; for prophecy, which is essentially inspired pronouncement on different religious subjects, the declaration of the future being only of secondary import, finds its complement and, as it were, its check in the gift of discerning spirits; and what, as a rule, would be the use of glossololia — the gift of speaking with tongues — if the gift of interpreting them were wanting?

Lastly there remain the charismata that seem to have as object the administration of temporal affairs, amidworks of charity: gubernationes, opitulationes, distributiones. Judging by the context, these gifts, though conferred and useful for the direction and comfort of one's neighbour, were in no way necessarily found in allecclesiastical superiors.

The charismata, being extraordinary favours and not requisite for the sanctification of the individual, were not bestowed indiscriminately on all Christians. However, in the Apostolic Age, they were comparatively common, especially in the communities of JerusalemRome, and Corinth. The reason of this is apparent: in the infantChurches the charismata were extremely useful, and even morally necessary, to strengthen the faith of believers, to confound the infidels, to make them reflect, and to counterbalance the false miracles with which they sometimes prevailed. St. Paul was careful (1 Corinthians 12-14) to restrict authoritatively the use of thesecharismata within the ends for which they were bestowed, and thus insist upon their subordination to the power of the hierarchy. Cf. Batiffol, "L'Église naissante et le catholicisme" (Paris, 1909), 36. (See CHARISMATA.)

Fruits of the Holy Ghost

Some writers extend this term to all the supernatural virtues, or rather to the acts of all these virtues, inasmuch as they are the results of the mysterious workings of the Holy Ghost in our souls by means of His grace. But, withSt. ThomasI-II.70.2, the word is ordinarily restricted to mean only those supernatural works that are donejoyfully and with peace of soul. This is the sense in which most authorities apply the term to the list mentioned bySt. Paul (Galatians 5:22-23): "But the fruit of the Spirit is, charity, joy, peace, patience, benignity, goodness, longanimity, mildness, faith, modesty, continency, chastity." Moreover, there is no doubt that this list of twelve — three of the twelve are omitted in several Greek and Latin manuscripts — is not to be taken in a strictly limited sense, but, according to the rules of Scriptural language, as capable of being extended to include all acts of a similar character. That is why the Angelic Doctor says: "Every virtuous act which man performs with pleasure is a fruit." The fruits of the Holy Ghost are not habits, permanent qualities, but acts. They cannot, therefore, be confounded with the virtues and the gifts, from which they are distinguished as the effect is from its cause, or the stream from its source. The charity, patience, mildness, etc., of which the Apostle speaks in this passage, are not then the virtues themselves, but rather their acts or operations; for, however perfect the virtues may be, they cannot be considered as the ultimate effects of grace, being themselves intended, inasmuch as they are active principles, to produce something else, i.e. their acts. Further, in order that these acts may fully justify their metaphorical name of fruits, they must belong to that class which are performed with ease and pleasure; in other words, the difficulty involved in performing them must disappear in presence of the delight and satisfaction resulting from the good accomplished.

Sins against the Holy Ghost

The sin or blasphemy against the Holy Ghost is mentioned in Matthew 12:22-32Mark 3:22-30Luke 12:10 (cf.11:14-23); and Christ everywhere declares that it shall not be pardoned. In what does it consist? If we examine all the passages alluded to, there can be little doubt as to the reply.

Let us take, for instance, the account given by St. Matthew which is more complete than that of the otherSynoptics. There had been brought to Christ "one possessed with a devil, blind and dumb: and he healed him, so that he spoke and saw". While the crowd is wondering, and asking: "Is not this the Son of David?", the Pharisees, yielding to their wonted jealousy, and shutting their eyes to the light of evidence, say: "This man casteth not out devils but by Beelzebub the prince of the devils." Jesus then proves to them this absurdity, and, consequently, the malice of their explanation; He shows them that it is by "the Spirit of God" that He casts out devils, and then He concludes: "therefore I say to you: Every sin and blasphemy shall be forgiven men, but the blasphemy of the Spirit shall not be forgiven. And whosoever shall speak a word against the Son of man, it shall be forgiven him: but he that shall speak against the Holy Ghost, it shall not he forgiven him, neither in this world, nor in the world to come."

So, to sin against the Holy Ghost is to confound Him with the spirit of evil, it is to deny, from pure malice, the Divine character of works manifestly Divine. This is the sense in which St. Mark also defines the sin question; for, after reciting the words of the Master: "But he that shall blaspheme against the Holy Ghost shall never have forgiveness", he adds at once: "Because they said: He hath an unclean spirit." With this sin of pure downrightmaliceJesus contrasts the sin "against the Son of man", that is the sin committed against Himself as man, the wrong done to His humanity in judging Him by His humble and lowly appearance. This fault, unlike the former, might he excused as the result of man's ignorance and misunderstanding.

But the Fathers of the Church, commenting on the Gospel texts we are treating of, did not confine themselves to the meaning given above. Whether it be that they wished to group together all objectively analogous cases, or whether they hesitated and wavered when confronted with this point of doctrine, which St. Augustine declares (Serm. ii de verbis Domini, c. v) one of the most difficult in Scripture, they have proposed different interpretations or explanations.

St. Thomas, whom we may safely follow, gives a very good summary of opinions in II-II.14. He says thatblasphemy against the Holy Ghost was and may be explained in three ways.

Sometimes, and in its most literal signification, it has been taken to mean the uttering of an insult against the Divine Spirit, applying the appellation either to the Holy Ghost or to all three Divine persons. This was the sin of the Pharisees, who spoke at first against "the Son of Man", criticizing the works and human ways of Jesus, accusing Him of loving good cheer and wine, of associating with the publicans, and who, later on, with undoubted bad faith, traduced His Divine works, the miracles which He wrought by virtue of His own Divinity.

On the other hand, St. Augustine frequently explains blasphemy against the Holy Ghost to be final impenitence, perseverance till death in mortal sin. This impenitence is against the Holy Ghost, in the sense that it frustrates and is absolutely opposed to the remission of sins, and this remission is appropriated to theHoly Ghost, the mutual love of the Father and the Son. In this view, Jesus, in Matthew 12 and Mark 3 did not really accuse the Pharisees of blaspheming the Holy Ghost, He only warned them against the danger they were in of doing so.

Finally, several Fathers, and after them, many scholastic theologians, apply the expression to all sins directly opposed to that quality which is, by appropriation, the characteristic quality of the Third Divine Person.Charity and goodness are especially attributed to the Holy Ghost, as power is to the Father and wisdom to the Son. Just, then, as they termed sins against the Father those that resulted from frailty, and sins against the Son those that sprang from ignorance, so the sins against the Holy Ghost are those that are committed from downright malice, either by despising or rejecting the inspirations and impulses which, having been stirred in man's soul by the Holy Ghost, would turn him away or deliver him from evil.

It is easy to see how this wide explanation suits all the circumstances of the case where Christ addresses the words to the Pharisees. These sins are commonly reckoned six: despairpresumption, impenitence or a fixed determination not to repent, obstinacy, resisting the known truth, and envy of another's spiritual welfare.

The sins against the Holy Ghost are said to be unpardonable, but the meaning of this assertion will vary very much according to which of the three explanations given above is accepted. As to final impenitence it is absolute; and this is easily understood, for even God cannot pardon where there is no repentance, and the moment of death is the fatal instant after which no mortal sin is remitted. It was because St. Augustine considered Christ'swords to imply absolute unpardonableness that he held the sin against the Holy Ghost to be solely final impenitence. In the other two explanations, according to St. Thomas, the sin against the Holy Ghost is remissable — not absolutely and always, but inasmuch as (considered in itself) it has not the claims and extenuating circumstance, inclining towards a pardon, that might be alleged in the case of sins of weakness and ignorance. He who, from pure and deliberate malice, refuses to recognize the manifest work of God, or rejects the necessarymeans of salvation, acts exactly like a sick man who not only refuses all medicine and all food, but who does all in his power to increase his illness, and whose malady becomes incurable, due to his own action. It is true, that in either case, God could, by a miracle, overcome the evil; He could, by His omnipotent intervention, either nullify the natural causes of bodily death, or radically change the will of the stubborn sinner; but such intervention is not in accordance with His ordinary providence; and if he allows the secondary causes to act, if He offers the free human will of ordinary but sufficient grace, who shall seek cause of complaint? In a word, the irremissableness of the sins against the Holy Ghost is exclusively on the part of the sinner, on account of the sinner's act.

Sources

On the dogma see: ST. THOMAS, Summa Theol., I, Q. xxxvi-xliii; FRANZELIN, De Deo Trino (Rome, 1881); C. PESCH, Pælectiones dogmaticæ, II (Freiburg im Br., 1895) POHLE, Lehrbuch der Dogmatik, I (Paderborn, 1902); TANQUEREY, Synop. Theol. dogm. spec., I, II (Rome, 1907-8). Concerning the Scriptural arguments for the dogma: WINSTANLEY, Spirit in the New Testament (Cambridge, 1908); LEMONNYER, Epîtres de S. Paul, I (Paris, 1905). Concerning tradition: PETAVIUS, De Deo Trino in his Dogmata theologica; SCHWANE, Dogmengeschichte, I (Freiburg im Br., 1892); DE REGNON, Etudes théologiques sur la Sainte Trinité (Paris, 1892); TIXERONT, Hist. Des dogmes, I (Paris, 1905); TURMEL, Hist. de la théol. positive (Paris, 1904).

Forget, Jacques. "Holy Ghost." The Catholic Encyclopedia. Vol. 7. New York: Robert Appleton Company, 1910. 4 Jun. 2017<http://www.newadvent.org/cathen/07409a.htm>.

Transcription. This article was transcribed for New Advent by W.S. French, Jr.

Ecclesiastical approbation. Nihil Obstat. June 1, 1910. Remy Lafort, S.T.D., Censor. Imprimatur. +John Cardinal Farley, Archbishop of New York.

Copyright © 2021 by Kevin Knight. Dedicated to the Immaculate Heart of Mary.

SOURCE : http://www.newadvent.org/cathen/07409a.htm


Willem Vrelant (Flemish, died 1481, active 1454 - 1481), The Savior of the World, Folio, early 1460s, Tempera colors, gold leaf, and ink on parchment, 25,6 x 17,3, Getty Center


Devotion to the Holy Spirit, by Father Joseph McSorley, C.S.P.

“I have long thought that the secret but real cause of the so-called Reformation was that the office of the Holy Ghost had been much obscured in popular belief.” – Cardinal Manning

Surely we shall not exaggerate, if we declare that Pope Leo’s Encyclical Letter on Devotion to the Holy Spirit, is one of the most timely and significant of that long and splendid series of pronouncements which distinguished his reign. In the outspoken and emphatic language characteristic of Catholic authority, this document commended devotion to the Holy Spirit as most dear to the Pope’s own heart, and as a salutary and efficient remedy for prevalent evils. A yearly novena was prescribed for the season of Pentecost, the frequent preaching of sermons and conferences on the Holy Spirit was suggested, and all entrusted with the direction of souls were charged that “it is their duty to impart to the people with more zeal and fullness the teachings relative to the Holy Ghost.” For, said the Holy Father, “perhaps even today there are Christians who would answer as of old the Ephesians answered the Apostle Paul: ‘We have not even heard if there be a Holy Spirit.'”

Now, the effect of this letter of the Supreme Pontiff was at once to awaken new love for the Holy Spirit throughout the length and breadth of the Catholic world. Nor has this beneficent influence yet ceased. Since, however, progress is ever possible, and since the directions of authority become fruitful in proportion as they succeed in arousing our personal zeal and diligent cooperation, we must ever be striving to lend new impetus to the movement. We know that authority aims at eliciting personal effort from us. Neither God nor Church will save us without ourselves, and we are never freed from the necessity of zestfully laboring as God and Church direct. Considering, then, the important part played by special devotions in the spiritual life, and the supreme wisdom of heartily obeying even the slightest suggestions of authority, we must feel it incumbent on us to make devotion to the Holy Spirit a predominant influence in every life that we can shape or sway. And because, in the words of Pope Leo, our “love of a good is proportioned to the fullness and clearness of our knowledge,” we must often think, and read, and pray about this matter that, by gaining fuller knowledge, we may attain to deeper love.

As the Holy Father has pointed out, a proper understanding of this devotion in question necessitates some knowledge of Catholic doctrine concerning the Most Blessed Trinity. In regard to that mystery, then, let us recall the teaching which bears most directly upon our subject.

Theological Aspects

God, the Infinite Creator of all things, is in Personality threefold, but in Nature a simple Being, one and undivided. This Triple Personality, however, in no way militates against Divine Unity, for the distinction of Persons is confined to Their relationship with each other. Outside the Trinity, in operations which affect creatures, no One Person acts separately from the other Two. The Trinity is the efficient cause of the creation of men, as of their sanctification. Theologians, though, indulge in a form of speech called “appropriation,” by which certain acts common to the whole Trinity are specially assigned to One or Other of the Persons, the reason being the peculiar harmony of these acts with the personal characteristic distinguishing that Person from the other Two.

Now, it is the teaching of faith that the human soul is constituted in the life of grace by the indwelling presence of God. The Creator is, of course, always and necessarily present in every creature both by ubiquity and by omnipotence, but sanctifying grace implies that He is present in a new way, dwelling in the soul now by love, as previously He dwelt in virtue of His immensity. “God by His grace dwells in our souls as in a temple, intimately and specially. Hence arise these bonds of love whereby the soul is more closely united to God than a friend to his dearest friend, enjoying Him fully and sweetly. This wonderful union – Indwelling, as it is called – is produced in reality by the presence of the whole Trinity, and only on the part of the recipient differs from that which makes the saints in heaven blessed.”

The Indwelling of the Holy Spirit

This indwelling of God in the soul is by “appropriation” assigned to the Holy Ghost. The reason is that it seems to be peculiarly in accord with what we know of his Personal characteristic. For the note which distinguishes Him from Father and Son consists in this, that He is the flowing forth of Divine Love – Amor Procedens – and his proper name is said to be Donum (Gift). Hence we appropriate to him that indwelling by which God, the Blessed Trinity, is bestowed on man and made present in the soul in this new and marvelous manner.

This union of God with the soul occurs whenever a human creature, being invested with sanctifying grace, becomes a participant in the divine nature. For by grace it shares in a life and power naturally proper to God alone, and thus transcends the rank of all created natures. This deification – as it has been called by the Fathers of the Church – is effected not by destroying human nature, not by nullifying its powers, but by elevating these to a new and higher order wherein they become of greater and divine worth. It is the indwelling Spirit of God Who, by uniting His Divine Substance with His beloved creature, through grace, thus raises man to the sublime dignity of Divine Sonship.

This fact that God actually and substantially dwells within the sanctified soul is, then, the explicit teaching of the Catholic Church. The life of grace means this: it means that there has been effected between the soul and God a union closer and more real than any other, the union of the two natures of Christ alone excepted. Since the human race began the Holy Spirit has been thus active among the souls of men, ever sanctifying by His Presence such as clung to God with firm and generous hearts. So it was with Adam when he became the son of God by grace, so it was with David, Elias, Zacharias, John the Baptist, Simeon and Anna. So it has been with every soul within or without the body of the church that has been raised to the supernatural life of grace. Each has been sanctified by the presence of the Holy Spirit. For, on Pentecost “the Holy Ghost did not come to commence His indwelling in the souls of His saints, but to penetrate more deeply into them, not beginning at that time to bestow His gifts, but pouring them out in greater abundance, performing no new work, but continuing what He had already begun.”

Degrees of Union

But as in human friendship, so in this mysterious union of the soul with God, there are degrees and gradations. Sanctity varies in the individual; so also the intimacy of union with God. And since the Pentecostal advent of the Holy Spirit, this grace of union has been bestowed to an extent utterly inconceivable. “For this gift, ‘this sending of the Holy Ghost, after the glorification of Christ, was to be such as had never been before; not that it had never been given before, but that it had never been given to the same degree.” So abundant is this outpouring that the Christian soul can go on ever strengthening the divine life within, ever binding itself more intimately to God, gaining new titles to love, forging stronger chains of affection, winning closer embraces. As flame in the blazing fire, as a lover in the arms of his beloved, so is God in the soul. Personally, and literally by the actual presence of His Divine Substance, He rests in His creature as truly as He dwells in the Tabernacle containing the consecrated Host.

It is this privilege of the Christian which surpasses all others, as it is the one to which all others tend. The time of Sacramental Communion is a moment of ineffable sweetness indeed, and human nature can never mount beyond the height reached when Jesus Christ, God and Man, comes to rest in the arms of His devout lover. Still, the physical presence of the Body of Christ does not last for long. With the corruption of the elements, the physical and bodily union between the worshipper and his Lord comes to an end. But grace remains. The Holy Ghost, the Spirit of Jesus, abides in the soul; and with Him, both Jesus and the Father. This indwelling is invisible, as indeed the union of the Second Person with the humanity of Christ was invisible. Like the transformation of bread into the body and soul and divinity of Jesus Christ, it produces no sensible result. But just as surely as Transubstantiation makes Christ’s Body present where previously It was not, so surely does the sanctification of the soul by the entrance of the Holy Spirit bring God Himself into the human heart, there to abide as a King upon His own throne.

Sense of Doctrinal Proportions

Such, then, is the doctrine at the basis of devotion to the Holy Ghost. That devotion takes its rise in the consciousness that through the indwelling of the Holy Ghost the Christian soul has become the temple of God, that it has been consecrated by the Divine Presence as truly as if it were a tabernacle marked by the lighted lamp as the abiding place of Jesus Christ. For this consciousness naturally impels the soul to direct special thought and nourish special affection towards that Person of the Most Blessed Trinity through Whom this grace is bestowed.

What rank this devotion holds in the spiritual life we learn from the Holy Father’s emphatic eulogy. Deaf to his teaching and blind to all spiritual perspective would we be if we ignored this great truth, while exerting ourselves to gain vogue for the pretty little specialties begotten of pious imaginations. It is true that in every household use can be found for small things as well as for great, and the wondrous number and variety of Catholic devotions may well justify pride and admiration. Nevertheless, the sense of doctrinal proportion must be respected, and it were most unseemly if those ardent in carrying on the propaganda of minor devotions should remain “wrapped in error and ignorance as to the benefits and graces that have always flowed and still flow from this Divine source – error and ignorance, indeed, unbefitting the children of light.”

Characteristics of the Divine Comforter

Individually, at least, each one of us can do something toward dissipating that ignorance by enlightening our own souls; and though the subject seems to be fathomless, that does not excuse us from the endeavor to learn something concerning it. It is true, even the personal characteristic of the Third Person of the Blessed Trinity seems to be shrouded in peculiarly deep mystery. The names of Father and Son in nowise adequately or exhaustively describe the proper personality of Those so named, but we imagine, at least, that we understand Their relationship to the Divine Nature far better than we do that of the Third Person. Of His characteristic we gain but the merest hint in such unsatisfying statements as theology ventures to advance. Nevertheless the symbols assigned to Him, and the works appropriated to Him, do afford some aid. First of all, we notice how they seem to throw about Him the kindly light of tenderness and love. The gentle air, the brooding dove, the soft, clinging cloud-shadow, the dawning light, the parted tongues of fire – these symbols intimate to us how sweetly lovable must be this Best Gift of the Father and the Son. And then the offices appropriated to Him as most in harmony with His personal character – to sanctify the human soul, to inspire the patriarchs with longing for the Messias’ coming, to pour sweet strains of heavenly music into psalmist-souls, and illumine the prophets with the gleam of a light never seen upon earth – these, and the espousing of Mary, and the forming of the body of Jesus, and His baptism, and the consecrating of the Apostles, all indicate how greatly our love and worship would increase did we but know the Third Person of the Godhead better. For all the precious graces that come in the Sacraments are His Gift, and all the sweetness and strength and comfort infused in prayer, and every good deed of all the millions of priests He has anointed with His holy unction since the Church began – all these are His work, too.

So out from the obscurity breaks a glimmering of the loveliness of that Divine Comforter Whose advent it was expedient we should purchase even at the cost of Christ’s departure. Surely devotion to Him will bring some new nobility into our sordidly selfish lives.

What Is Implied by the Devotion

And now what is implied by devotion to the Holy Spirit? First of all, an endeavor constantly to attend to His Presence in our souls. If we were to do that well and lovingly, we should need no other form of recollection. To gaze affectionately on the face of God unveiled is the life of the blessed in heaven. To remain close to Him each moment while here upon earth, to acquire the habit of ever directing the will lovingly toward Him, to contemplate Him hidden in the soul’s depths under the veil of faith, that is a life of the best and highest prayer, a life that has transformed thousands of men and women into saints. Like Adam in the garden, we walk daily in the company of God. Like the Virgin after the angelic salutation, we bear within us the Holy Ghost, the Spirit of the Most High. And as the Sacred Heart of our Divine Saviour was thrilled with the ineffable and measureless graces poured into It by the Holy Spirit, we, too, are quickened and sanctified and made more than human by His loving touch.

The flame-illumined crystal, shot through and through with splendor, but typifies our souls when by the indwelling Spirit we are made partakers of Divinity. God’s spirit in the innermost depths of our being is soothing, healing, livening, strengthening, uplifting, comforting, purifying us, hour by hour. He is ever gently stirring our souls as the summer air that breathes so softly amid the forest leaves. Truly God is with us. Truly we are His temples, bearing Him in our bodies – a precious treasure in earthen vessels.

When first this truth is presented to our minds, we draw back in astonishment and doubt. Then, as conviction slowly dawns, we feel stunned and bewildered. We have been walking among crowded sand-hills that shut away the view on every side, and suddenly we come out upon a great shoreless sea stretching away into infinite space. The mist is gathered thick above the water. Nothing can be seen except brooding mist, and nothing heard but the thunder of the hidden surf. We are humbled, awed, terrified. The great God dwelling in us! What can it mean?

And then the story of Bishop Cheverus come back to us, perhaps; how the sainted priest confessed his humiliation when someone said to him: “What! you believe that Jesus Christ, the Incarnate God, descends from heaven each morning to enter your bosom? Why, you would be rapt into the ecstasy of a saint!” “At these words,” said the good old prelate, “I blushed, with shame, for so it should be.”

The Ever-Living Presence Within Us

Thus we find it beyond belief that we are still so worldly and selfish and sinful, with the Spirit of God really dwelling in us. But it is a fact that cannot be gainsaid. The privilege is not optional. Whether we will it or not, we have been “born again” into the life of grace, the supernatural order, and have come into the company of the saints; for our great glory should we persevere, for our inevitable and well-deserved shame and ruin were we now to become castaway. Far better the mollusk on the seashore, or the toad imprisoned in a rock, than a soul turned away from God. But though the issue is in our own hands, the choice of evading responsibility has not been given us. We are equipped for the struggle, but its necessity is upon us; we must face it, whether for better or for worse. “Your members are the members of Christ.” “Your body is God’s temple.” “Be ye, therefore, perfect even as your Heavenly Father is perfect.”

It is true that the first deep realization of this truth may be fearful and oppressive; the initial step in devotion to the Holy Ghost is apt to be made in dread and trembling. “This indeed is an awful place: for God was in this spot and I knew it not,” we say at our first long look into the depths of our souls. It is as if, while imagining yourself to be alone at night, you were to turn about and suddenly see a face in the dark, with great eyes that seemed to pierce you through and through. But, as you recover from the momentary terror, you find that the face is as sweet and loving as that of the mother who used to bend over your childhood crib, and that the eyes resting on you are soft and winning, and deep with an infinite tenderness beyond all ever seen before. And then your heart leaps up in an answering love, as if now at last its quest were ended and it had found an object worthy of all its loving worship.

The Soul Enshrining the Deity

And so it really is. There is a hunger in the human soul unsatisfied by all the joys that creatures can bestow. There is a love best appreciated when the eyes are closed, and mentioned only with bated breath, as something too sacred to be conversed about in common tones. It is the love of God, surpassing the love of woman, and its joys transcend the bliss of the mother and her smiling babe, of the bridegroom and his bride, of the faithful pair that have seen their golden jubilee of wedded life. Searching for this love we ever tend to make gods of our fellow-creatures. But no creature can remain our God for long, and left without a God we become again unhappy and restless.

“We seek Him down the nights and down the days;
We seek Him down the arches of the years.”

And at last, Augustine-like, we find Him within – God, the Holy Ghost; and, as Catherine of Siena, building a little chapel in the soul we worship Him there with fervor for evermore. Now is our God always with us, embracing, caressing us in the sacred privacy of love’s communion: “I to my Beloved, and His turning is toward me.”

The old charm of selfishness is gone now. From morn till night we are under the eyes of the God Who loves us. The most trifling infidelity is now become an unpardonable crime, as if grieving the Holy Spirit were the same with neglecting the slightest wish of the dear invalid whose sensitive, restless eyes ever follow the nurse moving about the sick-room. A venial sin seems like a sacrilege now, as if we were close to the Tabernacle, or at the altar-rail. Dreadfully wearing all this! some-one says. Ah! but the reward. Who can describe the joys of the saint? On the edge of the sun-scorched desert is the cool wood with its heavy leaves, and its damp moss, and its running stream. And here, far from the worry of creatures and the taint of sin, the soul finds rest and peace and a Divine Comforter. And that dear solitude is loved as no other spot on earth. In the shadow, unseen of men, here within my heart, God dwells with me and I with Him. No pulse of mine can beat, no breath be drawn, but He knows it. I live, now not I, but He lives within me. And sooner than lose that sweet consciousness of His Presence, that sense of His watchful eye, I would suffer the bitterest pain. For with Him pain is paradise, and without Him life is a dreary torment.

Obedience to Inspirations

But mere loving attention to the fact of God’s indwelling is not the last of our relationship with Him. The will must enter actively into our intimacy, our contemplation must be that of faithful servants, whose eyes are bent upon their master’s hands, and who await only the signal to obey with alacrity and exactness. If, then, our devotion to the Holy Spirit be real, it will imply ready and perfect obedience to His inspirations. And as attention to Him is the perfection of the life of prayer, so obedience to His inspirations is the perfection of the active life. For what are the gifts of the Holy Spirit if not habits of soul disposing us to do God’s will promptly and perfectly.

Consideration of this simple truth may help us to realize the true ideal of spiritual direction, namely, that God is the supreme director of souls, and that all human consultation is of use in proportion as it leads to the recognition and fulfillment of the Divine Will. We need to be instructed and perhaps encouraged by others, but we must also make large use of our own enlightened common sense, and the impulses of grace in our souls. The frequent advice of others may be perfectly in- dispensable to our success, and consequently is to be sought; but we should not neglect opportunities of useful work, merely because no one has suggested our embracing them. Nor can we always have a director within call, unless indeed it be the indwelling Spirit. And therefore the best direction is that which trains men in prompt and spontaneous fidelity to the guidance of God’s Holy Spirit, as the normal spiritual life is that wherein the soul, instead of merely shaping itself on the minute details of a model provided by an adviser, uses its own intelligence to recognize, and its own will to execute, God’s particular designs in its regard. How simple in sublimity the rule of life which has for its supreme principle the conscience, instructed by authoritative teaching, and energized by the promptings of the Holy Spirit!

Safety in External Standards

But does this not render the individual lawless and his conduct arbitrary? In the spiritual life, thus conceived, there must be danger of pride, fanaticism, vagrant fancies, illusions, and the worst possible self-deception. That is true; and ruin would be imminent were there no balance, no corrective, no external standard of guidance. Here, as always, the beautiful symmetry of Catholic doctrine is manifested, and its unity made evident. The inner promptings of the voice of God are to be tested by their harmony with the external direction of authority. God will not contradict Himself; the less obvious and certain direction is to be corrected by the clearer. Hence, in case of conflict, the supposed inspiration must always give way to the explicit direction of lawfully constituted authority. This rule has been well illustrated in the lives of saints like Teresa, who professed that they would obey the command of a lawful superior more readily than they would follow any interior suggestion, though it seemed clearly to proceed from the Holy Spirit. Thus it is that fidelity to the integral Catholic ideal has ever enabled men to steer safely between the fatal alternatives of fanaticism and indolent passivity. The plumb-line of the mason, the rudder of a ship, the beacon on a lee-shore, external authority constantly guides and directs the human activity initiated perhaps by an internal prompting, but liable to end in disaster if it neglects the corrective of direction from without. For the demon may whisper within us in the guise of an angel of light. Obeying legitimate superiors, however, we cannot go astray. The wall will be true to a hair’s breadth, the ship will safely weather the foam-bathed rocks; and it is the certainty of being thus guarded against danger which enables the loyal Catholic to work out God’s plan with untroubled serenity.

Fidelity to Inspirations

All this is certain; but we must not forget that God’s plan is a harmony, that in the perfect observance of inner and outer lies the fulfilling of the law. To work lawlessly were crime. To work only when expressly commanded by external authority were indolence. The danger-signals and the limits of progress are marked from without; the impulse to act is often from within. The careful watch of lawfully constituted guardians, like the swaddling-clothes of infancy, protects against fatal chill; but the Christian, like the babe, lives not in virtue of swaddling-clothes alone. Faithful and energetic correspondence to the Will of God, manifested externally by superiors or by circumstances, and hearty cooperation with the suggestions of the indwelling Spirit – both are necessary elements in the building up of God’s household. The Gentile missions of Paul, the reformed foundations of Teresa, the new institute of Ignatius, were deeds inspired by secret whispers that the Divine Master communicated to these saints in the privacy of their own souls. External authority did not give birth to these movements. What it did, and did thoroughly, was to provide against all possibility of disaster.

Many a one, no doubt, is ready to say: “But I never have any such inspirations. I never hear the voice of God within my soul.” Cleanse away sin, shut out the world, purify self-love, and then listen. Why, to the worst of men God whispers His admonitions through the voice of conscience, and it must be that He will speak more often and more explicitly to souls sanctified by grace. If we are attentive we shall certainly not fail to receive suggestions from Him. If we are faithful to the light given, it will go on always increasing. Evening and morning, at our going out and at our coming in, now amid the bustle of daily duties and now in the retirement of a church, the good impulse may be felt. Sometimes an inclination to prayer and again a summons to action, first a call to mortification and then to kindness, this time the suggestion of a pleasant duty and later on one that is bitterly repugnant – so the motions of the Spirit vary as he listeth. But they gather about our pathway, ever and always – at one time as a soothing dew and again as a scorching fire, now as soft, low music, and now as the trumpet-call to battle – for all ways are His. He is ever beside us, ever within us, and His inspirations fall athwart our souls as constantly as the long shadows on the quiet surface of a mountain lake. So Jesus with the disciples trained them for their work. So, instructed by the guiding Spirit, the Apostolic twelve revolutionized the world. Ever contemplating and ever obeying God, we, too, will be transformed into some greater likeness to Him, as friends dwelling together for years grow to resemble one another.

Spiritual Perfection the Result

The result of this devotion is, in one word, Perfection. Its examples are the saints who in every age and land, with an infinite variety of dispositions and faculties, have learned to become perfect instruments of the God abiding in their souls. They have exhibited in fullness those gifts and graces which are the proper fruits of devotion to the Holy Spirit: wisdom, understanding, knowledge, counsel, piety, fortitude, fear, charity, joy, peace, patience, benignity, goodness, longanimity, mildness, faith, modesty, continency, chastity – gifts and graces in which every good Christian shares to some extent, but which are capable of indefinite and lasting increase. Thus will our lives be rounded out and perfected if we, too, learn to love the Spirit of God and faithfully follow His guidance. For are not all other things for the sake of this, the visible on account of the invisible? Surely it is so. And the ultimate end of human existence is but the perfecting of the relationship begun by the Holy Spirit’s entrance into the soul.

Many times the pursuit of this ideal will conflict with prevalent notions and cherished traditions perhaps, but it must be pursued faithfully none the less. The world will move, be the denials of that fact ever so numerous and loud. And as it moves, God inclines men first in this direction and then in another. Human wills must be free and ready to follow the divine. Ad majorem Dei gloriam must be our ultimate principle of action, and it must stand supreme. “God first” was the interpretation given to this maxim by the saint who has made it a household word among modern Catholics, and the Exercises he invented were framed to train the soul so that, purged of attachment to minor goods and means, it might ever aim at whole-hearted loyalty to the Supreme Good, the end of its existence, and always elect to follow him.

The Devotion Especially Suited to Our Day

There is more than one reason why it seems as though devotion to the Holy Spirit were especially suited for our age, and above all for the people of this country – earnest, intelligent, active and liberty-loving. Mindful of the significance of those acts of the Holy Father which officially bear upon the whole Christian world, we may well consider his directions to be a heaven-sent indication of the spiritual ideals that will best avail for the perfecting of the existing social order. In consecrating the whole human race to “the Sacred Heart, the symbol and sensible image of the infinite love of Jesus Christ,” he has directed attention toward that devotion which attaches men most firmly to the person of Him Who is their Way, their Truth and their Life. In renewing devotion to the Holy Spirit, he has influenced men to turn their thoughts inward and learn the ineffable dignity of the life of grace, and he has encouraged that love of internal personal religion, that loyalty to the inner promptings of grace, that cultivation of the highest form of prayer, and that sense of individual freedom and individual responsibility so well fostered by this devotion, and in default of which vital spirituality is so likely to decay.

A Guard Against Spiritual Dangers

“I have long thought,” said Cardinal Manning, “that the secret but real cause of the so-called Reformation was that the office of the Holy Ghost had been much obscured in popular belief.” But the new religionists brought about a far worse state of affairs- Making no headway themselves, they still obstructed the path of others. For wild fanaticism such as they displayed was the one thing most likely to discourage authority from reposing confidently in the personal fidelity of the subject. Catholics were forced to concentrate all resources on the defence of points attacked. External authority Was of necessity emphasized most strongly and became all dominant, while individual initiative in action and individual freedom in methods were suspected to be, and often developed into, the false and fanatical vagaries of heresy.

But today the siege is nigh over. Protestantism has all but completed its process of self-disintegration, and now the evil most to be feared is indifferentism and infidelity. To this our century tends, as is evident, and the national genius of our own country is such that naturalism, as the Holy Father has warned us, is the point of danger. And how thoroughly is this danger counteracted by the two great devotions which the Pontiff has seen fit to commend so specially – devotion to the sacred symbol of the God-Man’s love for us, and devotion to the indwelling of the Holy Spirit! We tend to humanism, therefore our natural bent is caught and directed upward to the transfixed Heart of the Saviour of Mankind. Again, we tend to exaggerate liberty, our sacred birthright – that liberty of which the Pontiff wrote, “it is the greatest of man’s natural gifts” – and therefore devotion to the Holy Spirit is commended, that human liberty may be bound in the chains of divine love, and made over to God in the free and spontaneous consecration of our wills to the will of the Divinity reigning within us. Thus has the highest authority in the Church stamped his supreme approval on a devotion which already had been marked as specially fitted for our day by the decree of the Baltimore Council, by the action of the American College at Rome, by the books and pamphlets and burning speeches of cardinals, archbishops, bishops and saintly priests throughout the English-speaking world. What indeed can be better adapted to bring about that desire so dear to the venerable Pontiff’s heart and so repeatedly mentioned in his letters – the renewal of Christian life in human society and the reconciliation to the faith of all those outside the Church? Surely the finger of God points out this devotion as one which, earnestly cultivated, will lead all dissenters into the Catholic fold and inspire all Catholics to lives of sanctity.

Each of us, then, may feel specially called to cherish it. How greatly it helps to simplify our lives! Neither badge, medal nor affiliation is necessary to its practice; the sole equipment is a lovingly attentive heart, and this all Christians may lay claim to, if they will, in any place, at any time, and under any circumstances. Love and obey the Spirit, His outer and inner voice, and it is enough. As a pillar of cloud and a pillar of fire, He will lead you on and into the land of promise. The glad spring sunshine, the grateful perfume of the pine woods, the murmurs of splashing fountains – none of these is delightful compared to the gracious caress and the sweet whisper of the indwelling Spirit, the Spouse of our souls. It was once a custom in Catholic countries to symbolize the advent of the Holy Ghost at Pentecost by letting fragrant blossoms and lighted fleece fall from the ceiling of the church. Well did those symbols recall the love and light bestowed on those who become His disciples.

Among the splendid old hymns that have thrilled the church for centuries there is one, the “Veni, Creator Spiritus,” unique in its wonderful history. To the echo of its music kings have been anointed and emperors crowned. While its cry went up from the kneeling thousands, bishops have knelt beneath the consecrating oil, priests have been ordained, and temples erected to God. Under its inspiration spotless souls have consecrated their chastity to Christ, preachers have stirred sinners to lifelong penitence, and showers of Pentecostal grace have flowed down on men. May it find new echo within each Catholic soul today! Veni, Creator Spiritus! May His advent each Pentecost awaken us to the joyous consciousness that He is come indeed, and is abiding within us, never more to depart until in Heaven our eyes open to gaze eternally upon His uncovered Face!

SOURCE : https://catholicsaints.info/devotion-to-the-holy-spirit-by-father-joseph-mcsorley-c-s-p/

Unknown Miniaturist, French (active 12th century in Limoges), Pentecost, XIIe siècle, miniature sur parchemin, Bibliothèque nationale de France


Pentecoste

28 maggio (celebrazione mobile)

Per gli Ebrei è la festa che ricorda il giorno in cui sul Monte Sinai, Dio diede a Mosè le tavole della Legge.  Per la Chiesa Cattolica è la festa che ricorda la discesa dello Spirito Santo sugli Apostoli.

Martirologio Romano: Giorno di Pentecoste, in cui si conclude il tempo sacro dei cinquanta giorni di Pasqua e, con l’effusione dello Spirito Santo sui discepoli a Gerusalemme, si fa memoria dei primordi della Chiesa e dell’inizio della missione degli Apostoli fra tutte le tribù, lingue, popoli e nazioni.

Origini della festa

Presso gli Ebrei la festa era inizialmente denominata “festa della mietitura” e “festa dei primi frutti”; si celebrava il 50° giorno dopo la Pasqua ebraica e segnava l’inizio della mietitura del grano; nei testi biblici è sempre una gioiosa festa agricola.

È chiamata anche “festa delle Settimane”, per la sua ricorrenza di sette settimane dopo la Pasqua; nel greco ‘Pentecoste’ significa 50ª giornata. Il termine Pentecoste, riferendosi alla “festa delle Settimane”, è citato in Tobia 2,1 e 2 Maccabei, 12, 31-32..

Quindi lo scopo primitivo di questa festa, era il ringraziamento a Dio per i frutti della terra, cui si aggiunse più tardi, il ricordo del più grande dono fatto da Dio al popolo ebraico, cioè la promulgazione della Legge mosaica sul Monte Sinai.

Secondo il rituale ebraico, la festa comportava il pellegrinaggio di tutti gli uomini a Gerusalemme, l’astensione totale da qualsiasi lavoro, un’adunanza sacra e particolari sacrifici; ed era una delle tre feste di pellegrinaggio (Pasqua, Capanne, Pentecoste), che ogni devoto ebreo era invitato a celebrare a Gerusalemme.

La discesa dello Spirito Santo

L’episodio della discesa dello Spirito Santo è narrato negli Atti degli Apostoli, cap. 2; gli apostoli insieme a Maria, la madre di Gesù, erano riuniti a Gerusalemme nel Cenacolo, probabilmente della casa della vedova Maria, madre del giovane Marco, il futuro evangelista, dove presero poi a radunarsi abitualmente quando erano in città; e come da tradizione, erano affluiti a Gerusalemme gli ebrei in gran numero, per festeggiare la Pentecoste con il prescritto pellegrinaggio.

“Mentre stava per compiersi il giorno di Pentecoste, si trovavano tutti insieme nello stesso luogo. Venne all’improvviso dal cielo un rombo, come di vento che si abbatte gagliardo e riempì tutta la casa dove si trovavano.

Apparvero loro lingue di fuoco, che si dividevano e si posarono su ciascuno di loro; ed essi furono tutti pieni di Spirito Santo e cominciarono a parlare in altre lingue, come lo Spirito dava loro di esprimersi.
Si trovavano allora in Gerusalemme giudei osservanti, di ogni Nazione che è sotto il cielo. Venuto quel fragore, la folla si radunò e rimase sbigottita, perché ciascuno li sentiva parlare nella propria lingua.

Erano stupefatti e, fuori di sé per lo stupore, dicevano: ‘Costoro che parlano non sono forse tutti Galilei? E com’è che li sentiamo ciascuno parlare la nostra lingua nativa?…”.

Il passo degli Atti degli Apostoli, scritti dall’evangelista Luca in un greco accurato, prosegue con la prima predicazione dell’apostolo Pietro, che unitamente a Paolo, narrato nei capitoli successivi, aprono il cristianesimo all’orizzonte universale, sottolineando l’unità e la cattolicità della fede cristiana, dono dello Spirito Santo.

Lo Spirito Santo

È il nome della terza persona della SS. Trinità, principio di santificazione dei fedeli, di unificazione della Chiesa, di ispirazione negli autori della Sacra Scrittura. È colui che assiste il magistero della Chiesa e tutti i fedeli nella conoscenza della verità (è detto anche ‘Paraclito’, cioè ‘Consolatore’).

L’Antico Testamento, non contiene una vera e propria indicazione sullo Spirito Santo come persona divina. Lo “spirito di Dio”, vi appare come forza divina che produce la vita naturale cosmica, i doni profetici e gli altri carismi, la capacità morale di obbedire ai comandamenti.

Nel Nuovo Testamento, lo Spirito appare talora ancora come forza impersonale carismatica. Insieme però, avviene la rivelazione della ‘personalità’ e della ‘divinità’ dello Spirito Santo, specialmente nel Vangelo di san Giovanni, dove Gesù afferma di pregare il Padre perché mandi il Paraclito, che rimanga sempre con i suoi discepoli e li ammaestri nella verità (Giov. 14-16) e in san Paolo, dove la dottrina dello Spirito Santo è congiunta con quella della divina redenzione.

Il magistero della Chiesa insegna che la terza Persona procede dalla prima e dalla seconda, come da un solo principio e come loro reciproco amore; che lo Spirito Santo è inviato per via di ‘missione’ nel mondo, e che esso ‘inabita’ nell’anima di chi possiede la Grazia santificante.

Concesso a tutti i battezzati (1 Corinzi, 12, 13), lo Spirito fonda l’uguale dignità di tutti i credenti. Ma nello stesso tempo, in quanto conferisce carismi e ministeri diversi, l’unico Spirito, costruisce la Chiesa con l’apporto di una molteplicità di doni.

L’insegnamento tradizionale, seguendo un testo di Isaia (11, 1 sgg.) enumera sette doni particolari, sapienza, intelletto, consiglio, fortezza, scienza, pietà e timore di Dio. Essi sono donati inizialmente con la grazia del Battesimo e confermati dal Sacramento della Cresima.

Simbologia

Lo Spirito Santo, rarissimamente è stato rappresentato sotto forma umana; mentre nell’Annunciazione e nel Battesimo di Gesù è sotto forma di colomba, e nella Trasfigurazione è come una nube luminosa.
Ma nel Nuovo Testamento, lo Spirito divino è esplicitamente indicato, come lingue di fuoco nella Pentecoste e come soffio nel Vangelo di Giovanni (20, 22); “Gesù disse loro di nuovo: Pace a voi! Come il Padre ha mandato me, anch’io mando voi. Dopo aver detto questo, soffiò su di loro e disse: Ricevete lo Spirito Santo; a chi rimetterete i peccati, saranno rimessi e a chi non li rimetterete, resteranno non rimessi”.

Lo Spirito Santo, più volte preannunciato nei Vangeli da Gesù, è stato soprattutto assimilato al fuoco che come l’acqua è simbolo paradossale di vita e di morte.

In tutte le religiosità, il fuoco ha un posto fondamentale nel culto ed è spesso simbolo della divinità e come tale adorato. Il dio sumerico del fuoco, Gibil, era considerato portatore di luce e di purificazione; a Roma c’era una fiamma sempre accesa custodita dalle Vestali, simbolo di vita e di forza.

Nell’Antico Testamento, Dio si rivela a Mosè sotto forma di fuoco nel roveto ardente che non si consuma; nella colonna di fuoco Dio Illumina e guida il popolo ebraico nelle notti dell’Esodo; durante la consegna delle Tavole della Legge a Mosè, per la presenza di Dio il Monte Sinai era tutto avvolto da fuoco.

Nelle visioni profetiche dell’Antico Testamento, il fuoco è sempre presente e Dio apparirà alla fine dei tempi con il fuoco e farà giustizia su tutta la terra; anche nel Nuovo Testamento, Giovanni Battista annuncia Gesù come colui che battezza in Spirito Santo e fuoco (Matteo, 3, 11).

La Pentecoste nel cristianesimo

I cristiani inizialmente chiamarono Pentecoste, il periodo di cinquanta giorni dopo la Pasqua. A quanto sembra, fu Tertulliano, apologista cristiano (155-220), il primo a parlarne come di una festa particolare in onore dello Spirito Santo. Alla fine del IV secolo, la Pentecoste era una festa solenne, durante la quale era conferito il Battesimo a chi non aveva potuto riceverlo durante la veglia pasquale.

Le costituzioni apostoliche testimoniano l’Ottava di Pentecoste per l’Oriente, mentre in Occidente compare in età carolingia. L’Ottava liturgica si conservò fino al 1969; mentre i giorni festivi di Pentecoste furono invece ridotti nel 1094, ai primi tre giorni della settimana; ridotti a due dalle riforme del Settecento.

All’inizio del XX secolo, fu eliminato anche il lunedì di Pentecoste, che tuttavia è conservato come festa in Francia e nei Paesi protestanti.

La Chiesa, nella festa di Pentecoste, vede il suo vero atto di nascita d’inizio missionario, considerandola insieme alla Pasqua, la festa più solenne di tutto il calendario cristiano.

La Pentecoste nell’arte

Il tema della Pentecoste, ha una vasta iconografia, particolarmente nell’arte medioevale, che fissò l’uso di raffigurare lo Spirito Santo che discende sulla Vergine e sugli apostoli nel Cenacolo, sotto la forma simbolica di lingue di fuoco e non di colomba.

Lo schema compositivo richiama spesso quello dell’Ultima Cena, trovandosi nello stesso luogo, cioè il Cenacolo, e lo stesso gruppo di persone: Gesù è sostituito da Maria e il posto lasciato vuoto da Giuda viene occupato da Mattia.

Viene così a comunicarsi il valore dell’unità dell’aggregazione e successione apostolica, oltre che la sua disposizione a raggiungere i confini del mondo.

Nella Liturgia

Lo Spirito Santo viene invocato nel conferimento dei Sacramenti e da vero protagonista nel Battesimo e nella Cresima e con liturgia solenne nell’Ordine Sacro; e in ogni cerimonia liturgica, ove s’implora l’aiuto divino, con il magnifico e suggestivo inno del “Veni Creator”, il cui testo in latino è incomparabile.

Nella solennità di Pentecoste si recita la Sequenza, il cui testo della più alta innologia liturgica, si riporta a conclusione di questa scheda come preghiera, meditazione, invocazione allo Spirito Santo.

Veni creator

Veni, creator Spiritus,

mentes tuorum visita,
imple superna gratia
quae tu creasti pectora.

Qui diceris Paraclitus,
donum Dei altissimi,
fons vivus, ignis, caritas
et spiritalis unctio.

Tu semptiformis munere,
dextrae Dei tu digitus,
tu rite promissum Patris
sermone ditans guttura.

Accende lumen sensibus,
infunde amorem cordibus,
infirma nostri corporis
virtute firmans perpeti.

Hostem repellas longius
pacemque dones protinus;
ductore sic te praevio
vitemus omne noxium.

Per te sciamus da Patrem,
noscamus atque Filium,
te utriusque Spiritum
credamus omni tempore.
Amen.

Vieni Santo Spirito (Sequenza)

Vieni, Santo Spirito,
manda a noi dal cielo
un raggio della tua luce.

Vieni padre dei poveri,
vieni datore dei doni,
vieni, luce dei cuori.

Consolatore perfetto,
ospite dolce dell’anima,
dolcissimo sollievo.

Nella fatica, riposo,
nella calura, riparo,
nel pianto conforto.

O luce beatissima,
invadi nell’intimo
il cuore dei tuoi fedeli.

Senza la tua forza,
nulla è nell’uomo,
nulla senza colpa.

Lava ciò che è sordido,
bagna ciò che è arido,
sana ciò che sanguina.

Piega ciò che è rigido,
scalda ciò che è gelido,
sana ciò ch’è sviato.

Dona ai tuoi fedeli
che solo in te confidano
i tuoi santi doni

Dona virtù e premio,
dona morte santa,

dona gioia eterna.
Amen.

Autore: Antonio Borrelli

SOURCE : https://www.santiebeati.it/dettaglio/20266

Arnau Bassa  (–1348), Pentecosta, Il·luminació al foli 160v, del Llibre d'hores de Maria de Navarra, 1337, Manuscrit il·luminat, 17 x 11.3, Biblioteca Marciana, Venècia, Itàlia


Arnau Bassa  (–1348), Pentecosta, Il·luminació al foli 160v, del Llibre d'hores de Maria de Navarra, 1337, Manuscrit il·luminat, 17 x 11.3, Biblioteca Marciana, Venècia, Itàlia

BENEDETTO XVI

UDIENZA GENERALE

Piazza San Pietro
Mercoledì, 16 maggio 2012

Cari fratelli e sorelle,

nelle ultime catechesi abbiamo riflettuto sulla preghiera negli Atti degli Apostoli, oggi vorrei iniziare a parlare della preghiera nelle Lettere di san Paolo, l’Apostolo delle genti. Anzitutto vorrei notare come non sia un caso che le sue Lettere siano introdotte e si chiudano con espressioni di preghiera: all’inizio ringraziamento e lode, e alla fine augurio affinché la grazia di Dio guidi il cammino delle comunità a cui è indirizzato lo scritto. Tra la formula di apertura: «ringrazio il mio Dio per mezzo di Gesù Cristo» (Rm 1,8), e l’augurio finale: la «grazia del Signore Gesù Cristo sia con tutti voi» (1Cor 16,23), si sviluppano i contenuti delle Lettere dell’Apostolo. Quella di san Paolo è una preghiera che si manifesta in una grande ricchezza di forme che vanno dal ringraziamento alla benedizione, dalla lode alla richiesta e all’intercessione, dall’inno alla supplica: una varietà di espressioni che dimostra come la preghiera coinvolga e penetri tutte le situazioni della vita, sia quelle personali, sia quelle delle comunità a cui si rivolge.

Un primo elemento che l’Apostolo vuole farci comprendere è che la preghiera non deve essere vista come una semplice opera buona compiuta da noi verso Dio, una nostra azione. E’ anzitutto un dono, frutto della presenza viva, vivificante del Padre e di Gesù Cristo in noi. Nella Lettera ai Romani scrive: «Allo stesso modo anche lo Spirito viene in aiuto alla nostra debolezza: non sappiamo infatti come pregare in modo conveniente, ma lo Spirito stesso intercede con gemiti inesprimibili» (8,26). E sappiamo come è vero quanto dice l'Apostolo: «Non sappiamo come pregare in modo conveniente». Vogliamo pregare, ma Dio è lontano, non abbiamo le parole, il linguaggio, per parlare con Dio, neppure il pensiero. Solo possiamo aprirci, mettere il nostro tempo a disposizione di Dio, aspettare che Lui ci aiuti ad entrare nel vero dialogo. L'Apostolo dice: proprio questa mancanza di parole, questa assenza di parole, eppure questo desiderio di entrare in contatto con Dio, è preghiera che lo Spirito Santo non solo capisce, ma porta, interpreta, presso Dio. Proprio questa nostra debolezza diventa, tramite lo Spirito Santo, vera preghiera, vero contatto con Dio. Lo Spirito Santo è quasi l'interprete che fa capire a noi stessi e a Dio che cosa vogliamo dire.

Nella preghiera noi sperimentiamo, più che in altre dimensioni dell’esistenza, la nostra debolezza, la nostra povertà, il nostro essere creature, poiché siamo posti di fronte all’onnipotenza e alla trascendenza di Dio. E quanto più progrediamo nell’ascolto e nel dialogo con Dio, perché la preghiera diventi il respiro quotidiano della nostra anima, tanto più percepiamo ancheil senso del nostro limite, non solo davanti alle situazioni concrete di ogni giorno, ma anche nello stesso rapporto con il Signore. Cresce allora in noi il bisogno di fidarci, di affidarci sempre più a Lui; comprendiamo che «non sappiamo… come pregare in modo conveniente» (Rm 8,26). Ed è lo Spirito Santo che aiuta la nostra incapacità, illumina la nostra mente e scalda il nostro cuore, guidando il nostro rivolgerci a Dio. Per san Paolo la preghiera è soprattutto operare dello Spirito nella nostra umanità, per farsi carico della nostra debolezza e trasformarci da uomini legati alle realtà materiali in uomini spirituali. Nella Prima Lettera ai Corinti dice: «Ora, noi non abbiamo ricevuto lo spirito del mondo, ma lo Spirito di Dio per conoscere ciò che Dio ci ha donato. Di queste cose noi parliamo, con parole non suggerite dalla sapienza umana, bensì insegnate dallo Spirito, esprimendo cose spirituali in termini spirituali» (2,12-13). Con il suo abitare nella nostra fragilità umana, lo Spirito Santo ci cambia, intercede per noi, ci conduce verso le altezze di Dio (cfr Rm 8,26).

Con questa presenza dello Spirito Santo si realizza la nostra unione a Cristo, poiché si tratta dello Spirito del Figlio di Dio, nel quale siamo resi figli. San Paolo parla dello Spirito di Cristo (cfr Rm 8,9), non solo dello Spirito di Dio. E' ovvio: se Cristo è il Figlio di Dio, il suo Spirito è anche Spirito di Dio e così se lo Spirito di Dio, Spirito di Cristo, divenne già molto vicino a noi nel Figlio di Dio e Figlio dell'uomo, lo Spirito di Dio diventa anche spirito umano e ci tocca; possiamo entrare nella comunione dello Spirito. E' come se dicesse che non solamente Dio Padre si è fatto visibile nell’Incarnazione del Figlio, ma anche lo Spirito di Dio si manifesta nella vita e nell’azione di Gesù, di Gesù Cristo, che ha vissuto, è stato crocifisso, è morto e risorto. L’Apostolo ricorda che «nessuno può dire “Gesù è Signore”, se non sotto l’azione dello Spirito Santo» (1Cor 12,3). Dunque lo Spirito orienta il nostro cuore verso Gesù Cristo, in modo che «non siamo più noi a vivere, ma Cristo vive in noi» (cfr Gal 2,20). Nelle sue Catechesi sui Sacramenti, riflettendo sull’Eucaristia, sant’Ambrogio afferma: «Chi si inebria dello Spirito è radicato in Cristo» (5, 3, 17: PL 16, 450).

E vorrei adesso evidenziare tre conseguenze nella nostra vita cristiana quando lasciamo operare in noi non lo spirito del mondo, ma lo Spirito di Cristo come principio interiore di tutto il nostro agire.

Anzitutto con la preghiera animata dallo Spirito siamo messi in condizione di abbandonare e superare ogni forma di paura o di schiavitù, vivendo l’autentica libertà dei figli di Dio. Senza la preghiera che alimenta ogni giorno il nostro essere in Cristo, in una intimità che cresce progressivamente, ci troviamo nella condizione descritta da san Paolo nella Lettera ai Romani: non facciamo il bene che vogliamo, bensì il male che non vogliamo (cfr Rm 7,19). E questa è l'espressione dell'alienazione dell'essere umano, della distruzione della nostra libertà, per le circostanze del nostro essere per il peccato originale: vogliamo il bene che non facciamo e facciamo ciò che non vogliamo, il male. L’Apostolo vuole far capire che non è anzitutto la nostra volontà a liberarci da queste condizioni e neppure la Legge, bensì lo Spirito Santo. E poiché «dove c’è lo Spirito del Signore c’è libertà» (2Cor 3,17), con la preghiera sperimentiamo la libertà donata dallo Spirito: una libertà autentica, che è libertà dal male e dal peccato per il bene e per la vita, per Dio. La libertà dello Spirito, continua san Paolo, non s’identifica mai né con il libertinaggio, né con la possibilità di fare la scelta del male, bensì con il «frutto dello Spirito che è amore, gioia, pace, magnanimità, benevolenza, bontà, fedeltà, mitezza e dominio di sé» (Gal 5,22). Questa è la vera libertà: poter realmente seguire il desiderio del bene, della vera gioia, della comunione con Dio e non essere oppresso dalle circostanze che ci chiedono altre direzioni.

Una seconda conseguenza che si verifica nella nostra vita quando lasciamo operare in noi lo Spirito di Cristo è che il rapporto stesso con Dio diventa talmente profondo da non essere intaccato da alcuna realtà o situazione. Comprendiamo allora che con la preghiera non siamo liberati dalle prove o dalle sofferenze, ma possiamo viverle in unione con Cristo, con le sue sofferenze, nella prospettiva di partecipare anche della sua gloria (cfr Rm 8,17). Molte volte, nella nostra preghiera, chiediamo a Dio di essere liberati dal male fisico e spirituale, e lo facciamo con grande fiducia. Tuttavia spesso abbiamo l’impressione di non essere ascoltati e allora rischiamo di scoraggiarci e di non perseverare. In realtà non c’è grido umano che non sia ascoltato da Dio e proprio nella preghiera costante e fedele comprendiamo con san Paolo che «le sofferenze del tempo presente non ostacolano la gloria futura che sarà rivelata in noi» (Rm 8,18). La preghiera non ci esenta dalla prova e dalle sofferenze, anzi – dice san Paolo - noi «gemiamo interiormente aspettando l’adozione a figli, la redenzione del nostro corpo» (Rm 8, 26); egli dice che la preghiera non ci esenta dalla sofferenza ma la preghiera ci permette di viverla e affrontarla con una forza nuova, con la stessa fiducia di Gesù, il quale – secondo la Lettera agli Ebrei - «nei giorni della sua vita terrena offrì preghiere e suppliche con forti grida e lacrime, a Dio che poteva salvarlo dalla morte e, per il suo pieno abbandono a lui, venne esaudito» (5,7). La risposta di Dio Padre al Figlio, alle sue forti grida e lacrime, non è stata la liberazione dalle sofferenze, dalla croce, dalla morte, ma è stata un esaudimento molto più grande, una risposta molto più profonda; attraverso la croce e la morte Dio ha risposto con la risurrezione del Figlio, con la nuova vita. La preghiera animata dallo Spirito Santo porta anche noi a vivere ogni giorno il cammino della vita con le sue prove e sofferenze, nella piena speranza, nella fiducia in Dio che risponde come ha risposto al Figlio.

E, terzo, la preghiera del credente si apre anche alle dimensioni dell’umanità e dell’intero creato, facendosi carico dell’«ardente aspettativa della creazione, protesa verso la rivelazione dei figli di Dio» (Rm 8,19). Questo significa che la preghiera, sostenuta dallo Spirito di Cristo che parla nell’intimo di noi stessi, non rimane mai chiusa in se stessa, non è mai solo preghiera per me, ma si apre alla condivisione delle sofferenze del nostro tempo, degli altri. Diventa intercessione per gli altri, e così liberazione da me, canale di speranza per tutta la creazione, espressione di quell’amore di Dio che è riversato nei nostri cuori per mezzo dello Spirito che ci è stato dato (cfr Rm 5,5). E proprio questo è un segno di una vera preghiera, che non finisce in noi stessi, ma si apre per gli altri e così mi libera, così aiuta per la redenzione del mondo.

Cari fratelli e sorelle, san Paolo ci insegna che nella nostra preghiera dobbiamo aprirci alla presenza dello Spirito Santo, il quale prega in noi con gemiti inesprimibili, per portarci ad aderire a Dio con tutto il nostro cuore e con tutto il nostro essere. Lo Spirito di Cristo diventa la forza della nostra preghiera «debole», la luce della nostra preghiera «spenta», il fuoco della nostra preghiera «arida», donandoci la vera libertà interiore, insegnandoci a vivere affrontando le prove dell’esistenza, nella certezza di non essere soli, aprendoci agli orizzonti dell’umanità e della creazione «che geme e soffre le doglie del parto» (Rm 8,22). Grazie.

Saluti:

Je salue les pèlerins francophones, en particulier les Frères du Sacré-Cœur, les Maronites de Cotonou, les fidèles venus d’Haïti et de la Réunion, les Amis de Madeleine Delbrel et tous les jeunes ! Puissiez-vous laisser l’Esprit habiter en vous et y imprimer le visage du Christ pour devenir libres et capables de vivre dans l’amour de Dieu et des autres. Bon pèlerinage à tous !

I greet all the English-speaking visitors present at today’s Audience, including those from, Ireland, India, Indonesia, Japan, the Philippines, Canada and the United States. I welcome in particular the pilgrimage groups from Australia. Upon you and your families I cordially invoke the joy and peace of the Risen Lord.
I am pleased to greet Cardinal Oscar Rodríguez Maradiaga, President of Caritas Internationalis, together with Members of the Executive Board and Representative Council. Your presence here today expresses your communion with the Successor of Peter and your readiness to welcome the new juridical framework of your organization. I thank you for this and I am certain that the new structures will support and encourage your important service to those most in need.

Von Herzen grüße ich die Pilger und Besucher aus den Ländern deutscher Sprache wie auch die Schüler aus den Niederlanden. Besonders danke ich auch der Blaskapelle von Dettingen für das schöne »Großer Gott«. Herzlichen Dank! Der Heilige Geist stärke und entflamme unser armseliges Gebet, er schenke uns die wahre Freiheit und das Licht, das Gute zu erkennen. Er geleite euch auf allen euren Wegen.

Saludo cordialmente a los grupos de lengua española, en particular al de la Institución Teresiana, en el centenario de su fundación y fiel servicio a la Iglesia, así como a los provenientes de España, México, Costa Rica, Guatemala, Argentina y otros países latinoamericanos. Invito a todos a pedir al Señor, que su Espíritu sea nuestra fuerza para afrontar las pruebas con la esperanza de estar radicados en Dios. Muchas gracias.

Amados peregrinos de língua portuguesa, em particular os vários grupos vindos do Brasil, cuja peregrinação se detém hoje junto do túmulo de São Pedro e neste Encontro com o seu Sucessor: Obrigado pela vossa presença e oração! A todos saúdo, confiando à Virgem Maria os vossos corações e os vossos passos para que neles se mantenha viva a luz de Deus. Para vós e vossas famílias, a minha Bênção!

Saluto in lingua polacca:

Witam uczestniczących w tej audiencji pielgrzymów polskich. Bracia i siostry, klękając do codziennej modlitwy bądźmy otwarci na działanie Ducha Świętego. Święty Paweł nam przypomina, że sam Duch wstawia się za nami w błaganiach, gdy nie umiemy się modlić tak, jak trzeba. Prośmy Chrystusa, by wspierał naszą modlitwę mocą swego Ducha, opromieniał ją swoim światłem, uczynił ją zgodną z wolą Bożą. Wam wszystkim tu obecnym i waszym bliskim z serca błogosławię.

Traduzione italiana:

Do il mio benvenuto ai pellegrini polacchi partecipanti a quest’udienza. Fratelli e sorelle, inginocchiandoci per la preghiera quotidiana ci apriamo all’azione dello Spirito Santo. San Paolo ci ricorda che è lo stesso Spirito a intercedere per noi con gemiti inesprimibili. Domandiamo a Cristo di sostenere la nostra preghiera con la potenza del Suo Spirito, di illuminarla con la Sua luce, di renderla conforme alla volontà di Dio. Benedico di cuore voi qui presenti e i vostri cari.

Saluto in lingua ceca:

Zdravím české poutníky na cestě víry k hrobům apoštolů a po stopách svatého Benedikta. Ať modlitba na těchto místech posílí vaši víru a naději.

Traduzione italiana

Saluto i pellegrini della Repubblica Ceca, in cammino di fede alle tombe degli Apostoli e ai luoghi di San Benedetto. Auspico che queste soste di preghiera rafforzino la vostra fede e sostengano la vostra speranza.

Saluto in lingua croata:

Radosno pozdravljam sve hrvatske hodočasnike, a osobito profesore i studente Visoke škole za međunarodne odnose i diplomaciju iz Zagreba. Dragi prijatelji, prošle nam je nedjelje Krist dao temelj svakog odnosa, a to je: Ljubite jedni druge kao što sam ja vas ljubio! Nosite ovu zapovijed u svom srcu i vršite je uvijek i na svakom mjestu. Hvaljen Isus i Marija!

Traduzione italiana:

Con gioia saluto tutti i pellegrini croati, particolarmente i docenti e studenti della Scuola superiore per i rapporti internazionali e di diplomazia di Zagabria. Cari amici, domenica scorsa Cristo ci ha dato il fondamento di ogni relazione, cioè: Amatevi gli uni gli altri, come io vi ho amati! Portate questo comandamento nel vostro cuore e praticatelo sempre e in ogni luogo. Siano lodati Gesù e Maria!

Saluto in lingua slovacca:

S láskou pozdravujem slovenských pútnikov, osobitne z farností Nové Mesto nad Váhom, Humenné, Tulčík, Žilina a Rajecká Lesná.
Bratia a sestry, Cirkev na Slovensku zajtra bude sláviť sviatok Nanebovstúpenia. Pán má pripravené miesto pre každého a očakáva nás. Tam, na nebeskú domovinu, nech sú nasmerované naše myšlienky i skutky.
Zo srdca vás žehnám.
Pochválený buď Ježiš Kristus!

Traduzione in italiano:

Saluto con affetto i pellegrini slovacchi, specialmente quelli provenienti dalle parrocchie di Nové Mesto nad Váhom, Humenné, Tulčík, Žilina e Rajecká Lesná.
Fratelli e sorelle, la Chiesa in Slovacchia domani celebrerà la festa dell’Ascensione. Il Signore ha preparato un posto per ognuno e ci attende. I nostri pensieri e le nostre opere siano rivolti verso la patria celeste.
Di cuore vi benedico.
Sia lodato Gesù Cristo!

Saluto in lingua ucraina:

Вітаю військовиків з України, учасників військового паломництва до Люрду, і заохочую їх великодушно трудитись для безпеки та миру, з радістю даючи свідчення Євангелію Христа.

Traduzione italiana

Saluto i militari provenienti dall’Ucraina, partecipanti al pellegrinaggio militare a Lourdes, e li incoraggio a lavorare generosamente per la sicurezza e la pace, testimoniando con gioia il Vangelo di Cristo. Cristo è risorto!

Saluto in lingua bulgara:

Поздравявам поклонниците от България. Скъпи приятели, поверявам вас и вашата Родина на Дева Мария: нека Нейното Непорочно Сърце винаги ви води в търсенето на истината и истинския мир. Да бъде хвален Исус Христос.

Traduzione italiana:

Saluto i pellegrini provenienti dalla Bulgaria. Cari amici affido voi e la vostra Patria alla Vergine Maria: il suo Cuore Immacolato vi guidi sempre nella ricerca della verità e dell’autentica pace. Sia lodato Gesù Cristo.

APPELLO

Ieri, martedì 15 maggio, si è celebrata la Giornata Internazionale delle Famiglie, istituita dalle Nazioni Unite e dedicata quest’anno all’equilibrio fra due questioni strettamente connesse: la famiglia e il lavoro. Quest’ultimo non dovrebbe ostacolare la famiglia, ma piuttosto sostenerla e unirla, aiutarla ad aprirsi alla vita e ad entrare in relazione con la società e con la Chiesa. Auspico, inoltre, che la Domenica, giorno del Signore e Pasqua della settimana, sia giorno di riposo e occasione per rafforzare i legami familiari.

* * *

Rivolgo ora un cordiale saluto ai pellegrini di lingua italiana, in particolare ai fedeli dell’Arcidiocesi de L’Aquila, accompagnati dal loro Pastore Mons. Giuseppe Molinari, come pure a quelli di Rocca Santo Stefano qui convenuti con il loro Vescovo Mons. Domenico Sigalini: invoco su ciascuno una rinnovata effusione di grazia divina per una sempre più feconda e lieta adesione a Cristo. Saluto i genitori e gli alunni della Scuola «Regina Apostolorum» delle Suore Francescane dell’Immacolata in Roma, ed auspico che continui con rinnovato slancio spirituale l’opera educativa e sociale iniziata cinquant’anni orsono. Saluto i sacerdoti e i diaconi del Collegio Urbano di Roma, assicurando la mia preghiera affinché siano rafforzati nei generosi propositi di fedeltà alla chiamata del Signore.

Il mio pensiero va ora ai rappresentanti della Comunità cattolica «Shalom». Cari amici, voi festeggiate il 30° anniversario di fondazione. Cari amici, grazie per la vostra presenza! Questa ricorrenza, come pure l’approvazione dei vostri statuti, siano di incoraggiamento a proseguire con entusiasmo nella testimonianza evangelica. Ma vedo già il vostro entusiasmo! Vi accompagno con la mia preghiera e la mia benedizione, affinché possiate essere gioiosi strumenti dell’amore e della misericordia di Dio tra quanti incontrate nel vostro impegno missionario.

Il mio pensiero si rivolge adesso ai giovani, ai malati ed agli sposi novelli. La Solennità dell’Ascensione del Signore, che domani celebreremo, ci invita a guardare a Gesù che, salendo al cielo, affida agli Apostoli il mandato di portare il suo messaggio di salvezza in tutto il mondo. Cari giovani, impegnatevi a mettere il vostro entusiasmo a servizio del Vangelo. Voi, cari malati, vivete le vostre sofferenze uniti al Signore, per offrire un contributo prezioso alla crescita del Regno di Dio. E voi, cari sposi novelli, testimoniate l’amore di Cristo con il vostro amore coniugale.

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SOURCE : https://www.vatican.va/content/benedict-xvi/it/audiences/2012/documents/hf_ben-xvi_aud_20120516.html

BENEDICTO XVI

AUDIENCIA GENERAL

Plaza de San Pedro
Miércoles 16 de mayo de 2012

La oración en las Cartas de san Pablo

Queridos hermanos y hermanas:

En las últimas catequesis hemos reflexionado sobre la oración en los Hechos de los Apóstoles, hoy quiero comenzar a hablar de la oración en las Cartas de san Pablo, el Apóstol de los gentiles. Ante todo, quiero notar cómo no es casualidad que sus Cartas comiencen y concluyan con expresiones de oración: al inicio, acción de gracias y alabanza; y, al final, deseo de que la gracia de Dios guíe el camino de la comunidad a la que está dirigida la carta. Entre la fórmula de apertura: «Doy gracias a mi Dios por medio de Jesucristo» (Rm 1, 8), y el deseo final: «La gracia del Señor Jesús esté con vosotros» (1 Co 16, 23), se desarrollan los contenidos de las Cartas del Apóstol. La oración de san Pablo se manifiesta en una gran riqueza de formas que van de la acción de gracias a la bendición, de la alabanza a la petición y a la intercesión, del himno a la súplica: una variedad de expresiones que demuestra cómo la oración implica y penetra todas las situaciones de la vida, tanto las personales como las de las comunidades a las que se dirige.

Un primer elemento que el Apóstol quiere hacernos comprender es que la oración no se debe ver como una simple obra buena realizada por nosotros con respecto de Dios, una acción nuestra. Es ante todo un don, fruto de la presencia viva, vivificante del Padre y de Jesucristo en nosotros. En la Carta a los Romanos escribe: «Del mismo modo el Espíritu acude en ayuda de nuestra debilidad, pues nosotros no sabemos orar como conviene, pero el Espíritu mismo intercede por nosotros con gemidos inefables» (8, 26). Y sabemos que es verdad lo que dice el Apóstol: «No sabemos orar como conviene». Queremos orar, pero Dios está lejos, no tenemos las palabras, el lenguaje, para hablar con Dios, ni siquiera el pensamiento. Sólo podemos abrirnos, poner nuestro tiempo a disposición de Dios, esperar que él nos ayude a entrar en el verdadero diálogo. El Apóstol dice: precisamente esta falta de palabras, esta ausencia de palabras, incluso este deseo de entrar en contacto con Dios, es oración que el Espíritu Santo no sólo comprende, sino que lleva, interpreta ante Dios. Precisamente esta debilidad nuestra se transforma, a través del Espíritu Santo, en verdadera oración, en verdadero contacto con Dios. El Espíritu Santo es, en cierto modo, intérprete que nos hace comprender a nosotros mismos y a Dios lo que queremos decir.

En la oración, más que en otras dimensiones de la existencia, experimentamos nuestra debilidad, nuestra pobreza, nuestro ser criaturas, pues nos encontramos ante la omnipotencia y la trascendencia de Dios. Y cuanto más progresamos en la escucha y en el diálogo con Dios, para que la oración se convierta en la respiración diaria de nuestra alma, tanto más percibimos incluso el sentido de nuestra limitación, no sólo ante las situaciones concretas de cada día, sino también en la misma relación con el Señor. Entonces aumenta en nosotros la necesidad de fiarnos, de abandonarnos cada vez más a él; comprendemos que «no sabemos orar como conviene» (Rm 8, 26). Y el Espíritu Santo nos ayuda en nuestra incapacidad, ilumina nuestra mente y calienta nuestro corazón, guiando nuestra oración a Dios. Para san Pablo la oración es sobre todo obra del Espíritu en nuestra humanidad, para hacerse cargo de nuestra debilidad y transformarnos de hombres vinculados a las realidades materiales en hombres espirituales. En la Primera Carta a los Corintios dice: «Nosotros hemos recibido un Espíritu que no es del mundo; es el Espíritu que viene de Dios, para que conozcamos los dones que de Dios recibimos. Cuando explicamos verdades espirituales a hombres de espíritu, no las exponemos en el lenguaje que enseña el saber humano, sino en el que enseña el Espíritu» (2, 12-13). Al habitar en nuestra fragilidad humana, el Espíritu Santo nos cambia, intercede por nosotros y nos conduce hacia las alturas de Dios (cf. Rm 8, 26).

Con esta presencia del Espíritu Santo se realiza nuestra unión con Cristo, pues se trata del Espíritu del Hijo de Dios, en el que hemos sido hecho hijos. San Pablo habla del Espíritu de Cristo (cf. Rm 8, 9) y no sólo del Espíritu de Dios. Es obvio: si Cristo es el Hijo de Dios, su Espíritu es también Espíritu de Dios, y así si el Espíritu de Dios, el Espíritu de Cristo, se hizo ya muy cercano a nosotros en el Hijo de Dios e Hijo del hombre, el Espíritu de Dios también se hace espíritu humano y nos toca; podemos entrar en la comunión del Espíritu. Es como si dijera que no solamente Dios Padre se hizo visible en la encarnación del Hijo, sino también el Espíritu de Dios se manifiesta en la vida y en la acción de Jesús, de Jesucristo, que vivió, fue crucificado, murió y resucitó. El Apóstol recuerda que «nadie puede decir “Jesús es Señor”, sino por el Espíritu Santo» (1 Co 12, 3). Así pues, el Espíritu orienta nuestro corazón hacia Jesucristo, de manera que «ya no somos nosotros quienes vivimos, sino que es Cristo quien vive en nosotros» (cf. Ga 2, 20). En sus Catequesis sobre los sacramentos, san Ambrosio, reflexionando sobre la Eucaristía, afirma: «Quien se embriaga del Espíritu está arraigado en Cristo» (5, 3, 17: pl 16, 450).

Y ahora quiero poner de relieve tres consecuencias en nuestra vida cristiana cuando dejamos actuar en nosotros, no el espíritu del mundo, sino el Espíritu de Cristo como principio interior de todo nuestro obrar.

Ante todo, con la oración animada por el Espíritu somos capaces de abandonar y superar cualquier forma de miedo o de esclavitud, viviendo la auténtica libertad de los hijos de Dios. Sin la oración que alimenta cada día nuestro ser en Cristo, en una intimidad que crece progresivamente, nos encontramos en la situación descrita por san Pablo en la Carta a los Romanos: no hacemos el bien que queremos, sino el mal que no queremos (cf. Rm 7, 19). Y esta es la expresión de la alienación del ser humano, de la destrucción de nuestra libertad, por las circunstancias de nuestro ser a causa del pecado original: queremos el bien que no hacemos y hacemos lo que no queremos, el mal. El Apóstol quiere darnos a entender que no es en primer lugar nuestra voluntad lo que nos libra de estas condiciones, y tampoco la Ley, sino el Espíritu Santo. Y dado que «donde está el Espíritu del Señor hay libertad» (2 Co 3, 17), con la oración experimentamos la libertad que nos ha dado el Espíritu: una libertad auténtica, que es libertad del mal y del pecado para el bien y para la vida, para Dios. La libertad del Espíritu, prosigue san Pablo, no se identifica nunca ni con el libertinaje ni con la posibilidad de optar por el mal, sino con el «fruto del Espíritu que es: amor, alegría, paz, paciencia, afabilidad, bondad, lealtad, modestia, dominio de sí» (Ga 5, 22). Esta es la verdadera libertad: poder seguir realmente el deseo del bien, de la verdadera alegría, de la comunión con Dios, y no ser oprimido por las circunstancias que nos llevan a otras direcciones.

Una segunda consecuencia que se verifica en nuestra vida cuando dejamos actuar en nosotros al Espíritu de Cristo es que la relación misma con Dios se hace tan profunda que no la altera ninguna realidad o situación. Entonces comprendemos que con la oración no somos liberados de las pruebas o de los sufrimientos, sino que podemos vivirlos en unión con Cristo, con sus sufrimientos, en la perspectiva de participar también de su gloria (cf. Rm 8, 17). Muchas veces, en nuestra oración, pedimos a Dios que nos libre del mal físico y espiritual, y lo hacemos con gran confianza. Sin embargo, a menudo tenemos la impresión de que no nos escucha y entonces corremos el peligro de desalentarnos y de no perseverar. En realidad, no hay grito humano que Dios no escuche, y precisamente en la oración constante y fiel comprendemos con san Pablo que «los sufrimientos de ahora no se pueden comparar con la gloria que un día se nos manifestará» (Rm 8, 18). La oración no nos libra de la prueba y de los sufrimientos; más aún —dice san Pablo— nosotros «gemimos en nuestro interior, aguardando la adopción filial, la redención de nuestro cuerpo» (Rm 8, 23); él dice que la oración no nos libra del sufrimiento, pero la oración nos permite vivirlo y afrontarlo con una fuerza nueva, con la misma confianza de Jesús, el cual —según la Carta a los Hebreos— «en los días de su vida mortal, a gritos y con lágrimas, presentó oraciones y súplicas al que podía salvarlo de la muerte, siendo escuchado por su piedad filial» (5, 7). La respuesta de Dios Padre al Hijo, a sus fuertes gritos y lágrimas, no fue la liberación de los sufrimientos, de la cruz, de la muerte, sino que fue una escucha mucho más grande, una respuesta mucho más profunda; a través de la cruz y la muerte, Dios respondió con la resurrección del Hijo, con la nueva vida. La oración animada por el Espíritu Santo nos lleva también a nosotros a vivir cada día el camino de la vida con sus pruebas y sufrimientos, en la plena esperanza, en la confianza en Dios que responde como respondió al Hijo.

Y, en tercer lugar, la oración del creyente se abre también a las dimensiones de la humanidad y de toda la creación, que, «expectante, está aguardando la manifestación de los hijos de Dios» (Rm 8, 19). Esto significa que la oración, sostenida por el Espíritu de Cristo que habla en lo más íntimo de nosotros mismos, no permanece nunca cerrada en sí misma, nunca es sólo oración por mí, sino que se abre a compartir los sufrimientos de nuestro tiempo, de los demás. Se transforma en intercesión por los demás, y así en mi liberación, en canal de esperanza para toda la creación, en expresión de aquel amor de Dios que ha sido derramado en nuestros corazones por medio del Espíritu que se nos ha dado (cf. Rm 5, 5). Y precisamente este es un signo de una verdadera oración, que no acaba en nosotros mismos, sino que se abre a los demás, y así me libera, así ayuda a la redención del mundo.

Queridos hermanos y hermanas, san Pablo nos enseña que en nuestra oración debemos abrirnos a la presencia del Espíritu Santo, el cual ruega en nosotros con gemidos inefables, para llevarnos a adherirnos a Dios con todo nuestro corazón y con todo nuestro ser. El Espíritu de Cristo se convierte en la fuerza de nuestra oración «débil», en la luz de nuestra oración «apagada», en el fuego de nuestra oración «árida», dándonos la verdadera libertad interior, enseñándonos a vivir afrontando las pruebas de la existencia, con la certeza de que no estamos solos, abriéndonos a los horizontes de la humanidad y de la creación «que gime y sufre dolores de parto» (Rm 8, 22). Gracias.

Saludos

Saludo cordialmente a los grupos de lengua española, en particular al de la Institución Teresiana, en el centenario de su fundación y fiel servicio a la Iglesia, así como a los provenientes de España, México, Costa Rica, Guatemala, Argentina y otros países latinoamericanos. Invito a todos a pedir al Señor, que su Espíritu sea nuestra fuerza para afrontar las pruebas con la esperanza de estar radicados en Dios. Muchas gracias.

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SOURCE : https://www.vatican.va/content/benedict-xvi/es/audiences/2012/documents/hf_ben-xvi_aud_20120516.html

Freska u kaloti krstionice, manastir Žiča, Srbija

Fresque médiévale représentant le Saint-Esprit sous la forme d'une colombe, monastère de ŽičaSerbie.


  ... SUR L'ESPRIT SAINT

Catéchisme de l'Eglise Catholique

Jean Paul II

Paul VI

Pie XII

Benoît XV

Léon XIII

Concile Vatican II

CATÉCHISME DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE:

Je crois en l'Esprit Saint

L'Eglise, Temple de l'Esprit Saint

L'Esprit et l'Eglise à la fin des temps

BENOÎT XVI

JEAN PAUL II

Dominum et Vivificantem (18 mai 1986)
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Redemptoris Missio (7 décembre 1990)
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Lettre aux Artistes, (4 avril 1999)
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Christifideles Laici (30 décembre 1988)
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Catéchèse sur les dons de l'Esprit Saint
"Regina Coeli" et "Angelus" prononcé par le Saint Père en 1989:

Réflexion sur les sept dons de l'Esprit Saint (2 avril 1989)
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Don de la Sagesse (9 avril 1989)
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Don de l'Intelligence (16 avril 1989) 
[AnglaisItalien]

Don de la Science (23 avril 1989) 
[AnglaisItalien]

Don du Conseil (7 mai 1989)
[AnglaisItalien]

Don de la Force (14 mai 1989) 
[AnglaisItalien]

Don de la Piété (28 mai 1989) 
[AnglaisItalien]

Don de la Crainte de Dieu (11 juin 1989)
[AnglaisItalien]

PAUL VI

Ecclesiam Suam (6 août 1964)
[AnglaisEspagnolFrançaisItalienPortugais]

Mysterium Fidei (3 septembre 1965)
[AnglaisFrançaisItalienPortugais]

Catéchèses du Pape Paul VI sur l'Esprit Saint
(Italien)

Perenne la presenza e l'azione dello Spirito Santo (12/10/1966)

Perenni e vitali doni della Pentecoste (17/05/1967)

Lo Spirito Santo "Fons vivus ignis caritas..." (26/05/1971)

Lo Spirito Santo animatore e santificatore della Chiesa (29/11/1972)

Un'esperienza spirituale che è un invito alla fede (10/05/1975)

Andare all'incontro con il Dio vivo (18/05/1975)

Dall'Ascensione alla Pentecoste (22/05/1977)

Ai ragazzi dell'Azione Cattolica (20/05/1978)

PIE XII

Message radio de Pentecôte (1er juin 1941)

BENOÎT XV

Spiritus Paraclitus (15 septembre 1920)
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LÉON XIII

Divinum Illud Munus (9 mai 1897)
[AnglaisEspagnol]

CONCILE VATICAN II

Décret "Ad Gentes" (7 décembre 1965)
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SOURCE : https://www.vatican.va/liturgical_year/pentecost/2006/pentecoste_fr.html#LEONE%20XIII